"La mort de la Mort"
Un thriller serein sur le crépuscule de l'humanité.
On reconnait tout de suite la patte de Wilson : un vaisseau luminescent d'origine extraterrestre apparait dans le ciel et rien ! (Comme dans le début du film génial District 9). Des années lumières de voyage et pas de contact.
L'auteur a souvent un regard différent sur nos thématiques, ici celui du contact et de la post humanité.
Ici vous ne "verrez" pas d'aliens, les raisons de leur arrivée restent assez floue, quand à leur(s) motivation(s)... Pas d'action proprement dite, juste le récit de quelques personnes qui ont refusé la proposition. La narration s'attarde sur leur point de vue. Il est donc logique d'en connaître peu sur ces voyageurs. Cela est un peu frustrant, mais permet aussi à l'imagination du lecteur de fonctionner à plein régime.
Mais même sans méchants aliens, l'auteur parvient à créer la tension. le casse d'une maison se terminant par une non poursuite avec la police glace les sang. Certains passages m'ont fait penser au film le Village des damnés, celui de 1960.
Et les voyageurs sont-ils aussi altruistes qu'ils le laissent penser ? N'est ce pas un piège vicelard pour corrompre et soudoyer l'humanité ?
Et l'humanité dans tout ça ?
Plus que la thématique du contact, c'est l'humanité et la post-humanité qui intéresse
Robert Charles Wilson. Car la question est : qu'est ce qu'être humain.
On suit le petit groupe de personnes ayant refusé la proposition, on vit leur décision, leur doute, leur peur... en se demandant qu'est que j'aurais fait à leur place ? Difficile de répondre...
Qu'est ce qu'être humain au fond ? Qu'est ce qui nous différencie de l'Autre ? Qu'en est-il de notre soi-disant humanité en tant que nature humaine ? Les voyageurs semblent bien plus humains que certains de nos compatriotes. Est-ce humain de saccager notre planète ?
Difficile de faire la distinction langagière entre ceux qui ont accepté (les non humains, les plus humains) et ceux qui ont refusé. Wilson s'en amuse aussi et trouve l'expression la moins discriminatoire : "Les personnes demeurées sceptiques devant l'expérience que tant de nous ont partagée le dernier vendredi du mois d'août"
Un peu moins de 600 pages, cela peut refroidir les ardeurs. Mais ne vous arrêtez pas à cela.
Robert Charles Wilson a une plume plaisante et facile d'accès. Pas de jargons techniques. Une pléthore de personnages, certains pour quelques lignes mais toujours bien croqués, esquissés, même si le militaire à la solution finale facile est un peu caricaturale (mais moi, un militaire schizo et assassin, ça me fait rire) L'auteur évite le manichéisme en adoptant une pluralité de points de vues.
Des monolithes qui annonceront
Les chronolithes, des extra terrestres ressemblent fortement à ceux de Spin.
Des regrets : les conséquences sociétales de l'apparition des aliens sont vites traités et de manière assez légère; les relations entre ceux qui ont accepté et les autres manquent aussi d'explications : pourquoi une cassure si nette? (Bien que dans la relation du jeune bidasse et de la fille qui ne dit pas son nom, on peut comprendre que c'est juste la différence nommée qui fait peur). Pas de version électronique légale (Eh oh Folio SF, à quand une version numérique de l'ensemble des romans de l'auteur ?)
Le titre original The harvest (La moisson) est plus fidèle au contenu du bouquin et à un sens équivoque plus adapté
Pour moi, la SF est surtout une littérature de l'Autre,
Robert Charles Wilson enfonce le clou : l'autre, c'est moi.