Il n'y avait qu'à regarder ses yeux ! Vides de toutes pensées humaines. Des yeux de tubes digestif. Des yeux inexpressifs qui auraient aussi bien pu appartenir à un cochon.
- Hi ! hi ! Attrape-moi si tu peux !, ricana Carnelle, ses yeux noirs railleurs et méchants.
Elle s’enfuit, bondissante et souple, vers le portail et elle disparut sur un dernier petit rire moqueur. Abasourdi, César n’eut même pas le réflexe de l’appeler ou de tenter de la retenir. Arrêté en pleine montée de plaisir, il regarda, hébété, sans bien comprendre encore, les porcs autour de lui.
Une sourde crainte commença à l’envahir.
C’est avec inquiétude que César vit, un peu après l’en-cas de midi, Attila venir travailler à quelques mètres de leur chambre, à un massif de gardénias roses et blancs, devant la porte-fenêtre. Couicou était parti. Le lâche, le faux frère ! Il passait tous ses après-midi dans le parc avec ses deux nouveaux amis, Goupil et le grand-père.
L’ami Couicou ! … L’ingrat, oui ! qui le délaissait comme une vieille chaussette. Qui le laissait, lui son vrai compagnon, son bienfaiteur, seul et démuni face aux ennuis.
Carnelle … jeune paysanne, comment vais-je te croquer ? Ce fut le premier problème que s’attacha à résoudre César dès qu’il eut pris la décision de se mettre en vacances.
Attila tira la commande à lui. La pelle remonta, et s’abattit sur la voiture. Remonta. S’abattit … Bientôt, la Cadillac mauve ne fut plus qu’un amas de tôle où surnageait le moteur, entouré de débris de verre.
Le bulldozer tourna longtemps dans les champs, chargeant dans sa pelle d’énormes blocs de pierre qu’il allait déverser sur l’épave.
Attila, impassible, couvert de poussière, jouant de toutes les commandes à la fois, orchestrait le ballet.
Quand il eut empilé un véritable monument, un cairn de pierres qui dissimulait jusqu'au plus petit bout de tôle, il reprit le chemin de la ferme.
Il souriait.
Il était content.
César ne doutait jamais de ses conquêtes. C’était un de ses traits de caractère. Il n’essuyait d’ailleurs que de rares échecs et pouvait, sans se vanter, se donner le titre d’homme-qui-plaît-aux-femmes. Il était viril, costaud sans être gros, les épaules larges et le torse solide. Sans doute était-il de petite taille suivant les canons habituels de ces dames, mais son maintien avantageux, son bagout et le charme qu’il savait donner à ses yeux bleus remplaçaient avantageusement les quelques centimètres manquants.
Les quelques rapports qu’il avait eus avec des femmes, outre les professionnelles, l’avaient rapidement convaincu. Il n’avait pas l’énergie nécessaire pour combler cette fringale qui les animait. Il les avait donc laissées à d’autres, et n’y avait plus songé.
Quand on tue un cochon, c’est qu’on respecte les invités !
Les fleurs sont faites pour être regardées.
Du romantisme, maintenant ! Jusqu’où un homme peut-il aller pour séduire ? … Ne sommes-nous donc tous que des chiens ? …