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Critiques de André Suarès (26)
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Voyage du condottière, tome 1 : Vers Venise

J'avais adoré voyager en Bretagne avec André Suarès.

"Le livre d'émeraude" en présageait d'autres, plus beaux encore.

Et, s'élancer "Vers Venise" en compagnie du "condottière" semblait alors prometteur d'une riche littérature.

Un beau voyage est une oeuvre d'art lorsqu'il est fait pour sentir et vivre.

Ce "condottière" est Jan-Félix Caerdäl qui, en 1927, partit de Bretagne pour conquérir l'Italie.

C'était un breton à qui des années d'océan et de brume avaient donné de l'espace à l'âme.

Son voyage partait de Bâle pour passer par Serbelloni, Milan, Pavie, Parme, Mantoue, Vérone, Padoue et enfin arriver à Venise, tant espérée, tant promise ...

Le récit de ce voyage est teinté de poésie, empreint d'art de de sensations.

C'est un livre de peinture grasse, de phrases foisonnantes et d'érudition pointilleuse.

Mais, comme un repas trop riche mène à une digestion difficile, ce livre finit par lasser.

On s'y ennuie un peu, finalement.

Le voyage semble s'éterniser et le "condottière", pris au départ comme un fin érudit, devient peu à peu suspect d'arrogance et de forfanterie.

L'élégance du mot finit par sombrer dans le manièrisme.

Et l'on finit, comme le poète, par se dire que Venise n'est pas en Italie, que Venise c'est chez n'importe qui, que c'est où l'on va, c'est où l'on veut.

Et l'on finit, en se foutant des gondoliers, par chercher la cité des doges dans un autre voyage ... dans un autre ouvrage ...
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Le livre de l'émeraude en Bretagne

Que dire de ce livre ?

Sinon qu'il laisse son lecteur sans voix, sans force pour ouvrir un nouvel ouvrage, sans volonté de reprendre haleine.

Que dire de tant de beauté, de tant de sincérité et de tant de violence ?

Les premières pages s'ouvrent, à Paris, sur le quai d'une gare où se bouscule une foule de marins, de jeunes demoiselles en coiffes et de vieilles femmes vêtues de noir.

C'est, déjà, un peu la Bretagne ...

Ce livre, paru en 1919, est fait de quatre-vingt-deux textes très courts.

Ils sont en prose mais tissés de la plus pure des poésies.

L'ouvrage est précédé d'une dédicace.

La Bretagne va mourir.

Tout est dit !

Avec ce siècle qui s'annonce, guette le nivellement, venu du nouveau monde barbare anglo-saxon, de "l'esprit machiné dans les usines de la morale et de l'esprit à bon marché".

L'auteur n'est pas breton.

Il aime, en elle, la belle émeraude qui jette ses derniers feux.

André Suarès a peint une Bretagne qui n'existe plus.

Chaque texte est comme une aquarelle, comme un portrait tracé au fusain, comme une sombre peinture à l'huile.

Le livre est magnifique.

Sa beauté rend parfois même son accès un peu difficile.

La lecture doit s'y faire lente et appliquée.

Cette littérature est de celle où l'on s'attarde, où l'on musarde au détour de chaque phrase.

Tout y est fait de petites touches fines, sincères et poignantes.

Ni la beauté, ni la misère, ni le malheur, le mépris et la bonté, rien n'échappe à la plume d'André Suarès, qui observe, jauge et décrit.

L'ouvrage est une grande fresque humaine où le folklore n'a pas sa place.

Le beau y voisine avec le pitoyable.

Le livre est magnifique et terrible.

Il est peut-être celui qui emmêle toutes les littératures, assurément celui qui nous remet face à notre condition humaine, probablement celui que, dans une vie, il faut avoir lu ...



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L'art du livre

Emprunté à la Bibliothèque Buffon, département des Métiers du Livre- Paris- 10 mai 2022



Déniché ce petit texte précieux , par hasard, en cherchant dans le fonds spécifiquement consacré aux Métiers du Livre...et j'en suis ravie !

André Suarès, Un amoureux intransigeant de l'objet Livre comme de sa valeur intrinsèque de Connaissance et de Liberté !!!



"A chacun son livre,et d'y avoir le plaisir qu'il peut y prendre. Le propre de l'objet spirituel est d'être singulier,et seul à seul.Tout dans le livre marque la personne et l'individuel.Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l'homme libre."(p.14)



André Suarès, poète et écrivain né à Marseille en 1868, animateur à partir de 1912 de la Nouvelle Revue française aux côtés de Gide, Claudel et Valéry,...



Un écrivain des plus importants du XXe siècle, malheureusement pas assez lu, à

mon humble avis !!



J'étais d'autant plus contente de découvrir cette plaquette, joliment réussie, comme toutes les publications poétiques et littéraires de FATA MORGANA...qui soignent tout particulièrement le choix du papier, des caractères sans oublier le choix de lettrines ornées, débutant chaque nouveau chapitre....



L'art du livre est l'éloge de la beauté livresque, de l'incunable et du manuscrit : les ouvrages y sont des monuments. Andre Suarès compare d'ailleurs le Livre ainsi que l''Art de la typographie à cet autre Art qui embellit, transforme le quotidien des Humains : L'Architecture...



Il regrette toutefois la décadence du livre qu'implique sa diffusion grandissante ..

en négligeant désormais la beauté et l'esthétique de cet "objet" singulier...



Un texte au ton enflammé et exacerbé qui touchera tous les amoureux Du LIVRE sous toutes ses formes,incluant et insistant sur la beauté de cet objet unique en son genre, sa fabrication,l'art de la typographie...



L'air de rien, l'écrivain nous offre à sa manière, une rapide histoire de l'Aventure du LIVRE, tout en regrettant personnellement le raffinement et la beauté irremplaçables des incunables et des Manuscrits...!



"Et là aussi,la typographie et l'architecture marchent ensemble.Tel beau livre de 1770,avec son papier souple et fermé,fort et délicat, ses caractères riants,ses planches si élégantes, le tirage le plus soigné ,une netteté exquise,et la reliure pareille à une robe de marquise,le tout enfin du luxe le moins affiché et le plus riche,ce livre est une oeuvre parfaite en son genre.Le siècle de Louis XV a vu des livres qui valent Trianon.(..)(p.27)"









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Voyage du condottière : Vers Venise, Fiorenza..



Voyage culturel "total" en Italie, pour le plus grand bonheur de qui y accompagne Suarès.



Publié en trois tomes ("Venise", "Florence", "Sienne") entre 1914 et 1932, le "Voyage du Condottière" est ce qui se rapproche sans doute le plus de l'œuvre d'une vie pour l'étonnant polygraphe André Suarès (1868-1948), élève prodige, pauvre et tôt orphelin, qui effectua son tout premier voyage en Italie, à pied, dès 1893, à 25 ans, après sa réussite à l’ENS Ulm et son échec à l’agrégation d’histoire, avant de devenir une figure littéraire mythique de l’entre-deux-guerres, et l’un des quatre grands animateurs de la NRF avec Gide, Claudel et Valéry.



Vrai-faux « guide de voyage », nourri d’une culture proprement phénoménale en peinture, sculpture, architecture, littérature et histoire italienne, principalement du Moyen-Âge et de la Renaissance, mais encore tout à fait spectaculaire pour le XVIIIème et le XIXème siècles, l'ouvrage enchaîne au long des 550 pages de ses trois tomes une centaine de chapitres, courts ou très courts : descriptions de villes, de lieux, de routes, flamboyantes et épiques, ou au contraire, poétiques et intimistes, parsemées d’incises consacrées à un peintre, un sculpteur, un tableau, un écrivain, une figure historique.



Au-delà de ce rare foisonnement, le charme particulier du "Condottière" tient sans doute à ce que la formule « Dieu vomit les tièdes » a pu être inventée pour caractériser Suarès : passion dévorante, engagement permanent (sur « tout », le plus essentiel, ou sur « rien », le plus futile), mauvaise foi prodigieuse, mansuétude tout aussi étonnante (du type « Oui, c’était un monstre abject et d’une bêtise effroyable, mais toute sa vie, il protégea le peintre Untel, donc respect »).



Parfois « trop » métaphysique et quelque peu grandiloquent par instants, c’est néanmoins LE livre pour voyageurs sauvages et cultivés en Italie du Nord.
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Trois Hommes : Pascal, Ibsen, Dostoievski (..

Trois textes sur trois auteurs. Je ne dirai rien du premier, sur Pascal, magnifiquement écrit comme les autres, mais qui est le moins profond, juste un éloge, un encensement et même une sanctification. le deuxième, sur Ibsen, est le plus ardu, le plus long et le plus intéressant à méditer. Ardu parce que Suarès ne recule devant aucune contradiction, la logique lui importe peu : entre la raison et le coeur, il prend sans ambiguïté le parti du coeur. Il s'intéresse dans ce texte à l'évolution morale d'Ibsen, il se met parfois dans sa peau. Ce qui importe, pour ne pas perdre de temps, c'est de comprendre que Suarès fait une grande distinction entre la morale et la religion : « La manie de confondre la religion dans la morale n'est pas le fait d'un esprit bien libre. Que toutes deux se soutiennent, il est vrai ; mais inégalement. L'une se passe fort bien de l'autre, — qui est la religion. La morale ne lui rendra pas la pareille : elle ne peut. C'est à la vie même que se lie la religion ; elle procède de l'instinct le plus radical dans l'homme, le désir de vivre. » Dès ce texte, on sent bien, même s'il n'est jamais cité, que la pensée de Nietzsche se trouve en toile de fond et qu'il l'a parfaitement assimilée, tout en s'en détachant. La morale est une question de volonté, elle procède de la religion au sens large, le désir qui se fait volonté ; et la morale publique est toujours imposée par la volonté du plus fort (ou du groupe le plus fort, puisque Suarès considère que la démocratie est une religion), mais ce qui prime c'est toujours l'amour qui passe par la douleur et se transforme en charité. On pourrait dire d'une certaine façon que Suarès fait un aller-retour dans l'au-delà du bien et du mal.

« En Dostoïevski, j'admire un Nietzsche racheté », écrit-il à la fin du dernier texte consacré à l'auteur russe. Là aussi, un admirable texte ; on ne saurait plus joliment résumer ce que l'on ressent après une visite dans l'univers de Dostoïevski que le fait Suarès en une phrase : « J'ai vécu avec lui dans la ville ardente et morne, où les ivrognes et les mystiques se donnent le bras, où de funèbres hypocrites baisent aux lèvres des rebelles candides ; où la pire corruption, qui est triste, engraisse de son fumier l'innocence subtile ; où la luxure est un raisin à pépins de remords, et où les vierges ont une odeur qui tente le péché. » Suarès connait bien mieux les auteurs dont il parle que moi, mais je suis à peu près certain qu'il n'écrit pas de bêtises ou d'approximations. On peut faire confiance à sa lecture personnelle, qui n'efface rien des auteurs et ne ment pas. Une seule chose m'a ennuyé, une extrapolation sur la vie intime de Dostoïevski. Il rechigne un peu à le dire mais il finit quand même par lâcher le morceau : il pense que Dostoïevski a eu une relation pédophile, à cause de sa vénération de l'innocence et du mystérieux remords qui imprègne toute son oeuvre. Je n'aime pas beaucoup ce genre d'extrapolation, et j'aurais tendance à croire que les choses sont moins singulières ; il en faut peu pour faire un grand remords, un remords sincère c'est comme être accablé de tous les péchés du monde.

Mais s'il y a une qualité que Suarès donne en partage à ces trois auteurs c'est la passion. Pascal est un passionné de Dieu, Ibsen un passionné de morale et Dostoïevski un passionné de la vie. Il faut de la passion dans la vie. Comme dirait Baudelaire : « Enivrez-vous sans cesse ! de vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »



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Trois grands vivants : Cervantès, Baudelaire,..

Tolstoï 1898



He had few equals, and no supériors



Le 10 septembre, Tolstoï a eu soixante-dix ans. Le monde se fût honoré, en faisant de celui-là son jour de fête. Chaque époque a son héros : Tolstoï est celui de la nôtre ; car il est .le plus humain de tous les hommes. Pour isolé soit-il, pour peu compris qu'il puisse être, il n'est pas moins le seul homme, où presque tous puissent reconnaître quelque chose de soi, et le seul qui pour chacun ait quelque chose.



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Oeuvres, tome 1 : Idées et visions (1897-1923)

Cet ouvrage contient un florilège des écrits de Suarès, beaucoup de critiques, d’exégèses, quelques textes politiques ou plus littéraires. Beaucoup d’œuvres de Suarès ne sont plus rééditées depuis longtemps. Mais en vérité, Suarès écrivait beaucoup et il se répétait aussi, il y a du très bon et du plus anecdotique, je ne trouve pas qu’il soit nécessaire de tout connaître. Par bonheur, l’un des ouvrages les plus intéressants a été réédité dans les années 1990 et doit pouvoir se trouver encore facilement, il s’agit de « Poète tragique » sur Shakespeare. « Lord Spleen en Cornouailles » est aussi très bon, comme les petits extraits inédits du « Voyage du Condottière », magnifiques. « Pour et Contre Tolstoï » mérite aussi d’être lu, à mon avis.

Suarès en trois mots : Passion, orgueil et spleen. Une passion qu’il place au-dessus de toute morale, un immense orgueil qui ne peut pas aimer sans être préféré, et un spleen constant qui s’en déduit facilement. On trouve des tas de phrases comme celle-ci dans quasiment toutes ses œuvres : « La vie est un trouble, un lieu d’excès, la passion des passions. Je le pense et je l’éprouve. De tous les hommes, ne suis-je pas le plus vivant ? Or, cette vie qui est en moi pareille à la lumière pour elle-même, je vais la perdre, demain, ce soir, tout à l’heure. » Avec ça on peut comprendre tout ce qu’il a écrit, même ce qu’on admet le moins, on comprendra son point de vue et si on le trouve violent on ne le trouvera pas faux.

Suarès et trois écrivains : Pascal, Stendhal et Nietzsche. Il confesse une admiration totale et constante pour Pascal, c’est certainement celui qu’il encense le plus, mais à mon avis il est davantage l’héritier de Stendhal. Ils ont la même façon de caractériser les peuples et les nations, ils donnent la même importance à l’amour, et partagent le même engouement pour l’Italie ou Napoléon. L’influence littéraire la plus ambigüe est celle de Nietzsche, mais elle est réelle et très sensible. Ce goût pour les aphorismes, cette rhétorique sur la morale (même s’il n’en tire pas tout à fait les mêmes conclusions) et ces apparentes contradictions, tout ça est nietzschéen au possible. Il est parfois lyrique jusqu’à la grandiloquence et parfois d’une concision extrême, grand amateur d’ellipses. En fait, je qualifierais sa prose de sentencieuse.

Sur le plan politique, c’est un républicain parfait, contrairement à nombre d’écrivains de sa génération, jamais il ne s’est perdu du côté monarchiste ou communiste. Grand patriote aussi, et en totale opposition aux nationalistes, il frise quand même l’anti-germanisme, même s’il faut admettre sa clairvoyance quant au racisme de la société allemande. Contrairement à son vieil ami Romain Rolland, il ne croyait pas à la non-violence tolstoïenne et soutenait l’effort de guerre. Enfin, il faut dire qu’il était très antiféministe et d’une manière générale détestait tout esprit partisan.
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Marsiho

certaines choses m'ont génée.... dans le fond... sa façon de décrire les Marseillais, sa façon de parler des Italiens ..



mais l'écriture est sublime, trés poètique, d'une force magistrale



c'est pour cela que je voulais le lire, sur ce point je n'ai pas été déçue ni surprise.
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Dostoïevski

André Suarès considère que l'homme et l'oeuvre ont la même force à nous faire penser , sinon à nous séduire.

D'ailleurs qu'est-ce qu'une oeuvre sans un homme ? Dans l'ordre moyen, on peut séparer l'un de l'autre ; mais le grand homme est aussi intime, aussi essentiel à l'oeuvre grande, qu'au monde créé par le Créateur des théologiens.



Intéressant dans le débat moderne sur l'homme discuté et l'oeuvre
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Tolstoï vivant

Sur l'orgueil de tolstoï

"L'orgueil de tolstoï est immense ; mais on en juge mal communément. Beaucoup de personnes sont blessées des arrêts tranchants qu'il porte, depuis qu'il prononce sur le bien et le mal, sur la bonne et la mauvaise qualité des oeuvres, par rapport à la morale chrétienne. Et peut-être n'est-on sensible à la sévérité de ses jugements que depuis le temps où il se mêle de prononcer sur les ouvrages de l'esprit. En France, comme à Florence ou à Athènes, la sévérité en cette matière ne se pardonne pas

; car chacun craint de passer par cette épreuve, s'imagine maltraité, et se révolte à l'avance de l'être.



Quand tolstoï ne faisait pas le procès de l'Art, il ne paraissait pas d'un orgueil si intolérable. Ce n'est pas qu'il l'eût moins âpre et moins fort, mais il ne s'exerçait que touchant la vie, la vérité et le bien ; et ce sont des petits objets, au prix de l'amour-propre et de la vanité d'auteur. Il est vrai qu'un jugement si dur, et si à l'aise dans le mépris, étonne venant d'une âme chrétienne et d'un esprit où la charité doit avoir le pas même sur l'exacte justice. Mais il n'est pas loisible, même aux plus grands apôtres, d'être chrétiens parfaits, comme les solitaires. Ils ont l'épée de saint Paul ; et même quand ils en détestent l'usage, - bien plus, quand le doute les prend de son utilité, - c'est sur la glaive qu'ils s'appuient, comme on voit, selon la profonde pensée de Raphaël, saint Paul méditer, la main sur son arme, aux mérites singuliers de sainte Cécile, à la victoire de la musique et de la seule douceur. Les apôtres sont nés pour combattre ; et la lutte porte en soi sa dureté.



Il est douteux qu'il y ait eu une grande âme sans orgueil, - ou une petite sans vanité. Toute la différence de l'orgueil des unes à l'orgueil des autres est de savoir où on l'a placé. Dans tous ses livres tolstoï est orgueilleux : il accuse son amour-propre d'enfant, comme son entêtement d'homme fait, qui s'opiniâtre dans ses vues, et les préfère à celles d'autrui. Toutefois, plus l'orgueil de tolstoï est sûr de lui et se déclare sans égards, moins tolstoï lui est sévère. Et il y aurait bien lieu de s'en étonner, comme d'une singularité morale tout à fait contraire à l'idée qu'on se fait d'un saint, d'un chrétien, ou seulement d'un sage, si ce trait n'était précisément le plus propre à marquer le véritable caractère de cet orgueil.



Au début de sa vie, tolstoï rougit de son amour-propre. Plus tard, il en souffre. Il est si loin de la vanité, qu'il ne craint pas, souvent, d'en avoir l'apparence. En quoi il fait bien : il n'y a qu'un petit homme, pour se tromper si grossièrement, et trouver de sa vanité dans ces grands orgueilleux. Jamais on ne surprend Lévine, ni Bésoukhov, satisfaits d'avoir raison. Ils sont déterminés critiques, et ruinent les opinions des autres, par besoin d'y voir clair et d'être sincères avec eux-mêmes. Mais ils ne se savent point gré de le faire. Ils en souffrent plutôt ; et même, quand ils semblent intraitables aux gens de leur société, fiers de penser à l'encontre de tout le monde, ils n'en sentent en secret aucun contentement. On les tient orgueilleux ; et, se défendant de l'être, il souffrent surtout de ne l'être pas..."





L'avantage quand il y a des gens qui pensent pour soi, ça rend peut-être dilettante, on n'est pas obligé de s'improviser critique littéraire, il n'y a plus qu'à dire merci. Pourquoi devrais-je avoir un avis quand il y a des gens qui ont défriché le terrain avant moi et dont pour moi la copie est facile : il y aurait même un abus ou de l'ignorance à n'en point parler.
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Tolstoi

André Suares, qui connaït André Suares ?

Qui se réclame de Suarès, pas grand monde puisqu'il y a au moins deux générations qui l'ont sauté, une élite de classe tout au plus,- il n'entrait pas dans les cases ..



Ce qui est pénible c'est de devoir presque justifier de quelques grands noms comme Gide, France, Claudel.. pour montrer qu'il existait et qu'il avait même sa place auprès de ceux-là. Bon mais si je commence à faire sa bio, l'histoire de ce type est tellement foisonnante et reste à découvrir qu'il y en aurait pour une plombe .. Et franchement je n'ai pas une vocation de biographe ..



Que dire vite fait encore, qu'il a une plume en or, que c'est un homme profondément généreux, qu'il cultivait des amitiés profondes dans les milieux artistiques, voire du grand monde qui lui ont permis de tenir le cap et de publier 80 livres. 80 livres comme 80 printemps qu'il a connus. Ses connaissances étaient vastes, en littérature, en peinture et en musique. il a aimé la Bretagne, l'Italie .. et lui quand il aime, il ne fait pas les choses à moitié ! Il a côtoyé les plus grands de l'époque. Curieuse sa vie, contrastes, exubérance, inhibition, plutôt nettement une âme de solitaire notre ami Suarès. Il faisait toujours les choses avec passion, n'était pas ce qu'on appelle un tiède ..

Tous les grands noms de la littérature sont passés à la moulinette : il les raconte -jamais dans l'ornière - pour les avoir connus ou pour les considérer comme des siens : c'est sa famille artistique dont il veut propager l'estime dans le monde entier, car son échelle à lui est incommensurable.



A vrai dire, je ne me remets pas de l'oubli qui touche ce grand littéraire et poète, je me dis que tout simplement ce n'est pas possible que ce voile de l'oubli demeure sur ce grand artiste



Amateur de littérature russe, de tolstoï, de Dostoïevski, il a commis deux livres sur Tolstoï, plus des chroniques.. Ce choix résulte certainement d'une connivence entre les deux hommes, ce côté mystique ..



Tolstoï vivant, 1896

"Peu sont à son rang, nul au dessus.

Le 10 septembre, Tolstoï a eu soixante-dix ans. le monde se fût honoré, en faisant de celui-là son jour de fête. Chaque époque a son héros : Tolstoï est celui de la nôtre ; car il est le plus humain de tous les hommes. Pour isolé soit-il, pour peu compris qu'il puisse être, il n'est pas moins le seul homme, où presque tous puissent reconnaître quelque chose de soi, et le seul qui pour chacun ait quelque chose. Une paysanne, un idiot, et même pour ainsi dire, un chien, une bête, un humble animal, ont quelque lien avec lui, comme Napoléon, une âme d'acier ou un esprit de prince. le coeur de Tolstoï, et son imagination, sont l'espace le plus vaste qu'il y ait, aujourd'hui, dans le monde ; et ce vieillard est le seul exemple qui nous ait été donné d'une vie sublime. Que sa vieillesse puissante nous est chère : elle est encore la plus belle oeuvre d'un poète, à qui l'on en doit de si grandes ; elle est un témoignage merveilleux du coeur en faveur de l'esprit. Celui qui pouvait vivre de gloire n'a plus voulu vivre que de charité. Et celui à qui le génie eût dû suffire n'a pu se contenter à moins de l'amour parfait. Ainsi l'homme, qui était allé le plus loin dans la connaissance des autres, n'a pas désespéré de l'humanité ; mais au contraire, il y a guéri les doutes conçus de soi-même. C'est le plus beau triomphe de l'imagination. .."



Bon on a ici le plaisir de lire des lignes qui sont touchantes, car écrites par personne. Personne n'a écrit des choses aussi belles sur quelqu'un ..



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Oeuvres, tome 2 : Valeurs et autres écrits hi..

Le second volume de cette édition est en grande partie composé de portraits. Mais trois livres ont surtout retenu mon attention. Le premier est un petit livre sur l’île de la Cité, une balade dantesque d’Ouest en Est sur ce petit bout de territoire au centre de la France : Cité, nef de Paris. Un livre de commande qui ne paye pas de mine, mais que je trouve joliment composé entre les descriptions de l’enfer du palais de justice et du paradis de Notre-Dame.

Le deuxième, c’est le livre éponyme : Valeurs. Suarès a constamment écrit des « livres de pensées », plus ou moins en vrac, plus ou moins aphoristiques, tout au long de sa vie. Ce sont des livres qui ne sont pas fait pour être lus de manière soutenue, il n’y a aucun enchaînement d’idées, peu de liens, ce sont des petits textes écrits au fil de la plume dans une totale liberté. Jusqu’ici je les avais peu appréciés. J’ai par contre été enthousiasmé par Valeurs. Sans être différents des précédents, il m’a paru intéressant en tant que reflet d’un esprit, celui de l’auteur, dans une époque bien précise, celle de l’entre-deux guerre. Juste après la première guerre mondiale, Suarès s’était calmé avec les « boches », et il commençait à s’en prendre un peu plus aux Américains et aux Russes, plus précisément au fordisme et au communisme, à tout ce qui peut réduire l’homme à l’état de termite ou d’automate, comme il dit. Mais à partir des années 1930, toujours dans cet esprit de réveiller les masses abêties par la technique, il en remet une couche sur les Allemands et par la même occasion les fascistes d’Italie. Il s’en prend vertement à Hitler, à Mussolini et à toutes les dictatures.

Il n’y a pas plus éminent représentant de l’esprit français que Suarès. Autant je le trouve parfois aigre et injuste dans ses portraits littéraires, et même indigne, autant sa sincérité est incomparable dans sa lutte pour la liberté individuelle. Il a mis le doigt sur le Mal, et il a bien appuyé dessus ; ce qui n’a rien d’extraordinaire, mais il l’a fait, et il a risqué sa vie. Je serais vraiment curieux de savoir comment il a réussi à survivre à la guerre, c’est un miracle qu’il ait pu échapper aux nazis. Peut-être le doit-il au peu d’attention que l’intelligentsia française lui accordait.

Il y a de ça dans Valeurs et d’autres sujets qui lui tenaient à cœur. C’est un grand livre, qui s’inscrit dans la lignée des Pensées de Pascal et des Essais de Montaigne : « La manière de Pascal, dans les Pensées, et de Montaigne est la meilleure. Je ne la choisis pas, elle m’est propre, à ma façon. Sans le vouloir, j’écris sur cette règle contre les règles ; sans le vouloir et, à la réflexion, le voulant. Je rêve d’un style qui perce en volant, qui ne s’attarde jamais, qui ne pèse rien, qui coupe les vaines amarres du lien tendu, de la transition, et du rigoureux enchaînement. Un discours qui se passe de tout développement et, s’il faut, qui en fasse fi. »

Enfin, le troisième et dernier livre, le tout dernier, son testament inachevé pourrait-on dire, puisqu’il n’a pas eu le temps de le finir et qu’il n’en a publié que quelques extraits, c’est le Paraclet. Il est intéressant parce qu’il résume toute la pensée religieuse et spirituelle de Suarès. Toujours dans son esprit individualiste, il rejette les églises, les théologies, la scolastique, et pourtant il s’inscrit dans une tradition catholique, particulièrement influencée par la pensée grecque : saint Paul et saint Jean. Il rejette tout ce qui vient après. Le Paraclet c’est le Saint-Esprit dans la Bible grecque. On pourrait gloser infiniment sur ce qu’il écrit : sur la différence qu’il fait entre l’esprit et l’âme, sur l’éternité, sur la métempsychose et sur la part de liberté que peuvent conquérir les hommes, etc. Tout cela n’est pas simple. Quoi qu’il en soit, il croit au règne à venir du Paraclet, qui passe par « la connaissance rationnelle de l’immortalité », une métapsychique et une métaphysique que laisse entrevoir Bergson. Concrètement, chaque individu doit lutter en ce monde pour révéler son Moi, seul et unique.
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Voyage du condottière : Vers Venise, Fiorenza..

Passionné de l'Italie où il a effectué plusieurs voyages, Suarès rédige ce livre, dans lequel le voyageur lui ressemble évidemment. Car le voyage ne peut devenir parlant que si l'on connaît le voyageur, le regard qu'il porte sur les choses. Le voyage est subjectif par essence, et l'auteur revendique cette subjectivité. La vision dépend du l'oeil qui regarde.



Donc ici toute description se teinte d'un point de vue, d'une évaluation, d'amour ou de détestation. Peu de tiédeur, de la passion dans un ou dans l'autre sens avant tout. Trois villes forment le triangle magique : Venise, Florence et Sienne. D'autres sont moins bien aimées. Le paysage, l'art, l'histoire, les grands artistes du passé, les habitants aussi un peu. Tout est sujet à des rêveries, des imaginations flamboyantes, ou cinglantes.



Un voyage hors du temps aussi : ce qui fut est bien plus important que ce qui est, ce qui est n'existe qu'en regard de ce qui fut. Un voyage dans le temps autant que dans l'espace, dans l'imaginaire autant que dans le tangible.



Il faut avoir le goût de prendre le temps de cheminer de cette façon, d'épouser le rythme sinueux de cette phrase, de cette pensée. Pas vraiment consensuelle la plupart du temps. Parfois un peu datée, sa vision de la femme par exemple fait sourire ou froncer le sourcil. Mais la langue est somptueuse, et les visions sont parfois d'une beauté saisissante. Quelqu'un avec qui on est pas forcément d'accord mais qu'on ne peut s'empêcher de trouver souvent intéressant. Ce n'est pas une lecture pour tous les lecteurs ni pour tous les moments de lecture. Il faut avoir envie de quelque chose de très personnel et qui l'assume, aucune envie de faire plaisir au lecteur. Pas de récit ni d'intrigue non plus, juste des impressions, une façon de suivre son propre cheminement intérieur avant même qu'extérieur.

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Voyage du condottière : Vers Venise, Fiorenza..

poésie, philosophie, histoire - un de mes livres de chevet. Une langue claire et simple, une ambiance.

Il faut le lire "après" avoir aimé Venise, Florence ou Sienne
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Miroir du temps

Je suis à peu près sûr de moi en disant qu'André Suares fait figure de grand oublié de la littérature française des années Claudel, Gide, Rolland ..

En publiant Miroir du temps, l'éditeur Bartillat tente d'en conjurer le sort

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Voyage du condottière : Vers Venise, Fiorenza..

Chronique sur un voyageur en Italie. J'aurais aimé lire cet ouvrage avec un projecteur qui me montrerait les œuvres et les villes dont il est question pendant ma lecture, car on ne connaît pas toujours les milliers de références qui émaillent cet ouvrage, et l'on perd beaucoup de contenu si on lit sans les relever. Le style est extraordinaire, et quelques formules resteront gravées dans ma mémoire.
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Vues sur Baudelaire

ESSSAI – Que de grands hommes rencontrons-nous parfois ! C’est la magie des livres, mais qui serait peu de chose sans le talent des écrivains. Les Éditions des instants rassemblent pour la première fois tous les textes d’André Suarès sur Baudelaire et c’est exceptionnel !



Par où commencer ? Je ne suis pas critique littéraire, tout au plus vous fais-je partager mes lectures, souvent historiques, mais chroniquer un tel livre a de quoi intimider. Vous l’ouvrez et tous ces fantômes talentueux sont là : Verlaine, Mallarmé, Rimbaud, Claudel, Hugo, Wagner, Péguy… André Suarès et Baudelaire, le grand et magnifique tout autant que minable et mortifère Baudelaire.



Jusqu’à la préface qui est remarquable. C’est à se demander — tant elle trouve sa place en introduction de ce livre — si elle n’a pas toujours ouvert les écrits de Suarès sur Baudelaire. Son auteur ? Stéphane Barsacq, écrivain, essayiste, journaliste, fils du sculpteur Goudji et petit-fils du dramaturge André Barsacq.



Commençons alors par le début et par Barsacq qui nous rappelle que Les Fleurs du Mal paraissaient une première fois le 11 juillet 1857.



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Miroir du temps

Miroir du temps est un recueil d’articles d’André Suarès - certains inédits - de préfaces, de fragments de correspondance, voire de documents plus intimes encore, comme le testament de l’écrivain : peu de livres permettront de saisir aussi complètement un auteur qui sort lentement d’un oubli.
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Voyage du condottière : Vers Venise, Fiorenza..

J’ai voulu suivre le Condottière en Italie et d’entrée, j’ai lu une des plus belles invitations au voyage que je recopie ici:



“Le voyageur est encore ce qui importe le plus dans un voyage. Quoi qu’on en
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Miroir du temps

Après la lecture d'une recension particulièrement intéressante, je m'étais procuré ce livre en me promettant d'en faire une lecture attentive dès que possible. Cela m'a montré à quel point on pouvait être entrainé par la critique à se procurer un livre avec lequel on ne se sent, au moment de la lecture, absolument pas en résonance.

Certes les sujets traités dans les essais que l'ouvrage réunis sont très attirants. On y trouve un regard très personnel porté sur des écrivains, y compris, ce qui est suffisamment rare pour être porté au crédit de l'auteur, de l’antiquité, comme Pétrone ou Suétone, sur des artistes, des compositeurs, ... thématiques d'un intérêt incontestable.

À ceci près que la façon qu'a Suarès de d’aborder ces personnalités et leurs œuvres ne me parlent absolument pas, me semblent rester comme totalement étranger à ma sphère de sensibilité. À titre d'exemple, Bach, par "ses pensées" (?) est le plus grand, inégalable, mais Wagner est aussi le premier, par sa "poésie" cette fois. Qu’apportent ces suites de mots dont on peine à trouver le sens dans le contexte où ils sont utilisés?

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Quand les enquêteurs parlent...

— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie

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