Ce court ouvrage de
S Zweig est construit à l'identique de "24 h de la vie d'une femme", à savoir un narrateur qui recueille "les confessions" d'un des protagonistes de l'histoire, le jeu - ici les échecs, dans l'autre titre, le casino - et en toile de fond la passion, à la limite de la folie.
L'écriture est racée et captivante. Nous découvrons Czentovic, champion du monde en titre des échecs, paysan rustre, doué d'une intelligence pour les échecs, dénué de sentiments, imbu de lui-même et fortement antipathique.
Le narrateur, passionné de psychologie, en
voyage sur le bateau dans lequel se trouve C., souhaite sonder l'esprit de ce personnage atypique. Il regroupe plusieurs joueurs amateurs et l'un d'eux livre une bataille perdue d'avance avec C. Lors de la revanche, un inconnu fournit des conseils très pertinents au joueur qui affronte le champion, et stupéfaction match nul !
Il est donc demandé à ce mystérieux inconnu prometteur, M. B, de jouer une partie avec C. Au grand étonnement de tout le monde, M. B avoue ne pas avoir joué aux échecs depuis 20 ans, indique qu'il ne sait pas s'il s'en sent capable puis s'éloigne du groupe...
Notre narrateur, intrigué, le retrouve sur le pont. S'ensuit l'histoire de M. B.
Avocat en Autriche à l'époque du nazisme, il dissimula de fortes sommes.
Arrêté par la Gestapo, avide de récupérer cet argent, la torture fut plus atroce que des coups. Il se retrouva seul dans une chambre d'hôtel entouré d'un lit, d'une table, d'une chaise, d'un lavabo et de toilette. Une fenêtre murée, ni photo, ni livre, ni crayon, aucun contact avec l'extérieur, un gardien muet et pour unique déplacement un couloir menant aux entretiens avec la Gestapo. L'isolement et le néant intellectuel le plus total visent à le faire glisser progressivement vers la folie, lorsque par un fortuit hasard il arrive à dérober un carnet dans lequel il espère rêver en lisant quelques vers, mais dépité il découvre des pages de codes constitués de chiffres et de lettres qui s'avèrent être des positions sur des jeux d'échecs.
L'envie de ne pas sombrer vers la déchéance psychique est la plus forte. L'esprit arrive à créer des mécanismes de survie incroyables. Avec imagination et volonté, M. B. trouve une solution pour jouer. Il imagine des parties virtuelles, il joue avec lui-même, ce qui l'occupe pendant des mois. Mais tout cela n'est que substitut et semblant de vie. Qu'est-il advenu au bout d'un certain temps ?... Ce sont les conséquences de ce temps passé enfermé dans cet chambre d'hôtel qui referont surface des années plus tard sur ce bateau....
En parallèle, pour ceux qui s'intéresse à la vie de
S Zweig, cette nouvelle, écrite en 1942, est aussi le reflet pessimiste des propres pensées de l'écrivain sur une Autriche, chère à son coeur, en perdition.