Ariane Schréder - Et mon Luth constellé
Alors, j'ai proposé à Josette d'emporter son repas. Ces restes qui n'en sont pas, qui ne l'ont jamais été. La part soigneusement mise de côté au contraire et que Josette dépose dans la cuisine chaque jour. Passant par la porte arrière, sans déranger le vieux Georges resté dans sa librairie. Convaincue, avec cette certitude des vieilles qui ne sont presque pas allées à l'école, qu'à force de lire, il en oubliera de manger.
- La poésie, ça sert à faire passer la peine.
Et si je croisais Alexia aujourd'hui, je lui dirais que non, je ne suis pas devenue petite-prof-de-province. Élève plutôt de mes petits, grands professeurs de poésie.
Écoute-moi bien, a continué Iris. Si un jour tu as un malheur d'amour, ça arrive, tu sais, à tout le monde un jour, tu pleures tu pleures, mais tu ne te laisses pas aller. OK ?
Iris.
Je n'arrive pas à l'imaginer morte.
Tombée du ciel comme un grand oiseau blanc. Striant la nuit. Avalée par la mer.
Boule de feu peut-être, étoile filante ou météore. Et alors seulement cela devient possible. Aigu jusqu'à l'évidence, malgré tout ce qui à l'intérieur résiste de peine et d'incrédulité, de révolte et de scandale. Iris s'en est allée aussi soudainement, aussi brutalement, qu'elle était arrivée.
Et nous avait, une fois déjà, quittés.
On n’a jamais su exactement comment les choses s’étaient passées dans la librairie. Ils l’ont raconté parfois, jamais de la même manière. Car le vieux Georges aimait les mythes et Iris les mystères.
Elle haussa les épaules.
– L’amour ça ne se décide pas.
L’amour, non. Ce qu’on en fait, je veux croire que si. Je veux le croire, mais je n’en suis pas sûre.
Je n'ai jamais été très douée avec les mots. Ceux qu'il faut prononcer, échanger. Les miens restent bloqués à l'intérieur, encombrés au moment de sortir, disparus. Ils me reviennent quand il n'y a plus personne pour les recevoir.
"J'aspirais sans doute à la disparition. Me fondre dans la campagne comme l'insecte vert sur la tige. M'engloutir dans le blanc et la poussière du plâtre, devenir translucide et aérienne comme mes sculptures patientes sur leurs poutres".
L'écriture m'a plu tout de suite. Fluide et sobre, mais pas sèche. Elle donne envie de tourner les pages encore et encore.
Le thème était a priori peu attirant pour moi, mais je me suis laissée toucher par cette solitaire par nécessité qui renoue petit à petit avec les autres avec délicatesse. La créativité est omniprésente (l'héroïne sculpe), c'est un personnage en soi, tout comme le silence et la nature.
Vraiment un beau moment de lecture.
Seule la fin est un peu "trop", mais après tout, ce happy end, on le lui souhaite !