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Critiques de Chris Ware (50)
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Rusty Brown

Tout d’abord, l’aspect physique de cette bande dessinée est plutôt atypique, 356 pages en format paysage, un gros pavé pas très facile à manipuler. Le graphisme de M Ward est aussi très particulier. Le trait est presque schématique, les couleurs intenses en aplats mais finement nuancées, avec tout un jeu sur les ocres, les gris. Les vignettes sont parfois très petites, moins de 3 cm parfois, et s’accumulent comme dans un puzzle, l’ordre de lecture n’est pas toujours évident, et le texte est aussi souvent écrit très petit, mais c’est à l’image du récit.



M Ward nous raconte la vie très ordinaire dans une petite ville du Delaware, autour de personnages tout aussi ordinaires, Rusty Brown, un garçon souffre-douleur au collège, MK Woody Brown, son père, professeur dans ce collège, tout aussi raillé et esseulé, Alison White & Chalky White, des nouveaux dans ce collège, Jason Lint, un des caïds du lycée, Joanna Cole, une enseignante noire dans cet établissement plutôt conservateur, et M. Ware qui se met lui-même en scène, dans le rôle du professeur d’arts plastiques.



Le récit est destructuré, certaines vignettes ne représentent qu’un objet, ou le plan est décadré par rapport à l’action, les éléments s’accumulent, le narrateur semble errer dans l’espace de ses histoires, sans s’attacher plus à l’action qu’au descriptions des objets, le graphisme prend le dessus sur l’histoire. Tout cela me fait penser à Georges Perec, c’est une variante sur “La vie mode 'd'emploi", ou “Les choses”, On ne s’attache pas à l’histoire, mais plutôt à ce qu’elle nous décrit du mode de vie américain, sans emphase ni lyrisme, sans pudeur non plus, brute et parfois sordide.



Rusty Brown est un inventaire de la vie, un récit désincarné et pourtant pas dénué d’émotions, c’est d’ailleurs ce qui est le plus surprenant, là où nous avons l’impression de lire un simple catalogue, la vie surgit, avec ses faiblesses, ses nombreuses failles, sa présence s’impose, vraie, petite et mesquine, mais tellement humaine et poignante.
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Jimmy Corrigan

C’est un gros pavé, 380 pages, au format à l’italienne (paysage), rempli de petites vignettes, beaucoup ne dépassent pas 3 x 3 cm, le texte est écrit très petit, le trait semble tracé au tire-ligne, les couleurs sont traités en aplats lisses aux couleurs naturelles, des gris, des bruns. Le style est vieillot, ressemble au graphisme publicitaire des années 50/60. Les personnages sont assez laids.

L’histoire débute bizarrement, longtemps on déambule dans la vie de Jimmy Corrigan, et en parallèle, celle de son grand-père, sans trop savoir où cela nous mène. Les scènes se suivent comme des tranches de vies, anecdotiques, s’attachant à de petits détails futiles. L’écriture du récit ne prend pas de direction particulière, il semble improvisé, sans but préalable. Et le récit commence doucement à établir un semblant d'histoire, il faut quand même avoir lu 150 pages avant que les premières pièces du puzzle commence à s’assembler. J’ai eu beaucoup de mal à entrer dans cette bande dessinée, s’il n’avait pas eu autant d’éloges critiques, peut-être que je me serais découragé. On a l’impression d’une accumulation de petites saynètes à l’ambiance neutre, un peu glauque, sans beaucoup d’action, une description de la société américaine vue par un personnage immature, inadapté, dépressif et amorphe, une vie insipide, faite d’évènements sans importance. Et si on prend le temps, l’édifice commence à montrer sa silhouette, tel un jeu de Lego avec ses petites briques, le tout finit par être poignant, absurde et triste. Ce n’est qu’à la fin qu’on perçoit l’ampleur de cette œuvre, touchante dans l’aspect “ordinaire de la vie”, l’histoire de famille rejoint l’Histoire du pays avec force et finesse, c’est une bande dessinée américaine qui nous parle des américains, sans idéalisme, sans forcer sur le spectaculaire, en toute humilité. C’est une bande dessinée qui sort de l’ordinaire, pas spécialement confortable, mais pour moi une lecture inattendue, surprenante, et au final, très marquante.
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Rusty Brown

Humanité poignante

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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Ce récit a été publié pour la première fois en entier en 2019. En fin de tome, l'auteur explicite quelles parties ont fait l'objet d'une prépublication. La première partie (113 pages) a été publiée dans New City et dans Chicago Reader entre 2000 et 2003. La deuxième (pages 114 à 182) a été dessinée entre 2002 et 2004, et a été sérialisée dans Chicago Reader. La troisième (pages 183 à 263) a été réalisée en 2010, et publiée dans The book of other people, puis sérialisée dans Chicago Reader. La quatrième partie est inédite (sauf pour les 4 premières pages) et réalisée entre 2012 et 2018. Cette bande dessinée est l'œuvre d'un unique auteur : Chris Ware, pour le scénario, le dessin, les couleurs, le lettrage.



Le tome débute par un dessin de la ville où réside Rusty Brown et ses parents, puis leur maison, puis sa chambre, respectivement qualifiés de Metropolis, de quartier général et de centre de commande. Puis un dessin en pleine page montre son école. Il n'y en a pas deux semblables : les cristaux de neige. Quel phénomène remarquable ! Les principaux personnages de cet ouvrage sont W.K. Brown dans le rôle de W.K. (Woody) Brown, Alison White dans le rôle d'Alice White, Jordan Wellington Lint III dans le rôle de Jason Lint, Chalky White dans le rôle de Calcium (Chalky) White, Joanna Cole dans le rôle de Joanne Cole, Franklin Christenson Ware dans le rôle de M. Ware, et Rusty Brown dans le rôle de Rusty Brown. En 1975, au lever du jour, un unique flocon de neige vient se poser sur le rebord de la fenêtre de Chalky White, alors que dans une autre maison, Rusty déclare son amour. Dans le même temps, la grand-mère vient réveiller Alice pour qu'elle fasse sa toilette.



Bien au chaud sous la couette, Rusty Brown est en train de jouer avec sa figurine de Supergirl, comme dans une romance entre elle et lui. Sa mère le rappelle à l'ordre : il doit se lever, et dégager l'allée, en pelletant la neige. Bien au chaud sous sa couette, Chalky entend sa grande sœur lui dire qu'elle passe la première dans la salle de bains. Rusty est sorti chaudement habillé avec sa poupée de Supergirl sous sa parka, se disant qu'elle enlèverait toute cette neige en un rien de temps avec sa vision calorifique. Il finit par se demander s'il lui arrive de rencontrer des difficultés pour l'arrêter. Chalky reste tranquille sans penser à rien. Puis il entend ses parents parler de lui depuis l'intérieur de la maison : il se dit qu'il bénéficie sûrement du superpouvoir de super-audition. Chalky reste tranquille dans son lit en contemplant le plafond. Rusty a fini de déblayer l'allée et la porte du garage s'ouvre, le laissant rentrer : il se demande comment il a acquis son superpouvoir, et comment il va améliorer le sort du monde avec la responsabilité que ça lui donne. Chalky s'est levé discrètement et se tient devant la porte de la salle de bain où sa grande sœur finit de s'habiller : il lui dit qu'il ne veut pas aller à l'école. William regarde par la fenêtre et se demande pour quelle raison son fils reste planté dans le garage sans rien faire.



Plusieurs façons d'aborder cette œuvre : un respect intimidé, presque craintif, pour un auteur reconnu comme faisant œuvre de littérature, ou une inconscience très normale car il ne s'agit après tout que de dessins dans des cases, alignées en bande, rien de bien compliqué à lire. Le lecteur se rend bien compte du soin maniaque apporté à l'ouvrage : la jaquette amovible dépliable, la couverture avec les différentes typographies du nom du héros, dans des motifs géométriques, la deuxième de couverture avec un cadre indiquant que ce livre est la propriété de Rusty Brown (nom porté au crayon de couleur), les trois premières pages montrent les lieux de vie de Rusty, puis vient la double page sur l'unicité de chaque flocon de neige, la présentation de sept principaux personnages, une double page pour le titre, et l'histoire débute. Le premier chapitre est donc consacré à la première journée d'école de Chalky et à la même journée pour les autres personnages qui se croisent en fonction des moments de la journée. Les dessins sont d'une grande lisibilité, très proches de la ligne claire, avec de nombreuses formes géométriques simples pour les éléments de décors, une représentation de la réalité tout public. Puis le récit se focalise sur le père de Rusty au temps présent avec des retours en arrière et la nouvelle qu'il a écrite ici racontée sous forme de bande dessinée intégré à la narration. Vient ensuite l'histoire de Jason Lint, celui qui maltraite Rusty à l'école, sa vie racontée depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Le dernier chapitre s'attache à la maîtresse d'école afro-américaine Joanne Cole au temps présent avec de nombreux retours en arrière sur sa vie jusqu'à ce moment. Tout du long, les dessins conservent cette précision incroyable, réalistes avec un degré de simplification. Le nombre de cases par page est assez élevé : une quinzaine en moyenne. Cela peut aller d'une page qui contient une demi-douzaine de cases, à une qui en contient 176 (minuscules, mais parfaitement lisibles). Les couleurs sont posées en aplat à quelques exceptions près. Le lecteur note que l'artiste varie la graphie des textes en fonction du contexte, avec des phylactères parfois minuscules également.



Donc, oui, c'est bien une bande dessinée avec des cases bien rectangulaires, des dessins très faciles à lire (même dans les petites cases) racontant la vie de personnages auxquels le lecteur s'attache vite du fait de leur fragilité (Rusty, Chalky), de leur gentillesse (Alice, Joanne), de leur mal-être (William), de leur détachement (Chris), de leur manque de maîtrise sur leur vie (Jason). C'est aussi plus que ça. Dès la prise en main, le lecteur fait ce constat : format à l'italienne, un peu plus d'un kilo et demi. Sa curiosité le pousse à enlever la jaquette amovible : il découvre la reliure de très grande qualité, ainsi que ce jeu sur les formes géométriques et sur la graphie de Rusty Brown. Il se rend compte que la jaquette se déplie : en plus des ronds se focalisant sur un détail visuel du récit, il découvre un labyrinthe, une autre façon de plier la jaquette, un très joli motif de tapisserie, des vues isométriques des principaux lieux, et une vue en coupe de la fusée dans laquelle voyage les personnages de la nouvelle écrite par WK Brown. Un soin rare et une minutie maniaque apportés à une simple jaquette. Puis il y a cette présentation des personnages qui portent un nom légèrement différent dans l'histoire, comme s'ils jouaient un rôle de composition. L'auteur attire l'attention du lecteur sur l'artificialité de ses personnages.



Puis le lecteur plonge dans cette journée et il est frappé par l'apparence de Rusty Brown dents de devant en avant, yeux ronds et vide, coupe de cheveux à la Playmobil, visage exprimant souvent le mal-être de la victime sans défense. Pourtant les formes de sa silhouette sont rondes et douces, en rien agressives ou tourmentées. De la même manière son père a l'air totalement inoffensif : rondouillard, dégarni, avec des grosses lunettes. L'auteur se met en scène avec encore moins de cheveux, et également un peu empâté. Chalky a l'air plus jeune que Rusty, craintif à l'idée de se retrouver dans une école où il ne connaît personne, moins défaitiste que Rusty. Alice est une jeune fille attentionnée, respectueuse, dans des habits sans fantaisie. Le cas de Jason est un peu différent : les contours de sa personne restent doux et arrondis, mais le lecteur le voit vieillir au fur et à mesure, de nourrisson à vieillard, dans les différentes phases de sa vie. Il en va de même pour Joanne. Cette représentation des individus, simplifiées et tout public, rend la projection du lecteur dans chaque personnage, plus facile car ils sont plus expressifs et leurs différences sont moins marquées. À quelques reprises, l'artiste joue sur le mode de représentation en en changeant radicalement. Par exemple, quand Jason est encore un nourrisson, la représentation des individus et des environnements est nettement simplifiée comme s'ils étaient vus par son esprit encore en développement. Le mode de représentation change également radicalement d'apparence pour l'autobiographie du fils de Jason qui exprime toute la colère qu'il ressent envers son père.



S'étant embarqué dans les cent premières pages que Chris Ware qualifie d'introduction, le lecteur commence par se rendre compte que la lecture est lente, du fait du nombre de cases, du fait des petits (voire très petits caractères), du fait de la double narration (les quatre cinquièmes du haut consacrés à Rusty, et la bande inférieure consacrée à Chalky & Alice), et du fait de la narration très carrée, et très naturaliste. Il est frappé par la banalité de ce qui est décrit : se lever, accomplir les tâches quotidiennes, la fascination de Rusty pour les superhéros, le décalage avec les préoccupations des adultes, les phrases toutes faites échangées entre collègues, l'entrée en classe, etc. En même temps, il est tout aussi frappé par les particularités qui lui sont montrées. La complémentarité entre dessins et phylactères est extraordinaire, sans jamais de répétition avec des interactions si évidentes qu'elles sont invisibles si le lecteur n'y prête pas attention. Cette banalité du quotidien est indissociable de l'environnement. Il neige : l'artiste laisse des zones blanches sur la page, ajoute des flocons qui semblent comme manger le dessin ou l'effacer à l'endroit où ils se trouvent. La pureté immaculée de cette neige ne semble pas de ce monde, et introduit une forme d'hostilité douce dans l'environnement. Du coup, le quotidien des uns et des autres est fortement contraint par ces intempéries, à commencer par le rituel de s'habiller en conséquence, et de se départir de sa tenue d'extérieur en entrant dans un bâtiment, des gestes banals pour des individus habitués au grand froid, des gestes exotiques pour des individus vivant dans des régions tempérées. Dans le même temps, le lecteur se retrouve vite à compatir aux malheurs de Rusty qui n'est pas battu, mais déconsidéré aux yeux de son propre père, et en butte aux mesquineries de certains de ses camarades de classe. En quelques (petites) cases, l'auteur montre l'attachement de Rusty à ses moufles offertes par sa grand-mère (un souvenir chaud et agréable) et la méchanceté presqu'inoffensive d'un grand qui crache dans une de ses moufles juste pour l'embêter. Ware ne déploie aucun effet mélodramatique : il reste juste factuel avec ses dessins un peu froids, presque dépassionnés.



Ainsi le lecteur compatit avec ces individus banals et sans éclats, apprécie comment chacun voit la réalité à sa manière, et vit les petits riens de la vie de son point de vue, avec sa position sociale, son âge, son caractère : un récit choral mettant en avant la particularité de chaque vie quotidienne. Il arrive à la fin de l'introduction, éprouvant la sensation d'avoir lu un roman complet, réalisé par un auteur attentionné pour ses personnages, mais sans sensiblerie pour autant, avec un ton très personnel. Sans marque particulière, il passe à la seconde partie… et il découvre un second roman tout aussi riche que le premier, de 68 pages dont 22 pages sont en fait la nouvelle écrite par WK Brown, et présentée sous forme de bande dessinée. Cette nouvelle est supposée avoir été écrite dans les années1950, et Ware met en œuvre l'imagerie SF correspondante. La suite de ce chapitre est consacrée aux débuts professionnels de William, et à sa relation avec la femme qui l'a dépucelé. Les dessins sont toujours aussi ronds et un peu froids, très factuels, et c'est dans cette partie que se trouve la page avec 176 cases. Avec un peu de recul, le lecteur y voit un auteur à la carrière artistique contrariée, et son œuvre majeure (la nouvelle en question). Il peut prendre la mesure de l'influence de la vie quotidienne et de l'histoire personnelle de Brown sur ce qu'il écrit, et projeter ces liens sur Chris Ware auteur lui-même, à ceci près que lui a réussi sa carrière artistique.



La troisième partie est consacrée à la vie d'un homme né dans une famille aisée, et menant sa vie de manière plutôt égoïste. Mais il se produit un phénomène psychologique étrange chez le lecteur. Il ne juge pas tant que ça Jason Lint. C'est le personnage principal, et dans les deux chapitres précédents, le lecteur a éprouvé une forte empathie pour plusieurs personnages, chacun imparfait, prenant conscience du degré auquel le déroulement de leur vie découle de leur milieu social, de l'environnement dans lequel ils vivent, de leurs parents, de leur éducation. Le même processus d'identification et d'empathie se produit avec Jason alors qu'il est responsable de la mort d'un de ses amis sur le siège passager, alors que Jason était le conducteur sous l'emprise d'un produit psychotrope. Le lecteur voit également revenir les thèmes des chapitres précédents : l'éducation, la filiation, le conditionnement social et familial, les moments de plaisir, les premières fois qui ont laissé une empreinte indélébile dans l'individu qui va chercher à les retrouver ou à les recréer, consciemment ou inconsciemment, tout le long de sa vie, l'angoisse, la maladresse, la solitude, l'incommunicabilité, mais aussi la richesse du monde intérieur de chaque individu, son unicité et les différentes couches de conscience qui coexistent dans l'esprit d'un individu. Dans cette partie, de temps à autre, le lecteur prend conscience d'autres effets visuels subtils. Dans le premier chapitre, l'artiste a habitué l'œil du lecteur aux répétions visuelles : un même plan sur deux pages en vis-à-vis, un motif récurrent à peu de cases de distance. Ainsi le lecteur se fait la remarque que telle case répond à un autre moment, ou que Chris Ware s'amuse bien avec le motif géométrique du cercle, pouvant aussi bien devenir le symbole d'une fleur que du sein d'une femme.



La dernière partie, celle inédite, s'attache à la maîtresse de Rusty Brown. La tonalité du récit change imperceptiblement et il faut un peu de temps au lecteur pour comprendre en quoi. Cette institutrice a choisi une vie solitaire : rien n'indique qu'elle lui a été imposée, ni par son éducation, ni par les circonstances de sa vie. C'est un choix positif, alors que les précédents personnages souffrent de solitude, même quand ils ont une vie de famille normale. Visuellement, Joanne ne semble avoir qu'une seule expression : un visage impassible, et souvent compréhensif pour tous ses interlocuteurs. Elle se rend à l'église, elle est croyante, et elle joue du banjo (comme Chris Ware lui-même). Elle est en butte à un racisme sous-jacent, non-agressif mais humiliant. Certains individus blancs s'adressent à elle comme si elle avait une intelligence limitée, celle d'un enfant, malgré son statut d'institutrice. Elle est à la fois bien intégrée dans la société, et à la fois une personne irrémédiablement différente. Le lecteur fait le rapprochement avec le fait que Rusty est roux, ce qui le différencie aussi, mais d'une autre manière, des autres. Son père est également roux. Jason se retrouve également un peu à l'écart du fait de la fortune de ses parents. Malgré son impassibilité apparente et son altruisme naturel (ou peut-être cultivé), Joanne n'est pas une sainte et connaît aussi des moments de déprime ou peut être excédée par certaines situations qu'elle vit comme des injustices. Elle reste un personnage positif et admirable tout du long… et pourtant quelque chose semble clocher, ou manquer pour faire sens. Cette pièce manquante arrive en fin de tome et est un crève-cœur. Puis, le lecteur tourne la dernière page et découvre un mot s'étalant sur la double page : entracte. Cela annonce-t-il un deuxième tome ?



Ce n'est qu'une bande dessinée avec des dessins bien faits dans des cases bien délimitées avec une sensation de rigueur géométrique, qui raconte la vie de quatre personnes pour la première partie, d'un homme sur une journée pour la seconde sur plusieurs décennies, pour la troisième d'un autre homme de sa naissance à sa mort, et pour la dernière d'une femme de son enfance à quarante ou cinquante ans. Ce n'est que la vie banale de personnages de papier. Une fois qu'il s'est accoutumé à la narration en petites cases, le lecteur se retrouve ému par ces individus si particuliers dans ce coin précis du Nebraska, et pourtant éprouvant des sensations si identiques aux siennes. Il n'y a aucun mélodrame appuyé ou savamment épicé, mais plutôt une honnêteté franche avec une sensibilité aiguisée, et l'expérience de ce qui fait tout le drame de la vie humaine. Qu'il soit sensible ou non à l'extraordinaire habileté de la narration visuelle, le lecteur ressent ces récits poignants dans son âme, des êtres identiques à lui, alors que la société dans laquelle ils vivent semble incapables de créer les conditions nécessaires pour que chacun en ait conscience. En fonction de son propre parcours de vie, le lecteur reconnaît des états d'esprit par lesquels il a pu passer, des réflexions qu'il a pu se faire, ou se dit que telle façon de voir les choses est originale, qu'il n'y aurait pas pensé comme ça, mais que ça reflète bien ce qu'il a ressenti. Il lui suffit pour ça de penser à l'intensité des premières fois et à l'empreinte durable qu'elles laissent Ces personnages de papier, pathétiques perdus dans un petit patelin du Nebraska, sont ses frères en humanité, avec une rare profondeur.
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Jimmy Corrigan

Cette BD est un monument et je ne parle pas seulement de l'ampleur de l'ouvrage. Je pense que tout amateur de BD/romans graphiques qui se respecte doit lire au moins une fois Jimmy Corrigan.

Au delà de la narration propre, cette oeuvre explore et exploite la notion même de "bande" dessinée. La lecture n'est pas seulement linéaire, elle s'extrapole, s'"architecture" pour conduire à une narration multiple beaucoup plus riche et complexe que le classique 8/10 cases par planche. Certes, ce n'est, aujourd'hui, plus vraiment original mais Chris Ware a sans doute été un des premiers à explorer cette décomposition narrative.

Pour ce qui est de l'histoire, elle se déroule avant tout sur deux époques. Nous suivons tout d'abord Jimmy Corrigan, homme falot, insipide et naïf de 36 ans qui est soudain contacté par son père dont il n'avait jamais partagé la vie. Ce personnage est une sorte d'alter-ego à Chris Ware qui s'en sert pour combattre son propre vécu. Ces passages sont lents mais touchants, le personnage m'a agacée par sa bêtise et sa naïveté mais est très réussi et (trop) profondément humain.

Ensuite nous suivons l'enfance du grand père de Jimmy Corrigan, qui grandit pauvrement et tragiquement dans les années 1890. Ces passages sont simplement époustouflants. Je possède cette BD depuis sa sortie en français (mais ça ne fait que quelques jours que je l'ai ressortie du carton de déménagement où elle était enfermée depuis près de 10 ans...une histoire tragique) et je me souviens avoir relu plusieurs fois ces seuls chapitres. Je trouve admirable la justesse du récit et indescriptible la tristesse qui en émane.

Ce qui me fascine dans Jimmy Corrigan, c'est la façon dont cette BD forme un tout parfaitement cohérent et pourtant plein de silences.

Le nombre de cases où il ne passe absolument rien est énorme mais chaque élément forme une histoire forte, complète, touchante.

De même, les personnages sont continuellement en présence mais la plupart d'entre eux ne sont jamais visibles dans leur entièreté et leurs visages sont souvent dissimulés.

Le travail opéré par Chris Ware pour cette oeuvre est colossal et est une vraie réussite, c'est véritablement un chef d'oeuvre de la BD.
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Jimmy Corrigan

Une BD à l’approche difficile. Après effort, on comprend qu’il s’agit de l’enfance du père alternée avec celle du fils qui est souvent dans l’imaginaire. C’est à 36 ans que Jimmy, personne ordinaire et mal dans sa peau, fera la connaissance de son père où sa mère, possessive, n’a de cesse de lui téléphoner. Nous sommes en 1933 à Chicago alors qu’à lieu l’exposition universelle. Je ne m’étends pas sur le fond, pas sûr que j’ai tout compris. La forme, quant à elle, est originale. La jaquette qui recouvre le format à l’italienne, a plusieurs rabats qui se déplient (galère pour le remettre) avec un fourmillement de textes et dessins recto verso. Le trait de crayon rend les personnages parlants avec, parfois, des mouvements genre dessin animé. J’ai été subjuguée par les planches de neige. En définitive un gros travail pour cette BD qui se lit comme un roman. A été couronnée par de nombreux prix. A consulter une fois dans sa vie pour les amateurs de romans graphiques.
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Jimmy Corrigan

On aimerait décrire ce livre comme Ware le dessine ! A la ligne claire et haut en couleurs. En petites cases, déconstruites, enchevêtrées, enfermées... comme pour mieux s'asphyxier. Cette bande dessinée de plusieurs centaines de pages à la force d'un grand livre. Avec nonchalance, on y suit Jimmy Corrigan, qui raconte et s'invente son existence, entremêlant son histoire personnelle et son histoire familiale, chutant de drame en drame... On s'attache à ce personnage qui se surprotège comme pour finir par mieux se livrer. Un livre étonnant auquel on s'accroche comme un roman. Un régal sur le fond et dans la forme. Du grand art en tout cas.
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Jimmy Corrigan

J'abandonne.

C'est très rare que je laisse tombé, mais là c'est pas possible.

Ça fait déjà quelques semaines que j'ai emprunté ce livre, j'ai prolongé le prêt et là j'arrive à échéance, je dois le rendre... et je n'ai pas lu une centaine de pages... je ne comprends rien, d'ailleurs y a t'il quelques chose à comprendre ?

Les scènes se succèdent, sans que je sois capable de faire le lien entre elles, je ne sais pas qui est qui et qui fait quoi.

Les dessins sont ridiculement petits et parfois je ne sais pas dans quel ordre lire les cases.

La police de caractères me fait saigner les yeux, trop petit, trop fin... et donc je ne parviens pas à lire cette BD en fin de journée.

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Jimmy Corrigan

Voici un album étonnant. La bande dessinée rejoint l’ampleur de la littérature grâce à cette œuvre magistrale de Chris Ware (prix Angoulême 2003). Ampleur par son volume mais surtout par la construction du récit digne des plus grands romans. On se perd un peu au début, ne sachant pas où va nous emmener l’auteur (je pense qu’il ne le savait pas non plus !), puis petit à petit, notre œil s’habituant progressivement au trait clair, net et expressif, apparaît un certain Jim Corrigan, insignifiant citoyen américain de Chicago, occupant sa vie entre ses coups de fil quotidien à sa mère, ses aller-retour au bureau et de nombreuses rêveries, amoureuses, parricides ou enfantines. Par un jeu des couleurs tirant vers le pâle et le terne et un souci du détail donnant toute son importance aux monde des objets, Chris Ware peint une Amérique peu reluisante, faite de bars miteux, de restaurants routiers sans âme, dans lesquels on sert des cafés jaune pisse, des sandwichs aussi goûteux que des chaussettes et où les paysages valorisent le béton, l’asphalte et le fil électrique. Collant parfaitement au décor, Jim Corrigan y avance comme un éclopé (toujours muni d’une béquille), symbole d’une personnalité effacée, timorée et angoissée. Mais ce triste tableau, plutôt que nous affoler, nous fait souvent sourire. Le ridicule et le cocasse sont récurrents et les passages décrivant les trips et autres films que se font les personnages sont vraiment tordants.
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Building Stories

Après la plus petite bd du monde, voici une oeuvre qui tient dans 14 volumes de différents formats.. encore un travail remarquable. Les dessins sont toujours aussi propres et agréable. La façon d'aborder cette oeuvre et originale et complexe, on ne sait pas vraiment par où commencer. Il transforme le livre en véritable objet et arrive à tirer entièrement profit des avantages et des inconvénient de la bandes dessinées.
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Building Stories

J’ai eu envie de lire cette œuvre après en avoir lu la critique dans un numéro spécial de Books. Impossible de trouver où l’emprunter ou même la feuilleter, j’ai donc fini par me risquer à commander, craignant que ce qui m’attirait là-dedans était peut-être assez superficiel : le côté décalé voire rétro et le format « maquette/boîte de puzzle » cher à mon enfance. Aucun regret !

Le dessin étrange, d’aspect un peu « mécanique » peut rebuter les amateurs de style plus classique, plus réaliste ou plus typique de la BD. Par ailleurs, il y a un certain nombre d’expressions et de tournures incompréhensibles si on ne maîtrise pas bien l’anglais, et même si les images sont très présentes, ça serait dommage de se passer du texte. L’ensemble peut paraître froid et rigide, voire un peu primaire (dessin presque simplet, immeuble personnifié etc.). Une fois qu’on a plongé dedans on y reste pour un bon moment, le temps de la lecture et après, comme avec les romans qui vous ont marqué.

L’auteur parvient à faire ressentir l’univers mental d’une femme à partir de détails de la vie ordinaire (enfin, une vie de névrosée quand même, c’est plus riche !). Le côté très organisé et rectiligne du dessin pose un cadre calme et lent qui fait par contraste ressortir l’agitation intérieure du personnage principal (impossible de dire l’héroïne ici) : on ressent très bien la tension entre la perception de la banalité du quotidien et les aspirations frustrées. Mais à travers la beauté et la sérénité du dessin on voit bien que le quotidien reste quand même chargé de sens et de poésie pour le personnage principal. On peut avoir une vie profonde même sans « se réaliser » dans de grandes ambitions, tel est le message qui me semble se dégager de l’œuvre, même si je ne pense pas qu’il y ait une volonté de « faire passer un message » d’après ce que j’ai pu lire sur l’auteur. En résumé, vraiment magnifique, autant par le contenu que par la forme, mais conseillé surtout aux anglophones et aux amateurs d’introspection méditative!
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Rusty Brown

Chris Ware publie peu, mais lorsque ses bandes dessinées sont enfin éditées, c'est un événement, un enchantement pour nos yeux et nos cœurs. Rusty Brown regroupe plusieurs récits autour de quelques figures pathétiques ou tragiques. Des enfants oubliés et esseulés, des âmes mélancoliques et complexées, toutes reliées par un lieu, un établissement scolaire privé d'une petite ville du Nebraska. La mélancolie s'impose dès les premières planches, par une ambiance cotonneuse et hivernale. Chris Ware nous donne à voir la face sombre de la société américaine marquée par l'individualisme et les conflits entre communautés.
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Rusty Brown

Voilà une superbe brique de plus de 350 pages, influencée par les maquettes et la typo des magazines du début du XXe. Même la couverture est un objet en soi. L'auteur a développé un sens aigu du découpage, empruntant ici au cinéma la méthode du split screen de manière magistrale pour raconter le premier jour d'école et la rencontre de tous les protagonistes. Son génie se révèle également dans les séquences des premières années de la vie de Lint, dans lesquelles il traduit graphiquement la découverte du monde par un nourrisson, le dessin se faisant au fur et à mesure de moins en moins abstrait. Et inversement lorsque Lint, vieil homme devenu confus, est à l'article de la mort. Ce qui excite également Chris Ware, ce sont les décors intérieurs et extérieurs. Il réussit la prouesse de les rendre à la fois schématiques et hyper détaillés en utilisant une perspective axononlétrique. Enfin, il n'a pas son pareil pour tisser la toile reliant ses protagonistes, allant jusqu'à les chercher dans d'autres albums et faisant de Rusty Brown dans tous les cas son digne successeur
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Jimmy Corrigan

Contre toute attente, le livre s'ouvre sur une séquence verticale qui nous oblige d'emblée dans un effort contraint. Reliure en haut, la lecture est d'abord incommode avant de se rétablir par une pirouette silencieuse. Nous sommes entrés.

Auparavant la couverture, conçue comme un "packaging" commercial redondant et suranné, invite à quelques interprétations, puisqu'il n'y a à vrai dire pas de paratexte dans ce livre où tout est textuel, y compris son format investi comme le moindre de ses recoins minutieusement habités par leur auteur.

Des contraintes nécessaires, le lecteur devra en surmonter pléthore et rester attentif aux intentions qu'elles recèlent; car on ne pourra soupçonner Chris Ware de dilettantisme ou d'approximations. Ce n'est pas le genre du bonhomme, pas plus que son propos, et ce n'est probablement pas ce qu'il attend de son lecteur idéal (1), condamné à ne rien négliger de ce qui lui est montré de la façon la plus nette, pour être rébarbative, de la façon la plus subjective aussi.



Chris Ware fonde tout son récit sur sa forme même en saisissant la moindre opportunité rhétorique offerte par la mécanique de l'art séquentiel. Sous le saint-patronnage de Sir McCay notre maître à tous, et sous la contrainte d'une publication d'abord épisodique avant d'être refondue dans un moule intégral, Ware organise un ensemble de dispositifs narratifs sur une trame fragmentaire à la fois trop grave et trop triviale pour la bande-dessinée - selon les thuriféraires conservateurs du genre ou ses plus abscons matadors, du moins - Le poids de la filiation, la faillite des pères, l'hérédité du malheur compensée, comme l'entend Debord, par les médiocrités ordinaires d'une société aux paysages rabattus.



L'auteur tourne en dérision le malentendu qui persiste à déligitimer son mode d'expression électif, et si tout semble justement naïf et dérisoire dans sa patiente mise en abîme, c'est bien pour désamorcer toute objection: Voilà longtemps que la bande dessinée s'est émancipée de son enfance inconséquente et frivole - Encore que ces banalités mêmes soient éminemment discutables - Elle est une forte branche sur l'arbre de la Littérature, une descendance de l'espèce Logos et de l'espèce Mimèsis, elle est à ce titre pourvoyeuse de rhétoriques singulières capables de restituer toutes les nuances de l'expérience humaine par le filtre d'une pensée consciente de ses moyens.

Voilà du moins ce que nous pouvons attendre de l'auteur idéal que nous scrutons dans chaque oeuvre narrative ou discursive. Voilà quel postulat se propose d'endosser Chris Ware fort de la pleine possession de ces moyens, en racontant l'histoire pathétique du garçon le plus futé sur terre - Le titre fait déjà grincer l'ironie systémique qui prévaudra de la première à la dernière page de garde, la dérision s'immisce dans chacun des cartouches décoratifs qui émaillent les mises en scène, le connoté régente les formes claires et leurs couleurs aplaties, les typographies et les réclames de pacotille disent le jeu de dupe, les conventions, la médiocrité en haute définition.



Piégé sous cette focale infaillible et cruelle, Jimmy Corrigan ne se soustrait jamais totalement aux regards et aux jugements, son écrasant sentiment de culpabilité est étalé sur chaque page, sans point de fuite, son vide affectif décortiqué en diagrammes ou affiché en gros plans mélodramatiques, d'où ressort surtout un pathétique à ce point acharné que de la gêne colore la pitié qu'il nous inspire. Nous ne saurions être dupes de son humanité tant les opportunités d'identification ou de répulsions sont nombreuses, et le méprisons donc aussi en accumulant les exemples de sa médiocrité page après page. Nous serons parfaitement complices lorsque nous auront épuisé la dernière du livre.

Au centre de ce système panoptique Jimmy Corrigan apparaît comme un prototype du héro atavique.

La notion n'a pas encore son théorème et sa définition se déplace d'une discipline à l'autre, sourde à l'exclusivité d'un angle de vue particulier, si ce n'est celui que peut lui imposer un auteur. Mais il semble que ce soit bien l'atavisme qui irrigue les postulats adoptés par Chris Ware, si l'on veut bien s'entendre sur cette formulation:



"[L'atavisme] est la réapparition, dans un individu, de caractères positifs ou négatifs que ses parents directs n'avaient pas, mais que possédait un de ses ancêtres plus ou moins éloigné. C'est une force qui, à la manière d'un sénat conservateur, s'oppose au progrès, demande l'inamovibilité, le respect de la tradition, qui s'épouvante du nouveau et s'accroche au passé." (2)



Tel est le fardeau du pauvre Jimmy Corrigan, l'adulte interrompu, suspendu à la fiction d'un père en fugue, contrit par l'égotisme d'une mère invisible mais omniprésente, il est aussi le dernier produit d'une filiation catastrophique où les pères reproduisent leurs propres enfances brisées par l'absence chronique d'amour et de reconnaissance. Trois générations d'abandon accouchent d'un déterminisme généalogique qui ne laisse aucune marge de progrès au protagoniste, trop perclus dans sa terreur des autres, il est perdu à la cause du bonheur et n'en perçoit plus les signes avant-coureurs - Ou les repousse, tétanisé par les perspectives cavalières du changement - Ou simplement convaincu de son impossibilité. Au fond, Jimmy Corrigan ignore tout de la confiance et de l'affection. On ne les lui a pas apprises, personne ne lui en a jamais témoigné, jamais personne ne s'en est montré digne non plus. Son existence incompréhensible est une suite de déceptions, de frustrations, de mépris, d'injustices, de mensonges et de trahisons. Personne ne l'aime, il est absolument seul et ignorant, c'est un monstre de vacuité dans un monde de simulacres, privé d'enfance, castré dans sa maturité, un être avorté, qui ne s'en sortira pas.



Le lecteur idéal auquel s'adresse Chris Ware devra donc assimiler sa position de voyeur pour aborder les dernières pages avec sérénité, car le parcours est éprouvant et impose sa discipline compromettante. Si ce lecteur advient, et il semble plutôt masculin, il sera prié, démonstration à l'appui, d'accorder un peu plus de temps à ses enfants (Plutôt que de lire des bande-dessinées).



(1) À ce sujet: Six promenades dans les bois du roman et d'ailleurs et Apostille au Nom de la Rose, d'Umberto Eco.

(2) c.f. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0301-8644_1886_num_9_1_4862 - Extrait: M.Bordier, Géographies Médicales.
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Rusty Brown

Est-ce que tu connais Chris Ware? Si la réponse est oui, tu SAIS pourquoi il faut lire et offrir ses albums. Si la réponse est non, sois certain qu’il faut impérativement. à tout prix, immédiatement remédier à cela! Les albums, œuvres, ouvrages, palettes, créations de Chris Ware sont pure folie! Tout est méticuleux, parfait, soigné, conceptuel, beau, fou, infini et sublime! Chris Ware ne laisse jamais rien au hasard et aime définitivement les détails. Il vous plonge dans des planches incroyables et c’est une véritable expérience artistique. De cases minuscules en doubles histoires, il vous promène dans un récit minutieux, émotionnel et intense. Après la folie du Bulding Storie, album-coffret aux 14 formats différents, Rusty Brown opte pour le format à l’italienne mais raconte lui aussi une histoire profonde, mélancolique et somptueuse!
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Acme Novelty Library

Pendant qu'on fait les marioles, Chris Ware poursuit son grand oeuvre.

Le pauvre, son labeur paraît sans fin.



Ce volume rassemble plusieurs strips des séries habituelles de l'"Acme Novelty Library", la créature totalitaire de l'auteur, qui nous délivre son univers hyper-consumériste à la mode 50's, dans lequel sombrent inexorablement les divers protagonistes: Quimby the Mouse, le pauvre Rusty Brown, Tex et les autres.



En filigrane de la débauche graphique hallucinante de minutie, derrière chaque vignette du prodigieux travail de mise en page, dans chaque recoins de ce livre-objet pensé dans les moindres détails, se déploie le récit absurde de la médiocrité, de la solitude et de l'individualisme.

Une vision totalement pessimiste, qui postule l'hérédité du malheur avec le conditionnement social et mercantile pour toile de fond.



La nécessaire lecture de ce livre est donc particulièrement éprouvante, dans le fond comme dans sa forme, de toute façon inextricablement liés.



Très impressionnant.
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Rusty Brown

Bon, alors il y a la BD, et il y a Chris Ware. 'Rusty Brown' est un roman graphique extraordinaire, qui nous conte les histoires entremêlées de personnages si américains, si paumés, si désastreux et tellement humains. C'est un bloc ciselé, à l'architecture parfaite, de la jaquette-affiche à la dernière page, au dessin ingénu juste comme il faut, avec un bonus intégré, une espèce de nouvelle venue des étoiles, une histoire dans l'histoire qui est déjà juste à elle seule une prouesse.
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Rusty Brown

Je suis fan de la première heure avec les superbes Jimmy Corrigan et building stories. Pas déçu par ce nouveau chef-d'oeuvre de Chris Ware, illustrateur maniaque, qui dépeint l'Amérique en-deça du rêve, des personnages qui n'ont qu'une simplicité apparente, la solitude immense dans un univers saturé de détails pas insignifiants du tout. C'est là tout l'art de Chris Ware, un trait méticuleux aux contours impeccables pour des anti-héros qui semblent souffrir d'être ainsi circonscrits, confinés devrais-je dire?
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Jimmy Corrigan

Je vais faire partie de la minorité qui n'a pas du tout aimé cet ouvrage, je me dit quel gâchis d'utiliser ce talent graphique pour publier une histoire aussi glauque. Ça commence par des vignettes dans tous les sens et puis des petites histoires se suivent. Je suppose qu'on a affaire à des tranches de vie de Jimmy Corrigan, qui commence comme enfant maladif. on le retrouve vieux, sénile, empli de peurs et de manies, de rêves non accomplis et de souvenirs limites malsain. Non ce n'est pas pour moi.
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Building Stories

Voici une expérience de lecture de bande dessinée qui pousse le lecteur dans ses retranchements. Chris Ware propose une boîte qui contient une quinzaine d'opus qui racontent de manière fragmentaire la vie des occupants d'un immeuble. L'immeuble lui-même ayant la capacité de penser. Le fil directeur de ces stories est un personnage féminin dont l'une des caractéristiques est une infirmité à la jambe. Cependant, il n'est pas possible de réduire cette oeuvre à cela. La lecture ne peut qu'être plurielle.

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Jimmy Corrigan

Voilà une bande dessinée bien difficile à commenter ! Pas par sa longueur, bien qu'elle fasse sûrement plus de 400 pages (elle n'est pas paginée) ; ni par son dessin en lui-même qui est plutôt dans la famille naïf. C'est plutôt sa construction qui est déroutante.



Jimmy est un adulte en grande carence affective, ses relations avec son entourage sont difficiles et il paraît à la limite de la normalité. Un jour il décide de retrouver son père qu'il n'a jamais vu…



Le va-et-vient entre présent et passé, entre réel et imaginaire, les changements de lieux, les cadrages (multiples), les couleurs (des à-plats pastels)… Tout est fait pour que les sentiments d'irréalité et de perte de repère du héros se transmettent au lecteur. On ressort de cette BD avec un sentiment profond de détresse et on revient sur les cauchemars de Jimmy, sur les gros plans, les paysages neigeux, inlassablement, comme pour mieux comprendre ce que lui-même n'a pas compris. Une bande dessinée très riche, donc, mais difficile à appréhender à la première lecture.

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