Alexander McCall Smith

Comme elle adorait le sucré, elle y (verre de lait) ajoutait parfois un beignet ou un gâteau. Elle était de constitution traditionnelle, après tout, et n'avait besoin de se soucier de la taille de ses vêtements [...]

Les gens ne changent pas, mais cela ne signifie pas qu'ils restent les mêmes toute leur vie. Ce que l'on peut obtenir, c'est découvrir leurs bons côtés et les faire émerger. Cela donnera peut-être l'impression que ces gens ont changé, mais ce sera faux, même s'ils en sortent différents, et meilleurs.

- J'ai tout mon temps maintenant.

- Vous avez de la chance.

- Oh, vous savez, il y a beaucoup de gens qui ont tout leur temps, mais ils ne le savent pas. Ils remplissent leurs journées, c'est le problème. Leur vie est encombrée d'un tas de trucs et au bout d'un moment, ils s'aperçoivent quils n'ont pas vécu. Ils ne se souviennent pas du temps où ils étaient libres.

Nous devons penser aux défunts, parce que je crois que, dans un certain sens, ils sont toujours présents parmi nous. Une personne défunte peut rester avec nous toute notre vie, jusqu'à ce que ce soit notre tour de mourir. Et elle refuse que vous soyez triste. Une personne défunte ne veut pas que vous vous trouviez inutile. Une personne défunte souhaite que vous continuiez à avancer dans la vie, à faire des choses, à profiter du temps qui vous est donné. C'est bien connu, Rra. C'est bien connu...

Rra,il faut que je vous avoue quelque chose : je me sens un peu nerveuse à l'idée de rencontrer ce Ditso Ditso.
- Mais pourquoi, Mma Ramotswe ? Il a la réputation d'être un homme violent ?
-Oh non, pas que je sache ! C'est juste que ces gens puissants donnent parfois aux autres l'impression d'être tout petits.

Tant d'existences, songea Mma Ramotswe, n'étaient menées qu'avec difficulté, dans la douleur ! Et pour chacun d'entre nous, absorbé par sa propre vie, elles demeuraient invisibles, jusqu'au jour où nous les découvrions soudain, et comprenions, et éprouvions ce subit serrement de coeur et cette compassion qui viennent de la connaissance.

- Les hommes sont très sensibles, Mma Makutsi. Ça ne se voit pas toujours de l'extérieur, mais c'est un fait. Ils n'aiment pas qu'on leur dise qu'ils ont tort, même si c'est le cas. Que voulez-vous, Mma, c'est comme ça...

C'était une soirée chaude, en tout cas pour l'Écosse, où l'été n'est souvent rien de plus qu'une promesse, une aspiration.

Inutile de se torturer l'esprit sur une décision déjà prise, en se demandant si c'était la bonne.

L'Américaine accepta l'objet les deux mains tendues, conformément aux règles de politesse batswana. Il était indécent de saisir un cadeau d'une main, comme si on l'arrachait à celui qui l'offrait ! Cette femme n'avait pas cette insolence.

Parfois, elle se disait que les gens qui vivaient au-delà des mers et des océans n'avaient pas de place pour l'Afrique dans leur cœur, car personne ne leur avait expliqué que les Africains étaient exactement comme eux.

Pourtant, recevoir sans cesse des conseils de l'extérieur devenait parfois lassant. On trouvait toujours une organisation étrangère pour venir expliquer aux Africains : "Voilà ce que vous faites, voilà ce qu'il faudrait faire !" Ces suggestions étaient peut-être judicieuses, sans doute avaient-elles fait leurs preuves ailleurs, mais l'Afrique avait besoin de solutions bien à elle.

- Les fourmis mangent tout dans ce pays, déclara Mma Potsane. Un jour, il ne restera plus qu'elles. Elles auront dévoré tout le reste.

Mma Ramotswe ne voulait pas que l'Afrique change. Elle ne voulait pas voir son peuple devenir comme les autres, sans âme, égoïste, oublieux de ce que signifiait être africain ou, pis encore, honteux de l'Afrique.

En quittant la maison, Mma Ramotswe songea : Cet homme a quatre enfants et, moi, je n'en ai pas. Mais cet homme n'est pas un bon père, parce qu'il aime trop ses enfants. Il les considère comme sa propriété. Il faut accepter de se détacher. Accepter.

Pour devenir mécanicien, mieux valait commencer jeune. Dans l’idéal, c’était un art qui s’acquérait aux côtés d’un père. Le Seigneur lui-même n’avait-il pas appris le métier de charpentier dans l’atelier de son père ? songea Mr. J.L.B. Matekoni. D’ailleurs, si le Seigneur revenait aujourd’hui, il serait probablement mécanicien, se dit-il. Ce serait un grand honneur pour tous les garagistes du monde. Et il ne faisait aucun doute qu’il choisirait l’Afrique : Israël était devenu trop dangereux. En fait, plus on y réfléchissait, plus il était probable qu’il opterait pour le Botswana, et plus précisément pour Gaborone. Ce serait un merveilleux honneur pour le peuple du Botswana ; mais cela n’arriverait pas et il était inutile d’y songer. Le Seigneur ne reviendrait pas : il nous avait donné une chance dont malheureusement nous n’avions pas su profiter

Mma Ramotswe aimait s’adonner à la réflexion philosophique, mais jusqu’à un certain point seulement. Ces interrogations étaient, à n’en pas douter, fort intéressantes, mais elles en amenaient souvent d’autres, auxquelles il était impossible de répondre. Et, arrivé là, on se trouvait presque toujours contraint de se rendre à l’évidence : on devait accepter que les choses fussent ce qu’elles étaient, simplement parce que c’était comme ça.

— Le thé rouge est très bon pour la santé, affirma Boitelo en prenant la tasse que lui tendait Mma Makutsi. Ma tante, qui est décédée, en buvait toujours.
Mma Ramotswe ne put réprimer un sourire. Il semblait étrange de dire qu’une chose était bonne pour la santé tout en précisant, dans la même phrase, que la personne qui en prenait était morte. Il n’y avait pas nécessairement de rapport, bien sûr, mais cela n’en restait pas moins étonnant. Elle imagina une publicité : Thé rouge : la boisson très appréciée des morts.

Dans quelle mesure a t'on me devoir de transmettre une information? Admettons que A demande à B de dire quelque-chose à C. B est il moralement obligé de le faire?

Comme l'explique Socrate dans le Phedre, l'âme est tiraillée par deux chevaux : le premier indocile, gouverné par les passions, prêchant l'abandon aux plaisirs et l'autre, discipliné, vertueux, gouverné par ma honte.