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Citations sur Une sortie honorable (104)

Le 29 avril 1975, les Américains se tirent, ils déménagent. (…)
Tout est mort. Alors, on se rue vers les derniers bateaux, les derniers hélicoptères, les derniers avions américains. Les pilotes trient les passagers, pistolet au poing. C’est la cohue. (…) Des milliers de gens partis sur des embarcations de fortune périront noyés. (…) Mais ne vous inquiétez pas, on a évacué la colonie américaine et les derniers Français. (…) Mais, vers la fin, le retrait fut piteux. Pour les retardataires, ce fut plus chaotique. Il y eut des foules pendues par grappes aux trains d’atterrissage ; et l’on vit l’ambassadeur d’Italie lui-même s’accrocher au grillage comme un vulgaire voleur. (…) Quelle atmosphère de fin du monde, quelle débâcle ! Dans l’espérance dérisoire d’une sortie honorable, il aura fallu trente ans, et des millions de morts, et voici comment tout cela se termine ! Trente ans pour une telle sortie de scène. Le déshonneur eut peut-être mieux valu.
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Mais au moment où il parle à Bidault, John Foster Dulles est déjà en responsabilité d'une tout autre opération, la chute de Jacobo Árbenz Guzmán, président du Guatemala, qui envisageait alors une réforme agraire visant à distribuer quatre-vingt-dix mille hectares de terre aux paysans les plus pauvres de son pays. Cela mettait en péril les intérêts d'une multinationale américaine, la United Fruit Company. Celle-ci refusait d'être dédommagée sur la base des trois dollars l'acre qu'elle avait pourtant elle-même déclarée au fisc, sous-évaluant ses terres afin de payer moins d'impôts. La United Fruit, victime de sa propre fraude, avait fait appel aux frères Dulles qui possédaient le plus important cabinet d'avocats de Wall Street. Les Dulles, qui étaient par ailleurs de solides actionnaires de la compagnie, organisèrent un coup d'État sur mesure qui livra le pays à une junte militaire. Le Guatemala plongea dans une longue période de violences; il y eut des centaines de milliers de morts.
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Dans l’espérance dérisoire d’une sortie honorable, il aura fallu trente ans et des millions de morts, et voici comment cela se termine ! Trente ans pour une telle sortie de scène. Le déshonneur eut peut-être mieux valu.
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Cela peut paraître curieux, mais il n’y avait et il n’y a jamais eu, aucun colon français établi à Cao Bang, nul quartier, nulle vie sociale européenne, pas un commerçant entreprenant, pas un hôtelier aventureux, pas un seul premier de cordée, personne. Et il faut ajouter qu’il n’y avait, et qu’il n’y a jamais eu non plus aucune européen à Dông Khê, aucun à Langson, aucun à Mao Khê, aucun à Lung Phaï. La société des Mines d’étain de Cao Bang avait vu le jour en 1905 ; et pour fonctionner, elle n’avait besoin que de quelques ingénieurs, de contremaîtres européens, c’est tout, et pour se protéger, il lui fallait un poste militaire…
… et l’on devrait par souci de précision, rebaptiser la bataille de Cao Bang à propos de laquelle s’écharpe le parlement : bataille pour la société anonyme des Mines d’étain de Cao Bang ; cela lui conférerait sa véritable importance.
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Chaque jour, nous lisons une page de notre vie, mais ce n'est pas la bonne. Et, chaque jour, nous recommençons.
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Le directeur se tourne vivement vers Triaire et exige des explications. Triaire bredouille, le directeur hausse le ton. Mais comme lorsqu’au théâtre une petite comédie se déroule au premier plan, qu’une scène en second plan vient manifestement démentir, des gémissements se font soudain entendre dans une pièce voisine. Et là encore, la porte est fermée, il faut aller chercher les clés. Alors, usant de son autorité, l’inspecteur du travail ordonne fébrilement qu’on défonce la porte. Et voici qu’aussitôt elle s’ouvre, on avait trouvé miraculeusement les clés, quel étourdi ce Triaire !
Mais au lieu de dédramatiser, cette étrange étourderie ajoute à une peur diffuse qui, depuis quelques minutes, gagne les inspecteurs du travail. Et au moment où la porte s’ouvre, ils le sentent bien à présent, tandis que les gémissements redoublent, ils sont en train de pénétrer dans un autre monde.
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Dans un guide de voyage sur l’Indochine de 1923, après une page de publicité pour la maison Ridet & Cie, armurier du centre de Hanoi, fournissant "armes et munissions de chasse et de guerre, tous accessoires pour chasseurs et touristes, pistolets automatiques ou carabines", avant même que ne soit évoquée "la partie la plus pittoresque du Haut-Tonkin où se trouvent quantité de curiosités naturelles", on tombe sur un petit lexique, manuel de conversation à l’usage des vacanciers, dont voici en français les premiers rudiments : "va chercher un pousse, va vite, va doucement, tourne à droite, tourne à gauche, retourne en arrière, relève la capote, baisse la capote, attends-moi là un moment, conduis-moi à la banque, chez le bijoutier, au café, au commissariat, à la concession". C’était là le vocabulaire de base du touriste français en Indochine.
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Paraphrasant la séparation de l'Église et de l'État, on dit que chez lui, il y a séparation du cerveau et de l'estomac.
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Une fois tombé le camp retranché, l'humiliation fut trop grande, insupportable. Navarre eut de violents accès d'angoisse, il n'osait plus sortir..
... la bataille est presque terminée se dit-il, comme s'il pouvait entendre Diên Biên Phu ici, depuis Hanoi, depuis le jardin paisible du palais dont il serait le dernier locataire.
Mais il n'entendait rien. Rien d'autre que les insectes se cogner au lampadaire, et cela lui déchirait les tympans comme le cri d'un sifflet à vapeur. Il se boucha les oreilles ; il était épuisé, et il avança d'un pas lent, si lent qu'on le devinait à peine dans le noir, et lorsqu'il atteignit enfin péniblement la tonnelle, il avait vieilli... il se crut seul. La nuit tomba. Il ne bougeait pas.

"Plus on approche du pouvoir, moins on se sent responsable" pensa-t-il.
Il ne se souvenait plus où il avait entendu cette phrase, et elle se mit à bourdonner en lui, autour de ce petit lampadaire qu'on appelle la conscience.
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(…) cette guerre dont de Lattre affirmait devant dix millions de téléspectateurs qu’elle serait terminée en deux ans, tout au plus, aura duré trente ans. Trente ans. Ça fait une génération entière ayant vieilli dans la guerre, et une autre ayant passé son âge mûr dans la guerre, tout son âge mûr, et une autre encore née dans la guerre, ayant vécu dans la guerre toute son enfance et sa jeunesse. Ça en fait du monde. Et le Viêtnam reçut en trente ans quatre millions de tonnes de bombes, davantage que toutes celles larguées pendant la Seconde Guerre mondiale par toutes les puissances alliées, et sur tous les fronts. Pourtant, c’est petit le Viêtnam, ça en fait des bombes pour un si petit pays. En 1945, Hô Chí Minh avait seulement proclamé son indépendance, s’appuyant même sur notre déclaration des droits de l’homme, et, après tout, il n’avait déclaré la guerre à personne.
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