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Citations de Anyi Wang (98)


Une oreillette bluetooth à l’oreille, Titi avait les mains sur le volant. Telles des lucioles, les lumières filaient de part et d’autre de la voiture. Titi savait que, sous le calme de l’avenue, le sous-sol était plein de cris, de rames de métro qui se croisaient, de pas innombrables. En revanche, sur l’avenue, le flot des voitures roulait sans bruit. Dans le calme comme dans l’action, la ville était véhémente et pleine de force. Maintenant Titi l’avait rejointe, elle en faisait partie. La voiture traversait un nouveau quartier, tout comme Titi était une nouvelle venue. Sans mesquines idées préconçues, elle aimait les quartiers neufs. A cause de leur nouveauté, il n’y avait pas de saleté, ils étaient lisses et brillants. A l’entrée d’un échangeur, un embouteillage les arrêta, mais Titi ne s’énerva pas. Dans les files de voiture autour d’eux se trouvaient des hommes ou des femmes à l’air attentif derrière le pare-brise, et parmi eux le visage de Titi. Les voitures bougèrent, se croisèrent lentement, certaines entrant, d’autres sortant, dans un grand embrouillamini, tel un courant qui aurait franchi un tourbillon, et brusquement tout redevint fluide. Quand on roulait sur l’échangeur surélevé, le spectacle était différent, les voitures passaient à mi-hauteur des immeubles et la lumière venant des fenêtres vous sautait presque au visage. Décrivant de grandes courbes, certaines voitures prenaient une sortie, d’autres rejoignaient le flot. A tâter ce pouls, disons qu’elles s’introduisaient dans le système sans pouvoir y échapper. Quand la Mercedes redescendit, les bruits de la ville l’assaillirent avec l’ampleur d’une symphonie, suscitant une émotion à fleur de peau. A présent, lumières et couleurs avaient une beauté banale, ou plutôt non, elles s’épanouissaient à l’ancienne, comprimées, superposées, en rangs serrés, couche archéologique de la ville : ils étaient dans les vieux quartiers. Les files de voiture traversèrent ce coeur de la ville, s’y frayèrent un chemin pour en sortir dans un jaillissement de lumières et de couleurs. Puis ils arrivèrent à destination.
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Cette ville, il faut la regarder la nuit. Les lumières forment une couverture végétale. Elles recouvrent comme l’herbe les surfaces desséchées et s’épanouissent en fleurs scintillantes. Elles se réunissent et c’est un fleuve, elles s’étalent et c’est de la mousse, elles jaillissent et deviennent lucioles. On peut imaginer combien cet ensemble est luxurieux. Les hommes de la nuit sont des oiseaux nocturnes, une autre espèce d’humains. Comme ils ont grandi dans ce milieu artificiel, ils ont une autre horloge biologique, ils tournent le dos à la nature. Mais peu importe ! Ils demeurent eux aussi dans la nature, une nature de seconde main produite par la première. Savez-vous comment on fabrique des diamants artificiels ? En copiant l’environnement naturel des vrais diamants : température, humidité et minéraux… Cela ne donne-t-il pas de beaux diamants ? Grâce aux noctambules, la nuit est vivante.

Ce terme de vie nocturne semble décadent à l’oreille, comme une vie en négatif, mais elle est en réalité l’ombre de la ville.
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Lors de leur premier rendez-vous, ils mangèrent des ailerons de requin, la deuxième fois de la langouste, la troisième du tourteau, puis des steaks, ensuite des côtes de porc, et enfin des émincés de porc au goût de poisson et une marmite de fondue variée. Assis l’un en face de l’autre, leur bol à la main, ils enfournaient le riz dans une atmosphère d’intimité. Ce n’était qu’un couple banal en train de manger, s’appuyant l’un sur l’autre pour vivre parmi la foule. Toutefois, un danger les menaçait, celui de tomber dans la prison de la vie quotidienne.
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ce fut au tour de Tseugong de parler et Titi l'écouta. Elle prit une pose moderne, tête levée, rejetant la fumée de cigarette, bouffée après bouffée, en direction de la lampe au-dessus d'elle. La fumée s'épanouissait en fleur, ses pétales transparents s'amoncelaient puis se dispersaient, se déployaient, allaient et venaient, frôlant parfois le visage de Tseugong, le rendant flou comme la lune reflétée dans un miroir, comme des fleurs se mirant dans l'eau.
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« Jamais ils n’oublieront combien faire l’amour dans les tremblements de la peur était délicieux .
Lutte entre la vive résistance opposée par la peur et la violence de l’attaque du désir dont leurs corps retiraient une jubilation aussi puissante que subtile ... »
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La mousse blanche débordait des chopes de bière, comme la neige à Noël. Tseugong ne buvait pas de bière, mais du tonic, pour éviter à son corps de se déformer. Les gros ventres et les poches sous les yeux, la peau terne et blanche comme la chaux, tout cela venait de la bière.
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[...] Elle était partie pour le Japon, avait découvert les fleurs de cerisiers, écouté les japonais en parler. Elle s’était dit qu'elles étaient comme ses amours avec Jian Chiseng qui s’étaient épanouies d'un seul coup et fanées de même. Elle songea a cette beauté de la langue chinoise qui ne dit pas que les fleurs se fanent mais qu'elles font leur adieux. Quel verbe extraordinaire, vraiment, que celui-la : elles prenaient congés du ciel et de la terre, elles se disaient adieux les unes aux autres. Néanmoins, a ses yeux, les fleurs de cerisiers étaient trop chétives, trop féminines de forme comme de couleur, alors qu'avec Jian Chiseng, sa liaison avait eu la violence d'une explosion volcanique. Elle fut cependant émue par la floraison des cerisiers.
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"Les ruelles de Shanghai sont sensuelles, intimes comme le contact de la peau ; fraîches et tièdes au toucher, on les peut appréhender mais elles gardent leur part de secret. "
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ls n'ont nulle part où aller pour se parler seul à seul, mais dans leur coeur ils se sont déjà fait mille et mille serments. Ils sont à la fois solitaires et dévorés d'anxiété, mais malgré leurs tourments, loin d'être pâles et défaits, ils paraissent au contraire de plus en plus robustes et florissants. Ils ont beau être à bout de patience, ils sont bien obligés de se contenir. Avec dans le coeur ce brasier auquel ils ne peuvent échapper, rien n'est plus éprouvant pour eux que de devoir supporter ce feu qui les ronge en restant impassibles.
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Sous la fenêtre, le vacarme de la ruelle et le pépiement des moineaux parlaient pour eux. Ces menus bruits n'étaient que fragments infimes de regrets éternels et d'amour sans fin, épandus sur eux. Ils exigeaient d'eux tous leurs efforts. Quand l'ombre gagna, plongeant la pièce dans le noir, ils n'allumèrent pas la lumière. Le temps et l'espace abolis ne laissaient subsister que la chaleur et la vérité de leurs deux corps enlacés.
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"Ce n'était rien que du néant, de l'éphémère, mais dans une vie qui ressemble à de l'eau que l'on recueille dans ses mains et qui ne cesse de fuir, rien n'est éternel."
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La fumée du tabac ordinaire perd peu à peu de son âcreté, elle s'adoucit, mais d'une douceur piquante qui crée un état d'hébétude. Ils sont presque endormis, ne gardant éveillé qu'un fil de conscience qui se balance comme un fil de soie flottant. Ce fil de conscience éveillé s'enroule autour de leur corps détendu, sans défense, il les taquine négligemment, comme un insecte caressant qui grimpe doucement le long du petit bras d'un enfant endormi dans l'herbe fraîche sous un chaud soleil; comme un jet de lait jailli du sein maternel qui balaie doucement la tendre gorge d'un nourrisson; comme une silencieuse pluie de printemps qui imprègne la terre desséchée; comme un vent frais qui se faufile parmi les feuilles pour caresser votre corps en sueur par une nuit de canicule. Plus leur sommeil est profond, plus cette conscience se manifeste avec audace et vigueur, plus elle s'enfonce jusqu'aux régions les plus secrètes et les plus sensibles de leur corps. Elle arrive à parcourir, parler et caresser leur corps tout entier. Ils éprouvent un bien-être inconnu, leur sommeil tient de l'ivresse, il se manifeste même par de légers ronflements. Cette sensation, lasse d'avoir accompli sa tâche, s'assagit, se repose et s'endort elle aussi.
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"Ils ignorent ce qu'on appelle l'amour, ils savent simplement qu'ils ont un besoin irrépressible l'un de l'autre." (p.70)
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Dans les champs, des centaines de fois, on avait semé au printemps et récolté à l'automne. C'est cela qu'on entend quand on dit "vieux comme le monde". Rares sont les hommes capables d'affronter l'angoisse profonde que suscite cette pensée, évocation de vies brèves comme celles des lucioles, qui s'éteignent en un clin d'oeil.
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Le quartier de lune s'est caché, les étoiles pâlissent, la brume se fait plus dense. Ils n'y voient pas à cinq pas, mais entendent devant eux les chants qui s'éloignent, quittant la berge pour monter sur la digue, longuement suivis par l'écho. L'eau du fleuve coule, d'un noir d'encre, avec quelques points lumineux visibles par intermittence.
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Les enfants rêvent à leur vie quand ils seront grands, les vieux songent au temps de leur jeunesse. Quant aux hommes et aux femmes qui ne sont ni jeunes ni vieux, ils se livrent dans l'obscurité à d'autres plaisirs et sèment des graines de vie. L'an prochain à pareille époque, dans la petite ville, seront apparues de nouvelles vies vagissantes.
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Seul le foyer reprenait vie, s'embrasait pour stimuler les corps et les âmes. C'était le moment le plus doux, près du poêle. Tous leurs désirs s'étaient mués en un besoin de réconfort mutuel, rien d'autre n'avait d'importance à leurs yeux. De toute façon, qu'importe que l'univers s'effondre ! À quoi bon penser aux événements d'hier et à ceux de demain ? Ils épluchaient des marrons grillés au parfum entêtant. Ils échangeaient les mots les plus anodins dont chacun, venant du plus profond d'eux-mêmes, exprimait toute la douceur de leur être.
(...)
Ils disaient : "À demain" mais ils ne souhaitaient pas voir la veillée finir, car même si demain devait être mieux qu'aujourd'hui, demain signifiait l'inconnu de l'avenir, tandis que cette soirée, ils la tenaient au creux de leurs mains. Rien n'était plus juste que d'ouvrir ainsi une brèche dans le cours du temps, un temps qui s'écoulait cependant goutte à goutte et dans un instant, ils devraient se résoudre à partir.
(...)
Tous ces petits rien servaient d'engrais aux choses importantes, qui croissaient nombreuses sur les ossements de ces menus riens. Mais ces insignifiances ne méritaient aucun dédain car, bien que poussières de ce monde, elles dansaient dans les rayons du soleil, dès son lever.
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Si on avait pu soulever le toit de cette résidence, on aurait découvert un gracieux spectacle, formé d'un monde de mousselines, de franges et de velours, où même les meubles irradiaient la douce luisance du brocart. Ce monde doux et chatoyant était orné à profusion de mousseline et de crêpe du sol au plafond. Il se paraît d'une débauche de broderies sur les tapis de bain, les coussins des fauteuils, le dessus-de-lit et le jeté de table. C'était un univers créé de mille points et de dix mille aiguillées de soie à broder, dans une gamme infinie de coloris qui pouvait aller jusqu'à cent nuances différentes de rouges.
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Dans les ruelles de Shanghaï, les gens ont une humanité qui vient du coeur et de l'esprit, ils s'appliquent entièrement à être des hommes, ne s'intéressent qu'à eux-mêmes, sans explorer plus avant. Ils ne cherchent pas à créer l'histoire, ils tentent de se créer eux-mêmes.
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...quand on a une moitié, c'est d'une certaine façon la complétude dans l'incomplétude. D'ailleurs, le proverbe ne dit-il pas : "Quand la lune est pleine, elle décroît, quand l'eau est au plus haut, elle déborde" ? Je veux dire par là que toute chose ayant atteint son paroxysme ne peut que décliner. Quand il vous manque une moitié, peut-être que l'autre moitié est plus solide et plus sûre.
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