En vain il chercha que dire ; les mots étaient d’une lourdeur de plomb et rendaient un son faux. Que valaient-ils en comparaison d’un seul souvenir douloureux ?
Et le peintre sentit, à une certaine tension de ses traits, que sous cette enfant perçait déjà une de ces femmes qui vivent leurs rêves et ne font qu'un avec leurs désirs, qui s'accrochent de toutes les fibres de leur âme à ce qu'elles aiment et qui meurent lorsqu'on le leur arrache.
Ce fut pendant ces journées que le tableau fut réalisé. Ces milliers de gestes tendres le peintre les rassembla en un seul ; avec des milliers de regards espiègles, ravis, anxieux, heureux, intenses, il créa le regard d'une mère.
il créa le regard d'une mère. Une grande oeuvre empreinte de calme - toutes simple - naissait. [...] Mais les couleurs étaient d'une douceur et d'une pureté comme il n'en avait jamais trouvé [...].
La jeune fille le regarda d'un air interloqué, profondément surprise par ce timbre grave, empreint de douceur et d'un amour épuré, qu'elle entendait pur la première fois dans la pénombre enfumée de la taverne. Et elle ressentit la douceur de ses mains et la bonté, la tendresse de ses yeux, avec la délectation effarouchée de ceux qui ont eu faim d'affection pendant des semaines, des années, et qui un jour la reçoivent de toute leur âme étonnée.
Le prêche matinal était lui aussi froid, rude, sans un rayon de soleil ; il était consacré aux protestants et une colère sauvage le sous-tendait : la haine s'y associait à une grande assurance, car le temps de la clémence semblait révolue et d'Espagne parvenait aux ecclésiastiques l'heureux message que le nouveau roi servait les oeuvres de l'Eglise avec une rigueur digne de louanges. Aux représentations menaçantes du Jugement dernier se mêlaient des paroles sombres de mise en garde pour les temps à venir.
Le vieil homme frissonna. Il se sentit très pauvre en cette heure de solitude. Il reconnut que durant ces longues années il avait erré seul entre Dieu et la vie, qu’il avait voulu donner un double visage à ce qui était simple et pourtant impossible à interpréter. Les mêmes étoiles merveilleuses n’avaient-elles pas éclairé la marche tâtonnante de cette femme en train d’éclore – Dieu et l’amour n’avaient-ils pas fait qu’un en elle comme partout ailleurs ?
La grande paix solennelle de la maternité
Il y avait dans son immobilité un calme qui pouvait à tout moment se transformer en emportement, quelque chose d'étrange, de fantastique qu'une douce rêverie ne parvenait pas à dissimuler ; et le peintre sentit, à une certaine tension dans ses traits, que sous cette enfant perçait déjà une de ces femmes qui vivent leurs rêves et ne font qu'un avec leurs désirs, qui s'accrochent de toutes leurs fibres de leur âme à ce qu'elles aiment et qui meurent lorsqu'n le leur arrache.