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Citations de Alexandre Page (87)


Durant ses voyages en Afrique, il avait vu un animal que l’on nomme caméléon, et il comparait l’artiste moderne à cette créature capable de s’adapter à son environnement :
— Quand l’artiste tient un sujet, me dit-il, il doit d’abord savoir pour qui il travaille. L’État, l’Église, un citoyen, mais encore un citoyen français, un américain, un russe, un anglais, mais encore un bourgeois ou un aristocrate descendu en ligne directe de Clovis ou de Guillaume le Conquérant. Est-il catholique, protestant ou juif ? Tout cela importe, car sans cela, votre œuvre peut déplaire à un point que vous n’imaginez même pas, et cela, parfois pour un centimètre carré de peinture dans une toile monumentale. Croyez-en mon expérience, le succès ou l’échec d’une toile tient toujours à un détail que l’on pense anodin. On m’a dit un jour qu’un jeune artiste sans le sou était devenu richissime parce que le visage d’un de ses personnages dans une scène de bal avait rappelé à un grand-duc les traits d’un amour de jeunesse ! C’est à cela que tiennent nos vies !
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Vassili Vassilievitch Saltikov exhiba sa paradoshna sous les yeux de l'employé des postes qui sans se départir de sa mine apathique se contenta de lever les épaules ,de secouer la tête et de répondre avec la simplicité que l'on peut attendre d'un employé des postes dans une petite ville de province:
--Désolé, gospodine,mais il n'y a plus de chevaux.
--Allons,j'ai dépensé deux roubles argent pour ce document qui me donne droit à des chevaux de poste,à un yamchik et à une voiture digne de ce nom.Je ne vais pas faire vingt verstes à pied à cause de votre incurie!(Page 9).
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Tel est pris...
Elle imaginait qu'il lui arriverait quelque chose d'exceptionnel, un évènement qui la tirerait de son antre obscur, et quand elle pouvait se le permettre, elle se perdait dans ses rêves et ses songes, ce qui lui redonnait toujours assez de force et de courage pour affronter la réalité morose de son quotidien captif de murs gris et d'un travail ingrat passé sur des ouvreages minutieux avec un éclairage atone qui lui dévorait la vue.
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Nicolas II a toujours cru qu'il suffisait d'aimer les autres pour l'être en retour ; d'être bienveillant pour recevoir cette bienveillance. Il avait peut-être le défaut le plus rédhibitoire pour un dirigeant : la naïveté. Le tsar n'envisageait jamais le triomphe du mal, ne croyait pas au mal incurable et il imaginait qu'à la fin du combat, le bien grandissant un peu plus de sa victoire entraînait inexorablement l'humanité vers des lendemains meilleurs que la veille.
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La discrétion de la famille impériale faisait jaser dans les salons mondains de Saint-Pétersbourg et encourageait la naissance d'histoires parfois fantaisistes, parfois insignifiantes et pour certaines d'entre elles, méchantes.
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La toujours entreprenante Veroushka osa demander à Saltikov de lui décrire Saint-Pétersbourg. C’était un défi ardu. Elle ignorait tout de ce à quoi pouvait ressembler une ville telle que la grande capitale de Pierre le Grand. Quand Saltikov lui parla de la flèche dorée de l’Amirauté, il lui fallut ajouter qu’elle brillait comme le soleil au zénith, car c’était la seule chose qui avait la couleur et l’éclat de l’or dans son quotidien très étroit. De ponts, de canaux, de vrais édifices de pierres et de carrosses, elle n’en avait jamais vu. Même l’imagerie populaire n’était pas arrivée dans ces tréfonds de la Petite Russie. Elle ne pouvait imaginer les dimensions d’une telle ville, et lorsque Saltikov lui expliqua qu’elle était mille fois plus grande que Tcherepitsa, le chiffre était trop énorme pour qu’elle pût se le représenter :
— Comment les gens font-ils pour se connaître ? demanda-t-elle.
Saltikov soupira, avant d’ajouter :
— La plupart des gens ne se connaissent pas. Ils se croisent sans se parler. De toute façon, tout le monde est bien trop pressé pour chercher à connaître l’autre
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Le repas avec la comtesse promettait d’être des plus monacaux. Sa fatigue déjà sensible le matin grandissait au fil du jour et le soir elle atteignait son paroxysme, si bien que la malheureuse semblait hanter sa propre demeure tel un spectre décharné. Sa main tremblait en plongeant dans la soupe et la force lui aurait sans doute manqué pour couper son pain si Liouba, connaissant bien sa maîtresse, n’avait pas réduit le gros morceau en petits carrés qu’elle pouvait aisément tremper dans son potage. C’était un spectacle contristant, car cette jeune femme de vingt ans mangeait comme une grand-mère de quatre fois son âge.
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Le lendemain, je me devais de peindre. Les derniers jours avaient été fort peu productifs, et l'échéance pour remettre mon prochain Hussard aux jardin des Tuileries approchait. Il me fallait le commettre comme j'en avais commis tant d'autres, je savais comment procéder, j'avais le geste, et pourtant, devant mon chevalet, dans mon silencieux atelier qui ne m'avait jamais paru aussi vide, je ne parvenais pas à poser une touche de couleur.
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M. Ternaux-Compas eut surtout une pensée pour l'homme qui, dans cette cérémonie, franco-russes sur un siècle : le Prince Romanovski
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... en Russie un tsar ne pouvait être humain. Pour la majorité du peuple, c'était un dieu qu'on ne pouvait adorer qu'entourer d'or, paré de joyaux et de pourpre impériale.

Il devait être invincible et implacable et, selon l'expression consacrée, diriger son pays par la caresse et par le knout.
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Après cette dispute, de nombreuses autres s'étaient succédé, parfois le matin, très tôt, lorsqu'Armand Sans partait au travail, mais plus fréquemment le soir quand il rentrait. Souvent, des voisins insomniaques le voyaient revenir titubant à son domicile et il ne faisait aucun doute que l'homme ne s'était pas tué à la tâche à la boulangerie et qu'il avait fréquenté les débits de boisson sur le chemin du retour.
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Il ne sut jamais les mots que sa femme avait prononcés au-dessus du vide, et même s’il regretta jusqu’à sa propre fin d’avoir conduit son épouse bien-aimée sur le lieu de son trépas, il n’eut jamais à s’affliger de n’avoir pas pris au sérieux cette petite phrase dite avec le sourire et sans la moindre ironie :
« Voilà un bel endroit pour se tuer. »
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Il lui fallait rassurer les Russes, et pour cela, la meilleure était de prendre, lui l'oint du Seigneur ( le tsar), le commandement en chef.
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Elle est maudite, comme ce lac. Beaucoup vont la voir, mais moi je m’en méfie et tu devrais t’en méfier aussi. Il ne faut pas tenter le Diable. Ce n’est pas sans raison que les sorcières sont mises à l’écart des villages.
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La gloire est une chose étonnante. Elle peut traverser les siècles, les millénaires parfois, et pourtant, elle peut s’enfuir et revenir en un instant aussi volatile que la constance des hommes. Il ne m’avait pas fallu une vie pour la perdre, et il me suffisait d’une œuvre pour la retrouver en des proportions plus grandes encore que jadis.
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Je crois qu’ils la firent réfléchir sur ce que nous avions à espérer l’un et l’autre de cette société injuste qui décidait pour l’artiste de la place qui devait être la sienne, et sur les solutions possibles pour échapper au destin qu’elle voulait tracer pour nous. Je voulais peindre des arbres et des ruisseaux, on réclamait de moi des batailles et des soldats. Elle voulait peindre des batailles et des soldats, et on réclamait d’elle des arbres et des ruisseaux. Moi, car j’étais un artiste médaillé, un espoir de la grande peinture d’histoire qui avait trop promis, elle, car elle était condamnée à ne jamais être assez virile pour peindre convenablement les combats des hommes. Nous n’étions pas des artistes à notre place (…)
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— Oh, ils ont acheté, c’est vrai, lui dis-je, et j’en suis ravi, mais aucun d’eux n’imagine que cet art est digne de moi. Ils ont acheté parce que c’est joli, mignon, mignard aurait dit les plus précieux, mais ils pensent que c’est un art paresseux, un art d’artiste dilettante qui s’amuse, l’art d’un peintre qui procrastine en se livrant à des travaux de seconde main. Pour l’heure, ils ne me jugent pas durement, car après tout, même Édouard Detaille fait de l’aquarelle, même le grand Meissonier pour se détendre, seulement, eux reviennent à la grande peinture d’histoire le lendemain et on leur pardonne leurs « vacances ». Moi, c’est cela que j’aime peindre à présent, c’est cela que je veux peindre. Je ne veux plus peindre de batailles, de soldats. Mais je crains que l’on me reproche toujours de faire moins lorsque jadis j’ai pu faire plus, comme on te reprochera toujours de vouloir faire plus lorsqu’une femme ne peut que faire moins.
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(…) nous allions parfois au Louvre, visiter les chefs-d’œuvre et contempler, devant les Murillo et les Vélasquez, les légions de copistes qui rappelaient des souvenirs à Clémence. Elle n’avait pas été copiste au Louvre, mais copiste à Lyon, copiant tout ce qu’elle pouvait jusqu’à ce qu’elle fût capable de s’émanciper et de se satisfaire de ses propres compositions. Elle me confia que si elle avait été copiste au Louvre, elle y aurait sûrement habité, ce qui était presque le cas des copistes qui nous environnaient. Il faisait froid, alors ils plantaient leur chevalet près des bouches de chaleur, et comme il y avait des banquettes rouges moelleuses, ils s’y allongeaient pour se reposer, et comme il y avait beaucoup de jeunes femmes parmi ces copistes, leurs mères n’étaient jamais loin et tricotaient en gardant un œil sur leur progéniture. Il y avait beaucoup de filles d’officiers parmi elles, orphelines de père et filles de veuve, qui pour avoir reçu une sommaire formation artistique utilisaient leur « art » pour réaliser des copies qu’elles proposaient aux visiteurs. La médiocrité dominait plus que l’art, et le spectacle de ces femmes aux mains sales, s’usant les yeux tout le jour pour produire de malheureuses croûtes qui devaient les aider à arrondir la maigre pension de leur veuve de mère contrastait fort avec l’opulence des chefs-d’œuvre qui pendaient aux cimaises. Ce spectacle pathétique ne laissait pas Clémence si sereine qu’elle aurait pu l’être lors de nos visites, et au salon hollandais, comme les tableaux étaient plus petits, les copistes étaient presque totalement absents, ce qui la déridait un peu. Je lui dis un jour, pour la réconforter sur le sort de ces malheureuses, que l’État leur commandait beaucoup de copies pour décorer les institutions provinciales à bon compte et répandre les « chefs-d’œuvre » auprès des populations les plus lointaines, jusque dans les colonies, ce à quoi elle me répondit :
— Philéas, si l’État permettait à ces femmes de perfectionner leur art à l’École des beaux-arts plutôt que de les laisser à faire des copies médiocres contre quelques francs, il se montrerait réellement généreux à leur égard.
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Si Clémence envisageait d’exposer dans la section paysage, nature morte, animaux et fleurs, je ne douterais pas un instant de son succès, à la condition qu’elle fasse les vaches aussi bien que les hussards. Ce serait un portrait, pourquoi pas, mais la peinture d’histoire, c’est autre chose. À la rigueur, nous parlerions de sujets religieux, les femmes y ont une expertise reconnue, nous parlerions de sujets féminins, mais la peinture de guerre… Dans cette section, on ne refuse pas seulement les œuvres manquées, les croûtes médiocres, d’ailleurs, on les accepte trop souvent. Non, il faut conserver la noblesse de cette section, conserver son héritage, sa prééminence dans la hiérarchie picturale, et tu sais à quel point les temps actuels sont troubles. Alors, quand bien même le jury comprendrait des professeurs de l’Académie Julian, je doute que ces professeurs, dans leur rôle de jurés, aient pour autre but que de préserver cette prééminence et de refuser, en conséquence, l’envoi d’une femme. Imagine donc les titres de presse, tous se focaliseront sur cette excentricité. Ça fera ombrage aux artistes récompensés, et la presse conservatrice, celle qui défend ordinairement le Salon, fera de gros titres moqueurs. L’armée elle-même pourrait gloser ! Non, le jury ne voudra pas de ce brouhaha autour d’une artiste en jupon, car c’est ainsi qu’on l’appellera. Certains se demanderont si à force de peindre des femmes, nos Bouguereau, nos Bonnat et nos Baudry ne sont pas tombés dans les reîtres du beau sexe. Retenir une femme dans la section noble du Salon serait perçu comme l’avènement de ce règne du médiocre que certains esprits voient instaurer à courte échéance. Ce n’est pas ma manière de voir, et je dois dire que si je doutais jusqu’alors des capacités d’une femme à se saisir de la chose militaire, je ne suis maintenant plus aussi sceptique. Néanmoins, l’espoir que sa bataille soit admise au Salon est mince. Je serais moins pessimiste s’il s’était agi d’une Jeanne d’Arc à Compiègne ou d’une Sainte Geneviève défendant Paris, mais là, je crois que c’est demander trop de progressisme à notre élite artistique !
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Place Monge, un soir d'hiver

Les arbres de la place Monge s'élevaient en squelettes déchargés. Les lampadaires s'allumer aient bientôt et viendraient jeter leur éclat chaud sur la neige immuable qui craquait sous chaque pas du policier.
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