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Critiques de Antonio Skármeta (120)
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Une ardente patience

Comme beaucoup d’intellectuels chiliens, Antonio Skármeta a connu l’exil.

Réfugié à Berlin-Ouest, il publie en 1987 “Une ardente patience”, un court roman où il rend hommage au poète Pablo Neruda disparu le 23 septembre 1973, douze jours seulement après le coup d’Etat fatal à Salvador Allende.

Les cinq dernières années de la vie de l’écrivain servent de fil conducteur au roman dans lequel faits réels et fictionnels se juxtaposent.



Lorsqu’il revient de temps à autre au pays, Neruda aime à séjourner à l’Ile Noire, un lieu-dit situé à quelques kilomètres du port de pêche de San Antonio. De sa maison en pierres donnant sur l’océan, Il aime observer les baleines dans leur migration vers les mers chaudes du Pacifique Sud. (*)

Pendant l’été 69, Mario Jimenez obtient un poste de facteur à San Antonio. Plusieurs fois par jour il enfourche sa bicyclette et va jusqu’à l’Ile Noire apporter lettres, colis et télégrammes à l’illustre poète et diplomate.

Une complicité naît peu à peu entre le jeune homme à l’humeur enjouée et le vieil écrivain attentif aux autres. L’inexpérimenté Mario ne tarde pas à solliciter l’aide de son nouvel ami pour conquérir le cœur de la jolie Beatriz dont il est éperdument amoureux.

La douceur des mots, la beauté du verbe, la profondeur des métaphores sauront-elles émouvoir la belle ?



Antonio Skármeta ne manque pas d’humour. “Une ardente patience” est un roman gorgé de soleil, écrit sur un ton jubilatoire : deux heures de lecture savoureuse en compagnie de petites gens à la bonne humeur communicative. La fête organisée par Mario à San Antonio, le jour où son idole Pablo reçoit à Stockholm le prix Nobel de littérature, est sans doute le moment le plus plaisant du livre, un temps de pur bonheur jusqu’à épuisement des convives.



Malheureusement la réalité tragique finit par occulter la fiction au caractère bon enfant. L’état de santé de Pablo Neruda se détériore alors même que la dictature militaire, telle une chape de plomb, s’abat sur le Chili.

Face à la marche chaotique de l’Histoire les rires progressivement s’éteignent, les larmes ne sont jamais bien loin !





(*) « J’avoue que j’ai vécu » – Pablo Neruda (ISBN 2070378225)





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Une ardente patience

Ce roman solaire d'une écriture tout en finesse, hommage au poète Pablo Neruda, raconte l 'histoire de l 'amitié entre un tout jeune facteur et un vieil écrivain : le barde Don Pablo, dans le chili des années 70.



Une "prose poétique " très courte de cent cinquante et quelques pages, lue d'un seul souffle, de peur de ne retrouver le goût du plaisir jubilatoire, du bonheur immédiat que procure ce nanan, cette sucrerie littéraire.



Un des livres que j'aimerais vous faire aimer.
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Une ardente patience

J'avais beaucoup aimé le film le facteur de Michael Radford sorti en France en 1996 mais je n'avais encore jamais lu le livre qui en est la source à savoir "Une ardente patience" d'Antonio Skármenta.



Mon plaisir de lecture est aussi intense quelle heure ce que j'avais vu le film.

Par refus de devenir pêcheur , Mario Jimenez, va enfourcher sa bicyclette pour distribuer le courrier à un seul client qui n'est autre que Pablo Neruda. Il deviendra donc le facteur privé de Pablo Neruda mais aussi son ami.

Mario Gimenez va alors découvrir les métaphores et grâce à elles, séduire la belle Béatriz Gonzalez.

Quelle belle amitié entre ce jeune facteur et Pablo Neruda qui deviendra également le parrain de son fils. Si cette belle est romantique relation est une pure fiction le contexte dans lequel se déroule cette histoire et bien réel. On y voit l'essence des revendications ouvrières et l'élection de Salvador Allende au pouvoir jusqu'au coup d'État en 1973 du général Pinochet.

Bravo à Antonio Skármeta,mais aussi au traducteur car il n'est sans doute pas facile de rendre compte de la poésie dans une langue étrangère d'autant plus qu'il a fallu y ajouter l'humour bien présente dans ce roman.

Petit roman par sa taille mais qui procure un grand moment de plaisir de lecture.

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Une ardente patience

Chers amis,

Je vous écris de l'Île Noire où je suis arrivé depuis peu pour quelques jours de vacances. Non, l'Île Noire n'est ni en Écosse ni en Bretagne, mais bien aux confins du Chili, au sud de Valparaiso, d'ailleurs ce n'est pas une île, mais une petite ville côtière qui fait face à l'Océan Pacifique. Il est possible que cette lettre mette quelques temps à vous parvenir. Ici le seul facteur, un certain Mario Jimenez, n'est pas l'homme le plus courageux du coin. Qui plus est, il s'initie depuis quelques jours à la poésie et en particulier à l'art de la métaphore auprès du maître incontesté des lieux, Pablo Neruda. Voilà une amitié bien improbable, ici d'ailleurs les gens du village s'en étonnent avec ironie, comment ont-ils fait ces deux-là pour s'apprivoiser ? C'est un peu le mariage de la carpe et du lapin. Tiens ! À propos de mariage, comme un bonheur n'arrive jamais seul, Mario Jimenez est tombé amoureux de la jeune et pulpeuse Beatriz Gonzalez, la fille de la redoutable Madame Rosa, vous savez la veuve Gonzalez qui, elle, pratique plutôt avec sévérité l'aphorisme... Pour ce qui est du mariage, on en est bien loin encore, le jeune facteur devra faire preuve d'Une ardente patience...

Ah ! Mes amis, tout ici n'est qu'éveil des sens, floraisons, voyage intemporel. Aucun malheur ne semble pouvoir atteindre le rivage de ce paradis tranquille et bon enfant. Ici les jours sont gorgés de soleils et de désirs, comme les seins éloquents de la jeune Beatriz Gonzalez, engoncés dans une blouse de deux tailles plus petites que ne l'exigerait sa générosité affichée... Ça, ce n'est ni une métaphore, ni une vue de l'esprit !

Ici chaque effleurement, chaque mouvement du paysage est charnel, c'est un véritable hymne au plaisir... le bourdonnement des abeilles lubriques, le calice des marguerites marines en plein émoi, le cri d'un orgasme dans la nuit sidérale, tandis que le chant des baleines au loin ramène un peu de sérénité au paysage brûlant...

L'Île Noire a beau ne pas être une île, on se sent ici comme coupé du reste du monde...

Le rire joyeux des enfants des pêcheurs, le sel de la mer sur les paupières, les caprices du vent, même les pélicans ont des allures un peu anarchistes... Il souffle ici un vent de liberté comme sur le reste du Chili depuis que Salvador Allende a montré qu'un autre monde était possible...

À quoi tient ce bonheur ? Serait-ce la magie des mots ? La manière d'un poète ici de les faire chanter, d'avoir su transformer ce jeune facteur maladroit et naïf pour que celui-ci sache accueillir sur lui le regard d'une jeune femme aimée ?

Le vin parfois coule à flot, lorsque nous avons su ce jour-là que notre cher barde voisin venait de recevoir le prix Nobel de littérature...

Nous étions émus et un peu ivres, lorsque nous l'avions vu dans l'unique poste de télévision du village, au restaurant tenu d'une main de fer par Madame Rosa, vous savez la veuve Gonzalez... Nous étions émus lorsqu'il prononça ses mots :

« En conclusion, je veux dire aux hommes de bonne volonté, aux travailleurs, aux poètes, que l'avenir tout entier a été exprimé dans cette phrase de Rimbaud ; ce ne sera qu'avec une ardente patience que nous conquerrons la ville splendide qui donnera lumière, justice et dignité à tous les hommes.

« Et ainsi la poésie n'aura pas chanté en vain. »

Tout semble calme, pourtant ce soir en regardant l'astre solaire fondre dans le Pacifique, en observant au loin les feux de Valparaiso, j'ai comme un mauvais pressentiment... Il y a toujours une fausse note qui vient brusquement gripper la partition du bonheur, abîmer le paysage, comme si aimer et être libre étaient insupportables pour d'autres... Des oiseaux de malheur planent dans le ciel éthéré...

Plus tard, lorsque le pays sera à feu et à sang, je sais qu'il faudra Une ardente patience pour faire revenir la confiance, poser un peu de baume sur les cicatrices, bercer dans des bras encore trop fragiles les veuves inconsolables, les mères éplorées. Il faudra d'autres poètes pour réinventer les mots, la lumière, l'espoir, la liberté, des îles là-bas et encore et ailleurs, et toujours...

Post-scriptum : merci à toi Marie de m'avoir offert l'envie et la possibilité de lire ce court roman solaire et fulgurant d'Antonio Skármeta, auteur dont je fais la connaissance par la même occasion. Ce fut un moment de poésie pure, entre la joie simple et généreuse et la douleur d'un peuple martyrisé, j'ai ri et été ému... ce fut une rencontre inoubliable !



« Que no es guitarra de ricos

ni cosa que se parezca

mi canto es de los andamios

para alcanzar las estrellas,

que el canto tiene sentido

cuando palpita en las venas

del que morirá cantando

las verdades verdaderas,

no las lisonjas fugaces

ni las famas extranjeras

sino el canto de una lonja

hasta el fondo de la tierra. »



Víctor Jara

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Une ardente patience

Cap sur l’île Noire. J’ai hésité entre le ciré ou le poncho. Pressentiment d’une rencontre déterminante. Tintin et Milou ? Ils sont partis sur d’autres aventures tout aussi pittoresque que la mienne. Non, j’ai pris mon poncho, un disque de Florent Pagny pour la couleur locale, une bicyclette bleue déglinguée. L’île Noir dans l’Antarctique Chilien, la Terre de Feu. Là-bas, la route s’arrête devant l’océan dans l’aube tiède du levant ; c’est l’ultime escale la fin de l’errance avant que j’ose le silence. Ici la vie est comme toutes les autres vies, même valeurs, couleur le ciel se mêle à la poussière je commence à comprendre…



Qu’y a-t-il à comprendre ? Que la vie est une métaphore.



Une méta-quoi ?



Fort, l’ami. Une métaphore. Attends, je t’explique. Tout d’abord, suis-moi à l’auberge. J’y ai enfin trouvé la paix que je cherchais, comme une sensation franche, cette lumière blanche. Ne fais pas attention, c’est juste la jeune et belle Béatriz, dans une blouse de deux tailles plus petites que ne l’exigeaient ses seins éloquents, qui m’amène une pinte bien fraiche pour épousseter la poussière de ces terres. Où en étions-nous l’ami ? Ah oui, la métaphore… Souviens-toi en. Il n’est question que de métaphore sur l’île Noir. De métaphore et de poésie.



Maintenant que j’ai fait le point sur les métaphores, je te présente Mario Jimenez. Jeune homme, facilement impressionnable par les métaphores, la poésie et l’amour. Qui ne le serait pas à cet âge-là. Déjà que moi, malgré mon grand âge, et cette immense sagesse qui me caractérise, je reste coi devant la belle Béatriz, prêt à la prendre en coït. Mario, le facteur en bicyclette avec pour seul « client », un type un peu rêche au début. Il fait le gars bourru, mais un vrai poète ce type quand on le connait. Pablo Neruda, qui a failli être président du Chili, mais qui a bien été Prix Nobel de littérature. Un sacré gars, bon poète, qui sait comment écrire à une dame et qui en quelques mots loués au jeune Mario, servira d’entremetteur à quelques belles parties de jambes écartées, d’orgasmes fracassant et de pénétrations intimes. Tout est dans la subtilité des hommes et la poésie de l’acte. Plus qu’une métaphore de l’amour, c’est un hymne au plaisir, à la délectation. La jubilation n’est pas loin, par conséquent l’éjaculation aussi. Autre métaphore de la vie, mais celle-ci n’est pas de Pablo Neruda.



Tout est donc dans la subtilité des mots choisis. Quand le vulgaire sperme se mêle à la coulée de la lave, cela devient une pornographie métaphorique. J’en jubile. Du grand roman chilien. Pas à la Coloane, ni à la Sepulveda. Juste à la Skármeta que je découvre, ainsi. Un dernier mot pour finir, si tu le permets. Je te raconte la fin qui comme toutes les fins a son importance. Et ce n’est pas une métaphore, d’ailleurs. Les dernières pages s’arrêtent sur la mort de Neruda, sur la mort d’Allende, sur la mort de la démocratie chilienne… Parce que Antonio Skarmeta n’en est pas moins un militant et un exilé après le coup d’état de 1973.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Une ardente patience

J'ai vu, il y longtemps, le film "Il Postino" inspiré par ce roman, me restent en mémoire de belles images de l'île de Salina et , je l'avoue, des souvenirs émus du décolleté de Maria Garcia Cucinetta...

je viens de revoir ce film après avoir ce livre et force m'est de constater qu'il ne se situe pas à la hauteur de ce dernier.



Una ardente patience nous conte l'histoire de Mario Jimenez, facteur à l'Île Noire au Chili et de la relation qu'il nouera avec le poète Pablo Neruda, il lui demandera de l'aider à séduire la belle Beatriz au corps parfait (tiens, certaines images du film me reviennent...)



Tout se déroule de janvier 1969 à septembre 1973, donc dans le contexte d'une page historique du Chili : depuis la campagne électorale qui verra l'avènement de Salvator Allende, jusqu'à son suicide, en passant par les troubles suivant son élection. Le roman nous fait comprendre cette période, avec ses manifestations, les dissensions qu'elle crée dans les familles, et la pénurie d'objets de première nécessité.



Le titre - Une ardente patience - fait référence au discours prononcé par Pablo Neruda lors de sa cérémonie de remise du prix Nobel, citant Arthur Rimbaud :"Ce n'est qu'au prix d'une ardente patience que nous pourrons conquérir la cité splendide qui donnera la lumière, la justice et la dignité à tous les hommes. ainsi la poésie n'aura pas chanté en vain.



J'ai beaucoup aimé ce roman, empli de poésie, d'amour, d'érotisme mais aussi de beaucoup d'humour.

Il se dévore avec plaisir.



J'ai apprécié qu'il me fasse revenir sur les événements tragiques connus par le Chili, qu'il me remémore la vie politique de Pablo Neruda, etenfin, il m'a poussé à rechercher dans ma bibliothèque ses recueils de poésies et à les relire.





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Une ardente patience

Il est de ces petits bijoux qui se révèlent à nous de manière insoupçonnée, à coups de hasard ou de clins d'oeil de la vie.



A la recherche d'un auteur sud-américain pour un défi de lecture en 2022 - défi que, honteusement, je n'ai pas réussi - j'ai chiné dans les livres de poche de mon Emmaüs adoré pour finalement dégoter Une ardente patience dont je n'avais jamais entendu parler.



Vendredi dernier, pour occuper un voyage en train de quelques heures, j'ai laissé tomber mon pavé actuel pour un petit roman facile à glisser dans mon sac à main. Le facteur de Antonio Skármeta a escaladé ma pile à lire par le chemin le plus court et a été élu à l'unanimité de mes bulletins de votes intérieurs - ça vous laisse deviner les difficultés légendaires de Croquignolle pour choisir une nouvelle lecture au coeur de sa méga-pile-à-lire.



Et voilà, le tour du sort était joué et mon week-end s'est retrouvé enchanté par cette lecture pétillante, poétique, riche d'un humour joliment tourné et empli d'émotions des plus émoustillantes.

Qui l'aurait cru ? Je venais de lire un livre ouvertement érotique (voire pire) sans en ressentir les frissons escomptés et voilà que sous les mots et métaphores de cet auteur du bout du monde, mon sourire, mon corps, mon âme ont entrepris de vibrer de toutes leurs sonorités, de toutes leurs colorations, de tous leurs souffles les plus palpitants.



Que c'est beau !!! Et quelles magnifiques rencontres j'y ai faites !



J'y ai rencontré un homme peu vaillant au travail, transformé en un facteur ailé, en un messager zélé au contact des métaphores savoureuses du grand poète Neruda.



J'y ai rencontré une femme ouverte à toutes les convoitises, séduite par l'âme pure (ou presque) de l'amoureux poète débutant, succombant au charme des mots et fondant de désir en attendant l'assaut.



J'y ai rencontré une belle-mère inquiète à la langue empâtée de tous les termes vulgaires dont elle a dû user pour se faire respecter sans un homme à ses côtés pour la protéger.



J'y ai rencontré la tranche d'histoire d'un pays empreint aux soifs de pouvoir, aux injustices, chamboulé dans un contexte de guerre froide et de crise politique.



J'y ai rencontré les plus belles descriptions du mélange des corps, des désirs, des chairs et des soifs donnant des ailes aux papillons endormis sur les visages - les lecteurs de ce roman me comprendront - et au creux des reins.



J'y ai rencontré Pablo Neruda dans l'intimité de son Île Noire, dans son tête-à-tête avec l'océan et la nature environnante, dans son envie de bout du monde, de solitude et d'isolement.



J'y ai rencontré Antonio Skármeta, écrivain et poète talentueux qui a su transformer ces quelques heures de lecture en un jardin luxurieux et luxuriant, en un arc-en-ciel coloré et merveilleux, en un vol d'oiseaux virevoltant, en une gerbe de délices savoureuses et odorantes, en un voyage infini au pays des sens.



Une ardente patience mérite une deuxième, une troisième lecture pour en capter toutes les richesses et toutes les émotions. Ce petit livre s'en ira émouvoir d'autres amis lecteurs avant de me retrouver pour de nouvelles aventures.
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La rédaction

Pedro est un petit garçon de neuf ans qu'on pourrait qualifier d'ordinaire : il aime jouer au foot et ses copains. Rien de bien extraordinaire jusqu'ici, mais voilà, Pedro vit au Chili sous le régime militaire du Général Pinochet.

Et dans ces conditions, l'évènement le plus anodin peut prendre des proportions dramatiques...



L'élément qui va bouleverser sont quotidien et mettre en tension tout le récit, c'est l'arrivée d'un militaire dans son école. Il dit venir simplement pour leur donner un sujet de rédaction. Rien d'extraordinaire dirions nous a priori, à ceci près que le lecteur comprend vite que cette rédaction a pour unique but de faire dénoncer les parents «anti-patriotes» par leur propres enfants.



C'est par ce jeu de regards pervers et une histoire en apparence très simple - car vue par les yeux du petit garçon - que l'auteur nous montre l'omniprésence de ce régime autoritaire dans le quotidien du citoyen chilien lambda.

De plus les illustrations complètent le récit, offrant un regard supplémentaire.

Quant à la chute... un super clin d'oeil ! Tout l'art de la nouvelle est parfaitement maîtrisé.



Lu en espagnol, le récit ne comporte pas de difficulté lexicale ou grammaticale insurmontable et peut très bien être lu par des lycéens, dès la fin de la seconde.





Challenge Globe-trotteurs 2019
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Une ardente patience

La réunion de deux êtres que tout oppose. Un cahot sur le chemin de la vie qui vous détourne de votre voie et vous bouleverse jusqu'au plus profond de votre âme. Ils n'avaient rien en commun si ce n'est un désir de s'abreuver de la vie jusqu'à plus soif.



Mais il est des rencontres qui ne peuvent s’oublier quand elles sont placées sous le signe du sublime et de la poésie. Lorsque au hasard de votre chemin un homme célébrissime se hisse vers vous et que ce monument se nomme Pablo Neruda comment rester de marbre ? Un homme comme il en existe peu, un vrai terrien, entier et passionné. Un homme amoureux de la vie et de ses semblables.



1969. Le Chili, est un pays épris de liberté, de démocratie, charnel et marqué par les premières télévisions en couleurs. Mario, 17 ans, ne souhaite pas suivre la lignée des pêcheurs comme son père et la plupart des hommes du village. Mario est amoureux des mots, il rêve d’écriture de poésie, de littérature alors quand on lui propose de devenir facteur et d’avoir pour seul et unique client Pablo Neruda, Mario voit là une opportunité rêvée pour faire une des plus belles rencontres de sa vie. Il ne lâchera plus le poète. Il marchera dans ses pas en se nourrissant de chacune de leurs discussions. L'homme de lettres se sentira, au début, quelque peu agacé par son altruisme et son affront. Mais peu à peu tel le Petit Prince et le Renard, ils parviendront à s'apprivoiser et apprendront à se faire confiance mutuellement. Comment peut-on résister à ce jeune homme attendrissant, naïf et plein de surprise ? Cette rencontre pleine de verve, d’échange et de magie se transformera en une belle et forte amitié. Deux êtres que tout opposait parviennent à se trouver bien au-delà des différences. Et les barrières liées à leurs âges et à leurs milieux fondent sous l'effet des liens extraordinaires qui doucement se nouent.



Mario sera pendu à ses lèvres se nourrissant des paroles de son maître absolu. Il apprendra à ses côtés à faire chanter les mots tandis que Pablo Neruda y retrouvera la ferveur de sa jeunesse passée et un certain amusement. Echanges de bons procédés.



Mario lui demande de lui enseigner le verbe afin de courtiser la belle Béatriz. Il lui enseigne les rudiments de la poésie, des mots, des phrases. Mais tandis que Mario apprend à dire l'amour et se consumme pour Beatriz, le Chili, lui, brûle et se perd dans une tourmente politique sans précédents. Balayés les mots d'amour et le lyrisme, il ne reste plus que les cendres incandescentes d'une terre meurtrie...Et aussi l'exil.



Un face à face inoubliable, on rit, on pleure et on referme ce livre avec une certaine tristesse.

Une ardente patience un livre d’une poésie à couper le souffle !



Un livre sur une rencontre inoubliable, puissante et profonde. Au hasard des lignes, entre deux mots échangés, une rencontre de l'instant qui apaise le cœur et réconforte l'âme.



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Une ardente patience

La vache, il m’émeut grave ce chef-d’œuvre de 150 pages et je me pris à téter tel un jeune veau aux plantureuses mamelles métaphoriques des vers de Pablo Neruda parsemant ce roman de coco coquelicots. Je n’en ferai pas un fromage mais tiens à ouvrir largement mon bec, alors renards soyez prêts et je vous regarderai passer.





J’ai vu à sa sortie le film franco-belgo-italien réalisé par Michael Radford (avec Philippe Noiret dans le rôle de Neruda) adapté du roman d'Antonio Skármeta, en 1994. Hormis les paysages enchanteurs et la fulgurante beauté de quelques répliques, un peu déçu je m’étais alors dit que le lire … 1994-2020 : Une ardente patiente. Quelle récompense ! Magique l’écriture de Skarmeta. Aussi plutôt que vous raconter par le menu comment ce facteur amoureux transi de la fille de l’aubergiste fit la rencontre et entra en amitié avec le grand poète chilien voici quelques effluves pour par l’odeur vous allécher.





D’abord il y a la mer :

« Innombrables étaient les vagues, pur le soleil de midi, voluptueux le sable et légère la brise, mais aucune métaphore ne germa. Tout ce que la mer portait en elle d’éloquence n’était chez lui que mutisme. » p.32



Ensuite il y a la mère :

« - Et alors, don Pablo, avec ces métaphores, il a rendu ma fille plus chaude qu’un radiateur.

- Mais, madame Rosa, nous sommes en hiver. » p.75



Puis le facteur amoureux :

« - Et ensuite tu retournes chez toi pour dormir un peu. Tu as des orbites plus creuses que des assiettes à soupe.

- Ca fait une semaine que je n’ai pas fermé l’œil. Les pêcheurs m’appellent le hibou. » p.80



Le discours du poète à la réception de son prix Nobel :

« A l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes. » « Je crois en cette prophétie de Rimbaud, le voyant. […] Je n’ai jamais perdu l’espérance. » p.125



Enfin ce poème :

« Je retourne à la mer qu’enveloppe le ciel

le silence entre une vague et l’autre

instaure une attente dangereuse :

que meure la vie, que se calme le sang

et que déferle le mouvement nouveau

pour que résonne la voix de l’infini. » p.151





Et soudain un twist final ou toute poésie se trouve anéantie non par la mort du poète mais celle même de l’amour et ce par la méchanceté des hommes. C’est ainsi que je laisse tomber mon mouchoir suite à cette fin déchirante qui rend ces éclats de vie d’autant plus brillants. Un bijou.
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Un père lointain

Un petit trésor de poésie et d'émotions....sur l'amour d'un fils pour son père...et sur l'irrémédiable solitude des

êtres !...





En fouinant ,sans idée précise, à la médiathèque j'ai emprunté ce petit texte d'Antonin Skarmeta dont je n'ai lu jusqu'à présent qu' "Une ardente patience"...un court récit qui met en scène un jeune homme qui revient dans son village,ayant été admis comme instituteur ; il descend du train alors que dans un même temps, son père adoré monte dans le même train,part pour toujours !



Le fils unique et la maman sont catastrophés, désespérés...ils attendent des nouvelles de France,qui n'arrivent jamais. Jacques,le fils débute sa carrière d'instituteur...avec plaisir; sinon, il va rendre visite au meunier, grand ami de son père, qui sait des choses ! Il essaye de le faire parler....



Il y aura des surprises et une "chute" fort inattendue !



Une histoire touchante aux phrases faussement naïves....Comme une sorte de conte au langage à la simplicité confondante...suggèrant avec une grande sensibilité...des questions ,émotions, chagrins universels....



"-Que sais-tu de Papa que j'ignore,

Maman ?

-Il est en France

-pourquoi est-il parti ?

- Tous les hommes sont un peu marins dans l'âme. La curiosité pour d'autres lieux.Et puis sa patrie tu ne penses pas ?"

(p.80)
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Un père lointain

J’adore ces romans, comme Un père lointain, où le protagoniste est partagé entre deux identités. Ce type de personnages à part, spécial (pour ne pas dire en marge) réussit toujours à jeter un regard unique sur le monde qui l’entoure. Dans tous les cas, il peut mieux en percevoir les apports, les bénéfices et les limites de chacunes. Et, quand l’une de ces identités est française, il apporte avec lui un bagage estimable. Paris et la France dégagent habituellement une aura enviable, rappelant la culture, l’art et la littérature.



C’est le cas de Jacques, né d’un père français immigrant et d’une mère chilienne. Il a grandi dans un village de province, quelque part au fin fond des Andes (c’est tellement reculé qu’on s’attend à ce que le train ne passe plus bientôt). Ce jeune homme revient, brevet d’enseignement en poche, au moment où son père les abandonne, lui et sa mère. Il essaie de ne pas trop y penser en ce concentrant sur travail (ses élèves), en traduisant des œuvres françaises pour le journal local, ou en rêvant de serrer enfin une femme contre lui. Il y a bien cette Teresa…



Pas besoin de beaucoup plus pour me plaire. Et c’est exactement ce que propose l’auteur Antonio Skarmeta. Il ne se passe pas beaucoup d’action dans ce court roman, à part cette excursion dans la ville voisine. L’histoire toute entière repose sur ce jeune homme à la santé fragile mais passioné par la langue française. Il n’est plus un enfant mais l’absence du père pèse lourdement sur ses épaules. Malgré cela (ou peut-être en est-ce la cause), il s’intéresse grandement au sort des jeunes qui lui sont confiés, dont Augusto.



Un père lointain est un de ces petits bijoux de la littérature. Tous les éléments mentionnés plus haut, et d’autres encore, finissent tous par s’entremêler et ne former qu’une seule et unique trame. C’est tellement intelligent. J’aime ces personnages avares de paroles, qui racontent beaucoup plus avec leurs gestes et leurs silences. J’aime cette évocation de la vie campagnarde, de ces gens pauvres et simples qui espèrent mieux sans vriament y croire, qui vont au village voisin écouter des films au cinéma ou voir les putes.



Ce roman m’a tout de suite fait penser à un autre du même auteur, Une ardence patience (aussi connue sous le titre Le facteur). C’est écrit dans le même style, j’y ai retrouvé la même poésie, la même sensibilité. Un bonheur de lecture !
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Une ardente patience

Je poursuis le rattrapage de mes retards de lectures, et de mes "abandonnés involontaires", dont cette très belle fiction consacrée de façon originale, à Pablo Neruda, à la poésie, au Chili... à la Liberté de penser...qui attendait avec "la plus grande patience" sur mes rayonnages !!



L'amitié entre deux êtres dissemblables: un modeste facteur qui doit apporter le courrier à un seul destinataire exigeant: le Grand Neruda...



Ce facteur, Mario, tombé en amour, en distribuant le courrier au célébrissime poète, vint lui demander conseils et aide pour séduire "sa Béatrice"...



Je n'en dirais guère plus... de nombreuses critiques très élogieuses ont déjà été rédigées avec autant de raison que d'enthousiasme...

Une jolie lecture qui nous offre un portrait inédit de Neruda, de la fantaisie, de l'humour et de la poésie joyeuse quant à une amitié aussi fantasque que réelle !

Je me suis laissée emporter par cette fiction pleine de verve et d'humanité...



-"Poète et camarade, dit-il d'un ton décidé, c'est vous qui m'avez mis dans cette mélasse et c'est vous qui devez m'en sortir. Vous m'avez donné des livres, vous m'avez appris à me servir de ma langue pour faire autre chose que de coller des timbres. C'est de votre faute si je suis tombé amoureux.



-Non, Monsieur ! Cela n'a rien à voir. Je t'ai donné mes livres, mais je ne t'ai pas autorisé à les plagier. Tu as même trouvé le moyen d'offrir à Beatriz le poème que j'ai écrit pour Mathilde !



-La poésie n'est pas à celui qui l'écrit mais à celui qui s'en sert ! ( Seuil, 1987,p.80)"
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La rédaction

Quelle belle découverte, cet album, La rédaction ! Je connaissais Antonio Skarmeta surtout pour son roman Une ardente patience. Je savais qu’il avait écrit d’autres œuvres mais pas qu’il en avait réalisées pour la jeunesse. Et pas qu’une seule, non. Et même celles-là, elles font preuve de maturité. Et c’est le cas de cet album. Après tout, il a bien gagné le Prix du livre de jeunesse sur la tolérance (décerné par l’UNESCO) en 2002.



L’intrigue de La rédaction se déroule dans un pays quelconque qui n’est jamais mentionné. Peut-être est-ce le Chili, le pays d’origine de l’auteur, qui a dû fuir la dictature ? Dans tous les cas, c’est un pays hispanophone si on se fie aux noms et prénoms des différents personnages. L’Espagne et plusieurs pays sud-américains ont subi leur lot de dictateur au 20e siècle. Sans doute ce manque de repère est intentionnel, afin que n’importe qui puisse s’y reconnaître, pour prétendre à une certaine universalité.



Le jeune Pedro Malbran est un enfant comme les autres, qui partage sa vie entre l’école (il est en CE2) et le football. Mais quelque chose l’intrigue : ses parents écoutent tard le soir la radio, on y entend des commentaires sur leur pays, des propos qu’on préfère ne pas dire ouvertement mais plutôt entendre en secret. Les choses en restent là jusqu’à ce que le père de son copain Daniel se fasse amener de force par des soldats. Gulp ! Pedro fait le lien entre cette arrestation et le fait que dorénavant son père mette le volume de la radio au plus bas. Et si on lui enlevait son père ? Il se passe quelque chose d’inquiétant, quelque chose dont ses parents ne veulent pas lui parler (pour la sécurité de tous) alors il doit essayer de rassembler lui-même le puzzle. Angoissant, terrifiant, même si le garçon n’arrive pas à mettre tous les mots sur la situation ni sur comment il se sent.



Le lendemain, un militaire intimidant fait son apparition en classe et leur demande d’écrire une rédaction. Le sujet ? « Ce que fait ma famille le soir » À en donner des frissons. Et s’il raconte que ses parents écoutent en secret des émissions de radio où l’on parle en mal du pays et du chef d’état ?



Les plus jeunes lecteurs n’auront peut-être pas tout saisi, n’auront peut-être pas compris que cette histoire se déroule dans une dictature, au mieux, les pleurs de la mère, tous ces militaires et l’arrestation d’un simple épicier feront naitre en eux un sentiment de malaise. Ceux-là, ils ne verront pas venir le possible drame. Les lecteurs plus habiles ou matures, eux, oui. Ils se demandent si le jeune Pedro fera sa rédaction tel que demandé. Sans précisions de ses parents, qui ont tenu à le maintenir dans l’ignorance, dans l’innocence, comprend-il un peu les enjeux ? Peut-être même seulement à un niveau instinctif ?



Le suspense est maintenu jusqu’à la fin, presque jusqu’à la dernière ligne. Du grand art ! Bravo à Antonio Skarmeta. Il réussit à nous faire réfléchir sur la dictature, sur la façon dont vivent et survivent les gens ordinaires dans de telles conditions. Et sur les enfants qui la subissent et qui ne le devraient pas ! Bref, un sujet dur mais, malheureusement, encore d’actualité à bien des endroits dans notre monde.



Mention spéciale pour l’illustrateur Alfonso Ruano. Je ne peux pas dire qu’il a réalisé le genre de dessins qui me plaisent le plus mais, étrangement, je les trouve appropriés pour cette histoire. Il a évidemment su prendre l’essentiel du roman, son cadre (le début des années 1970) et l’atmosphère qui s’en dégage, à la fois l’innocence de la jeunesse et le malaise du monde des adultes qui prend le dessus tranquillement.
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Une ardente patience

A mon sens, ce petit livre est un chef d'oeuvre. Il offre beaucoup de joies diverses : que ce soit au plan littéraire, historique, humoristique, ou bien encore grâce à la sensualité de certaines pages, que l'on ne peut nier. Pour vous expliquer. J'étais en bord de mer au Chili, dans un village de pécheurs assez appauvris. Là où vit paisiblement Mario, dont la vie va subir de multiples changements. D'abord, son père lui conseille de se trouver un boulot. C'est alors qu'à la poste, on lui offre de livrer le courrier du poète Pablo Neruda, résidant sur l'ile noire. Celui-ci est un peu préoccupé car il est candidat à la présidence du Chili, tout en soutenant son ami Salvador Allende. Entre Mario et le poète, pourtant aux antipodes l'un de l'autre, finira par s'installer une relation joyeuse, drôle, mais aussi solidaire. Don Pablo portera secours à Mario, alors que celui-ci aimerait séduire Beatriz dont il est amoureux. Plus tard, les bousculements politiques lors du coup d'Etat de Pinochet plongeront, et le poète, et Mario, et le Chili tout entier, dans la tourmente. Pablo Neruda dit lors de son discours au Nobel ceci :



" (...) je veux dire aux hommes de bonne volonté, aux travailleurs, aux poètes, que l'avenir tout entier à été exprimé dans cette phrase Rimbaud; ce ne sera qu'avec une ardente patience que nous conquerrons la ville splendide qui donnera lumière, justice et dignité à tous les hommes."



Une belle lecture sur la poésie et l'art de la métaphore, la camaraderie et le désir amoureux, sur fond de basculement politique. C'est poétique, drôle, sensuel, et quelques passages nous offrent même un érotisme assez torride. Ce petit livre est un superbe salut au poète.
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Une ardente patience

Dans un petit village de pêcheurs, Mario Jimenez renie cette profession et trouve son bonheur grâce à une petite annonce sur la vitre du bureau de poste de l’île Noire. L’annonce est un avis de recrutement pour un facteur avec pour unique client le poète Pablo Neruda.

Quelle aubaine pour Mario qui voue une grande admiration au Poète !

Tous les jours, Mario lui apporte son courrier et, au fil du temps, ils deviendront amis.

Un roman de seulement 156 pages mais d’une qualité supérieure de par sa prose, ses poèmes, ses sentiments très forts. Antonio Skármeta aborde aussi, en filigrane, la situation politique du Chili.

Ce roman a été adapté au cinéma sous le titre Le Facteur et a connu un succès mondial.

« Une ardente patience », une lecture ardemment conseillée !
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La rédaction

Le message de cet album est fort. Un militaire, d’un pays sous dictature, demande à une classe de CE2 une rédaction avec pour thème « Ce que fait ma famille le soir ? » Un vrai dilemme pour Pedro. Doit-il raconter que ses parents écoutent la radio, encore plus en sourdine depuis que le père de son ami a été arrêté ? Va-t-il être un enfant qui dit la vérité ou déjà un petit adulte qui va protéger sa famille ? La fin est inoubliable.

Antonio Skármeta est aussi l’auteur de Il postino, le facteur, film que j’ai adoré.
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Beaux enfants, vous perdez la plus belle rose

« Beaux enfants, vous perdez la plus belle rose. » Déjà, avec un titre pareil, ça accroche. Mais rien à voir avec le titre original, « Soné que la nieve ardia », qui se traduit par quelque chose qui ressemble à « Il semblait que la neige brûlait ». Mais, dans les deux cas, c’est assez évocateur. En fait, le titre français fait référence à un poème de François Villon qu’on trouve en épigraphe. Bref, avant même que l’histoire ne commence, on sent qu’on a probablement un roman spécial entre les mains. Surtout que les mains du génial Antonio Skarmeta l’ont écrit.



Et le début est tout aussi prometteur. Comme la quatrième de couverture l’indiquait, on rencontre le jeune Arturo qui part pour la capitale. Son grand-père l’y accompagne, avec mille recommandations. Touchant, je reconnaissais quelques des traits de mon propre aïeul dans certains de ses gestes et paroles. Puis il y a la rencontre avec cet homme excentrique, petit, qui cache un coq de combat sous son imper. Ensemble, ils arrivent à Santiago en 1973 où ils se retrouvent dans une pension qui abrite déjà des artistes marginaux et des jeunes étudiants politisés. Avec une telle brochette de personnages, et à un moment charnière de l’histoire chilienne (juste avant le coup d’État), on se dit qu’on a droit à quelque chose de génial.



Eh bien, oui et non. Peut-être aussi le problème vient-il de moi, et d’autres apprécieront grandement ce roman au si long titre. J’y ai trouvé moi-même beaucoup de qualités. Par exemple, Skarmeta a réussi à dépeindre avec justesse (à ce qu’il me semble) les personnages, les enjeux, les différents milieux, etc. Passer du milieu des music-hall avec les paumés et la racaille qui gravitent autour, aux milieux estudiantins, qui copine avec les ouvriers et les syndicats, tout un tour de force. Et ce pauvre Arturo, complètement apolitisé, qui ne rêve que de foot, côtoit tout ce beau monde sans jamais se sentir à sa place, parfois même en étant rejeté.



En fait, c’est surtout ça qui m’a déplu. Dès le début, j’ai bien aimé ce pauvre Arturo, un jeune puceau de dix-huit ans, la risée de son village, qui s’en va dans la grande ville avec son seul ballon de foot. Il me semble qu’il y avait une histoire à faire avec seulement cette idée. À la place, il a été noyé dans les histoires d’un peu tout le monde et surtout de ce pays, le Chili, qui fonce vers la catastrophe à grande vitesse. Mais, plus j’y pense, plus je me dis que ces enjeux toujours plus importants sont ce qui constituent une grande œuvre. Je crois que, finalement, je relirai un jour ce roman et sans doute que je me raviserai…
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No pasό nada y otros relatos

C'est un recueil composé de quatre nouvelles, doté de quelques illustrations minimalistes, d'un ou deux personnages, en noir et blanc



La première, de loin la plus longue, fait environ soixante-dix pages. Un garçon chilien de quatorze ans, Lucho, exilé à Berlin Ouest, suite au coup d'état du 11 septembre 1973, nous raconte avec une certaine candeur, voire auto-dérision, sa perception naïve de la situation, ses difficultés d'intégration, ainsi que les troubles sensuels ou physiques liés à l'adolescence.



Ce qui m'a frappé avec No pasό nada y otros relatos, c'est qu'il est repertorié comme T'es pas mort en français, sauf que ça se passe en France ! Je n'ai pas les moyens de me procurer la version française mais du peu que j'en juge, il ne s'agit pas d'une erreur de transcription, les personnages ont les mêmes noms : Lucho / Louis qui tombe amoureux d'Edith, qui a pour seuls amis des grecs, Homère et Socrate, qui va se castagner avec Michael / Michel.



Si quelqu'un (e) peut m'éclairer je lui serais reconnaissante.



Je me demande comment est traduite cette phrase qui figure en 4ème de couverture :



«Cuando nos decían “guten morgen” creíamos que nos estaban sacando la madre».



« Quand ils nous disaient “guten morgen”, on croyait qu'ils étaient en train de nous “sortir” la mère ».



Pas sûre que la traduction littérale de « sacando » par « sortir » soit la bonne… Je me doutais bien que ce n'était pas ça... ma cousine chilienne vient de me le confirmer : Antonio Skarmeta ne veut pas dire de gros mot, c'est une façon élégante d'insulter la mère.



Les trois autres nouvelles sont très courtes. La dernière est un clin d'oeil à la révolution des oeillets au Portugal.



Antonio Skarmeta s'est exilé à Berlin Ouest après le coup d'état mais contrairement à Luis Sepúlveda, il n'a jamais été torturé. Il est revenu au Chili en 1988, suite au triomphe du plébiscite où le « non » à Pinochet a gagné par 57,8% des votes. Il est ami de l'ex-président Ricardo Lagos (2000-2006). Il a été ambassadeur d'Allemagne de 2000 à 2003.



De lui, j'ai lu il y a fort longtemps, La noce du poète et le ballet de la victoire, le souvenir que j'en garde est la forte impression que ces deux romans ont provoquée en moi.



Je salue le talent d'Antonio Skarmeta pour nous plonger dans une ambiance et nous faire entrer en osmose avec le(s) personnages. Ses schémas narratifs suivent une courbe descendante, montante puis descendante. Il part d'une situation initiale dramatique pour peu à peu distiller l'espoir, jusqu'à un point d'orgue où le bonheur semble acquis, puis violemment tout se désagrège, comme un flan qui s'affaisse. J'avoue que je ne m'en sors pas indemne !
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Les jours de l'arc-en-ciel

Challence ABC 2016-2017



« Erano i giorni dell'arcobaleno,

finito l'inverno tornava il sereno » (Nicola di Bari)



Quinze minutes de tribune électorale, c'est le cadeau « généreusement » accordé par la junte militaire chilienne – de plus en plus isolée sur la scène internationale – à l'opposition démocratique, quelques semaines avant le referendum du « oui ou non à Pinochet », qui sera organisé le 5 octobre 1988, après quinze ans de dictature et de terreur.

Un spot de campagne de quinze minutes pour faire gagner le « non », c'est la tâche – le miracle – qui est demandée à Adrian Bettini, le meilleur publicitaire du pays, censuré par le régime depuis quinze ans.

Un peu malgré lui, Bettini endosse la mission mais, blasé et méfiant, il ne croit guère à la victoire, convaincu que les Chiliens, écrasés depuis trop longtemps, n'oseront pas relever la tête, et/ou que le referendum sera truqué et/ou annulé en dernière minute par la junte. A court d'idées et pressé par le temps, il accepte à contre coeur d'intégrer au spot une chanson écrite sur l'air du Beau Danube Bleu, qu'il juge naïve et ridicule. Et comme emblème symbolisant l'union des seize partis d'opposition, il ne trouve pas mieux qu'un arc-en-ciel... Ridicule et naïf, pense-t-il, persuadé qu'une campagne basée sur la simple idée du retour à la joie ne convaincra personne. Il a tellement honte de lui, de son manque de créativité et de professionnalisme, il a tellement l'impression que l'avenir du Chili tient au fil de ce qui est sorti de son imagination, qu'au moment de la diffusion télévisée du spot électoral, il préfère errer au hasard des rues de Santiago, espérant presque être foudroyé par une crise cardiaque.

Et pourtant... Loin d'être perçue comme ringarde ou candide, la chanson du « No ! » fait un tabac, jusque dans les urnes, puisque ce sera finalement « non à Pinochet », à 53% des votes.



J'ai vu le film « No ! » de Pablo Larrain il y a quelques années et je l'avais beaucoup aimé. La lecture du livre m'a un peu déconcertée au début, parce que là où le film est centré sur la création et le tournage du spot électoral, le livre n'en détaille presque rien et développe davantage les états d'âme de Bettini, ses mauvais souvenirs de la dictature, sa méfiance et ses craintes de représailles. Plus largement, on ressent la différence de perception entre les générations, celle, désabusée, du publicitaire, qui a connu la dictature dans sa chair et qui est toujours sous l'emprise de la peur, et la génération suivante, celle des étudiants qui brûlent d'en découdre avec la vie ou de quitter ce pays sans avenir, et qui soudain se mettent à espérer. On comprend aussi le paradoxe et la difficulté de cette campagne dans laquelle un « NO » est censé représenter quelque chose de positif, l'espoir du retour de la liberté et de la joie.

Mission accomplie, le cadeau de ces quinze minutes d'expression accordé à l'opposition se révèle empoisonné... pour Pinochet.

« Pinochet a bombardé le pays de publicité pendant quinze ans, et à moi, on ne m'octroie que quinze minutes à la télé. C'est le combat de David contre Goliath.

- Adrian ?

- Oui ?

- Qui a gagné ?

- Qui a gagné quoi ?

- La bataille de David contre Goliath. »



Simple et sans fioritures, un livre utile et touchant.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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