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Citations sur Balzac : Le roman de sa vie (29)

Balzac n'a jamais réussi à dominer son penchant le plus détestable: son snobisme;si conscient qu'il ait du être de sa puérilité et de son ridicule . L'homme qui a crée l'oeuvre la plus monumentale de son siècle et qui eût pu passer devant les princes et les rois avec la même indépendance que Beethoven, est affecté d'un respect maniaque pour l'aristocratie. Une lettre d'une duchesse du faubourg Saint-Germain a pour lui plus de poids qu'un éloge de Goethe... Par un inconcevable paradoxe, pour "s'élever" à ces hautes sphères il va s'avilir sa vie durant, pour vivre dans le luxe il va se river à la galère du travail, pour se présenter avec élégance se rendre ridicule ...

Petit-fils de paysans, fils de bourgeois, incurable roturier, Balzac a une telle corpulence qu'il ne saurait, rien que pour cela, espérer se donner une silhouette et une allure aristocratiques. Il n'est pas de tailleur de la cour,... qui puisse faire parâitre distingué ce gras plébéien aux joues rouges, taillé à la hache, qui parle fort et sans discontinuer et s'introduit dans tous les groupes pour y éclater comme un boulet de canon. Il a un tempérament bien trop exubérant, bien trop excessif pour s'adapter à des manières discrètes et retenues... Les couleurs de son habit et de son pantalon jurent ensemble, et à quoi sert le lorgnon d'or si les ongles des doigts qui le tiennent sont sales, si les lacets de souliers se balancent dénoués sur les bas de soie; à quoi sert le jabot si la graisse dont la crinière est empommadée dégoutte dessus dès qu'elle subit l'éffet de la chaleur ? Balzac porte son élégance qui, par suite de la vulgarité de ses goûts, vise de plus en plus à la pompe, et à l'extravagance, comme un laquais sa livrée...Sur lui ce qui est cher semble de la camelote...

(pp.162-166)
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Balzac ne refléchit pas longtemps. Chaque fois qu'on lui parle d'une affaire, c'est son imagination débridée et non sa raison calculatrice qui mène l'argumentation, et spéculer fut pour lui, sa vie durant, une jouissance, tout comme écrire et créer. Jamais Balzac n'a dédaigné, par vanité littéraire, de faire du commerce. Il était disposé à trafiquer de tout : livres et tableaux, actions de chemin de fer, terrains, bois et métaux.Son unique ambition était de dépenser ses forces et de percer, peu importe dans quel domaine et par quels moyens. Le jeune Balzac n'a qu'une volonté, la volonté d'arriver, la volonté de puissance...Et avec la même rapidité qu'il perçoit, dans la première vision artistique, toutes les intrigues et leurs dénouements, son avidité hypertrophiée découvre, dans chaque spéculation, des bénéfices par millions... Le 6 avril 1828... Balzac fait banqueroute, et trois fois banqueroute, comme éditeur, comme imprimeur et comme propriétaire d'une fonderie de caractères... Il doit à 29 ans presque cent mille francs à sa famille et à son amie... Ces cent mille francs de dettes, fruits des trois années de son activité commerciale, seront le rocher de Sisyphe qu'il remontera toute sa vie en déchirant presque ses muscles et qui toujours le précipitera à nouveau dans les abîmes. Cette première et unique faute de sa jeunesse le condamne à rester éternellement endetté; jamais ne se réalisera le rêve de son adolescence, pouvoir travailler librement, être indépendant.

(pp.91 à 108)
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Voici donc une journée de la vie réelle de Balzac, et mille, dix mille journées ont ressemblé à celle-ci.

Enfin-minuit! Paris repose dans le silence . Maintenant que, pour le monde, le jour est fini, commence sa journée. Comme tous les grands artistes, Balzac ne connait d'autre loi que celle de son oeuvre: " il m'est impossible de travailler quand je dois sortir, et je ne travaille jamais seulement pour une ou deux heures." Seule la nuit, la nuit qui ne connait ni limites ni coupures, permet cette continuité de travail....

Un coup discrètement frappé à la porte par le domestique l'a réveillé. Balzac s'est levé, il met son froc... Comme le guérrier son armure, comme le mineur son vêtement de cuir... Quelques pas encore de long en large pour que les dernières ombres se détachent de lui et pour que le sang circule plus vif dans les veines; alors Balzac est prêt. Balzac s'assied à sa table, à cette table " où je jette ma vie comme l'alchimiste son or dans le creuset."

Encore un dernier regard : tout est-il prêt?... A gauche, un tas de feuilles blanches, des feuilles d'un certain papier soigneusement choisi. Il faut qu'elles soient légèrement bleuâtres pour ne pas éblouir et fatiguer l'oeil...Il faut qu'elles soient lisses, il faut qu'elles soient minces...Les plumes sont préparées avec le même soin, des plumes de corbeau, il n'en veut pas d'autres; à coté de l'encrier il a en réserve une ou deux bouteilles d'encre... A droite, sur la table étroite, un carnet où il note à l'avance ses trouvailles et ses idées pour les chapitres à venir . Rien d'autre ... Tout est achevé en lui avant qu'il ne se mette à la besogne...

Balzac écrit, écrit et écrit sans arrêt, sans trêve. Une fois enflammée son imagination continue de flamber et de s'embraser comme un incendie de forêt où le brasier gagne de plus en plus vite de tronc en tronc, toujours plus chaud, toujours plus ardent...Une heure, deux heures, trois heures, quatre heures, cinq heures, six heures et quelquefois sept heures et huit...

Sans café, pas de travail, ou du moins pas cet incessant travail auquel s'est voué Balzac. En même temps que son papier et sa plume il emporte partout avec lui son troisième outil : sa cafétière, à laquelle il est habitué comme à sa table, comme à son froc...

Enfin huit heures; un léger coup frappé à la porte, Auguste, le serviteur, entre et apporte sur un plateau un modeste déjeuner... Pour détendre son corps épuisé et lui rendre sa fraîcheur en vue du nouvel effort qui l'attend, Balzac prend un bain chaud... D'ordinaire, il reste une heure dans son bain...

Mais à peine a t-il remis son froc que déjà on entend des pas devant la porte. Des émissaires des diverses imprimeries qu'il occupe sont là...D'autres émissaires des imprimeries, des journaux ou de l'éditeur apportent des épreuves toutes fraîches des manuscrits que Balzac a écrit avant-hier et donné la veille à la presse en même temps que les secondes épreuves des placards précédents...Et maintenant à la besogne - un rapide coup d'oeil et la main passe déjà là-dessus une plume furieuse. Balzac est mécontent. Mauvais : tout ce qu'il a écrit hier et avant-hier est mauvais...il est saisi d'une sorte de fureur ...Balzac a repris jusqu'à quinze ou seize fois les épreuves de certains de ses ouvrages...

(pp.171-182)
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Les livres dans sa chambre, les gens dans la rue, et un regard qui pénètre toutes choses: les pensées et les faits, cela suffit pour construire un monde. Dès l'instant où Balzac se met à travailler, il n'existe plus rien de réel autour de lui que ce qu'il crée.

(p.39)
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Balzac jette à Madame Hanska ce terrible aveu :

Si vous saviez quelle femme est ma mère: un monstre et une monstruosité tout ensemble. Pour le moment elle est en train de mener en terre ma soeur après que ma pauvre Laurence et ma grand-mère ont péri par elle. Elle me hait pour mille raisons. Elle me haïssait déjà avant ma naissance. J'ai déjà été sur le point de rompre avec elle, ce serait presque nécessaire. Mais je préfère continuer à souffrir. C'est une blessure qui ne peut guérir. Nous avons cru qu'elle était folle et avons consulté un médecin qui est son ami depuis trente-trois ans. Mais il nous a dit " Mais non, elle n'est pas folle. Elle est seulement méchante." Ma mère est la cause de tous les malheurs de ma vie.

(p.16)
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Il ne me reste pas deux cent francs, et après cela, je n'aurais plus de ressources qu'au théâtre, où même avec des chefs-d'oeuvre, on ne fera pas de recettes
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Byron, par ses aventures et ses relations avec la comtesse Giuccioli, Liszt par l'enlèvement de Mme d'Agoult, Musset et Chopin par leurs rapports avec George Sand, Alfiéry par sa vie commune avec la comtesse Albany ont gagné la faveur du public au moins autant que par leurs oeuvres. Balzac, plus ambitieux de succès mondains que littéraires, n'entend pas rester en arrière mais dépasser les autres. L'idée d'avoir des relations avec une grande dame le fascine toute sa vie. Et si, au lieu de lui dire poliment merci, il accable cette "princesse russe ou polonaise" [Mme de Hanska] inconnue d'aveux brûlants et de caresses voilées, ce n'est nullement naïveté, comme il le prétend, mais volonté bien arrêtée de se forger un roman personnel, de se créer une passion. Toujours, chez lui, le sentiment s'est soumis à la volonté...

A peine sait-il son prénom - la seule chose qu'il connaisse d'elle - qu'il se voue à elle, au sens propre, pour toutes les éternités.: " Vous seule pouvez me blesser, Eva, je suis à vos genoux; je vous livre ma vie et mon coeur. Tuez-moi d'un coup mais ne me faites pas souffrir ! Je vous aime de toutes les forces de mon âme: ne brisez pas tant de belles espérances !"

Balzac prépare un roman romantique, et chaque fois qu'il cesse d'être réaliste...il sombre dans cette extase factice du sentiment. Sa volonté artistique de porter les possibles à leur plus haut degré s'applique à la réalité.

De même que Balzac découvre l'une après l'autre les qualités de Mme.de Hanska, il découvre maintenant chez son mari une série de traits importants et sympathiques : d'abord il est de vingt ou vingt-cinq ans plus âgé que sa femme; ensuite, il n'est pas très aimé d'elle; enfin, sa santé laisse beaucoup à désirer et sa femme, sa femme désirée et déjà conquise, pourra vraisemblablement bientôt être à lui, Balzac, avec tous ses millions et ses relations.

(pp.252-262)
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Pour gagner les cœurs un auteur doit avoir une affaire aussi sensationnelle et publique et dont on parle beaucoup. Byron, par ses aes aventures et ses relations avec la comtesse Guuccioli, Liszt par l’enlèvement de Mme d’Agoult, Musset et Chopin par leurs rapports avec George Sand, Alfieri par sa vie commune avec la comtesse Albany ont gagné la faveur du public autant que par leurs œuvres. Balzac, plus ambitieux de succès mondains que littéraires, n’entend pas rester en arrière, mais dépasser les autres. L’idée d’avoir des relations avec une grande dame le fascine toute sa vie.
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Balzac, après n'avoir suscité l'étonnement que par la diversité de ses talents, révèle toute la profondeur de son génie. Ce sont justement les artistes qui sentent que jamais le secret le plus intime de l'art, le besoin de perfection, n'a été haussé jusqu'au tragique avec une pareille violence ...

Après dix ans de vains tâtonnements et de recherches, Balzac se rend compte de sa véritable mission : devenir l'historien de son propre temps, le psychologue et le physiologue, le peintre et le médecin, le juge et le poète de ce monstrueux organisme qui s'appelle Paris, la France, le monde...

Impitoyable comme un bourreau; il ramènera toujours au bagne de son travail, cet être qui au fond ne demande qu'à jouir sans mesure de la vie, de la puissance, de la liberté...

Dans ses oeuvres, Balzac se propose de créer des êtres humains qui se sont assignés à eux-mêmes les tâches les plus hautes, à proprement parler des tâches irréalisables. Son effort suprême s'applique à des hommes qui succombent sous l'excès de leur effort, aux génies, à des personnalités qui perdent le contact avec la réalité.

(pp.128 -223)
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Encore, si quelqu'un jetait sur cette froide existence un charme quelconque. Je n'ai point encore eu les fleurs de la vie. J'ai faim et rien ne s'offre à mon avidité. Que me faut-il ? Je n'ai que deux passions : l'amour et la gloire, et rien n'est encore satisfait.

(p. 68)
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