Ce roman graphique est une pure merveille. Dès que je l'ai ouvert je n'ai pu m'en détacher tellement je retrouvais ce que John Steinbeck évoquait dans Les raisins de la colère ayant d'ailleurs souvent en couverture une photographie de Dorothea Lange célèbre pour sa photo, Migrant Mother, qui a elle seule
résume tout le livre.
Milieu des années 1930 - A la jonction de l'Oklahoma, cet état en forme de poêle, du Texas et du Kansas s'est produit un étrange phénomène climatique, le Dust Bowl, dû à une absence de pluies et à des techniques agricoles inappropriées se traduisant par des tempêtes de poussière qui obscurcissent le ciel, l'air et s'infiltrent dans toutes les maisons et organismes humains provoquant maladies, pauvreté, famines, migrations et décès.
Au sortir de la crise de 1929, John Clark, jeune photoreporter décroche un travail de photoreportage dans
cette région afin de fournir à un organisme gouvernemental des clichés représentatifs de la crise traversée par les populations. Mais les photographies peuvent-elles, à elles seules, être les témoins d'un drame ? Qui se sont ceux qui prennent la pose ? Quelles sont les épreuves réellement traversées par ces hommes, ces femmes et ces enfants ? C'est ce dont John Clark va prendre conscience après avoir, dans un premier temps, suivi une check-list fournie par son employeur des thèmes à
représenter mais peu à peu et au contact de ses sujets, il va être confronté aux drames qui l'entourent car il ne s'agit plus de représentations sur papier glacé, certes utiles et nécessaires pour informer, garder une trace, figer les faits, les visages mais d'êtres humains avec leur dignité malgré les déboires résultant d'un phénomène en partie consécutif de l'activité humaine et provoquant abandons des terres mais des dégâts dans les corps jusqu'à la mort parfois.
Voilà le genre de roman graphique qui porte un coup au cœur comme les romans de Steinbeck vous saisissent à la fois par sa brutale réalité mais également par la beauté, dans le cas de l'écrivain, de l'écriture superbement réaliste, témoin de son temps et d'une actualité. Ici ce sont les illustrations qui se suffisent à elles-mêmes, l'ajout des textes permettant uniquement de mieux comprendre l'ampleur d'un phénomène qui entraîna, entre autres les migrations décrites par Steinbeck.
Aimée De Jongh confronte le travail du photographe, arrivant sur le terrain, déterminé à remplir la tâche qui lui incombe dans une période où le moindre travail était source de revenus, à la réalité de son sujet, prenant conscience d'un drame humain dont il observe peu à peu toutes les conséquences qui ne sont
pas seulement énoncées en mots sur une liste mais en preuves concrètes, sous ses yeux, comme la poussière qui envahit tout, qui s'infiltre partout jusque dans ses appareils photos laissant la trace indélébile de ceux qui ont tout perdu.
En mêlant photographies de l'époque à son récit et en fin d'ouvrage les explications sur un drame oublié, l'auteure donne un pouvoir visuel à son ouvrage certes mais également une réflexion philosophique sur ce que l'image ne peut traduire. J'ai été saisie par ces visages mais également la prise de conscience de John Clark réalisant que son appareil ne peut tout restituer, ce qu'il a vu, vécu et , ressenti aux côtés de ceux qui tentent de survivre et donnent à ceux-ci une réelle existence.
C'est un magnifique travail à la fois graphique et d'écriture mais également artistique qui se veut également un vibrant hommage à John Steinbeck mais surtout au travail des photographes comme Dorothea Lange qui, grâce à leurs photographies, ont su saisir et transmettre ce que son objectif voyait et ce que son esprit vivait.
Enorme Coup de coeur
Lien :
https://mumudanslebocage.wor..