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3,13

sur 75 notes

Ce qui ressortira de cette lecture, c'est sans aucun doute, la puissance et la beauté de la plume de Anna Zerbib. Je pense que mon avis pourrait se suffire à cette seule phrase. Une rencontre bouleversante et inoubliable. J'adore ces envolées lyriques, ces mots qui coulent, qui s'entrechoquent et qui s'unissent au coeur de ce ballet sans fin.
Anna Zerbib raconte ici la douleur. Celle qui naît de la beauté d'une rencontre, celle qui s'installe dans chaque pli du coeur, celle qui s'épanouit dans tout le corps, celle qui meurt laissant ce sentiment d'un abandon unique.
Elle s'est installée à Montréal et a reprit ses études. le premier hiver a laissé cette trace indélébile, la mort de sa maman. Une maman fantasque, bipolaire, dépressive qui était le coeur de toute sa vie. Un premier hiver rude, le plus marquant. L'hiver a pris son coeur, son corps, sa tête et le dégel n'est toujours pas terminé. Elle avance pas après pas, les souvenirs bons comme mauvais surgissent ici et là tels des madeleines de Proust. Venue étudier la littérature américaine à Montréal, elle passe son temps à écrire, à user sa plume. Alors en couple, l'irrésistible attirance pour cet homme du balcon supérieur, lui tombe dessus. Une sacrée tuile qui va bouleverser son monde, sa vie, son corps, son âme. Artiste maudit, lui, vit au rythme de ses contrats, de ses pérégrinations, de ses envies, de ses désirs. de vingt ans son aîné, il ne veut plus aimer, juste assouvir ses envies. Pas de relation, pas de promesses, juste des après-midi sans lendemain, sans rien, sans avenir. Sans mot inutile, sans fioriture.


Un deuxième hiver qui s'ouvre sur l'éternité des sentiments toxiques, uniques. Elle sombre, s'accroche à ses SMS promesses d'un nouvel après-midi merveilleux. Boulimique, elle attend. Elle dévore son corps décharné. Elle vomit l'insuffisance, le manque. le corps se figeant peu à peu dans le froid, la glace dans une attente interminable d'un plus utopique. L'hiver se saisit de cette douleur lancinante, l'apprivoise, la façonne et quand le dégel s'annonce, elle surgit anéantissant le peu, le désir, la croyance à cet autre.


Anna Zerbib signe un premier roman d'une qualité rare. Si le scénario est quelque peu simple, j'ai fortement apprécié sa plume, son écriture. Elle puise la douleur, se l'approprie et la relate d'une manière touchante et émouvante. Une lecture dont j'ai savourée chaque phrase me laisser baigner dans ce froid insidieux et douloureux, attendant que l'engourdissement s'envole et catapulte les esprits. Un roman puissant où la reconquête des corps et de l'âme offre le sublime dans la noirceur.


Une roman que je vous invite à découvrir !
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Un hiver, quelque temps après la mort de sa mère, la narratrice installée à Montréal avec son compagnon peine à faire son deuil. Elle rencontre alors un artiste avec lequel elle entretient une relation secrète, l'après-midi. Pendant ce temps son couple se délite. Rien de bien original.
Ce premier roman a pour moi un parfum d'autofiction, genre que je n'apprécie guère, même si j'aime que les auteurs mettent un peu d'eux-mêmes dans leurs récits. Je n'ai ressenti aucune empathie pour la narratrice, qui n'a même pas de nom. Je l'ai trouvée vide, uniquement centrée sur son petit ego et son attitude passive m'a agacée.Ce style de littérature très français, un peu bobo, et dit intimiste n'est vraiment pas pour moi.
Heureusement il y avait l'exotisme de Montréal et son hiver glacial.
Sélection 2021 des 68 Premières Fois

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C'était tout ce dont j'avais envie, une histoire d'amour, une histoire d'hiver, l'histoire d'une obsession logeant les réminiscences d'une disparition. Coup de coeur !
Elle dit qu'elle passe ses après-midi à écrire alors qu'elle les passe à aimer. Elle est à Montréal, elle est venue avec Samuel mais entre temps elle a rencontré Noah. Il a 40 ans et son coeur, comme elle, est fêlé. Il vient de perdre son père, elle a perdu sa mère. C'est le deuxième hiver sans elle. Une mère mélancolique, trop vivante l'été et trop perdue l'hiver. Instable, disaient-ils.
Il y a Claire aussi, cette amie dont elle partage le même secret. Il y a ces gens qui gravitent autour d'elle et qui sont devenus transparents.
Un jour, elle échange un secret contre un autre. La solitude flirte avec la folie et laisse la place pour un chagrin aussi grand que son obsession.
Je n'ai rien corné car j'aurais tout corné. C'est une longue poésie, c'est grand, c'est sublime, c'est durassien, c'est le genre de texte que l'on voudrait tous écrire. Magnifique premier roman.
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Les après midis d'hiver, j'aime beaucoup l'hiver et cet hiver là a été long et monotone. Long comme un jour sans pain... On y suit les tribulations d'une Française expatriée à Montréal où elle rencontre Noah et vient à s'éprendre d'une passion envers cet homme. Toute l'histoire tourne autour des obsessions du personnage qui s'est perdue dans son propre monde, des comportements qu'elle justifie via des prétextes fallacieux. le personnage dont j'ai envie dire « la meuf » a l'air de prendre sa vie pour un épisode mal tourné de Sex in the City, mais en version cheap.

C'est un roman court et heureusement qu'il l'est, car je pense que si l'histoire avait fait 500 pages, nous aurions eu un magnifique livre pouvant servir de cale-porte. Je n'ai pas trouvé le style de l'autrice fluide, tout le personnage m'a parasité et ce qui aurait pu être un personnage plein de profondeur est aussi creux qu'un candidat de télé-réalité.

Bref, je me suis littéralement emmerdé durant cet hiver à Montréal.
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Du deuil peut naître l'amour, à moins que le second ne soit qu'un subterfuge pour panser le premier. Elle a perdu sa mère, est française et passe l'hiver à Montréal. Il est artiste et vient de perdre son père. Elle dit à Samuel qu'elle passe ses après-midi à écrire, mais elle retrouve Noah. Ensemble, le temps d'un hiver ils noient leur chagrin dans la chaleur de leur corps. Que l'attente est longue en cette saison ! Alors pour combler ce vide, elle convoque ses souvenirs. Entre passé, réel et fiction, il y a l'écriture. Une manière comme une autre de se reconstruire puis, une fois les beaux jours revenus, de vivre de nouveau.

Les après-midi d'hiver est premier roman certes pas franchement original mais vibrant d'émotion et surtout servi par la belle plume d'Anna Zerbib. de plus, son écriture très visuelle nous transporte vers un ailleurs et place la neige et le froid au centre du roman. Pourtant, à l'instar d'un bon thé brûlant, ce roman réchauffe les coeurs. Et si finalement vivre une passion amoureuse était le remède à la mélancolie qui a tendance à nous envelopper Les après-midi d'hiver ?
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Une jeune femme quitte le Sud de la France pour s'installer à Montreal, rejointe quelques mois plus tard par son compagnon Samuel. Elle fait la connaissance de Noah, un artiste dont elle tombe amoureuse, et cache à Samuel sa relation avec lui. Elle raconte les deux ans passés là-bas, le lent délitement de sa vie de couple, les heures passées les après-midi d'hiver dans les bras de son amant avec lequel, elle le sait, rien d'officiel ou de durable ne se fera. Au-delà de la thématique somme toute assez banale de l'adultère se tisse la figure de la mère décédée juste avant son départ pour le Québec, et dont elle n'a pas encore fait le deuil.

Le récit à la chronologie bouleversée par des épisodes du retour en France de la narratrice est empreint de poésie et de sensations remarquablement bien racontées. Mais l'indécision de l'héroïne, son égocentrisme et sa passivité m'ont agacée. Elle attend, souvent, longtemps. Elle semble laisser passer sa vie comme on regarde la neige tomber et blanchir les trottoirs, comme on regarde les traces des passants bientôt recouvertes par de nouveaux flocons, encore et encore, sans qu'on ait bougé de sa fenêtre.

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Ce premier roman est empreint d'une petite musique gracieuse écrite par une plume pleine d'émotion.

C'est un roman très cinématographique, en ce sens que le décor est un acteur à part entière, puissamment évocateur, surtout Montréal, neigeuse, froide, brumeuse, ouatée...

La notion de secret, centrale, est finement explorée : ce qu'on dit à ses amoureux, ses ami.e.s, ses parents... ; parallèlement, ce qu'on ne dit pas est-il réel puisque cela n'existe que pour nous ?...

Au final, je dirais que l'atmosphère est souvent vertigineuse et troublante mais le perpétuel équilibre/déséquilibre de l'amour multiple vécu par les personnages ne m‘a pas totalement intéressée.

Et après avoir refermé ce livre, je sais que je le conseillerai en ignorant si je le relirai.

Ce livre a été sélectionné par les 68 premières fois et voyage auprès des lecteurs/lectrices engagé.e.s dans l'aventure.
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Un récit introspectif, une relation adultère, le deuil d'un parent… je retrouve des thématiques familières désormais dans mes lectures des 68 premières fois. Trop peut-être… Ce qui a probablement desservi ce roman lu après Grand platinum, Avant le jour et Avant elle. L'impression de lire et relire une variation du même roman.

La narratrice, expatriée à Montréal depuis quelques mois avec son compagnon Samuel, fait la connaissance de Noah, un homme plus âgé. Alors en plein deuil de sa mère, elle vit cette relation intensément, temps suspendu le temps d'un hiver.

C'est un joli texte, à l'écriture plaisante, douce et mélancolique. Un texte intimiste où le désir vibrant côtoie la solitude. J'aurai probablement pris beaucoup plus plaisir à ma lecture si je n'avais pas lu si peu de temps auparavant des livres aux sujets proches. Petit regret sur le timing…
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Le deuxième hiver après la mort de sa mère, la narratrice dont nous ne connaîtrons jamais le prénom, quitte la France avec Samuel son amoureux et emménage au Québec. Choix de vie diamétralement différent. Elle met un océan entre elle et son passé allant même jusqu'à changer d'activité, de maîtresse d'école dans le sud de la France, elle décide d'écrire et de s'intéresser à la littérature nord américaine. A Montréal, elle y rencontre Noah, un artiste peintre sans attache, avec lequel elle débute une liaison torride ... Et là, nous entrons dans l'intimité d'une jeune expatriée française dans un monde anglo saxon où la langue, les codes lui sont peu connus. Dans un style mêlant présent et souvenirs mélancoliques du passé, l'héroïne nous livre à petites doses des bribes de son histoire personnelle. Elle évoque sa vie à Montréal – sans attrait - , son couple avec Samuel – quasi inexistant - , sa relation et le décès de sa mère – souvenirs douloureux - , ses échanges avec son amie Claire et surtout son secret, la passion qu'elle vit avec Noah, un artiste plus tout jeune. La narratrice cultive l'art du secret, effaçant même l'historique de ses navigations, rendant son écriture illisible.
« L'anglais m'est devenue la langue intime de l'amour, celle du sexe ». La jeune femme est partagée entre deux cultures, deux langues, deux pays, ballotée entre deux hommes « Je ne savais pas choisir ». Elle dresse un portrait de Noah rapide, en style télégraphique car cela n'a pas d'importance ce qui compte c'est leur passion, le contact de leurs corps. Noah l'avait prévenue dès le départ que cette passion ne devait pas durer car il se « tenait à la phrase qu'il m'avait murmurée à l'oreille, le jour de notre rencontre « you need love, I'm gonna make love to you. Il ne m'avait rien promis d'autre ». Mais qu'importe, son amour était tel qu'elle prenait tout ce qu'il était prêt à lui offrir quitte à attendre des jours, des semaines ! « L'amour que nous faisions était une lutte entre la vie et la mort ». « Ce qui m'effrayait c'était l'absence de traces. L'impossibilité d'en garder de Noah. L'impossibilité de lui en laisser ». Aucun espoir de durée : « Cet amour né au croisement de deux saisons », né et mort en trois mois …
C'est un roman où la plume est magnifique, poétique, introspective. C'est indéniable. Deuils, passions, amitiés, infidélités sont intimement liés. C'est le récit d'une passion torride, d'une mue. Les après-midi d'hiver sont longs et ennuyeux s'il n'y a pas un signe de Noah … Même si j'ai été séduite par la magie de l'écriture, je les ai trouvés tristounets ces après-midi d'hiver où j'ai lu ce livre. Pas de suspense non plus. Cette femme envoutée, continuellement dans l'attente, répondant aux moindres signes de Noah, à la merci de son bon vouloir, des caprices de son amant m'a agacée. Suis je une féministe dans l'âme ? Peut être !
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There's a certain Slant of light,
Winter Afternoons –
That oppresses, like the Heft
Of Cathedral Tunes –

Heavenly Hurt, it gives us –
We can find no scar,
But internal difference –
Where the Meanings, are –

None may teach it – Any –
'Tis the seal Despair –
An imperial affliction
Sent us of the Air –

When it comes, the Landscape listens –
Shadows – hold their breath –
When it goes, 'tis like the Distance
On the look of Death –
****
Certaine clarté Oblique
L'Après-Midi d'Hiver –
Oppresse comme la Houle
Des Hymnes Liturgiques –

Céleste Blessure, elle ne laisse
Aucune cicatrice
Mais une intime différence
Là où résident les Sens –

Nul ne peut l'enseigner – Non –
C'est le Sceau du Désespoir –
Une impériale affliction
Que des Airs on nous envoie –

Elle vient, le Paysage écoute –
Les Ombres – retiennent leur souffle –
Elle s'en va, on dirait la Distance
Sur la face de la Mort
Emily Dickinson (258), traduction de Claire Malroux, éd. José Corti, 1998

« L'année dernière j'ai fait quelque chose pour franchir l'hiver. Je n'ai pas eu d'idées, pas eu d'autre choix. C'est tout ce qui m'est venu pour creuser un tunnel. Je suis tombée amoureuse de Noah. [...] Je voudrais parler du tunnel, ce n'est pas ce que l'on croit. [...] Résister au désir de rentrer au pays se réfugier sous la cendre. Ne pas laisser l'absence prendre toute la place, ne pas s'effacer dans la pâleur du manque. C'est au sujet de s'engouffrer là où on pense que ça ne passera pas.
Je suis passée. »

Le 1er roman d'Anna Zerbib, Les après-midi d'hiver, est paru en mars dernier, moins d'une semaine avant le début du confinement. La narratrice lisant la poésie d'Emily Dickinson, je risque que le titre du roman soit peut-être inspiré du poème 258 qui m'est revenu à l'esprit et que j'ai décidé, bien qu'un peu longuet, de placer en exergue, avec la traduction de Claire Malroux en miroir.

Dans Les après-midi d'hiver, il est question du pouvoir de l'écriture. D'aimer et d'écrire. Les deux, indissociables, initient le mouvement oscillatoire du récit :

« Moi, c'est le temps de l'amour qui m'a donné le temps d'écrire, tout est arrivé ensemble. Sans l'histoire d'amour il n'y aurait pas eu de texte. J'aurais eu un hiver blanc. Sans ce texte, il n'y aurait pas eu d'amour. […] L'écriture ne console pas, ne rattrape rien, elle ne s'occupe que de ce qui est perdu d'avance. »

On sait que l'on entre dans un roman en noir et blanc, où la blancheur de l'hiver fait pendant à la noirceur de la cendre du deuil et de l'encre de l'écriture. Oscillatoire, encore.

Oscillatoires aussi, cet amour donné à Samuel venu habiter avec elle qui vit à Montréal depuis deux ans, et cet amour autre, l'amour tu, celui qui se donne à un autre que Samuel, à Noah, plus âgé, artiste aux fêlures si semblables aux siennes (elle a perdu sa mère ; lui, son père). L'amour des après-midi d'hiver, le clandestin, qu'elle-même ne s'explique pas

« Cet amour né au croisement de deux saisons a d'emblée porté en lui quelque chose de lointain. […] C'était l'hiver après celui de la mort de ma mère, c'est-à-dire mon deuxième hiver à Montréal. J'ai rencontré Noah et j'ai eu ce secret. Tout s'est produit pour moi hors du temps réglementaire de la perte de sens. […] Les événements se sont déroulés dans cet ordre, de cela je suis sûre. Pour le secret, je ne suis pas certaine, il était peut-être là avant, un secret sans personne dedans. »

Dès la première phrase, nous savons que nous pénétrons un monde où tout est déjà fini. La narratrice, jamais nommée, est revenue en France, la canicule du sud a chassé la neige québécoise.

« J'écris depuis l'endroit où ça n'est pas arrivé […] C'est arrivé de l'autre côté de l'Atlantique, à l'étranger, ailleurs. Je ne voudrais pas en faire toute une histoire, je voudrais raconter la trace violette laissée par ce que j'ai attendu et qui ne s'est pas produit. »

Dès le début de la lecture, l'oeil repère à l'instinct les mots primordiaux, ceux qui habitent cette histoire : amour, écriture, (entre-)deux, trace, autre... que l'on trouve parfois rassemblés dans un très court passage :

« L'amour physique est immédiatement écriture : gravure. On peut toujours écrire, après, un autre texte que celui qui s'inscrit dans la chair, mais cela ne sera jamais que le deuxième ».

Il en est d'autres : pâleur, manque, tunnel, traverser, décalage, passer, passage...

« J'adore dormir dans ce lieu de passage, dans ce divan. La pièce n'est pas close, il y a des portes, des fenêtres, des courants d'air. Ce n'est pas une vraie chambre et c'est ce que j'aime. »

Ils parsèment les pages et leurs répétitions, peut-être pour éviter d'avoir à souffrir de ne pas assez les dire, imprègnent le texte du brouillard envoûtant et presque irréel qu'affectionne tant la narratrice et qui émane de la prose d'Anna Zerbib, cette « brume [qui] aide. Grâce à elle […], il n'y a pas assez d'étés pour le nombre d'automnes. »

L'amour s'est invité à l'improviste, compagnon de traversée de ce tunnel hivernal du deuil, il est passé et a fondu comme elle ressortait, neuve, dans la lumière printanière.

« Je suis entrée dans cet amour comme si j'en avais été longtemps sur le bord. Je n'ai eu qu'à le laisser glisser, le mouvement fut à peine perceptible pour moi, invisible, je pense de l'extérieur. [...] C'était une histoire de souffle court, de souffle coupé. »

Elle est terriblement nostalgique, presque élégiaque cette écriture qui tente de saisir ce qui a été, ce qui se dérobe et qui n'est plus. Trouver, perdre, retrouver, perdre encore. Oscillatoire, toujours. Est-il dérisoire de vouloir écrire, à défaut de les combler, ces creux laissés par un amour défunt ou par la perte d'un être familier ? L'écriture pour sauver du manque malgré tout, même si elle ne console pas.

Le secret permanent, la clandestinité intermittente, « Je venais de plonger dans le versant doux de l'absence ; dans la distraction », la bascule de ces après-midi hors des bruits et de l'agitation quotidiens sont tous trois clairement assumés « "J'ai quelqu'un", mais lui ne souhaitait pas "s'attacher", alors elle l'avait revu, s'abandonnant à la clandestinité par ennui. »

Avec un secret comme expédient à la distraction pour tromper l'ennui, il lui faut tricher. Tricher avec les deux. À Samuel, elle ne dit rien de ses après-midi d'hiver auxquels il restera étranger. Sans rien en dire à Noah, elle écrit ou cuisine pour meubler les heures qu'elle passe dans l'attente de son prochain rendez-vous avec lui, dans l'attente de prendre stricto sensu « la tangente », - ça ne s'invente pas ! - « la ligne bleue [...] perpendiculaire à la orange ». Claire est la seule amie dépositaire de son secret, celle avec qui elle ne triche pas ; il faut dire que Claire a elle aussi un secret.

Cette prose, qui conjecture directement sur la page, en plus de dévoiler l'intime en disant l'entre-deux, quel qu'il soit - continents, pays, langues, amours... -

« Mon secret me donnait le pouvoir d'être dehors et dedans à la fois. Grâce à lui j'avais un soudain don d'ubiquité qui me soulageait : partout où j'étais, je n'étais pas vraiment. C'était une clé des champs. »

compose une partition qui donne son rythme de berceuse à l'histoire, feutré et lent comme la neige qui tombe au dehors blanchit le paysage, effaçant les traces en un bruit sourd et enveloppant : le temps s'étire comme pour magnifier ces moments volés, en sursis, puisque l'on sait, depuis les premières phrases, que le compte à rebours est lancé.

« On n'arrête pas ce qui file, mais on peut retarder la déchirure. »

C'est le temps d'un amour qui se défait, sans fracas ni désastre, mais avec acceptation. C'est le temps d'un amour qui se fane, paradoxalement à la saison où la sève revient :

« J'ai senti très vite que nous ne connaîtrions pas le printemps, l'heure d'été, le grand jour. J'écoutais Septembre de Barbara, "quel joli temps pour se dire au revoir", et je trouvais que la fin de l'hiver serait aussi une belle période pour les adieux, comme la fin de l'été, deux saisons couperets. Aux beaux jours, nous serions à découvert, ça deviendrait glauque […] »

De l'amour tranquille de Samuel, elle s'est échappée sans trop savoir « qui a quitté qui », mais a-t-elle vraiment aimé Noah dont elle parlait si peu et si mal la langue, faisant de lui un être proche et étranger tout à la fois, une énigme ? Et si c'était là leur séduction ultime : être l'un pour l'autre un amour qui dépayse ?

« Je me disais qu'avec lui il n'y aurait jamais le danger de la confusion, je serais, pour toujours, d'un autre pays, il était, serait toujours, d'un autre âge, d'une autre culture, d'une autre histoire. Il n'aurait pas connu ni ma mère ni sa mort, seulement la trace blanche des larmes qui en découlent. Il ne pourrait pas lire mes carnets, à cause de la graphie, mais aussi de la syntaxe. La distance entre lui et moi serait irréductible. »

Le secret encore et toujours, ce qu'elle tait à Samuel et ce qu'elle dissimule à Noah. D'ailleurs, Noah n'a-t-il été autre chose qu'un homme qui l'a aidée à porter le poids du deuil d'une mère dépressive au point de cesser de vivre dès l'automne pour renaître aux beaux jours ? un homme qui a partagé sa souffrance pour traverser l'hiver du coeur au coeur de l'hiver ? Pourquoi a-t-elle noirci des carnets ? Est-ce parce qu'écrire aide à se souvenir de cet amour-là, douloureux et beau, car il est celui du poids du silence et du secret ?

« Peut-être écrit-on pour dire qu'un jour, en plus de soi, quelqu'un, quelque chose, était là. Souvent, ça n'y est plus et on y est encore. »

Le roman d'Anna Zerbib est l'exemple même du texte dont le ton contemplatif et rêveur, la prose poétique et le cours sinueux offrent une expérience de lecture faite de moments oscillatoires, atemporels et suspendus, des moments de toute beauté et de fulgurante irréalité. C'est un cheminement sur l'insignifiance des tourments humains, qui ravira certains lecteurs et en perdra d'autres, peu friands de l'écriture de l'intime. Pour ma part, mon souffle de lectrice s'est accroché à chaque page, j'ai été emportée dès les premiers mots. Je sais avoir abusé de citations, tant il m'était impensable d'écrire ce billet sans donner à entendre la sensibilité fine et poétique de l'autrice, le bercement léger de son écriture. Les après-midi d'hiver est un roman à l'écriture flottante, aiguë, au cantabile durassien. Je me suis demandé quel film Claude Sautet en ferait, s'il était toujours en vie. En s'attachant au détail infime et si juste, aux petits riens sublimés par l'écriture, ce roman rare, raffiné, traversé du voile de la mélancolie douce, raconte le désordre des choses de la vie quand les êtres ne savent pas où ils en sont.

« J'ai quelque chose en moi qui ne vit pas. Je n'arrive pas…
Je suis en retard depuis si longtemps. »
Claude Sautet, Un coeur en hiver

Troublant.
1er roman, lu pour la session 2021 des #68premieresfois
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