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Citations sur Madeleine Férat (159)

Lorsque Guillaume suivait les couloirs silencieux et sombres qui traversaient la Noiraude de toutes parts, il éprouvait de secrètes terreurs. Il passait en hâtant le pas devant les portes des chambres inhabitées. Plein des idées horribles que Geneviève lui mettait dans la tête, il croyait entendre sortir de ces chambres des plaintes, des sanglots étouffés ; il se demandait avec effroi qui pouvait habiter ces appartements dont les portes restaient toujours closes. Il préférait les allées du parc, et encore n’osait-il s’éloigner, tant la vieille protestante l’avait rendu poltron et frissonnant.

Chapitre III
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L’enfant, dont l’intelligence s’éveillait, vécut dès lors dans une sorte d’épouvante éternelle. Enfermé avec la fanatique qui l’entretenait sans cesse du diable, de l’enfer, de la colère du Ciel, il passait les journées au milieu de craintes cuisantes ; la nuit, il sanglotait, s’imaginant que des flammes couraient sous son lit. Ce pauvre être, qui ne demandait qu’à jouer et à rire, avait l’imagination bouleversée au point de ne plus descendre dans le parc pour ne pas se damner. Geneviève lui répétait chaque matin, de cette voix perçante dont les éclats le pénétraient comme des lames aiguës, que le monde était un infâme lieu de perdition et qu’il serait préférable pour lui de mourir sans jamais voir la clarté du soleil. Elle croyait, car ces leçons, le sauver de Satan.

Chapitre III
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Quand il eut sept ans, Geneviève lui apprit ses lettres dans la grande bible garnie de fer. Cette bible, au papier jauni, à l’aspect noirâtre, le terrifiait. Il ne comprenait pas le sens des lignes qu’il épelait, mais le ton sinistre dont son institutrice prononçait les mots, le glaçait d’effroi sur sa chaise. Lorsqu’il se trouvait seul, pour rien au monde il n’aurait osé ouvrir la bible. La vieille protestante, lui en parlait comme de Dieu lui-même, avec un respect effrayé.

Chapitre III
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Guillaume grandit ainsi en pleine exaltation nerveuse. Il respira, dès le berceau, l’air frissonnant, plein d’une religieuse terreur, que la vieille fanatique répandait autour d’elle. Il n’aperçut, penché sur lui, à son réveil, que ce visage de femme, ardent et muet ; il n’entendit que cette voix aiguë de chanteuse de cantiques, qui l’endormait le soir en récitant d’une façon lugubre un des sept psaumes de la pénitence. Les caresses de sa mère d’adoption le brisaient, elle l’embrassait à l’étouffer, par secousses, avec des larmes qui le jetaient lui-même dans des crises de tendresse maladive. Il acquit fatalement une sensibilité de femme, une délicatesse de nerfs qui changeait ses moindres chagrins d’enfant en véritables souffrances. Souvent ses yeux s’emplissaient de larmes, sans motif apparent, et il pleurait pendant des heures, sans colère, comme une grande personne.

Chapitre III
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Dès qu’il fut sevré, elle renvoya la nourrice. Elle seule s’occupa de lui. M. de Viargue le lui avait abandonné, l’autorisant même, avec son ironique sourire de savant, à l’élever dans la religion qu’il lui plairait. L’espérance de sauver Guillaume du feu éternel, en en faisant un protestant zélé, redoubla le dévouement de Geneviève. Jusqu’à l’âge de huit ans, elle le garda avec elle dans l’appartement qu’elle occupait au second étage de la Noiraude.

Chapitre III
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Et peu à peu elle devint une mère pour lui, mais une mère étrange dont les caresses gardaient une sorte de vague terreur. Par instants, elle le repoussait ; puis elle le reprenait entre ses bras avec cette volupté âcre des dévots lui croient sentir la grille du diable pénétrer leur chair. Quand il était encore tout petit, elle le regardait fixement dans les yeux, inquiète, se demandant si elle n’allait pas trouver des clartés infernales au fond du regard pur et clair de l’innocente créature. Jamais elle ne put se persuader qu’il n’appartînt pas un peu à Satan ; mais sa tendresse, toute secouée, brutale et attendrie, n’en fit que plus poignante.

Chapitre III
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La pensée de cet enfant, lorsqu’elle logeait encore au pavillon, lui avait causé une horreur sacrée ; il était le fils du péché, il ne pouvait amener avec lui que le malheur, et peut-être le Dieu vengeur l’avait-il fait naître pour punir son père de son impiété. Mais quand elle vit la pauvre créature, dans son berceau blanc et rose, elle éprouva une sensation d’une douceur inconnue. Cette femme, dont le cœur et la chair avaient séché dans une virginité ardente de fanatique, sentit vaguement se l’éveiller en elle l’épouse et la mère qu’il y a au fond de toute vierge. Elle se crut tentée par le démon, elle voulut résister à l’amollissement qui s’emparait de son être. Puis elle se laissa aller, elle embrassa Guillaume avec des envies de se recommander à Dieu pour se protéger contre cet enfant du crime que le ciel devait avoir maudit.

Chapitre III
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Geneviève considéra la liaison scandaleuse du comte avec la femme du notaire, comme un premier avertissement de la colère de Dieu. Le jour où cette femme s’installa au château, elle fut prise d’une sainte indignation. Elle déclara à son maître qu’elle ne pouvait vivre en compagnie de cette créature et qu’elle lui cédait la place. Et elle fit comme elle disait : elle alla se loger dans une sorte de pavillon que M. de Viargue possédait au bout de son parc. Pendant deux années, elle ne mit pas le pied à la Noiraude. Les paysans qui passaient le long de la muraille du parc, surprenaient les éclats de sa voix sèche psalmodiant, à toute heure de la journée les versets de sa grande bible. Le comte la laissa faire ; il la visita à plusieurs reprises, accueillant d’un air impassible les sermons ardents qu’elle lui fit subir. Une seule fois il faillit se fâcher : il avait rencontré la vieille fanatique dans une allée où il se promenait en compagnie de sa maîtresse, et Geneviève s’était permis d’interpeller la jeune femme avec une violence de langage toute biblique. Elle qui n’avait pas la moindre faute à se faire pardonner, aurait jeté la boue des chemins à la face des pécheresses. La femme du notaire fut fort effrayée de cette scène, et il est même à croire que le mépris et la colère de la protestante furent pour quelque chose dans son départ brusque.

Chapitre III
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Elle répétait souvent, dans une sorte d’exaltation prophétique, qu’elle entendait rôder le diable chaque nuit et que de grands malheurs menaçaient la Noiraude.

Chapitre III
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Un des grands désespoirs de sa vie fut la passion de son maître pour la science. En le voyant s’enfermer pendant de longues journées dans une pièce encombrée d’appareils étranges, elle le crut fermement devenu sorcier. Quand elle passait devant la porte de cette pièce et qu’elle entendait le bruit de son soufflet, elle joignait les mains de terreur, persuadée qu’il activait de son haleine le feu de l’enfer. Un jour, elle eut le courage d’entrer et d’adjurer solennellement le comte, au nom de sa mère, de sauver son âme en renonçant à une besogne maudite. M. de Viargue la poussa doucement vers la porte, souriant, lui promettant de se réconcilier avec Dieu plus tard, quand il mourrait. Dès lors, elle pria pour lui matin et soir. Elle répétait souvent, dans une sorte d’exaltation prophétique, qu’elle entendait rôder le diable chaque nuit et que de grands malheurs menaçaient la Noiraude.

Chapitre III
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