A mon grand dam (parce que j'ai aussi un grand dam), les littératures orientales sont encore trop peu représentées dans ma bibliothèque : aucun chinois, (la honte !) et à peine deux japonais (la honte derechef !), fort estimables certes (
La femme des sables de
Kobo Abe et Musashi –
La pierre et le sabre suivi de
la parfaite lumière – de EijiYoshikawa) mais rien de
Akutagawa, Soseki, Tanizaki,
Inoué, Kawabata, Mishima… Promis, il faudra que je m'y mette. Mes amis (et amies) Babélionautes m'y aideront, je n'en doute pas.
Le diptyque de Musashi est l'oeuvre principale – et le chef-d'oeuvre de EijiYoshikama (1893-1962). Il retrace, de façon romancée, la carrière du samouraï
Miyamoto Musashi, artiste et philosophe, mais surtout escrimeur émérite, véritable légende et héros national.
Si vous avez lu l'incontournable
Shogun de
James Clavell, vous ne serez pas dépaysé par Musashi. Il s'agit de la même époque (fin du XVIème siècle et début du XVIIème), la bataille de Sekigahara (1600) se situe à la fin de
Shogun et au début de Musashi.
C'est justement le lendemain de cette bataille que deux jeunes garçons, Takezo et Matahachi, survivants au massacre, vont entamer leur épopée. Takezo, d'humble extraction, est un jeune blanc-bec, indiscipliné et arrogant. Matahachi, lui est issu d'une famille bourgeoise dominée par sa mère Osugi. Matahachi, d'un naturel plutôt volage, délaisse la douce Otsu qui lui était promise au village pour la belle Akémi. Takezo rentre donc seul, affrontant deux dangers, les soldats de Tokugawa (le Toranaga de
Shogun), et Osugi, qui le rend responsable, ainsi qu'Otsu, de la mort de son fils.
Tel est la situation de départ de ce roman-feuilleton foisonnant, échevelé et captivant de bout en bout. Car nos héros ne vont cesser de se poursuivre, par amour ou par haine, sur des centaines de pages, accumulant des séquences dramatiques et des scènes plus calmes, parfois même comiques, faisant des rencontres insolites, passant de duels épiques à de tendres moments d'intimité… Takezo s'assagira, deviendra un escrimeur de première force et prendra le nom de Musashi. La Voie du sabre qu'il a choisie est tout au tant mystique que martiale.
Evidemment, Musashi est un pavé.(près de 700 pages pour chaque partie). Mais le jeu en vaut la chandelle. Mettez-y le doigt, la main y passera, et tout le bras, et tout le corps et tout l'esprit. Si vous ne vous laissez pas impressionner par le foisonnement des personnages, la technicité des scènes de bataille ou de duels, le laïus métaphysique qui accompagne certaines digressions, vous serez emballé par ce maelström romanesque qui tient à la fois à la tradition orientale, au roman picaresque, au roman d'aventures historiques à la Dumas, et même à l'épopée homérique.