Chacun est face à lui-même, seul, disait-il, et composer est une façon de briser la solitude, briser l'encerclement car notre solitude est cernée par ceux qui veulent à la fois s'emparer de nous et nous abandonner. C'est ce que je voulais traduire, la dialectique de l'encerclement et de l'abandon au sein de laquelle il n'y a pas de dialogue possible.
Je croyais que vous n'aimiez pas l'air du temps.
Il y a l'air du temps et l'esprit du temps - il ne faut pas confondre. L'air du temps est une question de mode, le souffle qui balaie les rues, vous savez, à l'automne, quand les feuilles sèches sont dispersées par le vent - le bruit qu'elles font en effleurant les trottoirs, les chaussée, est celui de l'air du temps. Mais l'esprit, lui, demeure invisible, ou il faut scruter longtemps avant de l'apercevoir, à cette condition on peut le cerner et l'extraire, comme un objet précieux de fouilles archéologiques... Il est ce qui se dérobe et que vous cherchez inlassablement, jusqu'à ce que, un jour, il apparaisse dans l'évidence - car les choses les plus profondes sont aussi les plus simples.
Chacun vit dans son univers, disait le maître. Ce n'est pas une fatalité mais une donnée de départ. On peut chercher à le quitter, on peut le refuser - on finit par être rattrapé.
Aujourd'hui il y a la dictature de l'indifférence. Il y a ce puits où on se noie sans bruit, sans que personne ne s'en aperçoive. »
(...) il faut être modeste, se contenter de travailler heure après heure, jour après jour, sur trois mesures, sur trois mesures suivantes, et non sur un ensemble. La création est une école de renoncement.
Chacun est face à lui-même, seul, disait-il, et composer est une manière de briser la solitude, briser l'encerclement, car notre solitude est cernée par ceux qui veulent à la fois s'emparer de nous et nous abandonner.
Bizarrement, les réceptacles du monde s'appellent des écrans - le mot qui désigne ce qui nous en sépare. »
« Vous ne pouvez pas comprendre, vous ignorez ce qu'est l'art. [...] C'est lorsque vous faites l'unanimité, lorsqu'on vous accepte d'emblée qu'il faut s'inquiéter. »
Nous sommes tous à la recherche d'une chose qui nous dépasse, disait-il, ou plutôt, nous en avons l'intuition et la vie se passer à essayer de reconnaître cette chose. Pour moi, c'est la musique.
Et moi, demandais-je, ceux qui ne composent pas, qui ne veulent pas particulièrement créer une œuvre?
Tout est possible, disait-il, le travail, l'amour, la foi - pourvu que vous placiez quelque chose au-dessus de vous.
Le saut dans le vide, disait-il. Si vous n'acceptez pas, vous ne pourrez rien faire. Si vous partez avec tous vos bagages - vos certitudes - si vous savez où vous allez, vous n'arriverez nulle part. Ce n'est pas l'idée que vous avez en tête qui compte, ce sont les pierres que vous posez une à une, l'une qui mène à l'autre, qui est indispensable - chaque note est nécessaire.