Les chroniques de Zhalie, c'est le roman foisonnant d'un écrivain chinois que j'ai découvert à cette occasion,
Yan Lianke. L'histoire est construite comme une légende.
Zhalie est une sorte de Babylone chinoise des temps modernes, dont le récit n'est pas sans faire penser à celui de
Cent ans de solitude, de
Gabriel Garcia Márquez, sorte de volumineuse allégorie.
Zhalie, c'est la naissance, la grandeur et la décadence d'une cité, qui n'est rien au début, rien qu'un simple et misérable village de quelques centaines d'âmes et qui va devenir tour à tour un bourg, un district, jusqu'à devenir une métropole de trente millions d'habitants.
On y voit naître et grandir l'ambition, le progrès, la démesure, la folie humaine...
Une prostituée et un voleur sont à l'origine de ce rêve démesuré, chacun issu de de deux clans opposés. Elle s'appelle Zhu Ying et lui Kong Mingliang. Ils sont tous deux ambitieux, ils ont besoin l'un de l'autre pour réussir leur destinée. Ils vont former un pacte, une association, jusqu'à se marier, chacun soutenant l'autre dans son commerce respectif. Kong Mingliang devient maire de la commune qui se forme... Elle est la gérante du Ciel hors du ciel, joli nom pour désigner ce lieu qui propose le commerce du plaisir...
Ici, de temps en temps, la nature bafouée reprend ses droits, contre la bêtise humaine. Les fleurs, les arbustes, les arbres réagissent selon l'humeur des humains, poussent, se fanent, se regénèrent, c'est beau comme un printemps.
C'est un roman toujours d'actualité, intemporel, universel, puisqu'il est question de développement, de croissance, de dérèglement des saisons, de mensonges aussi et de corruption.
En filigrane, comment ne pas voir dans cette parabole une dénonciation de l'expansion chinoise sans limite... ? Et encore plus largement, pourquoi limiter ce regard à la seule Chine ?
J'ai trouvé le propos passionnant mais la lecture m'est apparue parfois difficile.
Le texte est dense.
Je me suis demandé comment cet écrivain qui dénonce clairement les maux de la Chine n'était pas sous le coup de la censure. Mais il faut parfois le recours de l'art, l'art du conte, un peu à la manière
De Voltaire, pour contourner celle-ci.
Tout est ici symbole, foisonnement d'images et de métaphores...
La chronique glisse peu à peu vers un fantastique burlesque, comme si la folie de l'avidité humaine devait tout détraquer pour s'imposer, a l'instar de ce printemps sans fin qui s'installe, au mépris du cycle naturel de la vie, des choses et du végétal.
Ce roman convoque tous les registres, l'ironie, l'absurde, jusqu'au thème du fantastique, pour dire la modernisation d'un village soumis à de féroces appétits, une folle idéologie et la cupidité de chacun.
Ce que j'ai aimé, c'est ce regard, au travers d'une écriture éprise de poésie onirique, posé sur la nature, celle que les humains s'obstinent à détruire alors qu'elle leur donne tout, c'est à ce titre que le texte est empreint d'émerveillement et d'espoir bienfaisant.
Un roman surprenant et riche. Totalement actuel.