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Citations de Amos Oz (490)


"Réflexion faite, les documents qui se trouvaient ou ne se trouvaient pas là-bas ont dû brûler une dizaine de fois, pendant l'occupation polonaise, celle de l'Armée rouge, puis à l'arrivée des nazis qui nous ont tous fusillés et jetés dans des fosses qu'ils ont recouvertes de sable. Ensuite, il y a eu encore Staline avec le NKVD, et Rovno est passée de main en main, comme un petit chien martyrisé par une bande de voyous : laRussie-laPologne-laRussie-l'Allemagne-laRussie. Aujourd'hui, elle n'est ni à la Pologne ni à la Russie mais à la République d'Ukraine, ou peut-être à la Biélorussie? Ou à des mafias locales? En fait, je ne sais pas à qui elle appartient aujourd'hui. Et ça m'est égal : ce qui existait a disparu et ce qui existe aujourd'hui ne sera plus d'ici quelques années.
"L'univers tout entier, si on prend du recul, ne durera pas éternellement. On dit qu'un jour le soleil s'éteindra et que le monde retournera à l'obscurité. Alors pourquoi est-ce que les hommes s'entretuent depuis le commencement de l'histoire? Quel pouvoir régnera au Cachemire ou dans la grotte de Makhpela, à Hébron, est-ce si important? Au lieu de manger la pomme de l'arbre de vie et de l'arbre de la connaissance, nous nous sommes probablement jetés sur la pomme vénéneuse de l'arbre du rishes que nous a donnée le serpent. C'est comme ça que le paradis a cessé et que cet enfer a commencé."
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Je suis né et j'ai grandi dans un rez-de-chaussée exigu, bas de plafond, d'environ trente mètres carrés : mes parents dormaient sur un canapé qui, une fois ouvert pour la nuit, occupait presque entièrement l'espace, d'un mur à l'autre de la chambre. De bon matin, ils l'escamotaient, dissimulaient la literie dans les ténèbres du coffre, ils rabattaient le matelas, repliaient et refermaient l'ensemble avant de le recouvrir d'une housse gris clair où ils jetaient quelques coussins orientaux brodés, effaçant les traces de la nuit. La pièce servait à la fois de chambre à coucher, de bureau, de bibliothèque, de salle à manger et de salon.
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(Un sèche-linge électrique? éructait le vieillard. À quoi ça sert? Le soleil est-il à la retraite? Les cordes à linge se seraient-elles converties à l'islam?)
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Ignorer la dureté de l'existence est à mon sens aussi stupide que sacrilège. Nous ne pouvons peut-être rien y faire, mais ce n'est pas une raison pour ne pas en parler.

( dans "Le roi de Norvège ")
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Les pires conflits entre les individus ou entre les peuples n'opposent pas forcément des opprimés. C'est une idée romanesque largement répandue que d'imaginer que les persécutés se serrent les coudes et agissent comme un seul homme pour combattre le tyran despotique. En réalité, deux enfants martyrs ne sont pas forcément solidaires et leur destin commun ne les rapproche pas nécessairement Souvent, ils ne se considèrent pas comme compagnons d'infortune, mais chacun voit en l'autre l'image terrifiante de leur bourreau commun.
Il en va probablement ainsi entre les Arabes et les Juifs, depuis un siècle.
L'Europe a brimé les Arabes, elle les a humiliés, asservis par l'impérialisme et le colonialisme, elle les a exploités, maltraités, et c'est encore l'Europe qui a persécuté, opprimé les Juifs et qui a autorisé, voire aidé les Allemands à les traquer aux quatre coins du monde et à les exterminer presque tous. Or les Arabes ne nous prennent pas pour une poignée de survivants à moitié hystériques, mais pour le fier rejeton de l'Europe colonialiste, sophistiquée et exploiteuse, revenue en douce au Proche-Orient - cette fois sous le masque du sionisme pour, recommencer à les exploiter, les expulser et les spolier. Nous, nous ne les prenons pas pour des victimes semblables à nous, des frères d’infortune, mais pour des cosaques fomenteurs de pogroms, des antisémites avides de sang, des nazis masqués : comme si nos persécuteurs européens ressurgissaient ici, en Terre d'Israël, avec moustache et keffieh, nos assassins de toujours, obsédés par l'idée de nous couper la gorge, juste pour le plaisir. (p.362-3)
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La colère s'était apaisée au bout de quelques semaines. Et avec elle, on aurait dit que la couche protectrice, la gangue de plomb qui, les premiers temps, avait amorti le choc et la douleur, avait sauté. J'étais sans défense.
Et cessant de haïr ma mère, je commençais à me faire horreur.
Mon coeur n'était toujours pas prêt à accueillir la souffrance de ma mère, sa solitude, l'asphyxie qui l'empêchait de respirer, le cri de désespoir qu'elle avait poussé les dernières nuits de sa vie. Je vivais toujours mon drame, pas le sien. Mais je ne lui en voulait plus, au contraire, je culpabilisais : si j'avais été un meilleur fils, plus dévoué, qui ne jetait pas ses vêtements par terre, ne la tourmentait pas, ne la contrariait pas, préparait ses devoirs à temps, sortait la poubelle le soir sans se faire prier, ne lui gâchait pas la vie... Si j'avais été plus attentif à ses migraines. Ou si, au moins, je m'étais efforcé de lui faire plaisir...
Si ma mère m'avait quitté de cette façon, sans un regard en arrière, c'était la preuve qu'elle ne m'avait jamais aimé : quand on aime, m'avait-elle appris, on pardonne tout sauf la trahison. On excuse même les contrariétés, le bonnet perdu, les courgettes laissées dans l'assiette.
Abandonner c'est trahir. Et c'est ce qu'elle avait fait avec nous deux papa et moi. Moi, je ne l'aurais jamais quittée comme ça, malgré ses migraines, même si, je le savais maintenant elle ne nous avait jamais aimés, je ne l'aurais jamais quittée de ma vie, malgré ses longs silences, ses sautes d'humeur et même si elle s'enfermait dans sa chambre, dans le noir. Je me serais fâché quelques fois, je ne lui aurais peut-être pas parlé un jour ou deux, mais je ne l'aurais jamais quittée pour toujours. Jamais de la vie....
Si ma mère m'avait laissé en plan, c'était la preuve que je n'étais pas digne d'être aimé..... Quelque chose de si épouvantable que même ma mère, une femme pourtant tendre et sensible, prête à donner son amour à un oiseau, un mendiant dans la rue, un petit chien perdu, incapable de me supporter, avait été forcée de mettre la plus grande distance possible entre elle et moi. Il y a un proverbe arabe qui dit : " Koul gird be'ein emo razal" , au yeux de sa mère, un singe est comme un faon. Sauf moi.
Si j'avais été mignon, au moins un tout petit peu, comme tous les enfants du monde le sont pour leur mère...... si j'avais été comme tout le monde, j'aurais pu avoir une maman moi aussi...
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Ces deux peuples ont en effet beaucoup en commun: ils ont souffert chacun à sa façon de l'Occident chrétien au cours de l'histoire. Les Arabes ont été humiliés par les puissances coloniales, qui les ont opprimés et exploités. Quant aux Juifs, ils ont subi pendant des siècles le mépris, l'expulsion, les persécutions, l'exil, les massacres et, pour finir, un génocide sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Les relations de sympathie et de compréhension entre ces deux victimes de l'Europe chrétienne reposent sans conteste sur un fondement solide, soulignait-il à l'envi.
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- Vous êtes quelqu'un de gai. Le désespoir ne vous atteint pas.
- Non, ce n'est pas ça. Disons qu'il ne m'attire pas vraiment.
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L'Europe était à leurs yeux la terre promise défendue, le lieu nostalgique des clochers, des vieilles places pavées, des tramways, des ponts, des flèches de cathédrales, des village perdus, des sources thermales, des forêts, des prairies enneigées.
Des mots tels que "chaumière", "pré", gardeuse d'oies" m'ont fasciné et ému toute mon enfance. Ils avaient le parfum sensuel d'un monde authentique, paisible, loin des toits de tôle poussiéreux, des terrains vagues envahis par la ferraille et les chardons, et des talus arides de Jérusalem, suffoquant dans la chaleur de l'été incandescent. Il me suffisait de murmurer "pré" pour entendre le meuglement des vaches avec leurs clochettes autour du cou et le chant des ruisseaux. En fermant les yeux, je voyais la gardeuse d'oies aux pieds nus, sexy à pleurer, bien avant que j'y entende quelque chose.
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Et même le dialogue caustique, jonché de débris de verre sous ta plume, déborde d'humanité et d'émotion dans sa bouche.
(p. 42 de l'édition folio n° 4847)
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Pour ce qui est de "l'humilité", la racine en est humilis - humus, soit la terre. La terre est-elle vraiment humble? Chacun croit pouvoir en faire ce que bon lui semble, la fouiller, la retourner, l'ensemencer, mais au bout du compte, c'est toujours elle qui engloutit ceux qui pensaient la posséder. Dans le silence éternel, elle demeure.
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La faute porte en elle-même son châtiment.
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Les pires conflits entre les individus ou entre les peuples opposent souvent des opprimés. C'est une idée romanesque largement répandue que d'imaginer que les persécutés se serrent les coudes et agissent comme un seul homme pour combattre le tyran despotique. En réalité, deux enfants martyrs ne sont pas forcément solidaires et leur destin commun ne les rapproche pas nécessairement. Souvent, ils ne se considèrent pas comme compagnons d'infortune, mais chacun voit en l'autre l'image terrifiante de leur bourreau commun.
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En chaque adulte, sommeille l'enfant qu'il était jadis méditai-je. Chez certains, il est toujours vivant, chez d'autres, définitivement mort.
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Peut-etre que quelque chose des promesses de l'enfance etait gangrene par une sorte de croute infecte, une croute romantique et toxique associant les muses et la mort? [...] A moins qu'il n'y eut une note bourgeoise-slave, une note melancolique que, quelques annees apres la mort de ma mere, j'ai retrouvee entre les pages de Tchekhov et de Tourgueniev, dans les recits de Gnessin et, dans une moindre mesure, dans les poemes de Rachel egalement. Quelque chose qui avait incite ma mere, la vie n'ayant tenu aucune des promesses de sa jeunesse, a se representer la mort sous les traits d'un amant passionne, protecteur et rassurant, un dernier amant, un amant musagete qui guerirait enfin les blessures de son coeur esseule?
Voila des annees que je traque ce meurtrier, ce vieux seducteur madre, ce mecreant degoutant, deforme par la vieillesse, deguise en prince charmant. C'est un ruse chasseur de coeurs brises, un seducteur vampirique a la voix douce-amere, telle la corde voilee d'un violoncelle, les nuits solitaires: un escroc onctueux, genial, un maitre en artifices, le joueur de flute d'Hamelin attirant derriere son manteau de soie les desesperes et les isoles. Le tueur en serie senile des ames decues.
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Imagine qu'il est un peu plus de dix-neuf heures, un soir d'été à Jérusalem. Les montagnes flamboient au soleil couchant. Une dernière lueur semble dissoudre les ruelles en les dépouillant de leurs pierres. Le gémissement d'une flûte arabe s'élève du wadi par-delà peines et joies ; on pourrait croire que l'âme des collines, laissant là son grand corps, désire participer de ce voyage nocturne.
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Et quand elle enfouit sa tête dans le creux de mon épaule, sa chaleur irradia jusque dans ma chair, m'emplissant d'une joie indicible plus forte que le désir, refrénant mes pulsions. Elle-même d'ailleurs ne m'étreignait pas avec passion, mais comme pour m'éviter de trébucher, en quelque sorte.
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Ses dangers ? Et si ce n'était pas en raison des dangers du Levant que ma grand-mère se mortifiait et se purifiait par des immersions brûlantes matin, midi et soir, tous les jours de sa vie à Jérusalem, mais à cause de l'envoûtement, de la sensualité et de la fascination orientales, à cause de son propre corps, de la puissante attraction des marchés débordants, déferlant autour d'elle, à lui couper la respiration au creux du ventre, qui l'envoûtaient, décomposée, jambes flageolantes, par cette débauche de légumes, de fruits, de fromages épicés, ces odeurs âcres, et toutes ces incroyables nourritures gutturales, si curieuses, étrangères et excitantes, et ces mains avides qui palpaient, fouillaient jusque dans l'intimité du fruit et du légume, et ces piments rouges, ces olives assaisonnées, ces viandes grasses, sanglantes, qui, étalant leur nudité rougissante d'écorché, se balançaient au bout de leur crochet, et la profusion d'épices, d'aromates et de poudres, jusqu'à la liquéfaction, voire la syncope, toute la gamme des sortilèges dépravés du monde amer, piquant et salé, où dominaient les odeurs de café vert qui s'immisçaient jusque dans les entrailles, et les récipients de verre remplis de boissons multicolores où surnageaient des cubes de glace et des rondelles de citron, et les portefaix robustes, basanés et velus, nus jusqu'à la taille, dont les dorsaux jouaient sous l'effort à travers la peau tiède et dégoulinaient de sueur irradiant au soleil. Et si les rituels de propreté de ma grand-mère n'étaient qu'une combinaison spatiale hermétique et stérile ? Une ceinture de chasteté antiseptique qu'elle s'était forgée pour s'y barricader de son plein gré, depuis le premier jour, et qu'elle avait fermée par sept cadenas dont elle avait détruit les clés ?
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Mon grand-oncle affectionnait les dédicaces lyriques : chaque année, depuis que j'avais neuf ou dix ans, il ma faisait cadeau d'un volume de l'Encyclopédie junior où il avait écrit un jour en lettres légèrement inclinées à gauche, comme si elles reculaient d'effroi :

Au petit Amos, appliqué et talentueux
pour son jour = anniversaire
avec mes compliments du fond du coeur, qu'il grandisse
et fasse honneur à son peuple,
de la part de
son grand-oncle Yosef
Jérusalem = Talpiot, Lag Baomer 1950

En relisant cette dédicace, à plus de cinquante ans de distance, je me demande ce que mon grand-oncle Yosef savait à mon sujet, lui qui avait l'habitude de poser sa petite main froide sur ma joue avant de me demander, sa moustache blanche me souriant avec bonté, ce que j'avais lu dernièrement, si j'avais terminé l'un de ses livres, ce que les petits Israéliens étudiaient de nos jours à l'école, quels poèmes de Bialik et de Tchernichovsky je connaissais par coeur, quel personnage de la Bible j'appréciais le plus...
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Pourquoi les savants, même dans les kibboutzim, s'enferment-ils dans une tour d'ivoire et font-ils des manières avec toutes sortes de problèmes «universels», au lieu de partir en guerre contre la corruption et la dégradation du pays et du gouvernement?
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Amos Oz (1939-2018) R.I.P

Mon père parlait 11 langues, mais il a fait mon éducation en Hébreu, j'étais alors un « petit chauvin déguisé en pacifiste». Un «nationaliste hypocrite et doucereux », un « fanatique », qui jouait à la guerre et s’enflammait contre les Anglais et les Arabes, j'étais, j'étais, comme une panthère dans la .....?......

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