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Critique de Lamifranz


« La vie immédiate » (1932) fait partie de ces recueils mythiques (« Capitale de la douleur » - 1926, « L'Amour, la poésie » - 1929, « Les Yeux fertiles » - 1936, « Donner à voir » - 1939, pour n'en citer que quelques-uns) qui, entre les deux guerres, ont fait les grandes heures du surréalisme, et plus encore celles de Paul Eluard.
Ce recueil est suivi de « La Rose publique » (1935) et de « Les Yeux fertiles » (1936)
L'époque est surréaliste, certes. La poésie d'Eluard l'est aussi, bien évidemment. Mais elle n'est pas que cela. Eluard est un poète difficile à définir parce qu'il n'entre pas dans une case précise. Je ne vois pas d'autre qualificatif pour parler de lui que « poète ». Eluard c'est la poésie à l'état pur : il ne donne à aucun moment l'impression du « travail », de la « composition » (fût-elle du « cousu main »). Eluard est une source d'images. Son écriture est fluide, comme l'eau d'une rivière, parfois humble filet et parfois torrent, mais toujours fraîche et vivifiante.
Contrairement à d'autres, la poésie d'Eluard, bien qu'imagée et souvent mystérieuse, reste limpide, et jamais obscure :
FACILE

Tu te lèves l'eau se déplie
Tu te couches l'eau s'épanouit

Tu es l'eau détournée de ses abîmes
Tu es la terre qui prend racine
Et sur laquelle tout s'établit

Tu fais des bulles de silence dans le désert des bruits
Tu chantes des hymnes nocturnes sur les cordes de l'arc-en-ciel
Tu es partout tu abolis toutes les routes

Tu sacrifies le temps
A l'éternelle jeunesse de la flamme exacte
Qui voile la nature en la reproduisant

Femme tu mets au monde un corps toujours pareil
Le tien

Tu es la ressemblance

Ce seul poème suffit à montrer la magie de la poésie de Paul Eluard : que des mots, mais quels mots ! de leur association naissent les images, les sensations, les émotions. Pas la peine de chercher une signification : le poème s'impose à nous il nous suffit de nous en imprégner, Et nous sommes conquis. Par la beauté de la forme, par l'appel direct à notre sensibilité (en dehors de toute contingence purement littéraire, poétique ou autre), et par le sentiment que c'est un dialogue entre êtres humains, sensibles et pleinement conscients de deux réalités : la leur propre, et celle virtuelle que fait naître cette magie qu'on appelle la poésie.

Avec Apollinaire, Aragon et quelques autres, Eluard fait partie du peloton de tête des grands poètes du XXème siècle. S'il n'est pas le plus grand (ce qui pourrait bien être), il est en tous cas le plus pur, le plus proche de l'idée même de la poésie : créer chez le lecteur (ou la lectrice) une émotion, par le biais d'images « parlantes », simples mais limpides, et l'amener ainsi à intégrer un autre univers, qui est à la fois celui de l'auteur, celui du poème, et aussi celui de celui ou celle qui lit, parce chez Eluard, il y a toujours cette étincelle d'humanité qui s'adresse à chacun de nous.
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