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Citations de Carsten Jensen (43)


L’inlandsis était un mur implacable d’une blancheur aveuglante derrière les montagnes. Celui qui fixait trop longtemps ce mur blanc risquait de blesser son âme et de perdre l’envie de vivre. Le monde et son sens se décomposeraient sous ses yeux. L’inlandsis était plus stérile que le plus incroyable des déserts. Pas un oiseau n’y chantait, pas un brin d’herbe ne s’y hasardait, pas même le plus modeste des lichens ne parvenait à prendre pied sur la surface lisse de la glace. Les écrivains connaissaient l’angoisse de la page blanche quand pas une idée ne venait à l’esprit, les peintres étaient familiers de la toile blanche quand l’inspiration faisait défaut. L’inlandsis, c’était la toile blanche de Dieu. Ici, Sa puissance créatrice était bloquée, Ses mains restaient ballantes et sans force. L’inlandsis était un monument à l’impuissance divine.
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Elles avaient toujours les yeux rougis. Le matin, quand elles nous réveillaient, c'était à cause de la fumée du poêle. Le soir, quand elles nous souhaitaient bonne nuit, encore tout habillées, c'était la fatigue.
Parfois leurs yeux étaient rouges parce qu'elles pleuraient quelqu'un qui ne reviendrait jamais.
Demandez-nous la couleur des yeux d'une mère.
"Ils ne sont pas marron. Ils ne sont pas verts. Ils ne sont ni bleus ni gris. Ils sont rouges". Voilà ce qu'on répondrait.
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La journée avait apporté aux Allemands une victoire écrasante, mais on ne décelait sur leurs traits aucun sentiment de triomphe. La terreur devant les forces monstrueuses que la guerre avait déchaînées avait uni vainqueurs et vaincus.
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Atmar adore enseigner à son partenaire danois l’histoire de la province de Helmand. Si ce paysage désertique et sans fin a une histoire, elle n’est que militaire, explique le seigneur de guerre. Les armées ont d’abord trépigné dans un sens, puis dans l’autre — et pas depuis cent ans, mais depuis des mil-liers d’années. Des armées qui ne voulaient rien d’autre que triompher. «
Nous sommes seulement sur leur chemin. C’est notre destin. Nous sommes ceux qui sont en travers du plan
des autres.

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Pouvoir se recueillir sur une tombe, y emmener les enfants et leur parler de leur père devant la dalle qui porte son nom, laisser vagabonder ses pensées en enlevant les mauvaises herbes ou peut-être se laisser aller une conversation chuchotée avec le mort sous terre, c'est une grâce qui n'est pas accordée à une veuve de marin . Elle reçoit un bout de papier officiel qui lui notifie que le bateau où son mari était embarqué ou qu'il commandait et possédait lui-même a sombré « corps et biens » - comme on dit avec cette sobriété qui, impersonnelle et implacable, met tous les êtres sur le même plan -, tel et tel jour, à tel et tel endroit, le plus souvent en pleine mer où il n'y a aucune chance de sauvetage. Avec les poissons pour seuls témoins. Il ne reste plus qu'à remiser ce papier au fond d'un tiroir. Voilà à quoi se résume l'enterrement d'un noyé.
Certes, elle peut se recueillir devant la commode. C'est la seule pierre tombale où elle puisse se rendre. Elle détient au moins ce certificat et, avec lui, une certitude, un point final, et aussi un commencement.
Car la vie n'est pas comme les livres. Il n'y a jamais de point final.
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Carsten Jensen
Quel dirigeant politique a le cran de s’attaquer à l’économie de croissance qui menace de dévaster notre civilisation et d’appeler à une action résolue contre le réchauffement de la planète ?

Le Monde
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Cela faisait deux jours que nous étions à court d'eau. Nous étions en train de manger les racines de taro que nous avions fait bouillir à l'eau de mer lorsqu'un des Kanaks pointa soudain le doigt vers l'horizon. Je levai les yeux et aperçus un nuage. Il flottait bas sur l'eau et se déplaçait à une vitesse surprenante, comme de la vapeur qui s'élève d'un chaudron en ébullition. Contrairement à la vapeur, son mouvement n'était pas seulement ascendant mais il se déplaçait dans toutes les directions à la fois, et cela me fit penser aux nuées d'étourneaux qui en automne, se rassemblent au-dessus des champs autour de Marstal avant de migrer. Les rayons du soleil perçaient à travers le nuage qui se rapprochait lentement, même s'il n'y avait toujours pas de vent. On aurait dit qu'il respirait, comme s'il dissimulait une tornade qui agitait le feuillage d'une épaisse forêt.
Puis le nuage fut au-dessus de nous. J'eus juste le temps de penser que c'était vraiment une forêt d'automne qui secouait ses feuilles mortes sur nos têtes avant de constater qu'il ne s'agissait pas de cela, mais de créatures vivantes et légères comme du tulle qui montaient et descendaient autour de nous tout en battant de leurs ailes aux motifs bariolés. Nous étions au coeur d'un gigantesque essaim de papillons.
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Rien à redire sur la nourriture à bord des bâtiments de Sa Majesté. Chez nous, la chère était maigre et c'était notre faute. On racontait qu'aucune mouette ne traînait derrière les bateaux de Marstal, et c'était bien vrai. Chez nous, il n'y avait jamais de restes. Mais là, jour après jour, on avait du thé et de la bière à volonté, et on pouvait manger autant de pain qu'on désirait, avec à midi un livre de viande fraîche ou une demi-livre de lard, des pois, du gruau ou de la soupe, avec quatre portions de beurre le soir et un coup de schnaps par là-dessus. C'est pourquoi on raffolait vraiment de la guerre bien avant d'avoir respiré l'odeur de la poudre pour la première fois.
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Carsten Jensen
Mon ami ? Je suis sur le point de penser que c'est lui qui a fait tuer Ali Shar. Comment pourrait-il être mon ami ? Comment peut-il, surtout, être le chef de la police ?
- Cet homme dit que c'est toi qui a ordonné la mort d'Ali Shar. (...)
- Moi, ordonner l'assassinat du Maire ? C'est absurde !
- Cet homme dit que tu as mis le Maire sur la touche. Tu as gardé les journalistes et les politiques à distance de lui. (...) Cet homme dit que le Maire était sou ta protection. Tu lui as tourné le dos. (...) Maintenant on en est débarrassés. C'est bien. Ils attendaient tous que tu reviennes à la raison.
- A la raison ? Ordonner la mort d'un homme ? QUand ai-je demandé à quelqu'un de tuer Ali Shar ?
- Cet homme dit que ce n'est pas avec des mots que tu as tué l'homme, mais avec ton dos. (...) Tu es un homme sournois, dut Ghuli Khan (...) il était devenu trop gênant et tu t'en es débarrassé. Vous devrez payer une certaine somme à la famille pour qu'elle passe à autre chose. N'est ce pas ainsi que vous pensez d'habitude ? Quand vous abattez une vache par accident, ou une petite fille, une femme ou deux, vous payez une indemnité aux familles, non ? N'est ce pas ce que vous, les militaires, appelez des dommages collatéraux ?
Steffenson reste assis, effondré, et cache son visage dans ses mains.
A ce moment il remarque la main de Naib Jan sur son épaule. (...)
Il se sent comme un enfant que l'on console. Il y a en cet instant une intimité entre les deux hommes, comme si l'interprète n'existait pas.
- Faites ce que vous avez à faire. (...)...
- Nous l'avons fait hier, dit Roshaan. Nous savions que tu arriverais à la bonne conclusion.
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Le taliban mort avec son sac à dos continue à hanter les pensées d'Adam. Il n'en parle jamais. Il est là, comme un d'interrogation récalcitrant. Mais Adam n'a aucune idée de la question qui le précède. C'est ce maudit sac à dos. Ce sont les yeux gris-vert, la peau claire, les cheveux. Pourquoi diable ne pouvait-il pas avoir les cheveux noirs et un coussin de barbe épaisse ? Pourquoi cet idiot ne pouvait-il pas juste ressembler à l'ennemi ?
Jusqu'à cet instant où le fusil s'est bruyamment déchargé et où l'enturbanné s'est retrouvé collé au mur avec une grande fleur rouge sur sa robe brodée, ils ne se connaissaient pas. Maintenant, ils sont étroitement liés. Comme on peut l'être à un homme dont on a pris la vie et dont on a vu le visage. Pourquoi était-il là à le fixer ? Il devrait y avoir une règle pour les soldats au combat : ne jamais regarder le visage de ton ennemi quand tu viens de l'abattre. Celui-ci ne devrait pas avoir d'autre nom, d'autre identité, que ceux contenus dans ce seul nom : "l'ennemi". C'est le seul dictionnaire dont tu as besoin quand tu fais la guerre, un dictionnaire qui tient en un mot.
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À peine les marins étaient-ils revenus, le corps meurtri par leurs éternelles luttes contre la mer, qu’ils en redemandaient et repartaient sur le pied de guerre, jamais rassasiés de ces coups de fouet qui pleuvaient de tous côtés, de la tempête, des vagues, du froid, de la mauvaise nourriture, de l’hygiène épouvantable, de la grossièreté de leur langage entre eux, de la violence qui s’abattait, comme par hasard, sur les plus faibles. (p. 503, Chapitre 3, “Le Marin”, Partie III).
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Je marche entre des tombes pleines et des tombes vides. Qui pour contrôler le contenu des cercueils ? Pour vérifier les inscriptions sur les pierres tombales ? Pour dire qui ils étaient quand ils vivaient ? Et qui ils sont, maintenant qu'ils sont morts ?
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Le destin qui nous attendait, c’étaient les coups et la mort par noyade, et pourtant in avait qu’un désir : prendre la mer.
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Lors de son dernier voyage à bord de Résolution, James Cook avait fouetté onze de ses dix-sept matelots, il avait en tout distribué deux cent seize coups. Lorsque vint le moment où il eut besoin de leur soutien, ils lui tournèrent le dos, un dos couvert de cicatrices.
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Il avait l'impression d'être sur l'inlandsis, cette grande toile vierge ou la force créatrice de Dieu avait capitulé et où la sienne aussi faisait faux bond. Quand toutes les couleurs du monde se confondaient, le résultat était blanc. Les couleurs s'annihilaient mutuellement. Elles retournaient au néant étincelant qui avait existé avant le commencement de toutes choses. La toile se retrouvait vide, comme si le besoin de création n'avait jamais existé. Il en était là.
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Regarde l'Afghanistan. Nous voulons qu'ils vivent ensemble les Hazaras, les Tadjiks, les Ouzbeks, les Patchounes et les cent dix-sept autres minorités de ce pays. Tu te rends compte que l'Europe a livré deux guerres mondiales parce que nous ne voulions pas de nos voisins alors que nous étions loin d'être aussi différents ?
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Carsten Jensen
les femmes, ici, sont dures comme ceux qui ont compris que la persévérance était la qualité la plus importante pour que la vie continue. Elles sont le fondement de la vie, au milieu des guerres, des attaques surprises, des enlèvements, des cruautés sans fin - et elles le savent.
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Albert songea aux paroles que le garçon avait dites à la tête réduite. Knud Erik avait tiré sa propre morale à partir des miettes de ce qu’Albert lui avait raconté. C’était aussi une sorte de sagesse, voire peut-être la plus fondamentale. « Tu as fini par mourir, mais tu t’es d’abord bien battu. » S’il s’y tenait, les choses ne tourneraient pas trop mal pour lui. La vie pourrait toujours, au fur et à mesure, ajouter ses propres nuances. (p. 345, Chapitre 3, “Le Garçon”, Partie II).
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C’était si infiniment vaste, l’océan. Cela pouvait vous mener partout, et pourtant cela vous enchaînait. (p. 189, Chapitre 4, “Le Voyage”, Partie I).
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Je compris soudain mon papa tru. Il arrive un moment dans la vie d’un marin, pensai-je, où il ne se sent plus chez lui sur terre, alors il s’abandonne au Pacifique, là où aucun pays ne vient boucher la vue, où le ciel et l’océan se reflètent jusqu'à ce que haut et bas perdent leur signification, où la Voie lactée ressemble à l’écume d’une vague qui se brise quand le globe terrestre tangue et roule comme un navire au milieu des brisants du ciel étoilé, et où le soleil lui-même n’est plus qu’un petit point incandescent de phosphorescence sur l’océan de la nuit. (p. 148-149, Chapitre 4, “Le Voyage”, Partie I).
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