Citations de Raharimanana (63)
Quelle est cette idée d'appartenance qui nous pousse à nous entre-tuer ? A effacer toute autre trace ne convergeant pas dans notre sillage ? Peut-on décréter que toute terre ne doit correspondre qu'à une race, qu'à une nation, qu'à une civilisation ?
Notre histoire est celle de la trahison de nos souverains. Notre histoire est celle de la cupidité de nos conquérants. Esclavage. Unification de l'île. Protectorat. Pacification. Notre histoire est celle de notre mort.
On nous fit comprendre tout simplement qu'il fallait nous battre aux côtés des Allemands pour libérer le monde de l'emprise des juifs et des bolcheviques ! Me sentais-je concerné par cette guerre, moi qui n'avais jamais vu, vu de mes yeux, un quelconque juif ou bolchevique ? Etaient-ce bien ces derniers qui m'obligeaient régulièrement à couper les cannes à sucre d'un colon bien français, étaient-ce bien eux qui m'avaient arraché à mes parents pour m'enjoindre de tuer d'autres hommes et de préserver leur empire ? Je ne savais.
La parole du Christ a cinglé vers nos terres et bâillonné les dires de nos sages. Mais nos sages n'avaient pas de conquistadors à leurs côtés, ni de négriers, ni de coloniaux... Aux mousquets nous n'avons opposé que des sagaies, aux canons que la danse de l'éclair. Sans doute étions-nous primitifs, sauvages, que dirais-je encore pour désigner ceux qui n'avaient pas eu la même histoire que les hommes des livres : impies, barbares, féroces, fourbes, tout juste bons à coloniser, à civiliser si possible...
Etions-nous seulement des hommes ?
Nour...
En traînant ton corps le long des sentiers. En hurlant ton nom dans le bourdonnement des mouches dévorant ta chair... Des nuits à danser dans mes délires, des nuits à ramper hors de ce rocher fendu, à t'éclore sous les scintillements des astres, entre les brisures de pierre et l'envolée des poussières. Des nuits à traquer l'humidité des lichens sur les parois de granit, à coller mes lèvres sèches sur les mousses visqueuses. A tanguer, à me briser sur les récifs lointains de l'horizon étalé...
“Voici la nuit, voici mon univers. C’est un univers de silence. De silence, oui ! On écoute le silence comme on écoute une femme murmurer “je t’aime”. Voluptueux ce silence, sensuel, doux, comme une prière que ressentent tous les fibres du corps.”
Leur père les laissait choisir tout en leur enseignant que personne ne pouvait se prétendre propriétaire d'un livre. Un livre, çà se partageait. Hia n'avait jamais oublié cela. Personne n'est jamais maître d'un livre. p145
On ne cache rien de ce monde. On ne peut rien cacher de ce monde. On coupe la tête au Négro, putain sur cette terre. Trop d'ethnies ! On explose la tête à l'Afghân, et que vive la démocratie ! L'obscurantisme ne passera pas ! On bombarde Gaza, bien fait pour leurs gueules de terroristes ! Retour sur Terre; Retour. La crise passera ! l'Homme vaincra ! Bourse triomphera. p101
Mais l'attiraient encore les mensonges de la fantaisie, la valse des volontés dans le bal des libertés, le vertige des sans règles et l'entremêlement du désir et du hasard. P73
La solidarité, l'entraide, les choses comme ça, deviennent des utopies, des idées d'extrême-gauche. [...] C'est cela l'extrême de l'humain : ignorer la loi du plus fort ?
Mais toujours d'autres innocents mangent des innocents en refusant de comprendre qu'ils sont les soldats sans armes du capitalisme, avec des balles infiniment plus efficaces et mortelles : l'argent ! Des soldats sans armes qui consomment. Des soldats enrôlés dans une armée sans caserne. Des soldats qui ne réalisent pas ou refusent de croire qu'ils occupent le front et que leur manière de vivre décime des peuples tout en portant atteinte à la planète entière. Des soldats innocents sur le champ de bataille du consumérisme.
Nour, ton nom pourtant signifie lumière. Ton maître l’a-t-il su ? S’en souciait-il d’ailleurs quand il t’a « requise » chez tes parents, que ses semblables avaient pourtant affranchis des années plus tôt ? Effort de guerre pour la « Mère patrie » ricanait-il…
Transcrire. Tout transcrire... Des murmures arrachés au vent. Des chuchotements qui se délivrent de sous la pierre. Et ces on-dit, ces héritages de l'ouïe, quand des origines ne se délivrent qu'étouffement et résonance incertaine, quand des origines se confondent mythes et vérités, vie et désir d'existence...
Que fut notre histoire pour que nous ne la confiions qu'aux rumeurs des temps?
Que sera-t-elle? Irrémédiablement déformée, interprétée au bon vouloir du présent...
Oui, transcrire. Tout transcrire. Mais voudra-t-on me croire un jour? Le présent n'arrête pas de réédifier son passé pour justifier ses réalités...
Je te livre, mon amour, cette histoire. A lire l’âme sans haine. Non pour nous lamenter et nous pencher éternellement sur nos malheurs, mais pour ne pas oublier ce qui hier nous a façonnés, faits comme nous le sommes aujourd’hui.
le scandale est tapissé de bonne intentions
Hier n'est pas hier. Aujourd'hui n'est pas aujourd'hui. Demain n'est pas demain, tout est éphémère, tout est éternel, tout se fait pourtant, tout se déroule.
créé de Dieu ou créé de personne
est- ce vrai que ces notions dites universelles comme la démocratie se puisent seulement chez les grecs?
A quel endroit de notre tissu notre déchirure a-t-elle été engagée. La trace de la déchirure est-elle toujours nécessaire ?
Zatovotsinataonjanahary, le Beau-jeune-homme-que-Dieu-n’a-pas-créé.
L’autre se disait Zatovotsinataonolo, le Beau-jeune-homme-que-personne-n’a-créé
« Est-ce moi qui parle maintenant, est-ce la vieille qui se déploie dans tout l’arbre, sont-ce les autres chrysalides qui autant que moi démêlent les possibles et les espérances ? » Retour ligne automatique
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