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EAN : 9782709668552
700 pages
J.-C. Lattès (20/04/2022)
4.29/5   34 notes
Résumé :
1954. Le jeune psychiatre Germán Velázquez revient en Espagne pour travailler à l’asile pour femmes de Ciempozuelos, à la périphérie de Madrid. Après avoir fui la victoire des nationalistes en 1939, Germán a vécu quinze ans en Suisse, chez un psychiatre juif lui-même en exil.
À Ciempozuelos, Germán retrouve une patiente qui l’avait fasciné, enfant, quand son père la soignait : Aurora Rodríguez Carballeira, paranoïaque qui a assassiné sa propre fille. Il y fai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Un pays en thérapie.
Schizophrène ou paranoïaque ? La mystérieuse patiente de Ciempozuelos révèle aussi les secrets d'une Espagne écartelée dans les années 50 entre tyrannie fasciste et rêve de liberté avorté. Almudena Grandes se met une dernière fois au chevet de l'âme amputée de son pays et sa plume se fait éternelle. Qu'elle repose en paix.

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Ce roman et cette autrice que je découvre ont été pour moi une découverte. Les secrets de Ciempozuelos est le cinquième volume de la série « Épisodes d'une guerre interminable » mais il peut se lire indépendamment des précédents.
L'autrice nous plonge dans les années 50, sous la dictature de Franco, dans une Espagne verrouillée que la guerre civile a rendu schizophrène.
Dans cet imposant roman choral, se déroulent les récits de plusieurs protagonistes. Il y a Maria, aide-soignante à l'asile de Ciempozuelos. Cette jeune orpheline, peu considérée parce que pauvre et femme, a une analyse très fine des évènements. Elle voit chez ces malades mentaux des êtres humains qui ont besoin d'amour. Elle a su créer des liens affectifs particuliers avec une malade qui est aussi une meurtrière : Doña Aurora Rodriguez Carballeira qui avait défrayé la chronique lorsqu'elle avait tué sa fille Hildegart pendant son sommeil, expliquant qu'elle n'était pas réussie
« Hildegart était mon oeuvre et je l'ai ratée…j'ai fait ce que fait un artiste qui comprend qu'il s'est trompé et détruit son oeuvre pour recommencer de zéro ».
La voix particulière de cette femme infanticide parsème l'histoire de ses monologues délirants, nous faisant entrer dans le monde de la maladie mentale et c'est vertigineux.
Germàn, fils d'un psychiatre républicain, est exilé en Suisse. Il revient à Madrid alors qu'il est devenu un psychiatre spécialiste de la chlorpromazine, cette nouvelle molécule qui améliore l'état des malades schizophrènes. Il a, grâce à sa formation dans un pays calviniste, ce regard distancié et critique vis-à-vis du gouvernement et de la religion. Lorsqu'il arrive à l'asile de femmes de Ciempozuelos, il va être fasciné par Aurora l'infanticide qu'il avait croisée enfant.
L'asile psychiatrique, lieu fermé et surveillé, est le reflet de la dictature espagnole. L'Eugénisme se pratique sous couvert de médecine et on découvre le trafic de ces nourrissons enlevés à leur mère pour les donner à des couples méritants.

Almudena Grandes mêle admirablement l'histoire, la grande, aux destins chaotiques de ses personnages. Elle fait la part belle à la condition des femmes qui, sous le joug de la religion et des hommes, doivent être irréprochables. Elle aborde aussi le sujet de l'homosexualité, considérée comme une maladie et traitée comme telle.
Almudena Grandes fouille aussi les traumatismes de la seconde guerre mondiale à travers le destin tragique du fils de la famille Goldstein qui a fui l'Allemagne nazie pour se réfugier en Suisse.
Le dernier chapitre nous ouvre les coulisses de la genèse de ce roman puissant. Almudena Grandes cite toutes ses sources documentaires et en particulier celles concernant Aurora Rodriguez Carballeira qui a vraiment existé et que l'on a surnommé « La madré de Frankenstein »

L'écriture d'Almudena Grandes est fluide, ample et l'histoire se déroule avec clarté malgré de nombreux retours en arrière. La psychologie de ses personnages et l'observation, le décryptage social et politique font de ce récit un grand roman. J'ai été emportée par cette fresque, véritable kaléidoscope d'une époque dont on a encore beaucoup à apprendre.

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L'avantage de regarder Netflix est de découvrir des films et des séries inspirés d'auteurs qui me sont inconnus.
Le déclic est venu avec " Les patients du docteur Garcia" où je suis ressortie enthousiasmée par les personnages dans une Espagne très troublée.
Almudena Grandes s'est consacrée à l'histoire de son pays afin de donner une vision de la guerre civile espagnole et du régime répressif de Franco.

Dans "Les secrets de Ciempozuelos" nous sommes dans un asile pour femmes où le docteur Vélasquez s'occupe des paranoïaques telle Aurora Rodriguez Carballeina.
Revenu dans son pays après un séjour en Suisse il découvre les fractures sociales qui sont les plaies béantes que le régime inflige. Il tente pourtant de lutter mais la solitude l'envahit malgré ses amis et ses conquêtes.
Résolu à soigner ses patientes avec un médicament révolutionnaire, le sort des malades s'améliore considérablement. Pourtant son programme va devoir s'interrompre; les autorités de santé désapprouvant la chlorpromazine.
Autour de ce portrait d'un homme plein d'empathie envers ses malades gravitent des femmes de tous milieux.
Maria Castejon, l'aide-soignante issue d'un milieu très modeste se retrouve piégée par un docteur sans scrupule.
Aurora, femme très cultivée, internée depuis vingt ans vit une paranoïa destructrice. Elle se donne pour mission d'engendrer l'homme de demain, l'être parfait. Sa propre fille n'étant pas à la hauteur, elle la supprime car non conforme au chef-d'oeuvre qu'elle veut créer. D'où le titre du roman en espagnol "la Madre de Frankenstein".
Dans cet univers féminin, les religieuses qui dirigent l'établissement ont de grands pouvoirs que soeur Anselma utilise au nom de l'Eglise catholique.
Beaucoup de personnages entrent en scène pour refléter une société corrompue où le silence est de rigueur, les interdits légions, la liberté d'expression inexistante et l'eugénisme, une voie de purification: une ère d'obscurantisme fasciste.
C'est donc dans cette dictature franquiste cléricale que les femmes des années 1950 se trouvent dans des situations victimaires n'ayant aucune prise sur leur avenir.
De la boniche à l'intellectuelle, leur sort est lié aux machistes, aux cathos qui volent les enfants d'internées, aux lâches qui n'assument pas leur paternité.

La finesse psychologique des héros m'a emportée vers la souffrance de ces femmes impuissantes et malheureuses même si certaines tentent de se révolter.

Dans ce contexte d'un peuple déchiré entre les Républicains et les Franquistes, j'ai trouvé ce roman excellent, éclairant sur l'idéologie nationale de l'époque où les homosexuels sont soignés par des électrochocs, où le sexe est encadré de péchés, où l'internement est arbitraire.
Point de salut. Les salauds brisent des vies de femmes en suivant l'ornière sociale de leur naissance. D'ailleurs Vallejo nommé "le Mengele espagnol" pensait que les vaincus étaient des déficients mentaux et les femmes des êtres inférieurs biologiquement.

J'ai pris mon temps pour lire ce dernier livre de l'auteure décédée en 2021.
500 pages pour dénoncer des horreurs, pour peindre des portraits hallucinants de bonté comme la famille Goldstein ou de cruauté représenté par le père Armenteros.
Un livre pour "la mémoire de femmes privées de liberté".
Un livre qui m'a d'autant plu touché lorsque je pense au sort de ma grand-mère, fille- mère dans les années 1940. Une vie de paria, de misère et de honte.
Alors comment ne pas ressentir le mal-être de tous ces secrets de femmes?
Nous avons depuis bien avancé avec les féministes pour trouver notre place dans la société occidentale. Malheureusement le bonheur des femmes n'est pas la préoccupation de certains pays opprimant leurs mères, leurs soeurs, leurs épouses.
Un roman éclairant "'comme un phare".



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La talentueuse Almudena Grandes décéde en 2021, laissant un lectorat conquis par ses romans étroitement liés à la société espagnole du 20e siècle.

Elle poursuit dans ce livre posthume son exploration de l'Espagne franquiste, abordant le contexte de la psychiatrie dans les années 50. Avec, dans le rôle du Candide, le psychiatre Velasquez, jeune médecin exilé et formé en Suisse, qui revient exercer dans un asile pour femmes des environs de Madrid.

Dernier épisode d'une guerre civile interminable, le roman fait la part belle aux personnages incarnés, dans l'absurdité d'un pays sous dictature, gouverné par le bâton et le goupillon, sous « l'étouffante morale nationale catholique ».
Une chape de plomb, où chacun espionne, cancane, critique l'autre et se signe parce que c'est péché.
La peur et le sceau du secret règnent jusqu'au sein même des familles. Les différences de classe sociale sont flagrantes, sans perspective pour une grande partie de la population.

Le roman couvre les années entre 1939 et 1956, évoquant l'exil, la répression anti républicaine, l'eugénisme nauséabond, la situation des femmes dans tous les cas sous emprise, sociale ou familiale, et les crimes occultes les plus abjects de la dictature.

Oeuvre d'histoire et de mémoire qui clôt à regret une série romanesque de 5 volumes passionnants.
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Les secrets de Ciempozuelos est le cinquième roman de la grande fresque sur l'époque franquiste (Épisodes d'une guerre interminable) que Almudena Grandes devait parachever avec un sixième et dernier volet. Devait, oui, malheureusement, parce que la grande écrivaine espagnole est décédée le 27 novembre 2021. Quelle tristesse qu'elle n'ait pu achever son oeuvre et quels sentiments contrastés se bousculent inévitablement pendant la lecture de ce qui restera son ultime roman. Les secrets de Ciempozuelos (La madre de Frankestein en V.O) se passe en grande partie dans une asile pour femmes, non loin de Madrid, au milieu des années 50, en une époque très sombre pour le peuple espagnol. Trois narrateurs prennent la parole alternativement : Germán, psychiatre, María, aide-soignante et Aurora, internée car meurtrière, cette dernière ayant réellement vécu. Les différents récits s'entrelacent dans le présent des années 50 mais s'éloignent aussi pour raconter le passé tumultueux des susnommés. A ces trois personnages principaux, s'ajoute une multitude d'autres, pas vraiment secondaires, dont le nombre doit avoisiner la centaine (pas de panique, il y a une liste complète des protagonistes à la fin du livre, même si, étonnamment, la clarté de l'écriture de l'autrice fait qu'il n'est finalement pas utile de la consulter). Au-delà de ses innombrables et très romanesques péripéties et drames, Les secrets de Ciempozuelos s'impose comme le digne successeur des 4 premiers opus de la série orchestrée par Almudena Grandes. C'est le portrait terrible d'une Espagne isolée du reste de l'Europe, encore marquée la haine entre les deux camps de la guerre et sous le joug d'un pouvoir obscurantiste dans une société figée et sinistre. Dans une atmosphère aussi délétère, l'humanité qui coule dans les veines de deux de ses héros (Germán et María), combattants contre l'ombre, avec leurs faibles moyens, est la source de lumière qui rend le livre tellement attachant et émouvant. le testament littéraire d'Almudena ne pouvait être autre.

Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
18 août 2022
Saisissante et remarquable plongée dans l’Espagne des années 50. La dictature sous un angle rarement abordé.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaCroix
22 avril 2022
Le cinquième roman du cycle sur l’Espagne d’après-guerre de l’écrivaine espagnole Almudena Grandes, disparue en 2021, entraîne dans un asile où végète une mère infanticide dont la paranoïa est aussi celle de tout un pays.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
A quinze ans, Eduardo fut plongé dans le tourbillon furieux du fascisme espagnol, mélange à parts égales d'exaltation virile et de dévotion larmoyante.
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Une fois n'est pas coutume: c'est une bonne idée de l'éditeur français d'avoir changer le titre : le titre espagnol, "La mère de Frankenstein" pouvait en effrayer plus d'un,moi, le premier. Mais comme je suis depuis deux ans un lecteur et admirateur d'Almudena Grandes je suis passé
par dessus ce peu d'appétit pour ce titre et une fois de plus j'ai eu raison. Certes, l'immersion dans un asile de fou et dans la desespérante Espagne franquiste des annés 50 ne prête pas souvent à sourire, mais on est emporté par le style,les allers et retours, l'empathie pour les personnages. Dans la version espagnole, page 528, j'ai chialé comme un gosse. Et je ne l'ai pas regretté.
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Ma mère avait écrit au docteur Goldstein mi-mai, l’informant de la mort de son ami et le priant de ne rien me dire avant que j’aie terminé mes examens. Lorsque je lui écrivis à mon tour, je pensais avoir épuisé toutes mes larmes, même si la mort de mon père me faisait toujours souffrir, à la manière d’une blessure infectée. Plus d’un an avait passé depuis que nous nous étions embrassés pour la dernière fois, devant la porte de notre immeuble. J’avais vécu plus d’un an sans lui, mais je ressentais son absence avec plus d’intensité que jamais. Quand je téléphonais à quelqu’un, je me souvenais que je ne pourrais plus jamais l’appeler, n’entendrais plus sa voix. Si je mettais une lettre dans une boîte aux lettres, je réalisais que je n’écrirais plus jamais son nom sur une enveloppe. Et lorsque je m’endormais, je rêvais souvent qu’il était toujours vivant, parfois avec moi, et rien ne m’accablait autant que la certitude de sa mort, qui me revenait quelques secondes à peine après le réveil.
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" l'Espagne est la réserve spirituelle de l'occident../.. le pays choisi par Dieu, la plus catholique des nations, la fille préférée du Saint Esprit, de la Vierge Marie et du Pape à Rome"
page 63 German Velasquez Martin à Eduardo Mendes
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Vidéo de Almudena Grandes
Bande annonce VO de la serie "Les patients du Docteur Garcia", adaptation du roman d'Almudena Grandes
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