Du bout des doigts

Si, au bout du compte, je lui fais du mal, c'est donc sans malice ; ce n'est pas non plus le mépris, mais l'amour, l'amour seul qui m'y pousse.

Beauté ne vaut rien sans bonté.

...les mots. Ils nous séduisent dans le noir, et l'esprit de chacun les revêt de chair et d'habits à sa guise.

À côté de lui, zébrée par la lumière qui filtrait à travers les volets, Maud n'avait pas bougé. Elle avait les traits tirés, les cheveux ternes. Elle portait une robe défraîchie, qui pouvait passer pour une tenue de servante. Ses yeux étaient hagards et brouillés de larmes, mais derrière les larmes, le regard était dur. Dur comme le marbre, et sans vergogne.

Dur comme une perle, avec la même saleté au cœur.

... je me taisais et lui caressais les doigts, sans me lasser.

Vous attendez que je commence mon histoire. Moi aussi, peut-être bien que j'attendais, en ce temps-là. Mais l'histoire était déjà commencée - il n'y avait que moi qui n'en savait rien. Comme vous maintenant.

- Je suis un homme comme les autres, répond-il en me regardant en face, obsédé par ce que je ne possède pas. Hâtez le jour de notre hymen. Ou je me trompe fort, ou vous me verrez alors, très vite, moins assidu auprès de vous.
Là-dessus je cesse de lui donner la réplique. La promenade se poursuit. A la longue, ayant besoin de ses deux mains pour allumer une cigarette, il me lâche. Je me retourne encore vers Sue. Nous nous trouvons dans la montée, le vent a forci, deux ou trois longues mèches châtaines ont échappé de dessous son bonnet et lui cinglent les joues. Elle porte tout notre équipement, sacs et paniers, et n'a pas de main libre pour se recoiffer. Les pans de son manteau s'envolent derrière elle comme la voile d'un bateau.
- Elle s'en sort ? demande Richard en aspirant la fumée.
- Parfaitement.
Je regarde droit devant moi, sans faire attention à lui.

Trop encourager chez les jeunes filles la pratique de la littérature, voire proposer aux femmes des études universitaires [...] Nous élevons une nation de femmes cérébrales. Hélas ! Le malheur de votre épouse relève d’un malaise plus vaste. (p.411)

Vous vous êtes trop occupée de littérature (p.590)

Vous aurez compris que nous ne sommes pas faits, ni moi ni les autres livres, pour tomber entre n'importe quelles mains. Mon oncle nous garde loin du monde. Il nous appelle parfois des poisons, nous attribue le don de blesser les yeux ingénus. Mais il lui arrive aussi de nous nommer ses enfants, enfants trouvés, venus des quatre coins du monde chercher asile chez lui – les uns riches et bien dotés, d'autres qui ne paient pas de mine, voire blessés, le dos cassé, vulgaires, de mauvais goût. Il a beau les critiquer, je pense que ce sont précisément les plus vulgaires qu'il préfère, ceux que d'autres parents – d'autres collectionneurs, d'autres bibliophiles – rejettent. J'étais comme eux, j'avais un chez-moi que j'ai perdu...

La rareté de l'objet dépend du désir qui anime le cœur qui le cherche.