Citations de Anna Funder (68)
Certains de ces souvenirs ne m'appartiennent même pas. Ces histoires si souvent entendues, je me les suis appropriées, et à la manière de l'huître avec son grain de sable, je les ai polies, enrobées. Qu'elles soient miennes ou non, ce sont aujourd'hui les plus belles perles dont je me pare.
Dora a été pour moi un aller sans retour, toutes les autres n'étaient que des ombres. Elle m'ouvrait des horizons que mon tempérament tourmenté ne m'aurait pas laissé entrevoir, elle me révélait des choses que la vanité m'aurait cachées. Sans elle, je n'étais qu'une moitié d'homme, et une moitié d'écrivain.
J'aimerais replonger dans la nuit, et rêver d'elle peut-être. Mais on a sur les rêves encore moins de prise que sur les choses de la vie - c'est -à-dire aucune.
Une âme rare,avec qui les longues minutes de silence sont apaisantes.Le temps avec elle n'est jamais vide, ni chargé d'impatience.Il s'épanouit.
C'était mieux avant, il y avait plus de monde dans les bars
Son livre s'ouvre dans ses mains à cette phrase : "La plupart des gens n'ont aucune imagination. S'ils pouvaient s'imaginer les souffrances des autres, ils seraient incapables de leur en infliger autant."
A la fin de la vie,ce sont nos amours qui sont les pus vivaces, car elles nous ont façonnés.Nous avons grandi autour d'elles, comme la plante autour de son tuteur.
La douleur est aussi égoïste que l'amour, elle s'empare du corps et de l'esprit et les accapare totalement : vous devenez une douleur vivante, il n'y a plus de "moi" capable de penser à qui que ce soit.
En quarante années d'existence, la quantité de renseignements récoltés par la Stasi était aussi volumineuse que les archives historiques de toute l'Allemagne depuis le Moyen Âge. Disposés les uns à côté des autres, les dossiers de la Stasi se seraient étendus sur cent quatre-vingts kilomètres.
Dring Dring....
J'ouvre. La camionette a déjà filé, juste le temps de lire, en lettres violettes sur la carrosserie, ''Le monde pile à l'heure''. Sept heures du matin ! Un chouïa trop tôt, si vous voulez mon avis.
Un colis FedEx sur la paillasson. Je me penche tant bien que mal pour le ramasser, avec ma patte raide : imaginez une girafe chauve dans une robe de chambre sans nom.... Je plains le passant qui pourrait m'apercevoir, pauvre gloire avec ses trois poils du cul sur la tête. Un frisson de plaisir pervers me traverse à cette idée, puis je me dis que des enfants pourraient me voir, et là, non merci, je n'ai aucune envie de les épouvanter.
Notre révolution devait à jamais changer cette Allemagne autocratique et belliciste:accorder le vote à tous, en finir avec la mainmise de l'armée et de l'aristocratie sur l’État, mettre en commun les industries, rendre l'enseignement libre et ouvert à tous. Un monde nouveau et juste allait advenir, et il n'y aurait plus de guerre.
Le syndrome de Stockholm décrit l'amour des otages pour leurs geôliers; de même, il devrait y avoir un nom pour ce phénomène qui voit deux êtres rapprochés par une cause commune reléguer leurs différences au second plan, après la priorité. Une même abnégation aphrodisiaque et contagieuse nous submergeait littéralement, tous autant que nous étions.
Mystère à jamais insondable, comment expliquer qu'il y ait plus de miettes que de biscuits?
J'essaie de comprendre ce que j'éprouve pour l'ancienne République démocratique allemande. Ce pays qui n'existe plus et que je traverse pourtant à toute vitesse avec ses maisons en ruine et ses habitants abasourdis. Mon sentiment ne peut s'exprimer que par ce mot composé : romance-horreur. Le sentiment est un peu niais, mais j'y tiens. La romance vient du rêve d'un monde meilleur que les communistes allemands ont voulu rebâtir sur les cendres de leur passé nazi : un monde où chacun donne selon ses capacités et où tous reçoivent selon leurs besoins. L'horreur provient de ce qu'ils ont fait en son nom.
Se représenter la vie d'un autre est un acte de compassion profondément sacré.
Comment les gens peuvent-ils se sentir en sécurité quand les événements démontrent clairement qu'être ami ou ennemi ne fait aucune différence, quand vous pouvez par un caprice passer d'un statut à l'autre ?
On nous avait donné le plaisant surnom d'"émigrantsia", car nous étions des émigrants cultivés opposants au régime. Les Juifs arrivèrent en masse plus tard. Mais nous n'avions rien de nantis. Tous, nous étions déracinés, dans l'embarras, coupés de notre langue, souvent sans le sou, privés de lecteurs et interdits de travail.
On raconte que les psychopathes, qui n'ont aucune conscience, font des généraux et des politiciens remarquablement efficaces...(p.80)
On ne se souvient pas de sa propre douleur. C’est la souffrance des autres qui détruit. (p. 398)
Mon sentiment ne peut s’exprimer que par ce mot composé : romance-horreur. Le sentiment est un peu niais, mais j’y tiens. La romance vient du rêve d’un monde meilleur que les communistes allemands ont voulu rebâtir sur les cendres de leur passé nazi; un monde où chacun donne selon ses capacités, et où tous reçoivent selon leur besoin. L’horreur provient de ce qu’ils ont fait en leur nom