L'histoire se déroule dans les années 1870 et tourne autour de cinq jeunes riches et ambitieuses Américaines qui, rejetées par la vieille élite new-yorkaise (parce que leurs parents sont de nouveaux riches), s'en vont chercher à Londres la position sociale à laquelle leurs mères et elles-mêmes rêvent.
Il s'agit du tout dernier roman d'
Edith Wharton et, bien qu'inachevé, il fut publié tel quel en 1938, un an après la mort de l'auteur. En 1993, une certaine
Marion Mainwaring l'a achevé en se basant sur des notes laissées par
Edith Wharton. Cette nouvelle version (qui est celle qui nous intéresse ici) comprend quarante-et-un chapitres, soit douze de plus que la version publiée en 1938 (et, pour autant que j'ai tout compris, six de plus que les trente-cinq initialement prévus par
Edith Wharton !) En outre, d'après quelques articles trouvés sur Internet, il semblerait que
Marion Mainwaring ait également quelque peu retouché le texte existant.
C'est un roman pour le moins curieux et, puisqu'il est resté inachevé à la mort de l'auteur, on ne peut bien évidemment s'empêcher de se demander si les vingt-neuf premiers chapitres correspondent exactement à ce que souhaitait Wharton ou si nous n'avons pas plutôt entre les mains un premier ou deuxième jet que l'auteur aurait significativement modifié si elle avait vécu quelques années de plus. Wharton étant connue pour avoir été un auteur exigeant qui retravaillait en profondeur ses manuscrits avant leur publication, il est permis de penser que les chapitres qu'elle a laissés sur son bureau étaient plus un bon brouillon qu'un produit parfaitement fini.
Les Boucanières se distinguent des autres romans et nouvelles de l'auteur par une fin plus heureuse (est-ce là un choix de Mainwaring ou ce que souhaitait vraiment Wharton ?), des personnages moins fouillés (c'est peut-être le meilleur indice que le texte laissé par Wharton était loin d'être définitif) et un ton souvent plus pétillant. En raison de cette dernière caractéristique, on a d'ailleurs parfois l'impression d'avoir entre les mains le roman d'une
Jane Austen qui aurait vécu à la fin du 19ème siècle ou au début du 20ème. Cette légèreté et cette pétulance inédites sont certes rafraîchissantes, mais il est néanmoins surprenant, sinon un peu déroutant, de se retrouver face à une oeuvre d'
Edith Wharton qui, malgré son thème très jamesien de la confrontation entre Américains et Européens et bien que l'intrigue gagne en mélancolie et en profondeur au fil des chapitres, évoque à maintes reprises plus Austen qu'
Henry James (ce dernier est probablement l'auteur qui, ordinairement, se rapproche le plus d'
Edith Wharton.)
Je dois cependant concéder que, malgré la surprise et un vague sentiment de désorientation, j'ai passé un assez bon moment de lecture. Mais peut-être suis-je trop bon public, ou trop indulgent avec les romans plutôt bien écrits dont l'action se situe dans la fascinante Angleterre du 19ème siècle… Quoi qu'il en soit, j'aurais préféré que les éditions Plon rééditent le roman inachevé (avec, en annexe, le synopsis des six derniers chapitres envisagés par
Edith Wharton) plutôt que cette version composite dont nous n'avons aucun moyen de savoir jusqu'à quel point elle est conforme aux intentions finales de l'auteur.
J'aurais également préféré que Plon fasse preuve d'un peu plus de retenue dans l'avant-propos et sur la quatrième de couverture :
Les Boucanières ne sont ni « la grande oeuvre », ni le roman « le plus riche et le plus sophistiqué de Mrs Wharton », ni encore moins « son chef-d'oeuvre ». Il est dans l'oeuvre de cet écrivain exceptionnel bien d'autres titres indéniablement plus aboutis.