C’est juste des garçons débiles qui se la jouent devant leurs potes. Ils pensent pas à mal. On les a diabolisés dans l’esprit des gens, pour éviter qu’on regarde de trop près ce que fait le gouvernement depuis des années. Le véritable hooliganisme. Le hooliganisme des services de santé, le hooliganisme de l’éducation.
Carl pensait à l'illusion de l'amour, qui s'évapore avec notre jeunesse mourante. Si vous n'y prenez pas garde, la laideur du pragmatisme et des responsabilités finit par vous amocher, comme les vagues océanes érodent les rochers. Quand on les voit sur l'écran de télé, ils nous disent Faites ceci, faire cela, ou bien, Achetez ceci, achetez ça, et nous, on reste à la maison, perdus, fatigués, terrorisés : c'est à ce moment qu'on sait qu'ils ont gagné. L'idéal est mort, ce n'est plus qu'une question de vendre davantage et de contrôler ceux qui ne peuvent pas se permettre de consommer. Plus d'utopies, plus de héros. Ce n'est pas une époque passionnante, comme ils essaient sans cesse de nous le faire croire. C'est une époque chiante, exaspérante, futile.
erry dévisagea Billy. - Tu sais quoi, Billy ? Tu dis plus « terrible ». Avant tu le disais tout le temps ; Billy médita la question une seconde, puis fit non de la tête. - Je me souviens pas que je disais ça. Je disais souvent »grave ». Je le dis encore. Terry se tourna vers Carl en quête d’un soutien.Carl haussa les épaules. - Je me rappelle pas qu’il disait « terrible ». Billy disait parfois « mortel », ça je m’en souviens. - Peut-être que je pensais à « mortel », fit Terry. Ils traversèrent le parc, trois hommes, trois centenaires. L’un d’eux était bien en chair, l’autre musclé et athlétique, le dernier maigre et vêtu d’habits qu’on aurait pu juger trop jeunes pour lui. Ils ne se disaient pas grand-chose, mais ils donnaient l’impression d’être soudés.
Tu pars là-bas, tu vois tout, l'espace, la liberté. Et tu te rends compte à quel point on épuise l'espace, à quel point on épuise le temps.
Mais j'imagine qu'il faut être fort et vivre en se disant qu'un jour ou l'autre, nos proches nous décevront toujours.
Comme si on avait appris trop jeunes la douleur de la perte, et qu'on voulait s'éloigner des autres avant qu'ils ne se détachent de nous.
On ne sait jamais, jamais comment se comporter au mieux. Ca serait génial, la baise, si c'était comme dans les films : pas de tension, de bêtises, de gêne, d'odeurs bizarres, de trucs gluants, on se conduit normalement, on saurait exactement ce qu'on veut, mais j'imagine qu'il faut faire au mieux avec ce qu'on a.
Ça doit être merdique d'être vieux. Moi, je vieillirai jamais. Pas moyen.
Comme ça doit être horrible d'être sain d'esprit en permanence, de subir le fardeau de la volonté, de ne jamais pouvoir céder.
- Pourquoi t'as fait ça, Andy ? Pourquoi ? Ca devait pas être si terrible que ça. On aurait pu arranger les choses, mon pote. Nous, les copains. Mais pourquoi ?, Petit Gally ? Pourquoi ?
C'était nos derniers instants intimes entre potes. Après ça, on s'est évités. Comme si on avait appris trop jeunes la douleur de la perte, et qu'on voulait s'éloigner des autres avant qu'ils ne ses détachent de nous. Même si on vivait près les uns des autres, Billy, Terry, moi et Gally, j'imagine, on est devenus les quatre points cardinaux après cette nuit-là.