Citations de Adelle Waldman (24)
« Il se demanda s’il souffrait d’une grave déficience, si – même s’il était considéré comme quelqu’un de bien par tous ses amis (et il était un très bon ami), et qu’il était dans l’ensemble un bon fils – quelque chose clochait sérieusement chez lui. L’amour révélait-il une vérité, un manque fondamental, une froideur, qui le poussait à reculer au moment même où la réciprocité était nécessaire ? »
Il était, en théorie, compréhensif à l'égard des limites des autres: il fallait prendre en compte les causes profondes, les handicaps sévères causés par la stupidité, une culture de la consommation infantilisante, et ainsi de suite. Mais lorsqu'il réglait le microscope pour grossir l'image, les êtres humains prenaient un aspect de plus en plus déplaisant. Ils paraissaient cupides, crasseux, hypocrites, vains. Le sexe, la pulsion sexuelle, était un leurre - une illusion fabriquée par un organisme animal qui ne cherchait qu'à se perpétuer lui-même. Le maquillage, la coiffure, les membres épilés, la musculature tonifiée par le sport, les manières raffinées, le vernis protecteur de la jeunesse, la réussite et même la gentillesse - n'étaient-ils pas simplement une couverture pour le "je" pathétique, rapace, qui se cachait derrière ?
L'erreur que font les gens, c'est de considérer l'évolution humaine du point de vue de l'individu. Sur le plan de l'évolution, le bonheur individuel est sans importance; ce qui compte, c'est la santé de la société.
... les riches aiment se montrer hospitaliers avec les artistes, les intellectuels. Ils ont besoin d'un public assez subtil pour apprécier tout ce qu'ils possèdent. Cela leur permet d'en tirer plus de plaisir.
Les femmes étaient en tout point aussi intelligentes que les hommes, aussi capables de calculer combien de temps il faudrait au train A pour entrer en collision avec le train B s’ils roulaient à une vitesse moyenne de C. Elles étaient aussi capables d’avoir une pensée rationnelle ; simplement, elles n’avaient pas l’air de s’y intéresser. Elles étaient heureuses d’utiliser des arguments rationnels pour défendre ce qu’elles croyaient déjà mais peu susceptibles de se laisser influencer s’ils contrariaient leur penchant, voire leur intuition, démontaient une opinion qui leur était chère ou irritaient leur amour-propre.
Il lui arrivait de lire à Kristen des extraits de Proust, mais elle prenait un air pincé, comme si l’extravagance de la prose proustienne était répréhensible moralement, laissant entendre qu’en Afrique des enfants auraient pu faire un meilleur usage de cette pléthore de mots.
Apparemment aucune femme du début du XXIe siècle ne souhaite,
1. avoir un petit ami,
2. parler de sa relation, même si
a. elle a vraiment envie d'avoir un petit ami,
b. veut parler de sa relation.
“Les musiciens commencèrent à jouer. Hannah se tourna pour leur faire face. Elle avait proposé à Nate d’assister à ce concert gratuit. «Ils vont interpréter certains quatuors de la dernière période de Beethoven qui sont vraiment merveilleux», lui avait-elle annoncé. Il n’était guère amateur de ce genre d’événement. Il jugeait agaçante la passion des bobos new-yorkais pour la «haute culture» dans les parcs de la ville. Un engouement truffé de complaisance, comme si quelques lamentables représentations compensaient l’inégalité économique du système. «Mmmh. Mmmh, avait fait Hannah. On croirait entendre un de ces, euh, philistins, qui ne voient pas l’utilité de l’art, hein?» Ça lui avait cloué le bec (p. 138).”
Si les gens brillants ne s’accouplaient qu’avec d’autres gens brillants, les structures des classes sociales s’ossifieraient. Il y aurait une sous-classe permanente de crétins. Mais lorsque des hommes intelligents s’accouplent avec de belles femmes, intelligentes ou pas, tu déstabilises ce système de castes figé. Les gosses de riches bornés rendent service à tout le monde en contredisant la théorie qui justifie le privilège de naissance.
Le monde était peuplé à un point alarmant de femmes dont la carrière, cahoteuse ou fulgurante, n’était plus au centre de leurs préoccupations. Elles avaient beau prétendre le contraire, elles donnaient l’impression, dans la pratique, de ne pas s’intéresser à grand-chose d’autre qu’aux relations amoureuses.
Quand il était plus jeune, il avait imaginé qu’en grandissant il deviendrait peu à peu moins superficiel et que le physique des femmes aurait moins d’importance. Il était à présent plus ou moins adulte, mais se rendait compte que ça ne se produisait pas. Il n’était pas aussi superficiel qu’il l’avait cru. Beaucoup de ses amis étaient plus froids et plus expérimentés dans leur attitude à l’égard de la beauté des femmes, comme si les sentiments plus tendres qui avaient animé les béguins de leurs jeunes années s’étaient envolés
Son moyen préféré de communication ne passait pas par la parole : il se limitait à un sourire figé et à des hochements de tête aimables et paternels.
C’est du snobisme de croire qu’on est supérieur à une autre personne juste parce que le récit le plus raffiné au monde de l’agression sexuelle d’un enfant la laisse de marbre.
Ils pourraient être, voyons, des génies scientifiques ou des chrétiens qui consacrent leur vie aux bonnes œuvres. Je ne vois pas en quoi le fait de lire des romans devrait faire de toi un être supérieur.
Je ne crois pas que ces gens soient pires parce qu’ils n’aiment pas les romans...
Les hippies qui idéalisent le naturel et l’« intuitif » préfèrent aussi le sentiment à la réflexion. Mais ne pas penser était une manière de s’autoriser à être un mufle.
Même dans ces conditions, avait écrit Hannah, le fait que des formes d’exploitation tolérées dans le passé soient cachées sous le tapis a son importance, non ? N’est-ce pas le signe d’un changement dans notre conception de ce qui est acceptable ou pas ?
La plupart de ces débatteurs enflammés et de ces rédacteurs de journaux passionnés buvaient beaucoup de café et, d’une voix qui déraillait aux moments de forte tension, discutaient des implications allégoriques de Seinfeld.
Le rapport des hommes et des femmes à la relation est le même, inversé, que leur rapport à l'orgasme, poursuivit Jason avec fougue. Les femmes désirent une relation de la même façon que les hommes désirent l'orgasme. Tout leur être se plie à cet impératif. Les hommes, par contraste, recherchent une relation de la même façon que les femmes recherchent l'orgasme : de temps en temps, dans les circonstances appropriés.
“Putain, je n'arrive pas à croire que j'aie pu être aussi conne. Je me demande ce qui m'a pris de t'envoyer ce e-mail, à un moment de Dieu sait quoi. Je veux juste te dire que je le reprends. Tu es un pire trou du cul que ce que j'imaginais. Je n'arrive pas à croire que tu n'aies même pas pris la peine de répondre. En tous cas, il y a une chose que je voulais te dire. Tu es vraiment nul au lit (p. 303).”