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Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 12 : La Joie de vivre (194)

Encore si Lazare avait eu la foi en l’autre monde, s’il avait pu croire qu’on retrouvait un jour les siens, derrière le mur noir. Mais cette consolation lui manquait, il était trop convaincu de la fin individuelle de l’être, mourant et se perdant dans l’éternité de la vie. Il y avait là une révolte déguisée de son moi, qui ne voulait pas finir. Quelle joie de recommencer ailleurs, parmi les étoiles, une nouvelle existence avec les parents et les amis ! Comme cela aurait rendu l’agonie douce, d’aller rejoindre les affections perdues, et quels baisers à la rencontre, et quelle sérénité de revivre ensemble immortels ! Il agonisait devant ce mensonge charitable des religions, dont la pitié cache aux faibles la vérité terrible. Non, tout finissait à la mort, rien ne renaissait de nos affections, l’adieu était dit à jamais. Oh ! jamais ! jamais ! c’était ce mot redoutable qui emportait son esprit dans le vertige du vide.
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Tout le monde faisait la même réflexion. On se fâchait, on les traitait de sacrés entêtés. Alors, ils prenaient des airs de brutes méfiantes. Puisqu'ils étaient nés là, pourquoi donc en seraient-ils partis? ça durait depuis des cent ans et des cents ans, ils n'avaient rien à faire autre part. Ainsi que le disait Prouane, lorsqu'il était très ivre: "Fallait bien toujours être mangé par quelque chose".
Pauline souriait, approuvait de la tête, car le bonheur, selon elle, ne dépendait ni des gens ni des choses, mais de la façon raisonnable dont on s'accommodait aux choses et aux gens.
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Il avait l’ennui sceptique de toute sa génération, non plus cet ennui romantique des Werther et des René, pleurant le regret des anciennes croyances, mais l’ennui des nouveaux héros du doute, des jeunes chimistes qui se fâchent et déclarent le monde impossible, parce qu’ils n’ont pas d’un coup trouvé la vie au fond de leurs cornues.
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[…] Elle refusait de s’avouer vaincue, elle envoyait carrément au diable son Schopenhauer, dont il avait voulu lui lire des passages : un homme qui écrivait un mal atroce des femmes ! elle l’aurait étranglé, s’il n’avait pas eu au moins le cœur d’aimer les bêtes. Bien portante, toujours droite dans le bonheur de l’habitude et dans l’espoir du lendemain, elle le réduisait à son tour au silence par l’éclat de son rire sonore, elle triomphait, de toute la poussée vigoureuse de sa puberté.
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Dès le lendemain, commencèrent pour le jeune homme les heures lentes et poignantes qui suivent les grands deuils. Il s'éveillait comme d'un évanouissement, après une chute, dont ses membres auraient gardé la courbature ; et il avait à présent toute sa tête, le souvenir très net, dégagé du cauchemar qu'il venait de traverser, avec la vision troublante de la fièvre. Chaque détail renaissait, il revivait ses douleurs. Le fait de la mort qu'il n'avait pas encore touché, était là, chez lui, dans la pauvre mère emportée brutalement, en quelques jours. Cette horreur de n'être plus devenait tangible : on était quatre, et un trou se creusait, on restait trois à grelotter de misère, à se serrer éperdument, pour retrouver un peu de la chaleur perdue. C'était donc cela, mourir ? c'était ce plus jamais, ces bras tremblants refermés sur une ombre, qui ne laissait d'elle qu'un regret épouvanté.
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Et, chez Lazare, par une contradiction logique, l’épouvante inavouée du jamais plus allait avec une fanfaronnade sans cesse étalée du néant. C’était son frisson lui-même, le déséquilibrement de sa nature d’hypocondre, qui le jetait aux idées pessimistes, à la haine furieuse de l’existence. Il la regardait comme une duperie, du moment où elle ne durait pas éternellement. Ne passait-on pas la première moitié de ses jours à rêver le bonheur, et la seconde à regretter et à trembler ? Aussi renchérissait-il encore sur les théories du « vieux », comme il nommait Schopenhauer, dont il récitait de mémoire les passages violents. Il parlait de tuer la volonté de vivre, pour faire cesser cette parade barbare et imbécile de la vie, que la force maîtresse du monde se donne en spectacle, dans un but d’égoïsme inconnu. Il voulait supprimer la vie afin de supprimer la peur. Toujours il aboutissait à cette délivrance : ne rien souhaiter dans la crainte du pire, éviter le mouvement qui est douleur, puis tomber à la mort tout entier. Le moyen pratique d’un suicide général le préoccupait, d’une disparition totale et soudaine, consentie par l’universalité des êtres. Cela revenait à chaque heure, au milieu de sa conversation courante, en sorties familières et brutales. Au moindre tracas, il regrettait de n’être pas crevé encore. Un simple mal de tête le faisait se plaindre rageusement de sa carcasse. Avec un ami, sa conversation tombait tout de suite sur les embêtements de l’existence, sur la rude chance de ceux qui engraissaient les pissenlits, au cimetière. Les sujets lugubres l’obsédaient, il se frappa de l’article d’un astronome fantaisiste annonçant la venue d’une comète, dont la queue devait balayer la terre comme un grain de sable : ne fallait-il pas y voir la catastrophe cosmique attendue, la cartouche colossale qui allait faire sauter le monde, ainsi qu’un vieux bateau pourri ? Et ce souhait de mort, ces théories caressées de l’anéantissement, n’étaient que le débat désespéré de ses terreurs, le tapage vain de paroles sous lequel il cachait l’attente abominable de sa fin.
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Alors, un silence régna.
(....)
C'était une grande paix, la somnolence des vieilles habitudes, la vie ruminée chaque soir à la même place.
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Par cette après-midi superbe, Pauline s 'était décidée à rouler sur la terrasse le
fauteuil de Chanteau, et à se coucher près de lui , au milieu d 'une couverture
de laine rouge, le petit Paul, âgé de dix-huit mois.Elle était sa marraine, elle
gâtait l 'enfant autant que le vieillard .
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Dans la certitude de sa fin prochaine, il ne sortait pas d’une pièce, ne fermait pas un livre, ne se servait pas d’un objet, sans croire que c’était son dernier acte, qu’il ne reverrait ni l’objet, ni le livre, ni la pièce ; et il avait alors contracté l’habitude d’un continuel adieu aux choses, un besoin maladif de reprendre les choses, de les voir encore. Cela se mêlait à des idées de symétrie : trois pas à gauche et trois pas à droite ; les meubles, aux deux côtés d’une cheminée ou d’une porte touchés chacun un nombre égal de fois ; sans compter qu’il y avait, au fond, l’idée superstitieuse qu’un certain nombre d’attouchements, cinq et sept par exemple, distribués d’une façon particulière, empêchaient l’adieu d’être définitif. Malgré sa vive intelligence, sa négation du surnaturel, il pratiquait avec une docilité de brute cette religion imbécile, qu’il dissimulait comme une maladie honteuse. C’était la revanche du détraquement nerveux, chez le pessimiste et le positiviste, qui déclarait croire uniquement au fait, à l’expérience.
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Il s’éveillait comme d’un évanouissement, après une chute, dont ses membres auraient gardé la courbature ; et il avait à présent toute sa tête, le souvenir très net, dégagé du cauchemar qu’il venait de traverser, avec la vision trouble de la fièvre. Chaque détail renaissait, il revivait ses douleurs. Le fait de la mort qu’il n’avait pas encore touché, était là, chez lui, dans la pauvre mère emportée brutalement, en quelques jours. Cette horreur de n’être plus devenait tangible : on était quatre, et un trou se creusait, on restait trois à grelotter de misère, à se serrer éperdument, pour retrouver un peu de la chaleur perdue. C’était donc cela, mourir ? c’était ce plus jamais, ces bras tremblants refermés sur une ombre, qui ne laissait d’elle qu’un regret épouvanté.
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