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Citations de Almudena Grandes (300)


Comme si tout un pays, l'air, la terre, les montagnes, les arbres, les sierras, les plaines, les villes, les villages, les mots et les personnes, s'était installé dans les interstices d'une boîte en carton, en réservant son essence la plus pure, la meilleure, à la peau violacée des aubergines que la grand-mère caressait année après année, comme ses petits enfants, avec une sorte de révérence émue au bout des doigts et une allégresse tâchée de nostalgie tremblante dans les paroles.
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(…) la paix n'avait pas nuancé les couleurs du monde dans lequel il vivait. Tout continuait à être blanc ou noir, et dans ce contexte les partisans d'Hitler qui n'étaient pas jugés à Nuremberg pouvaient être blanchis, par un coup de baguette magique.
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Rien n’était facile pour moi depuis que les chiffres avaient cessé d’exister, et pourtant je voulais croire. Le verbe croire est le plus large et le plus étroit de tous les verbes, car même le commandé à mort qui marche vers l’échafaud tend l’oreille dans l’espoir d’une grâce de dernier minute.
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Avec des secondes semblables à de brèves éternités répétées, le dernier grain d’un tournement insupportable, suivi d’un autre encore, jamais le dernier, de ce sable tombant sur ma tête.
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Cette nuit-là, pendant qu’il ne cessait de se retourner dans son lit, il aurait
payé n’importe quel prix pour se glisser dans la peau de son fils le jour où
commencerait son voyage, pour regarder avec ses yeux, écouter avec ses
oreilles, respirer avec son nez, toucher avec ses doigts – sans renoncer à sa propre mémoire – la terre de ce pays qu’il désirait autant retrouver qu’éviter. Et il savait qu’il ne rentrerait pas, peut-être jamais, pas encore, mais il ccompagnerait son fils dans ce voyage, même à son insu, car rien ni personne ne pourrait l’empêcher de rentrer en Espagne dans la mémoire et le souvenir d’un jeune homme de vingt et un ans qui croirait la fouler pour la première fois.
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Car il n’était pas né dans un pays, mais dans une tribu, un
clan encouragé par son propre malheur, un campement de nomades
invalides et satisfaits de leur incapacité, une société d’ingrats impuissants à
apprécier ce qu’ils avaient, un petit village d’idiots qui ne savaient pas vivre
dans le temps des calendriers, les inadaptés éternels et volontaires qui
trouvaient un plaisir malsain dans leurs carences plaisantes, car il leur
manquait toujours quelque chose et ils ne savaient profiter qu’à demi,
toujours malheureux, toujours enfermés dans les minuscules dimensions
d’une patrie portative, une présence posthume et fantasmatique qu’ils
appelaient l’Espagne et qui n’existait pas, n’existait pas, n’existait pas. Pour ceux qui étaient partis en Amérique, ce devait être différent, car il y avait la mer comme séparation, eaucoup de mer, beaucoup de kilomètres, d’autres accents et la même langue. Ignacio Fernández Salgado aurait préféré que ses parent se soient connus là-bas, dans un de ces pays chauds, proches malgré la distance, où Noël arrive en été...
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« Du flamenco, la bonne idée ! » s’était-il exclamé le matin où ils avaient appris que la fin de la fête serait une visite à un tablao(62) dans une grotte du Sacromonte. « Juste ce qu’il nous fallait… — Ne dis pas ça » fit Raquel en espagnol, avant de revenir au français qu’ils utilisaient quand ils étaient avec les autres. « Vous allez adorer, c’est une chose unique, très émouvante, ça ne ressemble à rien et ne peut être comparé à aucune musique. — Je déteste le flamenco, insista Ignacio, à nouveau en espagnol. — Tu es bête, mon vieux », répondit-elle dans la même langue, et elle se tourna sur sa droite pour continuer à expliquer aux autres, Philippe le plus proche, penché sur elle, en admiration comme d’habitude, ce qui les attendait. Alors Ignacio pensa à nouveau que Raquel se débrouillait beaucoup mieux que lui. Cela venait peut-être du fait que ses parents étaient andalous, mais, pour commencer, elle était en train de perdre l’accent français. Les autres ne s’en rendaient pas compte parce que, même si un certain nombre d’entre eux parlait espagnol, aucun n’avait le niveau suffisant pour détecter ces nuances, mais Raquel et lui s’étaient connus dans la angue de leurs parents, ils avaient continué à la parler entre eux sans avoir besoin de le décider, et pour cette raison, Ignacio apprécia sans aucune difficulté le processus particulier qui culmina dans une boutique de la rue zacatin
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La solitude absolue n’est pas un bon endroit pour réfléchir et la poussière que je continuais à avaler, à mastiquer, à digérer pendant que Raquel dormait, troublait mes yeux et salissait ma pensée d’une patine épaisse, confuse. Je pouvais l’imaginer en train de parler à mon père, posant ses exigences sur le même ton qu’elle avait employé avec moi le jour où nous nous étions vus dans son bureau, cet accent sûr, confiant, solide et aseptisé à la fois, qu’elle avait acquis lors de nombreuses entrevues avec des clients tels que lui, des héritiers tels que moi.
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Raquel, les jours, les heures, les minutes, les secondes se définissaient par elle et en fonction d’elle. Il n’y avait que deux moments dans ma vie : ceux que je gagnais auprès d’elle et ceux que je perdais dans un monde qui la proclamait dans tout ce qu’il contenait – les personnes et les objets, les paysages et les bâtiments, l’ombre et la lumière – parce que je la voyais partout et que partout je souffrais de ne pouvoir la regarder. Je dégringolai si vite le long de cette pente que je ne parvins pas à prendre conscience de ma propre vitesse. Et avant de pouvoir me rendre compte de ce qui m’arrivait, ma vie était devenue un peu moins qu’un alibi, un simple emballage qui me permettait de vivre une existence plus grande que la mienne et qui s’appelait Raquel, comme le temps.
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Mais Raquel Fernández Perea, qui avait tellement parlé de tellement de choses avec Ignacio, son grand-père Ignacio, ne savait pas que les hommes et les femmes courageux ne craignent jamais rien, ni personne, à l’instant de la bataille. La peur vient ensuite, quand ils commencent à se demander
comment ils ont pu être aussi fous.
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L’amour ne peut être comparé qu’avec lui-même, et ne peut pas être brisé non plus, on ne peut pas mentir à son sujet, ni le contourner. Si inconvenant, si indésirable, si terrible soit-il. Dans la rue il faisait chaud, au cinéma il faisait froid, mais le sourire de mon père remplissait l’écran, et j’entendais sa voix chaude, assurée, « tu es très courageux, Álvaro », et la mienne, rauque d’émotion, « je t’aime beaucoup, papa », et à nouveau la sienne « moi aussi, mon petit ». Rien de ce qui s’était passé, rien de ce qui pourrait se passer à l’avenir, n’effacerait ce visage, n’éteindrait ces voix
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A quinze ans, Eduardo fut plongé dans le tourbillon furieux du fascisme espagnol, mélange à parts égales d'exaltation virile et de dévotion larmoyante.
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"Vous vous appelez Inès Ruiz Maldonado." Galan non plus ne pouvait pas savoir à quel point la première de nos accolades allait nous unir, mais il avait déjà décidé de se comporter comme mon ange gardien, "Elle n'est ni une invitée ni une prisonnière." Il s'était alors tourné vers moi pour me montrer une nouvelle fois qu'il savait sourire, "Viens, approche-toi... c'est une volontaire.
- une volontaire ?" Le colonel qui conservait un accent catalan aussi évident que les serpentins qui frisaient les syllabes du Sévillan qui m'avait guidée jusque-là, avait éclaté de rire, mais cela n'avait pas plu au commissaire. " Tu veux rire...
- une volontaire, c'est une volontaire, un point c'est tout." Et il m'avait doucement poussée en avant, "Explique-le-lui toi-même, allez."

p.376/377
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Cela m'impressionnait beaucoup d'avoir un fils, et davantage de constater comment ce mot, fils, était passé de n'être rien à être tout en une seconde, dès l'instant où il commença à respirer avec ses propres poumons, à être lui, et moi son père. A partir de cet instant. Mai cessa en quelque sorte de compter. Une seconde, une minute, une heure avant, l'enfant dont nous savions déjà qu'il s'appellerait Miguel était son affaire. Plus maintenant. Elle était toujours au même endroit mais moi, je venais de me trouver un nouvel endroit, et cela me plaisait.
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J'ai toujours pensé que manger était une chose qu il serait plus logique de faire en privé, parce que déjeuner avec quelqu’un, aussi discret soit-on, aussi bien élevé, lui montre forcément l'intérieur de ton corps, des organes visqueux, des cavités, des muqueuses, c'est-à-dire, la langue, les dents, le palais... » À ce moment, j'eus la certitude que nous jouions une scène que je n'avais pas écrite, et je me sentis plus flatté par la passion qu'elle mettait dans son rôle qu’inquiet de la nature du mien.

« Tu n'y avais jamais pensé ? En fait, c'est terrible. La personne qui mange avec toi te voit mâcher, avaler, déglutir la nourriture, t'étouffer peut-être, par malchance, t'essuyer les lèvres, bref... J'ai toujours trouvé très étrange de manger avec quelqu'un que je ne pouvais pas tutoyer, de me permettre l'intimité de manger devant lui, ou elle, si je ne peux même pas lui dire tu. J'y suis souvent obligée, bien sûr, pour des raisons professionnelles, mais je n aime pas ça. »
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C'est bizarre, non, un homme qui a vécu quatre-vingt-trois ans, qui ne s'est marié qu'à trente-quatre, qui a connu tellement de choses, une guerre civile, une guerre mondiale, ce genre de choses. Et on trouve ça normal, bien sûr, parce que c'était lui, et qu'on le connaissait, et qu'on connaissait son histoire depuis toujours. Mais en réalité, il y a de nombreux éléments de sa vie qu'on ne connaît pas, moi du moins, et que tu ne m'as pas racontés. Il a peut-être eu plein de fiancées avant, non ? En Russie, par exemple, imagine... Je ne sais pas, maintenant j'ai la sensation qu'on aurait dû lui poser beaucoup plus de questions, qu'on a perdu l'occasion de mieux se souvenir de lui, c'est difficile à expliquer. C'est peut-être juste parce qu'il me manque.
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J'aimais beaucoup plus les femmes que Rafa, mais je m'y intéressais beaucoup moins que Julio. Je ne recherchais pas leur compagnie, je ne leur courais pas après, je ne leur offrais pas de verre dans les bars et je ne les poursuivais pas d'un feu rouge à l'autre. J'avais toujours vu en elles une sorte de don, un bien extraordinaire qui flottait bien au-dessus de ma tête et se déversait de temps en temps sur moi sans que j’aie rien fait pour le mériter.

Je n'ai jamais cru mériter la bienveillance de certaines d'entre elles, même si cela ne tient qu'au fait que j'ai toujours considéré que, hormis le fait qu'elles étaient belles, amusantes, douces et excitantes, les femmes demeuraient très étranges. Je n ai jamais perdu de temps à essayer de démonter le mécanisme mystérieux de leurs raisonnements, et je n ai jamais douté que ce soient elles qui choisissent. Je me suis donc borné à les voir venir, sans me plaindre que certaines soient hors de ma portée ni considérer que leur disposition soit une valeur en soi, en acceptant leur existence comme un cadeau, avec gratitude et sans poser de questions. Et puis, j'aimais ma femme.
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"De tous jeunes Espagnols, qui étaient enfants pendant la guerre et possèdent peu de formation politique, se lancent dans la résistance après la victoire alliée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, convaincus que la défaite de l'Axe entraînera la chute de Franco. Tel est leur espoir. Qui meurt dans les pages de ce livre."
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" l'Espagne est la réserve spirituelle de l'occident../.. le pays choisi par Dieu, la plus catholique des nations, la fille préférée du Saint Esprit, de la Vierge Marie et du Pape à Rome"
page 63 German Velasquez Martin à Eduardo Mendes
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Si l'Histoire se fonde sur la vérité, la littérature s'appuie sur la vraisemblance.
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Champagne
rhum
vermout
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