J'écris souvent cette phrase, et pourtant, ce livre sonne pour moi comme la défaite des femmes. L'on peut dire aussi qu'il sonne la défaite de la justice et dénonce la pesanteur de la société coréenne.
La défaite des femmes, tout d'abord. Elle commence avec la mort de Hae-eon, assassinée. Même si le temps passe, jamais l'on ne saura qui l'a tuée, même si le lecteur, en écoutant les différentes voix qui se succèdent, pourra se faire son idée. Hae-eon. J'aurai aimé en savoir plus sur elle, j'aurai aimé savoir ce qui lui passait par la tête, elle qui, de l'avis de tous, était extrêmement belle, mais pouvait sembler, parfois, extrêmement distraite, ou naïve, inconsciente en tout cas des réactions qu'elle pouvait provoquer chez les autres, y compris chez sa propre mère. Celle-ci sombrera, clairement, et sa fille cadette, qui elle aussi se retrouvera au fond du trou, fera tout pour l'en extraire. Vraiment tout. Dae-eon a plutôt été la soeur aînée de sa soeur aînée, elle qui devait prendre soin d'elle. Elle subira, elle souffrira, dans son corps d'adolescente, dans son esprit aussi. le lecteur la croisera aussi, dans le regard des autres, eux qui voient les traces, sur son corps, de ce qu'elle endure. ils verront ses transformations, qu'ils ne comprendront pas toujours – mais qui feront toutes sens pour le lecteur. Dae-on, quant à elle, voit, avec acuité, ce que la société peut affliger à ceux qui n'ont rien, à ceux qui ne sont rien.
Il n'y a pas de place, dans la société coréenne, pour ceux qui ne rentrent pas dans le rang, ceux qui sont différents, ceux qui sont en situation de handicap. Ils sont oubliés et priés de vivre du mieux qu'ils peuvent, parce que ce n'est pas la société qui les aidera en quoi que ce soit. Etre au sommet de la société n'est pas forcément mieux, les diktats sont différents, mais bien présents, et l'on ne peut être que stupéfaits face à certaines réactions. Les jeunes adultes, ceux qui pourraient faire évoluer la société, ne semblent pas (plus ?) avoir la force de le faire, suivant la voie qu'on leur a tracé. Leur seule manière de se révolter étant plutôt dans l'inertie – dire « non » à la dernière injonction parentale, quand la mort de leurs parents ne leur permet pas, tout simplement, de pouvoir enfin suivre la voie qu'ils désiraient.
J'ai été fascinée à la lecture de ce roman par toutes ces voix de femmes que l'on entend, ces voix de femmes qui demandent à s'exprimer, à être écoutées, qui peinent à mettre des mots sur ce qu'elles ressentent, sur ces émotions qui se bousculent, tant celles-ci se heurtent à ce que la société coréenne considère comme normale. Souvent, il nous faut écouter entre les lignes pour comprendre ce qui est survenu – je dis bien « écouter », tant j'ai eu l'impression d'entendre leurs voix.
Une oeuvre forte, dérangeante, à découvrir.
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