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Citations de Ana Maria Matute (93)


Qu’il fut de mon choix ou qu’il fut imposé par cette éducation rigide, le silence était de rigueur. Le désespoir n’entrait dans aucun programme éducatif. Dans cette maison, du moins.

(10/18, p. 307)
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Toute ma vie j'ai été sur le point de devenir quelque chose que l'on aurait espéré de moi, mais jamais je n'ai répondu à ces attentes.
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J'observais Papa et je perçus ce que, au fil des ans, j'ai identifié comme un sentiment de solitude en compagnie. Il avait beau sourire, ses grands yeux noirs semblaient attendre quelque chose. Je me précipitai vers lui, je n'avais qu'une envie le serrer dans mes bras, enfouir mon visage dans son cou, comme je le faisais avec Tata Maria, mais quand je touchai ses genoux, je restai paralysée par une soudaine timidité, proche de la honte, même si je ne savais pas de quoi j'avais honte. Sans doute parce que tous s'étaient tus et me fixaient dans un épais silence. Et, à l'époque, pas plus qu'aujourd'hui, je ne pouvais supporter que l'on me regardât. Que n'aurais-je donné pour avoir à proximité l'une ou l'autre de mes cachettes ou pour disparaître tel un gnome derrière la tige d'une fleur, comme je l'avais lu dans les contes d'Andersen.
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Il me semblait que, de même les pétales flottant et se groupant dans l'eau, je tournai sans poids dans le doux et fallacieux tourbillon d'un monde nourri de reflets, d'échos de voix, d'ombres de corps, fragiles empreintes sur le sable mouvant de l'oubli.
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J'éprouvais un grand besoin d'éprouver cette paix, ce bonheur, ce mot dangereux à ne pas prononcer, ce bonheur qui soudain m'arrivait. Tout ce qui me vint à l'esprit fut de lui serrer la main. Une seule fois. Il serra aussitôt la mienne, deux fois. Ensemble, nous contemplâmes le ciel presque blanc et d'un autre serrement de main je lui dis que je l'aimais. Il me répondit de la même façon. Je crois que jamais, ni avant ni depuis, je n'ai eu avec qui que ce soit une conversation aussi intime, aussi explicite. Ce parc solitaire, cet homme et cette enfant solitaires, cette errance, ce silence.
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J avais peur du monde qui m attendait la gueuler grande ouverte, le monde horrible dont j ebtendais dire qu' il grouillait de méchant prêts à mettre le feu, à rouer de coups des êtres aussi bienveillants et attendrissants que Teo. Le monde où des filles comme Margot, aussi expertes à lancer le ballon qu' à décocher une plaisanterie blessantes,faisait la loi dans les collèges.Enfin et surtout, le monde qui nous interdisait à Gavi et à moi de continuer à nous voir dans son appartement sous les toits.
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Ma taille lilliputienne et ma propension au silence faisaient de moi une véritable petite éponge qui absorbait tout ce qu'elle écoutait ou voyait.
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J'avais l'impression que des petites fenêtres s'ouvraient, ici et là, dans mon coeur et dans leur regard.
Non seulement je percevais tou cela, mais je voyais un entrelacs de mots sans voix, qui allaient et venaient entre les yeux bleus d'Eduarda et ceux, noirs, de Michel Mon Amour. Un langage très proche de celui par lequel communiquaient les lustres de crystal, la nuit venue. Un langage palpitant d'étincelles entre des grappes de lumière. Je connaissais cette langue apprise lors de mes escapades nocturnes au salon, quand je naviguais sur mon bateau en papier journal.
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Parfois les souvenirs ressemblent à des bibelots:en apparence inutiles,nous y tenons sans trop savoir pourquoi et ne parvenons pas à nous en défaire.A la longue,ils s'entassent au fond de ce tiroir que nous évitons d'ouvrir,par crainte d'une trouvaille indésirable.
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Je me promis de ne jamais plus participer à une vie qui n'était pas ma vie, me mêler et me confondre à une race qui subsiste et gravit à force de coups, de ruses, de renoncements, de désespoirs, de haine, d'amour et de mort.
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Marco mit son chapeau avec un geste absurde.
-- Tu sais très bien, petite ignare, que cela, ce n'est par l'amour. Il est clair que ce ne l'est pas... l'amour complet. Mais, tu t'en approches. Oh oui! tu en approches. Il te fera souffrir, et ta vie sera un échec total. L'amour est une épine douloureuse très difficile à arracher. Pour toi ce sera impossible.
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Quand la suite prit le départ et que l’air s’emplit de l’aboiement des chiens, des voix des rabatteurs et des ululements du cor qui ouvrait la journée de chasse, je ressentis un très violent désir de monter au sommet de la tour de guet ; il en était parti, une fois, un cri d’alarme me saisissant au point de ne pouvoir le reléguer au royaume de l’immatériel ou de l’humain. Le soleil se levait à présent derrière les créneaux et me parut plus brillant que jamais. Je me souvins alors que l’époque de la vendange était maintenant très proche, que j’accomplirais vite ma quinzième année et que, d’après tous les indices, je serais armé chevalier.
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Je n’avais pas encore neuf ans que je dus passer, sans transition majeure, de l’alcôve de ma mère au poste le plus bas de la servitude. Et comme le donjon de mon père s’écroulait de place en place et que la paresse et l’incurie se promenaient à leur fantaisie dans les chambres, je n’eus, de ce jour-là, ni lit fixe ni quelque aliment sûr pour me nourrir convenablement. Comme j’étais de nature aussi vorace que mon père et mes frères, j’y trouvai bien de la souffrance, même en dépit de ce que ma mère ne m’eut jamais distingué par des cajoleries d’aucune sorte.
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Une neige fine se mit à tomber. Le baron leva le visage vers le ciel et une scintillante pluie de flocons lui couvrit le front et glissa sur ses joues. Le jeune homme gisait à terre, secoué par un long râle chaudement animal. Mohl tendit alors le bras, brandit sa lance savamment et la précipita sur le corps étendu. L’arme s’enfonça au centre de cette belle et fragile créature : elle la transperça et la cloua au sol. Le baron fait un signe au laquais et celui-ci lâcha les chiens.
Lorsqu’ils le dépecèrent avec des grognements de sauvage plaisir, le baron éperonna son cheval : autour de l’informe gâchis de sang et de chair déchirée qui palpitait encore entre les crocs des chiens, il effectua et répéta encore son fameux galop circulaire, antique et funèbre. A plusieurs reprises, je ne puis savoir combien, il serra et ceignit en son cercle l’informe haillon, hier encore source d’une douceur si profonde, éperdue et infiniment triste.
Au sommet de la tour de guet, l’aube illumina les restes de celui qui fit risquer à un aussi noble chevalier, aussi pondéré, orgueilleux que le baron de Mohl de montrer à des yeux indiscrets la solitude de son cœur.
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Apparut alors, au sommet d’une colline, la baronne, ma dame, sur son blanc coursier. Elle avait disposé ses tresses autour de sa tête comme un diadème d’or et ses yeux affichaient leur singulier dédain étonné. Elle portait un faucon au poing et se couvrait d’un manteau qui, dans la lumière du matin, semblait d’argent. Elle était accompagnée de la plus jeune de ses nièces, celle pour qui j’avais éprouvé un amour modeste et vain ; et je vérifiai à l’instant même que ce sentiment, s’il avait existé, s’était complètement évanoui. Auprès du visage froid, fin et si blanc de ma dame, la robuste et juvénile figure de la jeune fille ressemblait à un pâté.
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Aujourd'hui, je ne peux plus me rappeler combien de fois j'ai vu Manuel, si nos entrevues étaient espacées, ou si, au contraire, elles se succédaient sans trêve. Je peux, en revanche, retrouver exactement la couleur de la terre et celles des arbres, l'odeur de l'air, les treillis d'ombres au-dessus de nos têtes, les fleurs déjà fatiguées et le puits avec son reflet à côté de nous.
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Me voici devant cette absurde absinthe verte et le coeur gros. Se pourrait-il que tout soit dit dès notre enfance et qu'adulte nous ne soyons qu'une aveugle répétition de nous-même ?
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« Ces cheveux blonds et ce regard nous restituent l’héritage du passé : personne, des confins les plus lointains de la terre, ne peut rencontrer des cheveux aussi blonds et des yeux aussi bleus et aussi féroces. En contemplant ce jeune homme, je sens sur ma nuque l’haleine des dieux perdus. »
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Nous les enfants ne sommes que de passage
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Cela me donna l'étrange sensation que la terre se dérobait sous mes pieds, qu'une vaste lagune frémissait sous les paisibles landes de ses paroles.
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