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496 pages
Dentu (01/06/1874)
4/5   1 notes
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Auteur de nombreux romans-feuilletons fort populaires en leur temps, Pierre Zaccone reste encore l'objet d'un culte fervent, sans doute moins pour ses talents de conteur, que pour s'être volontiers spécialisé dans des intrigues dressant le portrait des bas-fonds de la société, s'inscrivant ainsi dans la droite lignée d'Eugène Sue, sans toutefois partager les préoccupations politiques de ce dernier.
Pierre Zaccone n'était pas un militant, mais il était volontiers un journaliste soucieux de faire de ses romans de très bons reportages sans doute plus que de très bons récits. Cela fait de lui, encore aujourd'hui, un témoin privilégié de la société du Second Empire. Par ailleurs, ce graphomane infatigable a aussi publié nombre d'ouvrages d'anecdotes historiques, dont plusieurs sur l'histoire des bagnes et des prisons.
"La Cellule N°7" est un roman assez déconcertant, car Pierre Zaccone ne nous apparait guère ici comme un écrivain très rigoureux, et il s'égare facilement dans les intrigues qu'il construit.
L'action se passe principalement à Paris, entre 1860 et 1865. le jeune John Gardener y est accusé d'avoir assassiné sa fiancée Clotilde de Lucenay, une jeune aristocrate qui se préparait à s'enfuir avec lui, car sa famille désapprouve ce mariage. Alors qu'ils se dissimulent dans un hôtel rue de Rennes, John Gardener sort durant la journée pour faire quelques courses. Lorsqu'il revient quelques heures plus tard, il trouve Clotilde assassinée, d'un coup de pognard en pleine poitrine. Pris de panique, John s'enfuit en emportant un foulard gorgé de sang, mais il est reconnu à Laval et ramené à Paris. Cette tentative de fuite éperdue et le foulard ensanglanté que l'on trouve dans sa poche ne témoignent guère en sa faveur. Après un bref procès au cours duquel il clâme son innocence, John est condamné à mort pour assassinat, et il est immédiatement incarcéré au Dépôt de Mazas en attendant son exécution, et plus précisément dans la cellule n°7.
Une légende urbaine court sur cette cellule n°7, qui serait "la cellule des innocents". le hasard ferait que la plupart des condamnés enfermés dans cette cellule auraient bénéficié d'une grâce de dernière minute avant de passer à la guillotine. John Gardener s'accroche à cette perspective, mais la grâce ne viendra pas. Quelque chose de bien mieux se présente : il est délivré par un mystérieux individu. Ensemble, les deux hommes s'enfuient en Amérique. Et voilà pour la courte première partie du récit.
Nous retrouvons ensuite cinq ans plus tard les mêmes personnages, mais dans des situations radicalement différentes, gravitant autour d'un salon mondain tenu par Lucien de Senneterre, fréquenté exclusivement par des diplomates et des gens de la haute société. En habile tireur à la ligne, Pierre Zaccone consacre bien 250 pages à présenter de nouveaux personnages, qui ne sont en fait que ceux de la première partie du roman qui se sont forgés de nouvelles identités, que le lecteur est amené à reconnaître au fur et à mesure qu'il avance dans sa lecture.
Tout le monde est bien là, même Clotilde de Lucenay qui, finalement, n'est pas morte - on ne sait pas par quel miracle, et Pierre Zaccone semble avoir tout bonnement oublié d'expliquer cette fantaisie. Désormais connue sous le nom de Madame Murder (?), Clotilde cherche en fait son assassin - qui n'est donc de ce fait pas vraiment son assassin - et finit par le trouver en la personne du Prince Liprani, un diplomate venu d'Inde, et qui lui fait une cour très appuyée, principalement pour qu'elle ne le reconnaisse pas comme son assassin, vu que lui la reconnait parfaitement (étrange stratégie par ailleurs).
C'est l'une des particularités grandement insolites des personnages de ce roman : ils se reconnaissent parfois et parfois pas, simplement parce qu'ils ont changé de nom, et éventuellement de garde-robe...
Clotilde a engagé un redoutable limier qui est lui-même un as du déguisement, et qui porte pas moins de trois noms différents durant tout le roman, sans qu'à aucun moment cette multiplicité des identités ait la moindre raison d'être, vu qu'il est un inconnu pour tous les gens qui l'approchent. Il s'agit pourtant de l'homme qui a délivré John Gardiner de la cellule n°7. Son travail, grassement payé par Clotilde de Lucenay/Mme Murder, qui ne reconnait pas toujours d'ailleurs son propre détective quand elle le croise, consiste à réunir des preuves sur la culpabilité effective du Prince Liprani dans la tentative de meurtre de Clotilde de Lucenay.
Car selon ses propres propos, le Prince Liprani possède un frère jumeau "maléfique", prénommé Léo, devenu voyou et chef de bande, et qui suit à la trace son frère diplomate afin de faire des mauvais coups en jouant de sa ressemblance filiale. Mais ce Léo existe-il bel et bien, ou n'est-ce que le prince Liprani qui mène une double vie en jouant les deux frères à tour de rôle ?...
350 pages ne seront pas de trop pour démêler cette intrigue abracadabrante, car de plus, Léo est en ménage avec "La Balafrée", une ancienne prostituée qui l'assiste dans ses basses oeuvres, et qui se trouve être Héloïse, l'ancienne femme de chambre de Clotilde de Lucenay, qu'elle ne reconnaîtra cependant pas quand elle la croisera sous sa nouvelle identité de Madame Murder (et vice versa). le détective, principalement nommé Buvard, se servira de cette femme pour arriver à ses fins, allant même jusqu'à faire enlever Léona, la fille que la Balafrée a eu avec Léo. A moins qu'elle ne soit en fait la fille du Prince Liprani ?...
Tout l'intérêt de ce roman repose sur ce chassé-croisé labyrinthique, qui en dépit de ses nombreuses invraisemblances, augmentées des erreurs factuelles - volontaires ou non - de l'écrivain, parvient à retenir agréablement l'attention du lecteur, moins passionné toutefois d'apprendre qui est le véritable assassin que de savoir comment Pierre Zaccone va se sortir de cet improbable imbroglio, qu'il tisse tout seul et dans lequel il se prend lui-même les pattes.
La plus grande qualité de ce roman est d'être un exercice de style narratif basé sur rien ou presque : un meurtre qui n'en est pas un, et dont on n'apprendra jamais ni comment la victime a survécu, ni même pourquoi le crime a eu lieu; l'assassin une fois identifié confessant qu'il n'avait ni le vol ni le viol pour mobile. Mais alors pourquoi, bon sang, pourquoi ?
Sans jamais être ouvertement humoristique - sinon dans le choix souvent incongru des différents patronymes des personnages, "La Cellule N°7" n'est pourtant pas un roman qu'il faut lire au premier degré. Pierre Zaccone semble s'être beaucoup amusé à l'écrire, sans doute aussi à l'improviser au fil des jours, et son roman ressemble davantage à une expérimentation feuilletonnesque qu'à un roman-feuilleton dans les règles de l'art. Néanmoins, à certains détails qu'on pouvait déjà juger risibles à l'époque, comme le fait que régulièrement, face à certains rebondissements, différents personnages répètent : "Oh, mais ce genre de situation n'arrive vraiment que dans les romans !", on sent pointer une ironie quelque peu goguenarde, que Pierre Zaccone sait exactement tempérer de manière à ce qu'elle reste équivoque, voire imperceptible pour les lecteurs les plus primaires.
À côté de cela, si ce roman rate sa démonstration, intentionnellement ou non, et frustrera fatalement les amateurs d'intrigues alambiquées mais parfaitement logiques, l'amateur d'ambiances désuètes y trouvera une honorable pitance, car Pierre Zaccone n'est pas un narrateur qui se contente de déplacer ses personnages d'une maison à une autre : la plupart des scènes sont en extérieur, et donnent au lecteur le sentiment de faire une promenade vitaminée dans le Paris du Second Empire, en journée comme en nuit, dans les parcs et jardins, dans les rues et les coupe-gorges, dans les estaminets mal-famés, dans des trains et les calèches, et même dans quelques petites villes de banlieue parisienne ou de province.
Pierre Zaccone aime l'action et le déplacement, même si l'inspiration n'est pas toujours au rendez-vous ou que des personnages-clés se croisent en des endroits insoupçonnés sans grand souci de réalisme. Quelques passages sont néanmoins de très grande qualité : l'enlèvement de la petite Léona, la surveillance de Tibart, les retrouvailles douloureuses de Clotilde et John dans une maison censée être inhabitée, sans compter la confrontation finale entre Clotilde et son "assassin". Tout cela est de l'excellent travail littéraire par un vieux routier du genre, capable d'être grandiose quand il se donne du mal pour l'être, même si l'influence d'Eugène Sue est écrasante, et, à la vérité, déjà quelque peu datée en 1874.
"La Cellule n°7" est donc une indéniable curiosité dans un genre pourtant très éculé, dont il démontre à la fois la désuétude absolue et le charme persistant. Cela donne en tout cas envie de s'investir davantage dans l'oeuvre de Pierre Zaccone, ne serait-ce que pour y découvrir des choses pires ou meilleures, car, et c'est loin d'être banal, par les qualités remarquables et par les défauts affligeants de ce roman, il faut admettre que Pierre Zaccone échappe au jugement du lecteur, à qui il semble avoir fait une jolie farce, comme pour mieux lui dire : "Tu ne sais pas encore de quoi je suis capable quand je suis sérieux"... Et le lecteur de se dire : il faut que je lise autre chose de lui pour être sûr. Et voilà comment on faisait des best-sellers en série au XIXème siècle...
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