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Critiques de Alain Mascaro (96)
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Avant que le monde ne se ferme

Dès les premières lignes, tu sens que le temps se suspend et que la magie va opérer pour te faire voyager très loin, géographiquement et émotionnellement.



« Tout commença dans la steppe, dans le cercle des regards qui crépitaient avec le feu de camp. La voix du violon de Jag planait par-dessus l'hiver immobile qui parfois arrêtait le coeur des hommes. Ainsi le vieux Johann était-il mort trois jours plus tôt. Jamais il ne connaîtrait l'enfant à venir ».



L'enfant à venir, c'est Anton Torvath, né dans les steppes kirghizes après la Première guerre mondiale au sein d'un cirque itinérant tzigane. Pas un hasard si la citation en exergue provient de l'Odyssée. C'est son destin qui nous est conté. Dresseur de chevaux, fils du Vent, Anton illumine le récit, traversant le chaos du siècle, porté par une sagesse et une humanité qu'il acquiert au fil de rencontres souvent étonnantes.



Les premiers chapitres sur l'enfance sont absolument superbes, miraculeux dans l'équilibre trouvé entre poésie limpide, lyrisme prononcé et évidence. Juste quelques souvenirs épars qui suffisent à bâtir un paradis perdu qui maintient le tracé de toute une vie.



Et puis il y a le noyau central : le Porajmos, le génocide tzigane perpétré par les Nazis. La grande Histoire du XXème siècle avec ses tragédies est égrenée avec une rare subtilité car on ne sent jamais le poids de la documentation. Les pages sur le ghetto de Łódź , le camp d'Auschwitz et les marches de la mort sont exceptionnelles. Surtout sur le ghetto de Łódź avec l'incroyable personnage du doyen Chaïm Rumkowski ( Hubert Haddad en avait tiré un roman fabuleux, le Monstre et le Chaos ).



Pour autant, Avant que le monde ne se ferme n'est pas un roman historique classiquement tourné vers l'hyper réalisme. Alain Mascaro laisse une large part au pur romanesque pour nourrir la dynamique d'un récit en mouvement perpétuel, avant tout un conte initiatique quasi philosophique. Anton le rescapé est un passeur, un témoin, celui qui parlera de son peuple englouti, les Tziganes vivant en marge, regardant le monde de loin. Anton est celui qui tient entre ses mains la mémoire des disparus.





« Il ne mourut pas. Il resta simplement de longues semaines à flotter, indécis, entre cette chambre d'hôpital et la carrière de Mauthausen, à se demander s'il avait encore envie de vivre. Il était comme au bord du vide, prêt à sauter. Il ne sauta pas. Il se souvint qu'en lui vivaient des centaines de fantômes qui attendaient une sépulture. (...) Je suis un tombeau, il n'y a que des morts dans ma mémoire. Des morts et des cendres. »



J'ai été moins emportée par la dernière partie en Inde. Non parce qu'elle est de moins bonne qualité que les précédentes, juste une affaire de goût. Lyrisme et poésie, je les apprécie plutôt lorsqu'ils éclairent la noirceur. Les chapitres indiens sont plus sucrés, tournés vers la résilience hors du commun d'Anton et du peuple tzigane dont la capacité d'oubli sans laisser de cicatrices semble impossible à comprendre pour les Gadjés. Sucrés, sans excès non plus, mais un trop quand même pour moi.



Un roman qui ouvre des fenêtres, parle aux tripes et au coeur, accessible à tous les lecteurs à partir du lycée. Un hymne à la liberté et à la vie, généreux et humaniste.



«  Pour triompher du malheur, il faut le profaner. Et quelle plus belle profanation que la vie elle-même, que la force vive de la vie ? Reprendre la voie du vent, faire des enfants, essaimer en tribus sur les chemins d'Europe et du monde, triompher de la mort en s'en riant ! »
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Avant que le monde ne se ferme

Né dans les steppes kirghises au lendemain de la Grande Guerre, le jeune tzigane Anton Torvath grandit au sein d’un cirque, où il dresse des chevaux. Lui et les siens mènent l’existence libre des « Fils du vent », à cent lieues des préoccupations de plus en plus folles de l’Europe où ils se trouvent dans les années trente. Pris au piège de la barbarie nazie, le petit chapiteau rouge et bleu manquera de peu disparaître définitivement. Mais c’est sans compter la détermination des survivants à ne jamais laisser s’éteindre le souffle du vent...





Terrible miroir que nous tend Anton, à nous les gadjé, au fil d’une moitié de XXe siècle marquée par les génocides. Pendant que montent les tensions d’avant-guerre en Europe, le jeune tzigane s’enivre d’une enfance goûtée instant après instant au sein d’un clan haut en couleurs, fier de sa vie sans attache qui lui fait profiter des beautés du monde au hasard de ses lents voyages au pas des chevaux. Cette vie libre de "mouflons" réfractaires à la domesticité des "moutons" est mise à mal de la pire des façons par le génocide nazi, dans un summum de l’horreur prouvant au-delà du concevable combien l’humanité est capable de se fourvoyer. Obstinés à reconstruire un avenir conforme à leurs valeurs de liberté, les survivants se heurtent au triomphe d'une conception de plus en plus "économique" du monde, centrée sur la possession et l'argent. Alors que les espaces sauvages se font peaux de chagrin, que frontières et passeports dessinent des murs parfois infranchissables, restent bien peu d'ouvertures pour laisser passer le vent.





A ses passages sombres et terribles, propres à faire douter de la notion-même d'humanité, le récit oppose la lumineuse présence de quelques personnages dont la sagesse et la bonté simples et instinctives serviront, d'abord de tuteurs à l'apprentissage d'Anton, puis de bouées de sauvetage empêchant le jeune homme de sombrer tout à fait dans l'enfer des camps de la mort. Et puisque la barbarie des hommes se révèle capable de les emmener si loin au-delà de toute raison, mais aussi parce que notre monde contemporain oublie toujours plus de "vivre" pour préférer "avoir", l'on acceptera avec bonheur que le récit s'arme d'une poésie parfois légèrement teintée de magie, n'hésitant pas à franchir les limites de la vraisemblance, pour mieux nous rappeler le vrai sens de la vie et le goût perdu de la liberté.





Investir chaque instant sans laisser au poids du passé ni à la crainte de l'avenir la possibilité de le gâcher, refuser l'aliénation au lieu de rester frileusement dans d'inacceptables compromis, oser dire non sans reculer devant le prix : c'est parfois l'avenir du monde qui est en jeu - ici face au nazisme au siècle dernier, mais on pensera aisément à d'autres exemples contemporains, ne serait-ce qu'à l'intégrisme religieux, et ainsi à d'autres ouvrages récents sur la liberté, en Turquie avec Madame Hayat d'Ahmet Altan ou au Kurdistan avec S’il n’en reste qu’une de Patrice Franceschi -, mais aussi, plus directement, la façon dont nous acceptons de vivre ou de subir notre existence au quotidien. Alors, à l'image des derniers tziganes bataillant pour préserver leur rapport au monde, et d'ailleurs de l'auteur qui a fait le choix un jour de tout plaquer pour écrire et voyager, peut-être un certain nombre de lecteurs trouveront dans ce livre l'envie de rejoindre aussi les rangs des cimarrones, ces esclaves ou animaux domestiques enfuis pour retrouver la maîtrise de leur destin... Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Avant que le monde ne se ferme

Lorsque l’ancêtre disparaît, on brule sa roulotte et son bandonéon, selon la tradition chez les Fils du vent . Le voyage continue précaire mais joyeux : « La vie s’écoulait comme une eau vive », alors on s’empresse d’oublier les mises en garde funestes du patriarche. La kumpania poursuit son chemin au son du violon de Jag.



Anton est un adolescent lorsque quelque chose change sur la route. Le danger menace et la troupe est prise au coeur de la tourmente. Les zigeuner sont une cible clairement visée par les « blattes », Anton est l’un des seuls survivants, portant en lui la lourde mémoire de « mille trois cent quatre morts qui ne veulent pas qu’on oublie leur nom ».



Survivre est une souffrance chaque jour, il faudra une rencontre extraordinaire avec un petit homme à lunettes vêtu d’un dhoti pour accepter d’assumer et de chérir la vie qui aurait pu elle aussi lui être ôtée dans les camps de la honte.



A l’issue de la guerre, pas de répit pourtant pour la troupe reconstruite, car des barrières se dressent sur les chemins, les pays se ferment, les humains se barricadent oubliant leurs racines, et leur déambulation ancestrale, avant que les nomades ne cessent les pérégrinations qui étaient le but de leur vie.





Cette évocation romanesque d’une troupe circassienne aborde de façon originale l’histoire des génocides du vingtième siècle. Ecrit avec poésie et pudeur, le roman est un bel homme aux gens du voyage, et un pierre à l’édifice du devoir de mémoire.



Premier roman remarquablement écrit et qui mérite d’être lu.


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Avant que le monde ne se ferme

« Tout commença dans la steppe, dans le cercle des regards qui crépitaient avec le feu de camps. »





Avec ce conte tzigane sur ce dresseur de chevaux, j’ai voulu goûter au vent de liberté, à la magie poétique d’un cirque itinérant à l’ancienne, déambulant en roulottes au gré d’itinéraires aléatoires dans les villes et paysages qui leurs plaisent, dans ces steppes emplies d’espaces et de légendes.





« L’enfance ne fut qu’errance et mouvement, à la lenteur d’une paire de chevaux, la parfaite vitesse pour prendre la mesure du monde ».





Avec eux j’ai plié et déplié le chapiteau, écouté le violon de Jag autour du feu, lorsque « L’haleine des chevaux soufflait des nuages et les étoiles au ciel semblaient cligner des yeux. ».





J’ai brûlé les roulottes de ceux qui mourraient au fil du chemin, pour que leur esprit ne revienne pas nous hanter. J’ai marché sur un fil, ri et pleuré. J’ai vécu au présent, surtout, m’offusquant de ces frontières de plus en plus difficiles à franchir, de ces propriétés privées que les gadjé s’approprient, nous contraignant parfois à les voler.





J’ai appris à apprécier cette vie où « les livres étaient des prisons pour les mots, des prisons pour les hommes. Les premiers comme les seconds n’étaient libres qu’à virevolter dans l’air ; ils dépérissaient sitôt qu’on les fixait sur une page blanche ou un lopin de terre ».





Pourtant très vite, au fur et à mesure que les années 1940 approchaient, les prisons sont devenues le quotidien. D’abord personae non gratae interdits de séjour, les tziganes furent raflés au même titre que les juifs. Le début de la fin, pour des hommes et des femmes habitués à virevolter au gré du vent.





« Pleure, mon amour, pleure, et qu’avec tes larmes s’en aillent tous tes malheurs… »





J’ai beaucoup aimé le début de ce récit, qui nous fait naître au monde tzigane avec le personnage principal, Anton. La seconde partie au coeur des camps et charniers de la seconde guerre mondiale est intéressante dans la mesure où elle présente un angle nouveau : l’enfermement pour une âme libre, quelqu’un pour qui les frontières sont déjà des concepts ineptes. Mais déjà, l’aventure commence à souffrir du fait que le peu de pages du roman ne permet pas d’approfondir la personnalité des personnages, et notamment d’Anton, de pénétrer son coeur et son âme. Ce parti pris a le mérite, comme dans un conte, de raconter beaucoup de péripéties sans s’appesantir, les mots virevoltant comme le feraient ceux, oraux et libres, des personnages eux-mêmes ; Mais l’écriture commence alors à me faire prendre de la distance avec lui. Et la rapidité avec laquelle la plume passe sur les années qui défilent continue à me distancer.





« L’engloutissement, la dévoration : c’est ainsi que certains tziganes désigneraient par la suite le génocide dont ils avaient été victimes, mais très peu en parleraient, à quoi bon ? Pour triompher du malheur, il faut le profaner. Et quelle plus belle profanation que la vie elle-même ? »





Malheureusement, la troisième partie sur une éventuelle renaissance au sortir des camps, n’a fait que creuser l’écart entre Anton et moi. Il parcourt beaucoup de kilomètres, vit beaucoup d’aventures, crée des numéros de cirque mais sans qu’on ne l’accompagne vraiment dans son cheminement ni dans son processus créatif, qui demeure superficiel. Ça permet une vue d’ensemble et demeure une belle histoire, mais racontée sans vraiment me la faire vivre. Un conte tzigane qui a aurait pu m’ébahir, mais ne m’a finalement qu’effleurée. Une caresse dont je reste en partie insatisfaite, ayant eu hâte de quitter des personnages dont je m’éloignais un peu plus à chaque page à cause d’une impression de survol.





Mais ce roman demeure très bien noté et je l'envoie volontiers à qui voudrait le tenter !

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Avant que le monde ne se ferme

C'est un bien beau coup de cœur que ce premier roman d'Alain Mascaro. Avec Anton, magnifique personnage central,Jag son père de substitution et tous les membres de son clan tzigane, j'ai été captivée,émue et plus encore. Ce roman est tout en contraste. Il nous plonge dans l'obscurité la plus terrifiante mais la lumière parvient toujours à s'infiltrer grâce à des rencontres solaires essentielles. Le contraste c'est aussi ce passage de la liberté sauvage des steppes natales d'Anton, balayées par le vent et le violon de Jag à l'enfer des camps de concentration . Et c'est sans doute parce que la part de rêve et d'espoir est essentielle pour croire encore à l'humanité que le côté parfois presque magique de certains évenements ne m'a pas dérangé dans cette histoire. Car l'histoire est celle d'Anton,jeune dresseur de chevaux qui va être pris par la tornade de la deuxième guerre mondiale et par le génocide du peuple tzigane désigné par le terme " d'engloutissement".

De la destruction de sa " kumpania" et de son petit cirque, Anton va partir pour une épopée tragique dans une Europe nazie qui le conduira des guetos tziganes et juifs à Auschwitz puis Mathausen où le pire cauchemar aurait dû l'anéantir corps et âme. Mais d'autres forces,d'autres rêves,d'autres présences l'habitent et le guideront bien plus loin. Il en a le devoir car il porte le dessein d'offrir une sépulture à tous les morts qui reposent en lui... Jamais il n'oubliera ce conseil: "Si tu veux obtenir quelque chose d'un homme,parle au fils du vent qui est encore en lui,parle à sa liberté et non pas à tout ce qui l'entrave."

Je ne peux pas quitter Anton et les siens sans une réelle émotion. C'est qu'il y a dans cette histoire une blessure collective mais aussi un appel à la liberté. C'est certainement cet appel que l'auteur a suivi en abandonnant tous ses biens matériels il y a deux ans pour partir à la rencontre du monde et cela se ressent dans son écriture. C'est un très touchant hommage au peuple tzigane, à sa culture et à son histoire. C'est enfin un encouragement à retrouver ce qui est vraiment essentiel au bonheur...
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Avant que le monde ne se ferme

Souffle coupé, gorge serrée, je repose le livre d’Alain Mascaro.

Que de beauté et de poésie dans ce récit de la vie d’Anton Torvath, enfant tzigane, qui va être arraché à la vie heureuse de son enfance par la folie des hommes, et plus particulièrement celle des nazis.

Une très belle plume qui nous emmène pour un voyage au long cours dans différents pays du monde, mais aussi aux tréfonds de la barbarie humaine.

Un conte délicat, tout en pudeur et retenue, qui m’a permis d’apprendre sur le génocide tzigane dit porajmos. J’ai trouvé passionnant le travail de recherche réalisé par Alain Mascaro, l’utilisation et l’explication de nombreux mots issus de la langue tzigane, qui apportent une couleur particulière au récit, et nous donnent l’impression d’être immergés au sein de la kumpania, qui sillonne les routes d’Europe en roulottes.

J’ai été séduite par ce roman, même s’il m’a fallu un peu de temps pour rentrer dans le rythme de l’histoire dans les premières pages, et que j’ai regretté l’utilisation d’un vocabulaire un peu trop choisi, qui a parfois cassé mon élan de lecture.

J’oublierai également un certain nombre d’invraisemblances, l’auteur se laissant emporter par sa fougue (et nous caracolons avec lui), et privilégiant par moments la beauté des images à la crédibilité.

Avant que le monde ne se ferme est un très beau livre de cette rentrée littéraire 2021, qui emmène au cœur des belles âmes tziganes pour une chevauchée ensorcelante, macabre et solaire à la fois.

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Avant que le monde ne se ferme

Fait partie de la sélection pour le Prix des Lecteurs du Val de Sully (3/6)



Un roman qui transpire l'émotion à chaque page, presque à chaque mot…



Anton, jeune adolescent tzigane vit dans sa famille. Celle-ci possède un cirque et déambule lentement par monts et par vaux pour donner des représentations. Mais, le public se fait plus rare. La guerre menace.



La famille remonte vers la Pologne pour se mettre à l'abri. Alors qu'Anton est en forêt, ses parents sont emmenés par les soldats allemands dans le ghetto de Lodz (Pologne). Anton décide de les rejoindre…



Ce livre sans chapitre peut se découper en trois parties. Insouciance, Enfer et enfin Renaissance.



« Tout commença dans la steppe, dans le cercle des regards qui crépitaient avec le feu de camp. »

Cette phrase qui commence le roman donne immédiatement une ambiance bucolique. On ressent les liens très forts qui unissent cette famille qui vivent dans les traditions tziganes.

Sans tomber dans une routine, l'auteur nous fait vivre le quotidien de nos personnages.



« Le lendemain, Hitler entrait triomphalement dans Vienne. »



Par cette phrase, l'auteur change l'ambiance et va planter un nouveau décor. Par des descriptions très dures, on vivra des moments indicibles qui m'ont glacé.

C'est l'Enfer.



« Jamais il ne put dire ce qu'il avait vu ce jour-là dans les yeux du garçon, ce qu'il avait reconnu derrière ces traits effacés par la maigreur et l'épuisement, mais le fait est qu'il prit une décision immédiate, sans appel : il fallait soustraire ce mort-vivant aux enfers, sur le champs. »



L'auteur ouvre la porte de la Renaissance.

L'ambiance est plus chaleureuse, les couleurs des descriptions sont plus chaudes.

Le texte est émaillé d'expressions tziganes, yiddish ce qui donne une vraie authenticité.

Quelque soit la partie du roman, les mots sont bien choisis et le style est fluide.



Bien sûr, je me suis attaché à tous les personnages. J'ai tremblé durant toutes les pages en Enfer et j'ai jubilé lors de leur Renaissance.



Vous l'aurez compris, je vous encourage à lire cette histoire.
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Avant que le monde ne se ferme

****



Anton est un fils du vent. Il vit pour les grands espaces, les roulottes qui avancent au gré des chemins, les récits qui se racontent au coin du feu et les spectacles sous son chapiteau. Anton est tzigane et épris de liberté. Quand les jours sombres de la seconde guerre mondiale attrapent sa famille, sa troupe, son peuple, il subit, endure, affronte. La tête haute et le regard vers l’horizon, il reviendra de cet enfer et tentera encore, d’une autre manière, de survivre…



A l’image de ce peuple, de leurs traditions, de leurs valeurs, Alain Mascaro nous raconte, avec générosité et poésie, une histoire touchante. Il nous offre le récit poignant de ce jeune garçon que la vie a fait mûrir trop vite.



On connaît la noirceur de la période nazie, sa violence, ses tortures, sa haine jamais inassouvie. La lumière de vie et de liberté qui bercent Anton ne disparaît pourtant jamais vraiment, même dans les temps les plus difficiles. Rescapé, il est rempli de tous les noms de ceux qu’il a vu s’éteindre. Des âmes qui l’ont maintenu debout, mais qui pèsent une fois revenu au monde, à la vie, au cirque. Il faut qu’Anton s’en libère.



Aidé par ses amis, ses amours, ses racines, Anton va retrouver sa toile, son chapiteau et un peu de souffle. Ses chevaux, sauvés des abattoirs, redonneront à cet homme meurtri l’envie d’avancer, et la chaleur du présent…



Avant que le monde ne se ferme réussit le tour de force d’illuminer nos jours, au milieu de la nuit noire de l’intolérance et de la soumission. Il fait souffler un vent de liberté sur nos horizons et cela fait vraiment le plus grand bien…
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Avant que le monde ne se ferme

« En vérité, je suis un arbre errant. Si l’on me fiche en terre, je mourrai ! »



Qu’il était doux, qu’il était simple, qu’il était heureux le temps d’Avant que le monde ne se ferme. Ce temps où les Tziganes arpentaient les chemins du vent à travers l’Europe, ce temps où les frontières n’existaient pas : « On comprenait qu’on avait passé une frontière, quand soudain, on n’entendait plus parler la même langue ». Mais ça, c’était avant…



Dans les pas d’Anton, fils du vent et dresseur de chevaux dans le cirque familial, Alain Mascaro nous fait traverser le fracas du XXe siècle, qui de Lodz à Mauthausen signa le génocide du peuple tzigane dans des camps où ils furent « juste pris dans une effroyable machine à défaire la vie ».



Un témoignage glaçant du Porajmos, « “l’engloutissement“, c’est bien ainsi que les Tziganes désigneraient par la suite le génocide dont ils avaient été victimes, mais très peu en parleraient, à quoi bon ? Pour triompher du malheur, il faut le profaner. Et quelle plus belle profanation que la vie elle-même ? ».



Et c’est là que le livre d’Alain Mascaro prend toute sa force, dans ce pari de raconter l’après, ce retour d’Anton, survivant, dans la communauté des hommes, grâce à l’aide de rédempteurs américains qui « possédaient deux chevaux et un violon. Tous trois furent les véritables artisans du retour d’Anton parmi les vivants. Les premiers lui rendirent la chair, la force et le désir de la piste, le second lui rouvrit les chemins du vent et de l’enfance ».



Alors le voyage reprend, poétique, métaphorique, lumineux, inspiré… humain ! Anton repart à la découverte des hommes, retrouve Jag l’ancêtre au violon, croise Gandhi et lit Tagore, aime Katia et suit Yadia, fait renaître le cirque et se laisse enfin porter par le souffle du vent nouveau.



Très jolie découverte due – une fois de plus – à Vleel, Avant que le monde ne se ferme arrive à faire oublier ses quelques longueurs de la fin par la poésie de son style, qui confronte dans un même registre la violence des hommes à la résilience du monde.



« Je suis un tombeau, dit-il pour finir. Il n’y a que des morts dans ma mémoire. Des morts et des cendres ». En disant le nom des morts et en les confiant au monde, Anton les ressuscitera et se sauvera. Avec ses mots, Mascaro fait à son tour et joliment, œuvre de mémoire.

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Avant que le monde ne se ferme

Avant que le monde ne se ferme.

Un titre comme celui-ci, sur une couverture d'un bleu franc est déjà une promesse de voyage.



En ouvrant ce roman, il faut se laisser guider par le vent et le souffle des chevaux. Prendre sa place dans cette famille tzigane qui dresse son chapiteau à la faveur des plaines et des places. Voir la troupe s'animer sous les regards émerveillés. Un cirque dans tout ce qu'il a de plus beau, fantaisies, acrobaties, musiques.

Mais le vent tourne. On entend plus que le bruit des bottes et celui des verrous. Le monde se ferme, l'Europe est une prison à ciel ouvert.

Anton, le dresseur de chevaux, le fils du vent, n'échappera pas au joug nazi. Tsigane ou Juif, le sort est le même. Il se fera alors la mémoire de son clan, de ceux qui tombent autour de lui, de ceux que l'on veut voir disparaître. Puis viendra le temps de la résilience.



Ce premier roman aura sans nul doute un beau retentissement dans cette rentrée littéraire et ce sera mérité. Parce qu'il allie une écriture poétique (parfois avec un peu trop d'emphase) à une histoire profondément romanesque et qu'il est bien difficile de le reposer une fois commencé. Parce qu'il parle de sujets forts, le Porajmos et la Shoah, simplement, ce qui rend accessible ce texte au plus grand nombre et notamment à de plus jeunes lecteurs. Rien de novateur, certes, mais une sincérité qui ne peut que toucher en plein cœur. Parce que les personnages sont d'une grande beauté, Anton en tête, et terriblement attachants. Qu'ils se lient ensemble dans l'adversité et forment une nouvelle communauté en dépit de toutes leurs différences. Et parce qu'il est toujours nécessaire de souligner à quel point les peuples nomades sont ostracisés et incompris dans leur volonté d'être sans attaches, d'être d'ici et d'ailleurs, d'être d'une famille avant d'être d'un pays.



"C'est le chant des errants qui n'ont pas de frontières, c'est l'ardente prière de la nuit des gitans." (Dalida, évidemment)

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Avant que le monde ne se ferme

Dans les années trente, une famille de tziganes sillonne les routes, offrant le spectacle de son petit cirque.

Mais la guerre arrive, les chassant puis les parquant.

C'est l'horreur des camps.

Anton, un des fils sera le seul rescapé de la famille et continuera à sillonner les routes à travers l'Europe, jusqu'en Inde.

C'est une magnifique histoire racontée avec un grand talent.

L'âme de ces « fils du vent » est pure et belle.

Quelle sagesse chez eux !

On traverse de longues années en compagnie d'Anton.

Des années où la joie de vivre se transforme en horreur.

Mais Anton a un don de vie, une force d'esprit, une beauté de cœur qui l'aideront à surmonter l'horreur et à préserver l'esprit de tous les siens.

L'écriture est très belle, profonde, poétique.

La vie d'Anton est bouleversante et admirable.
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Avant que le monde ne se ferme

Un coup de coeur! Ce livre se lit facilement, le style est simple et souvent poétique. Il est relativement rare de parler de ces petits cirques actuellement en voie de disparition, rare de parler des tziganes (rom, manouche, gens du voyage, nomades) encore plus rare de parler de leur génocide. Svetan, le père prédit qu'Anton sera un grand dresseur; il dit aussi qu'il faut partir vers l'Afrique ou l'Amérique comme son propre père l'avait conseillé mais le départ est toujours ajourné. Jag le violoniste va faire l'éducation de l'enfant: lui apprendre à lire notamment (ce qui est mal vu). Svetan, lui, enseigne le dressage des chevaux.

Petit cirque mais grande renommée. Une kumpania : Anton et ses parents, Jag,Jion et Lyuba; Boti , Kes et leurs trois enfants, Gugu et Mala; Gabor et Nina; Simza, la grand-mère de seulement soixante ans mais qui ne fait plus rien et n'aime pas Anton. D'autres enfants sont nés et une petite Katia, enfuie d'un orphelinat fut adoptée.Torvath et Fils du vent.

Un jour, en Mongolie, une petite fille est venue trois fois admirer la performance d'Anton, sans payer. Elle dit qu'il est son ange gardien et qu'il est le Frère des chevaux; il ne connait pas son nom mais imagine Nadia.

Anton devient un prodigieux dresseur mais aussi il parle plusieurs langues et lit aussi bien les caractères cyrilliques que romains. Jag lui apprend la musique et lui parle de pays lointains notamment l'Inde car c'est de là que viennent les Fils du vent. Il lui apprend des rudiments de médecine et d'herboristerie. D'aucuns annoncent qu'il va y avoir la guerre. Jag veut partir: "il voulait tailler la route avant que le monde ne se ferme"Le monde tourne comme un manège qui s'en va vers le pire.Le lendemain du départ de Jag vers Jaisalmer Hitler entrait triomphalement dans Vienne. Les horreurs des massacres, des camps, maladie et famine...Anton va connaître les pires moments...jusqu'à ce que, bien plus tard, une vie recommence mais les cicatrices ne s'effaceront pas.

Beaucoup d'émotion!





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Avant que le monde ne se ferme

J’ai eu un vrai coup de cœur pour ce premier roman. D’après la quatrième de couverture, l’auteur l’a écrit à 58 ans après avoir quitté son métier d’enseignant pour parcourir le monde.

Ce livre raconte une histoire originale et très documentée. Anton naît après la première guerre mondiale dans une famille tzigane circassienne d’Europe centrale. L’amour des chevaux, du cirque, de la musique, de la liberté du peuple tzigane est évoqué de manière détaillée, poétique et convaincante.

« Si tu veux obtenir quelque chose d’un homme, parle au fils du vent qui est encore en lui ; parle à sa liberté et non pas à tout ce qui l’entrave. Enlève la selle et le mors à ton cheval ; enlève aux hommes leurs oripeaux sociaux, leurs chaînes et tout ce qui les entrave : considère-les nus et tu sauras qui ils sont… ».

C’est une histoire en trois dimensions.

Tout d’abord, une dimension historique car la narration suit les grands évènements du vingtième siècle : la deuxième guerre mondiale, les conflits en Europe de l’Est, l’apartheid en Afrique du Sud. Un passage particulièrement dur décrit la survie d’Anton dans le ghetto de Lódz où la vie quotidienne est reconstituée avec des détails édifiants. Par exemple, un Tzigane se demande pourquoi la police criminelle du Reich commet de telles exactions, Anton répond : « Pour que nous ressemblions à l’idée qu’ils se font de nous. »

Une dimension géographique car Anton, avec son âme vagabonde voyage en Europe, en Asie centrale, en Inde et aux États-Unis. Il s’ouvre à des cultures et des religions différentes dont il s’enrichit.

Enfin, une dimension spirituelle et onirique. Le rêve fait partie de la réalité tzigane, il nourrit les individus.

C’est un livre relativement court pour toutes les idées qui y sont développées. L’écriture est belle, les phrases simples, percutantes vont à l’essentiel. Certains passages sont poétiques. « L’haleine des chevaux soufflait des nuages et les étoiles au ciel semblaient cligner des yeux ».

Quand on ferme le livre, on a envie de générosité, de partage, d’ouverture aux autres et au monde.

Anton nous partage sa philosophie : « Retrouver les lenteurs et les insouciances de l’enfance, l’errance, ne pas dépasser les limites du besoin, voyager loin mais sans plan de route… ».

« Avant que le monde ne se ferme », ce titre évoque-t-il un espoir ou une crainte ?

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Avant que le monde ne se ferme

Dans ce roman aux allures de conte, Alain Mascaro retrace l'épopée d'Anton, un dresseur de chevaux né dans un clan d'artistes du cirque de la communauté tzigane au début du 20ème siècle.



De génération en génération, la petite troupe familiale sillonne les routes d'Europe et les steppes d'Asie centrale pour donner des spectacles sous un chapiteau rouge et bleu.

Profitant intensément de l'instant présent, les « fils du vent » mènent une vie de nomades, où la liberté, les voyages, les traditions tziganes et la musique envoûtante du violon du vieux Jag en constituent le cœur.

Mais la seconde guerre mondiale va brutalement mettre un terme à cette douce existence, et Anton va assister impuissant à « l'engloutissement » des siens, exterminés dans les ghettos ou déportés dans les camps de concentration.

Au milieu de toute cette horreur, son parcours sera parsemé de belles rencontres qui l'aideront à tenir bon dans les moments les plus sombres, puis à reprendre peu à peu goût à la vie.

Hanté par le souvenir des disparus, Anton fera vivre leur mémoire pour ne pas qu'ils tombent dans l'oubli : comme dans le poème de Baudelaire « J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans », son cerveau est « un immense caveau, qui contient plus de morts que la fosse commune ».



Je me suis laissé porter par le souffle romanesque et un peu magique de ce roman.

Avec son écriture empreinte de poésie, Alain Mascaro nous invite au voyage et à la contemplation. De la beauté du monde, renaissent l'espoir et la vie.

Un joli coup de cœur.

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Avant que le monde ne se ferme

L'épopée d'une vie tzigane. La communauté, le cirque, la musique, les chevaux, ... un idéal d'itinérance dans les confins de l'Europe. Une guerre qui met un terme à ce périple idyllique, qui contraint à une sédentarisation funeste et à l'extermination méthodique d'un peuple. Cette part du récit de l'auteur est réaliste et poétique.



La dernière partie de l'ouvrage m'a, en revanche, moins convaincu. À la sortie des camps, le personnage principal va connaître de nombreuses aventures. L'auteur fait le choix de dépersonnaliser son acteur central en faveur de la description contextuelle de ses aventures. Je m'attendais plutôt à continuer mon périple avec le personnage principal à travers sa reconstruction psychologique.



Je n'ai peut-être pas trouvé ce premier roman parfait, mais il demeure un bel hommage à la liberté pour un peuple dont les frontières ne sont que psychologiques.
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Avant que le monde ne se ferme

Quel beau voyage je viens de réaliser. Voyage dans des contrées lointaines et sur divers continents, voyage en culture Tzigane et voyage à travers le XXe siècle entre périodes d'insouciance, de liberté et d'horreur.

Le fil conducteur est le très beau personnage d'Anton, dresseur de chevaux doué, que l'on rencontre d'abord enfant, dans sa famille circassienne dans les années 1920. La décennie suivante est ensuite marquée par l'enfermement dans un ghetto pour tzigane puis le passage d'Anton en camp de concentration sous le régime nazie. Enfin après guerre le temps de la reconstruction psychique et tout simplement d'une vie, à la recherche des membres rescapés de son clan en découle.

Outre l'histoire, à la fois simple et originale, il se passe de nombreux événements et des rencontres riches et précieuses dans ce court roman.

J'ai beaucoup apprécié la qualité et la justesse de l'écriture, pleine de poésie, d'Alain Mascaro. J'ai d'ailleurs été tentée de noter de nombreuses citations.

Une très belle surprise pour moi que ce roman plein d'humanité, de sensibilité et de solidarité le tout accompagné de notes de violon et donc de musique traditionnelle tzigane.
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Avant que le monde ne se ferme

Il y a eu bien des génocides et celui des tziganes pendant la deuxième guerre mondiale reste un de ceux rarement évoqué. Alain Mascaro retrace le parcours d'Anton, dresseur de chevaux ou plutôt ami des chevaux, de sa famille aux multiples ramifications et origines. Il a connu l'amour d'une famille, de la liberté et de la nature mais aussi la gaine, l'horreur des camps, dû se faire juif pour survivre, connu des amitiés fraternelles au sein des ténèbres.

C'est un récit comme un voyage à travers le temps et le monde, des rencontres avec l'Histoire et des hommes de sagesse. Mais je suis passée par divers stades d'intérêt et j'avoue mettre un peu lassée dans la deuxième partie des errances d'Anton racontées telles des souvenirs de voyages, de rencontres même si l'écriture évocatrice et poétique dessinait de beaux paysages et sentiments.

Emouvant et nécessaire, de beaux moments mais le fil narratif m'a perdue en cours de route.
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Avant que le monde ne se ferme

C’est marrant comme parfois on pose un livre après l’avoir lu et il y a des images qui continuent à vivre. Parfois on se dit (et on a raison), que dans quelques années on ne se souviendra plus de l’histoire mais qu’il y aura toujours ces images comme gravées au fer rouge.



L’image qu’il me reste de « Grâce et dénuement » d’Alice Ferney, c’est celle de ce feu dans lequel on jette tout et surtout n’importe quoi, de l’âcre fumée noire, de la puanteur, des monceaux d’immondices qui jonchent le sol et de la ronde de manouches pouilleux, sales, vêtus de frusques, qui l’entourent.



L’image qu’il me reste d’« Avant que le monde ne se ferme », c’est celle de ce feu crépitant, ce feu aux hautes flammes qui monte jusqu’aux voies célestes, ce feu aux ombres mouvantes habitées des anciens, sous les notes de Jag, et ces tziganes qui chantent la vie puisqu’il n’est rien de plus important.



Ce pourrait être deux images très différentes et pourtant elles recèlent la même poésie, la même ivresse de vie, la même humanité.



Alors imaginez. Imaginez qu’on vous invite, là, à vous asseoir près d’un grand feu, à former, vous lecteur, un cercle avec Stevan, Jag, Hristo, Samuel, Nava, Katok, Yadia, les Wittgenstein, tous les personnages qui peuplent la nuit de ce roman. On vous invite, donc, vous vous asseyez, devant vous le feu, brûlant, crépitant, avec des flammes qui montent jusqu’à ce ciel jonché d’étoiles et de promesses, derrière vous les ombres et le froid. Alors pour ne pas qu’elles s’approchent trop près quand même, ces ombres, pour les tenir à distance, vous alimentez le feu, pas question de le laisser mourir. Les autres le font aussi : tous contemplent ce feu Anton pour ne pas qu’il soit feu, justement, tous l’attendent, tous l’espèrent, tous ne vivent que par ce regard posé sur lui. Et lui ? Et lui c’est la lumière. Qui ne vit que parce qu’on le lui a ordonné, qu’on a écrit, ou plutôt dit, son histoire. Que déjà tout est tracé, et qu’il faut suivre la voie que les signes ont nommée. Tous ces personnages ne vivent, n’existent, que par le regard qu’ils portent sur Anton, par l’attente de son retour (réel ou « à la vie »), de ses décisions (par exemple, remonter le cirque), allant même jusqu’à vivre pour lui, (Katok) (ou mourir pour lui, ce qui n’est pas si éloigné, comme Simon). Dans cette épopée messianique, Anton ne semble décider, au fond, de rien. Il se laisse porter, tout le long du roman, par les injonctions des autres, il n’y a ni refus, ni révolte, il s’abandonne à ce qui doit être. Anton est-il maître de son destin ? Dès avant sa naissance, des voix l’écrivent pour lui, à commencer par son père : il sera dresseur de chevaux, et il sera seul, sans les siens, à devoir porter leur mémoire. Même dans le ghetto tzigane, ce fatum lui est rappelé par Jion (p.72). Donc, il obéit. Il ne s’enfuit pas quand il en a l’occasion, il attend que tout le monde soit mort car tel est son destin. Même l’amour !!! Il refuse Nava car telle est la décision de son père (« Voici un frère pour Nava, voici notre fils »p.126). Katia, depuis qu’ils l’ont recueillie à neuf ou dix ans, disait qu’elle se marierait avec Anton. Ils se retrouvent, elle l’embrasse, il se « laisse faire » (quelle drôle d’expression !), il plonge dans cet amour parce qu’il a décidé de « dire oui », de l’accueillir. Et puis il se fait (enfin !) ce même questionnement, p.198-199 : cette parole oraculaire, où l’a-t-elle conduite ? Quand a-t-il été maître de sa vie ? Le poème de Yadia, 14 ans plus tôt à Oulan Bator, augurait, écrivait déjà l’avenir… Et en même temps, il ne subit pas : il décide simplement d’assumer ce qui a été écrit pour lui. Très « garyen » (sic), très « promesse de l’aube » 😉



Les mots de Mascaro sont à eux seuls un voyage, d’une beauté saisissante et presque irréelle ; je crois que c’est pour cela que certains, dans les critiques que j’ai pu lire (magnifiques, pour certaines !), parlent d’un « conte » ; plus qu’un conte, c’est un chant : un chant qui nous emporte loin, très loin, haut, très haut au-delà des steppes des vallées et des montagnes ; loin au-dessus de la folie des hommes. Le lecteur est un oiseau libre qui glisse, ivre du vent qui le porte, sans un battement d’ailes, sans lutte, un abandon consenti au défilement des paysages, aux voyages, aux tracés de ces vies que l’on croise et que l’on perdra du regard pour n’avoir en ligne de mire que l’horizon, toujours plus loin, toujours plus haut.



Il est évident que ce roman est promis à un bel avenir, d’ailleurs les critiques et les prix qui s’annoncent ne sont pas passés à côté du joyau 😉 Plutôt que d’écrire des lignes et des lignes sur les immenses qualités de l’œuvre, je vais donc m’attacher à expliquer pourquoi je n’ai mis que 4 étoiles et pas 5 (original, non ?).



D’abord parce que je n’ai pas compris le passage sur Silke. Elle est ado au moment de la première rencontre, je suppose que protégée comme elle est, elle ne comprend pas trop ce qui se passe autour d’elle. Elle répète ce que dit son père sur les juifs et cie comme un perroquet, mais ça ne l’empêche pas de tomber amoureuse d’Anton, et même, de voler pour lui. (p.113). Et on la retrouve p.227 : elle vient « demander pardon ». Mais pardon de quoi ? D’avoir aidé Anton ? De l’avoir aimé ? Qu’elle se soit déplacée pour le voir, qu’elle ait « transformé » cette expérience de petite fille pour forger quelque chose, cela m’aurait semblé logique. Là je n’ai pas compris cette rencontre… Elle est suffisante et hautaine, alors pourquoi s’être déplacée ?



Et puis, il y a la question du cirque. Je m’imaginais Anton en Monty Roberts galopant à cru dans les plaines au milieu d’étalons sauvages sur fond de soleil couchant 😉. Et en même temps, la résilience ne pouvait passer que par la toile du chapiteau sortie des cendres du passé (on revient sur la métaphore du feu !). Mais voilà : j’ai bien conscience que c’est totalement subjectif mais le fait est que ça m’a heurtée. Les clowns qui se moquent du genre humain, les trapézistes, funambules et cie qui repoussent sans cesse les limites de leur corps, comme des sportifs de haut niveau, oui, c’est extraordinaire, magique ; mais le dressage (au sens le plus abject qui soit) des animaux qui pastichent l’homme (du genre des chats qui font du toboggan ou du vélo, avec en plus des casques sur la tête ! p.216), ça me met profondément mal à l’aise. Pour le « numéro » d’Anton, c’est pareil. « Toi » porte un licol ? (p.217). Pourtant, il a été prouvé qu’Anton n’en a nul besoin. Alors pourquoi ? Quant au spectacle à proprement parler, je ne connais pas bien l’anatomie des chevaux… Mais pour les côtoyer pas mal, pour les avoir vus faire à peu près tout et n’importe quoi, je n’arrive pas à me construire, intérieurement, l’image d’un cheval qui saute en arrière 😉



Excellent roman, donc : il y a une telle douceur dans ces mots-là et une telle certitude aussi. Une telle poésie… à lire absolument !



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Avant que le monde ne se ferme

Une formidable épopée nomade par un auteur qui a lui-même décidé de se rendre nomade, abandonnant métier et attaches il y a deux ans pour prendre le chemin d’une errance sans but, qui a pu, entre l’Asie centrale et la Patagonie, engendrer le désir de conter et l’écriture de ce livre… Parmi les textes évoquant, avec autant de respect que de poésie, la mémoire historique et la culture des Tsiganes, on appréciait beaucoup le Tsiganes, sur la route avec les Roms Lavera de Jan Yoors (Phébus, 2004) ou, plus récemment, le magnifique N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Paola Pigani, où celle-ci racontait sa rencontre d’enfance avec ces gens du voyage dans son coin de Charente. Le livre d’Alain Mascaro les rejoint désormais dans notre admiration, parce qu’il redonne, à travers l’histoire d’une poignée d’hommes, tout son lustre de fierté à cette communauté, rappelant à quel point elle a pu sans cesse être ostracisée et humiliée et, cependant, garder farouchement entier son goût de la liberté, porter haut son panache au-dessus de la misère. Tout commence autour d’un feu, une de ces brasées rituelles qui rythmeront le cours du récit… Le jour où le grand-père d’Anton meurt, et où l’on brûle sa roulotte pour empêcher qu’il ne revienne hanter ses proches, Svetan, son père, apprend qu’il donnera bientôt naissance à ce fils, à qui il prédit un avenir de grand dresseur de chevaux, le voyant parcourir le monde, souvent seul et loin de sa famille du petit cirque. L’enfant naît et grandit parmi ces gens de la kumpania, s’éprenant de la musique de Jag, le violoniste, apprenant à lire contre l’avis même de son père, découvrant peu à peu toute la vulnérabilité de son peuple. Bientôt l’arrivée des soldats nazis en Autriche, où le cirque circulait alors, sonne le glas de tout espoir. Tandis que certains des siens sont enfermés dans des camps, où l’on sait quel sort – « Porajmos, l’engloutissement, la dévoration » …- leur est réservé, Anton entame une longue errance à travers l’Europe, un voyage souvent sinistre et malheureux, mais ponctué de rencontres enrichissantes, avec Simon, un médecin philosophe, Katok le sage et plus tard, le colonel américain Wittgenstein, avec qui il quittera le camp de Mauthausen et qui l’accueillera dans son ranch, aux Etats-Unis. Mais ce n’est que le début d’une nouvelle errance, qui emmènera Anton jusqu’en Inde… A travers le voyage de son dresseur de chevaux, ce « fils du vent » que rien n’entrave, et tout l’univers culturels des Tsiganes qu’il dépeint autour de cette aventure, c’est aussi de notre monde que parle Alain Mascaro, de notre peur de l’étranger, de notre tentation du repli. Une œuvre forte, oui, à lire d’urgence, alors, avant que ce monde, le nôtre, ne se ferme… pour y trouver les mots, un feu, une musique de violon peut-être, les armes pour empêcher ce destin-là ?



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Avant que le monde ne se ferme

Quelle beauté ! Quel souffle, quelle poésie dans la langue, que c'est beau ! Alain Mascaro nous emmène loin - loin dans les steppes, au-delà de frontières qui n'existaient pas, "avant que le monde ne se ferme" ; loin dans les tréfonds de l'âme humaine, au plus proche de l'horreur et de la barbarie et loin vers la recherche d'encore un peu de beauté dans le monde, quand on survit à des évènements sur lesquels on ne peut véritablement mettre de mots, qu'on ose à peine imaginer. Pourtant, il y arrive, mettre des mots sur le génocide tzigane, longtemps tu. Il nous emmène loin, loin dans une langue (des langues, même) faite de contes et de fables du monde entier, où l'on puise la sagesse çà et là, auprès des rencontres extraordinaires, celles qui nous transforment et nous rendent humbles. Un roman précieux, somptueux malgré la dureté des évènements - d'autant plus durs qu'ils ont eu lieu ; empli d'humilité et d'espoir. Un premier roman maîtrisé, d'une justesse et d'une sagesse indéniable.
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