La Fortune des Rougon / Émile
Zola
La Fortune des Rougon, premier livre de la série des Rougon-Macquart fut publié en 1871.
L'action se déroule dans la petite ville fictive de Plassans (les connaisseurs reconnaîtront Aix en Provence), alors que le coup d'État de Louis-Napoléon est en cours en décembre 1851. Il faut se rappeler que Louis-Napoléon a été élu président de la IIe République en 1848 à la suite de la Révolution de la même date, qui a mis fin à la monarchie. La France est divisée, l'aristocratie soutenant la monarchie, la bourgeoisie soutenant l'Empire et les ouvriers la République.
Silvère, beau garçon âgé de dix-sept ans, armé d'un fusil, s'installe aux abords de l'ancien cimetière de Plassans. C'est là que le rejoint Miette, une toute jeune fille de treize ans, déjà nubile, son amoureuse. Ils n'échangent pas de baisers, rien qu'une petite étreinte où l'amour a encore l'innocence attendrie d'une tendresse fraternelle. Ils sont tristes, car cette dernière étreinte ressemble à un adieu. Ils ont peur d'être vus des gens de la ville et se cachent sous une large pelisse qui est chaque fois le nid naturel de leurs amours. Silvère veut rejoindre les républicains dont le groupe doit arriver d'un moment à l'autre. L'émotion est grande chez Silvère lorsque la petite armée d'insurgés arrive en chantant la Marseillaise et Miette qui ne veut pas être en reste brandit alors la bannière tricolore.
Nous sommes revenus 30 ans en arrière. On fait connaissance des familles Fouque, Macquart et Rougon, des familles tout ce qu'il y a de plus obscure. Adélaïde Fouque, issue d'une famille de maraîchers a épousé un Rougon, un jardinier. Elle a dix-huit ans. Leur fils Pierre nait peu avant la mort du père. Adélaïde se met alors en ménage avec un certain Macquart, un ivrogne notoire. Ils ont deux enfants, Ursule et Antoine.
le jeune Pierre, dix-sept ans, est ambitieux et sans scrupules. C'est déjà un garçon vicieux, fainéant et avide de jouissances, mais peu à peu il va se transformer en un homme économe et égoïste. Il ne supporte plus les frasques de sa famille et va l'éliminer à sa façon peu à peu, sa mère et les deux bâtards, chercher une femme lui apportant l'opportunité de réaliser de bonnes affaires. Félicité Puech sera son épouse à partir de 1808 et donne naissance à trois fils et deux filles, une grande famille dont l'éducation voulue par Félicité, femme intelligente, leur coûte cher.
Trente années vont passer. La Révolution de 1848 va offrir aux Rougon, famille de bandits aux aguets, la possibilité de s'enrichir par tous les moyens. Et en 1848, il faut choisir son camp, celui des royalistes ou celui des républicains. Ils vont s'allier aux bonapartistes et s'enrichir sur les ruines de la liberté. Félicité a alors cinquante ans et Pierre soixante et un ans. Pierre est rongé par l'ambition et se sert de son fils Eugène, bien placé dans la capitale dans les milieux bonapartistes pour avancer ses pions. En vérité, c'est la frétillante Félicité qui va tirer les ficelles avec intelligence au sein d'une famille déchirée. Tout se décide chez elle dans le cadre du Salon Jaune qui devient le centre réactionnaire où se réunissent les opportunistes bourgeois de Plassans. Pour Félicité, femme de tête, l'idée de réussir, de voir toute sa famille arriver à la fortune est devenue une monomanie, une obsession.
Dans ce roman socio-politico-historique,
Zola décrit très bien le contexte de la fin de la Deuxième République et le début du Second Empire, cadre où au début du roman évoluent Miette et Silvère, fils d'Ursule, deux grands enfants avides d'amour et de liberté :
« Ce fut par cette noire et froide nuit de décembre, aux lamentations aigres du tocsin, que Miette et Silvère échangèrent un de ces baisers qui appellent à la bouche tout le sang du coeur…Leur idylle traversa les pluies glaciales de décembre et les brûlantes sollicitations de juillet, sans glisser à la honte des amours communes ; elle garda son charme exquis de conte grec, son ardente pureté, tous ses balbutiements naïfs de la chair qui désire et qui ignore.»
Un cadre également qui sert une meute d'appétits lâchés et assouvis, dans un flamboiement d'or et de sang, ceux des Rougon-Macquart qui vont mordre aux plaisirs des riches, aiguisés par trente ans de désirs contenus, montrer des dents féroces :
« Ces grands inassouvis, ces fauves maigres, à peine lâchés de la veille dans les jouissances, acclament l'Empire naissant, le règne de la curée ardente. »
Malgré toutes ses qualités notamment de style, ce roman fondateur de la saga des Rougon-Macquart est beaucoup moins connu que Germinal ou l'Assommoir, constituant la clef pour entrer dans l'univers de
Zola, où l'ambition, la soif de pouvoir et de jouissance, la critique de l'Empire, l'essor du capitalisme, le rôle de la presse, l'alcoolisme, la condition ouvrière et les luttes politiques, sont omniprésents. L'opposition entre les deux forces politiques et bien mise en évidence, d'un côté, des républicains à l'idéalisme courageux mais naïf, incarnés par Silvère et Miette, de l'autre les bourgeois peureux mais opportunistes, les Rougon.
En raison du nombre très important de personnages, qu'ils soient de la famille des Rougon-Macquart ou non, il convient de noter sur une fiche dès le commencement de la lecture la filiation de chacun où leur fonction. Pour faciliter les choses, on peut se référer à l'arbre généalogique simplifié avec le lien : http://michel.balmont.free.fr/pedago/zola_bete_humaine/rougon-macquart.pdf
En conclusion, ce n'est pas le plus passionnant des romans de
Zola que j'ai lus, certes, mais il est important car beaucoup de personnages apparaissent que l'on retrouvera plus tard dans les autres volumes de la saga.