Citations de Caroline Solé (133)
« Le gros cafard, c’est comme crever un ballon au moment où il allait s’envoler. »
Tant que ça va mal, c'est que je suis vivant.
On peut tourner une manivelle toute sa vie sans aligner les dollars.
N'écoper que de queues de cerise.
Entendre les cloches sonner au loin.
On peut décamper encore et encore jusqu’à passer à coté de tout.
Comme on peut aussi ne plus craindre son ombre.
Devenir son meilleur pote.
C'est étrange comment on peut passer tout son temps à rechercher le succès et dépenser toute son énergie, ensuite, à se torpiller.
Le temps nous glisse des mains, laissant tout juste quelques taches d’encre sur les doigts; des carnets secrets pour se rappeler.
Pouvoir choisir précisément le mot qui sort de sa bouche, lui donner une teinte particulière, unique, qui reflète vraiment notre âme à un moment donné, c'est pourtant, selon moi, la plus grande des libertés.
Tes parents ne te comprennent plus. Ils n’ont pas vu ce qui s’était passé pour que tu deviennes aussi irascible, apathique, morbide. Et toi non plus, tu ne comprends pas ce qui t’arrive. Car il ne s’est rien passé de particulier.
« Un game n’est jamais vraiment over. Chaque joueur connaît son classement, ses erreurs, sa marge de progression pour rejouer une partie. Dans le monde réel, comment mesurer son score, s’assurer qu’on progresse dans la bonne direction? »
Ce n'est pas facile de sortir de l'ombre quand on n'a pas d'adresse. Même si l'espace géographique porte le nom de Londres, je n'habite pas vraiment dans une ville précise. Un carton ne possède pas d'architecture particulière, de signe distinctif pour montrer qu'il vient d'une région plutôt qu'une autre. Un carton, c'est un carton.
Bon. Il faut que je me secoue les puces. Jaime bien cette expression, comme s'il y avait de minuscules souvenirs collés à ma peau et que, en me remuant un peu, je pouvais les faire tomber.
[C'est] perdant-perdant: oeil pour oeil, dent pour dent. Les passants pourraient glisser par terre, je ne lèverais pas le petit doigt parce que les seules fois où quelqu'un l'a fait pour moi, c'était avec le poing.
S'il faut raconter mon histoire, alors autant commencer par ce jour pluvieux à Chinatown puisque tout commence et tout finit à Chinatown.
Vivre séparé de sa famille, ça ne veut rien dire. On peut penser à eux tout le temps sans se trouver au même endroit et rêver de les quitter en habitant sous le même toit. (p.75)
- On interdit aux enfants d'entrer dans un casino, enchaîne le pirate, pourtant ils peuvent rester des heures sur les réseaux sociaux.
- Ben ouais, c'est gratuit, intervient Ronan.
- Vous n'avez pas payé pour jouer au NƎB ?
- Ben non… murmure-t-on.
- Aucun joueur ni aucun spectateur n'a payé.
Alors comment le jeu génère-t-il de l'argent ?
- Avec la pub, répond Ronan.
- Mais il n'y a pas de pub dans l'interface du jeu ! Le contredit Amadou.
- C'est vrai, ça, j'ajoute.
- Il n'y a effectivement pas de spots de pubs comme à la télé, continue GRIMM. Ce que les concepteurs du NƎB ou des réseaux sociaux vendent aux annonceurs publicitaires, ce sont nos données: numéros de téléphone, mails, adresses postales, opinions politiques, religieuses, centres d'intérêt. C'est gratuit, car c'est nous le produit en vente.
p.182-183
Tu crois pouvoir brûler tous les feux rouges et t'en sortir indemne. Toute expérience est bonne à vivre, penses-tu. La vie se chargera de te contredire.
Mon quotidien n'avait aucun intérêt, je me le répétais sans cesse. Mon corps était un boulet. Mon cerveau me tourmentait. Je ne parvenais pas à exprimer ce feu confus qui me consumait.
Tu restes assise des heures à réfléchir sans trouver une issue à ton mal-être. L'air de rien, ton corps de gamine s'est arrondi. Un jour, tu te regardes dans la glace et tu vois une grosse, tu deviens obsédée par l'idée de maigrir. Tu fais des pompes dans ta chambre pour perdre du poids, tu te pèses chaque matin en notant sur un graphique les kilos, tu manges le Nutella à la cuillère avant de te faire vomir. Cela me semble une telle méprise aujourd'hui. Tes courbes ne sont pas des excès qu'il faudrait infléchir ; tu t'arrondis car tu deviens une femme.
Quinze ans, c'est un enfant de cinq ans ; fois trois.
Quelqu'un qui pleure constamment en toi.
Je cherche désespérément ta trace. Étrangement, tu sembles chercher également la mienne, comme si tu m'attendais.
Je t'en veux d'avoir fait une crise d'adolescence aussi morbide. Je t'en veux de ne pas avoir trouvé d'autres moyens de t'exprimer que l'autodestruction. Je t'en veux d'avoir lâché notre corps comme si c'était un étranger. Je t'en veux profondément de m'avoir fait vivre une errance dont je mettrai des années à me remettre. Parce que tu ne sais pas tout, encore.
Tes carnets ne sont que l'écume pour tromper le monde. Une mise en scène pathétique pour te donner un rôle, quand tu restes lestée dans les bas-fonds. Je dois m'ancrer autrement, ou plutôt m'encrer. Je cherche, je cherche... Je cherche ces mots qui te sont restés dans la gorge et m'oppressent encore, trois décennies plus tard.
Je ne peux pas réécrire l'histoire, pas celle-là. Tout ce que je peux faire, c'est t'insuffler un espoir : n'oublie jamais, aux heures les plus sombres, que tu vas t'en sortir.
Quand on touche le fond, il paraît qu'on ne peut pas tomber plus bas. Pourtant, tu as longtemps chuté d'un fond vers un autre fond.
Tu te souviens de ce sentiment de liberté qui t'a étreint en arrivant à Londres ; puis de l'amertume en rentrant à Paris : tu t'étais sauvée de France pour exister, avant de devoir fuir l'Angleterre pour te sauver.
Pourtant, tu n'as pas l'impression d'exister. Tu te sens transparente, piégée à l'intérieur d'un fantôme que l'on prend pour toi. Tu traînes ce corps qui n'est pas le tien. Il t'étouffe. Ce n'est pas une chose dont tu peux parler avec les autres : ce sentiment de ne pas exister. C'est indicible est incompréhensible.
Pourtant, de nombreuses personnes flottent au-dessus de leur vie. Certaines traversent ainsi toute leur existence sans être réellement elles-mêmes. Pour toi, c'est encore plus compliqué ; tu ne flotte pas seulement, tu es piégée à l'intérieur. Tu ne sais pas comment sortir de toi.
Adolescente, tu ignorais que tu ferais ce choix de femme : ne pas enfanter. Non pas refuser de faire des enfants, mais de désirer vivre autrement.
À toi, aujourd'hui, pas de mensonges : toutes les femmes n'enfantent pas et toutes les femmes qui enfantent ne parviennent pas toujours à être mères. On ne devient pas femme simplement en perdant sa virginité ou en procréant. Si les sillons de ta route se sont formés dès l'enfance, ton identité de femme se construit pas à pas. Et personne, pas même une mère, ne peut la transmettre en cadeau. Et si la transmission à la solidarité féminine commencer avec soi-même ? De la femme qu'on est à la fille qu'on a été.
Un peu comme ces jeunes qui se filment avec leur portable : celui qui vit, c'est celui qui a sa tête sur l'écran et que tout le monde regarde ou celui qui prend la photo ?
Si, un jour, la célébrité vous tombe dessus comme la fiente d'un pigeon sur la tête, ne perdez pas de temps à vous pavaner derrière des lunettes de soleil : fuyez.
A n'importe quel âge, j'ai remarqué, les gens cherchent une bande. Au collège, on traîne avec ceux qui s'habillent comme nous et qui écoutent la même musique, on ricane aux mêmes blagues. Et on continue, adulte : on va se coller à ceux qui nous ressembles le plus, à la machine à café, au comptoir, dans les transports en commun et jusqu'au mouroir. Tout le monde veut entrer dans la ronde de ses semblables.
A mon avis, on sort du ventre seulement quand on sait qu'on peut y arriver. Quelles que soient les épreuves qui vont nous tomber dessus, on avait senti qu'on pourrait les supporter. Pour cette raison, ce jeu ne me fait pas peur. Pas complètement. Les niveaux de la pyramide, je peux les franchir, sinon je n'aurai jamais quitté le placenta.
Telle une aventurière de l'âme, j'explore ma crise d'adolescence et son état morbide qui se sont répandus comme une tache d'huile dans mon existence.