Mouchoirs dans la main gauche, livre dans la droite, j'étais parée. Ces quelques pages, je le sentais, allaient me chavirer. Et puis... et puis, rien. Calme plat. Je l'ai tellement voulue pourtant, la submersion, tellement cherchée, mais rien n'y a fait. Pourquoi donc ? Que s'est-il passé pour que mon coeur ne se noie pas ? Il me fallait chercher.
J'ai donc remonté le fil, reniflé la piste, et retrouvé où et pourquoi ce livre et moi on s'étaient séparés. Ça n'a pas été long finalement, et l'un des cailloux sur ma chaussée a justement été ce temps, trop court. L'épaisseur d'un bouquin, on le sait, ne se mesure pourtant pas au nombre de pages, pourvu que l'intensité et la puissance du récit les transcendent. Mais là, pour moi en tout cas, il en manquait, des pages, des mots. Tout était trop court, pas assez fouillé, développé. Je pensais être soulevée par l'émotion, débordée, mais non. Pas une larme, pas un pincement, rien. Et pourtant, vous le savez, je ne les retiens jamais, ni mes yeux ni mon coeur. Ils ont carte blanche et ne craignent pas l'humidité (à l'inverse de mes cheveux. Mais on se perd là, reprenons.), mais ils n'ont pas eu le temps de prendre l'eau. J'étais prête à voir mes émotions affluer mais, à peine m'avaient-elles effleurer, que déjà elles repartaient. Inattendu et brutal ressac de mon empathie. Et pourtant, parfois, il n'en faut pas tant que ça, il suffit d'un mot, d'une phrase décochée comme une flèche, d'une fulgurance, mais rien de tout ça n'est arrivé. Je n'ai pas été transpercée.
Et puis, pour tout vous dire, il m'a aussi manqué de la tension, de l'ampleur. Hayam Zeytoun ne pouvait pas inventer, je le sais. Elle ne pouvait pas, pour plaire, ajouter, modifier, adapter. Il ne pouvait y avoir ici que ce qui s'est passé, et c'est parfait comme ça, mais j'aurai voulu plus de force, de puissance, dans le traitement des événements et des ressentis. Alors attention, je ne dis absolument que c'est mal écrit, mais je n'ai pas été conquise comme j'ai pu l'être par d'autres auteurs.rices. le sujet est périlleux, si délicat qu'il demande l'excellence pour ne pas tomber dans la mièvrerie et le pathos tout en suscitant l'émotion, et là, même si l'autrice n'est pas tombée dans ces écueils, je n'y ai pas trouvé d'émotion non plus.
Je n'aime pas ne pas aimer et encore moins le dire, parce que, là aussi, l'exercice est difficile. Je ne veux surtout pas, au prétexte que je n'y ai pas trouvé mon compte, risquer d'éloigner les lecteurs d'un texte qui mérite sûrement d'être lu. C'est donc plus facile ici, puisque
Vigile a déjà reçu quantités d'avis merveilleux. Alors allez les lire et, au pire, prenez le mien pour nuancer. Vos attentes seront peut-être moins grandes et il y a fort à parier que vous serez touchés. Cette fois-ci, et avec tout le respect que je dois à l'autrice, ça n'a pas marché pour moi.