Citations de Alexandre Jardin (942)
Longtemps j'en ai voulu à sa mère de l'avoir: si dure- ment meurtri, et conduit à désaimer la vie. D'avoir tant ricané de ses qualités, jusqu'à les rendre dérisoires. Mais la vérité est que chacun en ce bas monde fait du mieux qu'il peut, même si ce mieux est abominable. Qui sait de quelle violence vertigineuse, crucifante. cette femme est elle-même issue ? On ne peut donner ce qu'on n'a pas reçu. Qui sait à quel point le destin sauvage lui a dévoré les ailes, déchiqueté le coeur et vitrifié l'âme? On fait tous de notre mieux. C'est ma femme- lumière qui m'a appris cela. Et elle a raison de hisser son regard jusqu'à cette altitude revitalisante, celle de l'amour sacré. Doucement, elle me délivre de mes petitesses, de mes rancunes basses. Un jour, mon cœur sera digne du sien.
Qui peut supporter la froide réalité de son être, la somme de ses authentiques contradictions, de ses hêrises, ou le stock de ses minableries ? Oui n'a besoin de se conserver un minimum d'estime de soi en usant d'une gomme?
Pour détruire le"réel" qui lui est si douloureux, il n' a pas trouvé mieux que de fui son corps. Ou a-t-il eu peur que sa violence se tourne vers les autres? A-t-il souhaité nous protéger d'une ignominie naissante et sauvage, irrépressible? Emmanuel a tant de cœur. Est-il devenu fou, comme on dit ? Pas simple de démêler ce mikado de questions. Il est là, à Gambais, solennel moment. Au bord du grand vide il est, la vache, si brutal. Prêt à figer non le présent mais son passé tout entier, parce que la mort empaille les années écoulées, les glace, en fait du marbre alors qu'elles étaient encore liquides et flux quelques minutes auparavant. Fait il ses adieux? Mais à qui une âme perdue dit elle au revoir?p40
Je pense que notre monde manque plus de grands lecteurs que de grands écrivains, et composer une bibliothèque est un art qui tient de l'architecture.
Quand donc serais je grand ? Suffisait il de faire l'amour pour grandir ? Plus je mimais l'âge adulte, plus je sentais l'écart qui me séparait encore de l'homme que je serais. Quand le corps court en avant et que l'esprit reste en arrière, quelle disgrâce. Mais quand l'esprit mûrit avant le corps, quelle souffrance !
Faire rire, c'est faire oublier.
Je ne me contente pas de raffoler des femmes, je suis ce désir-là, cette passion qui me résume, qui est mon identité véritable, tellement que c'en est accablant.
J’ai toujours éprouvé le besoin de mettre un peu d’éternité dans mes sentiments.
Mais ne t'inquiète pas: ce n'est pas la mort qui est triste, c'est ce que nous faisons de nos vies!
Roses était déconcertante dans l'innocence qu'elle avait à blesser. Une meurtrière bienveillante.
Dans un mariage, les séismes ne sont pas le signe qu'il faut clore l'aventure, mais bien qu'il est passionnant de la poursuivre... répliqua Anne.
Roses ne voulait plus que sa vie fût chaque jour douze heures d'erreurs et douze heures d'oubli.
Qui aurait pu deviner que derrière la détermination de sa marche pressée, cette fille hésitait entre la culpabilité et la joie totale. C'était là sa maladie, on le sait.
Ces deux-là ne s'aimaient pas encore, mais déjà ils ne pouvaient se résigner à ne pas se plaire.
Pourquoi vivre quand on peut exister calmement ?
L'amour doit-il forcément devenir démence ?
Tu disais aussi que le sentiment amoureux doit relever les défis de son anarchie...que sinon s'ouvrent les gouffres où pullulent les vertiges suicidaires.
S'aimer, c'est se meurtrir l'un l'autre, gaiement ! Et en retirer tout le malheur possible sur cette terre
Depuis sa naissance, Chloé est la reine des maladroites...Elle fait tellement de catastrophes sans le vouloir, que souvent, elle préfère se plonger tranquillement dans un bon livre.
Je n'ai encore jamais vu pareille attaque de son propre enfant en public, un mesclun de saloperies, timbre haut perché. Ces capriceries de crotale, on ne sait pas pourquoi ça la prend parfois. Son humour est la fiente de l'esprit qui vole. Fixé je suis désormais : son rire est venin distillé, dynamitage de la confiance d'Emmanuel, démolition jouissive de son moi si sensible, assouvissement peut-être d'un ressentiment illimité contre notre père qui lui a échappé - Emmanuel lui ressemble tant -, vacherie sans appel.
Impensable.
Cette femme prédatrice appartient à cette portion contentée de la nation qu'on pourrait appeler la bourgeoisie culminante, teintée d'aristocratisme insolent, celle qui dans les années trente, aima que le grand aigle nazi étende ses ailes stylées sur l'Europe.
Etape par étape, j'ai vu Frédéric être l'anti-Emmanuel par excellence dans la conduite du rétablissement de la vérité, être une lame quand notre grand frère a été trop cassable, capable d'inciser les mensonges sédimentés. Et apte à affronter notre mère sans y mettre trop de gants - c'est-à-dire avec justesse. La vérité s'opère à coeur ouvert, et sans anesthésie. Après les folies vertigineuses de nos parents épris de libertés - entendez les désordres et les embardées des sixties -, il a fait de lui-même un alliage indestructible de lucidité sans opacités et de courage radical. Du chaos, il ressort statue.
Emmanuel m'a appris la liberté. Frédéric m'a enseigné le vrai courage identitaire, l'édification d'un moi qui se soutient par ses lucidités.