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Critiques de Christophe Claro (150)
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Tout autre chose

La poésie griffue d’un tout autre parti pris de la matière. Somptueux et drôle dans sa noirceur même, urgent dans ce qu’il montre et démontre derrière le sommeil de l’ordinaire.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/04/03/note-de-lecture-tout-autre-chose-claro/



Bien que le couteau, le lit, la conserve, la bougie, la passoire, la bûche, l’ampoule, l’assiette, le clou et bien d’autres objets (ou non-objets, on le verra) semblent d’abord inviter à un très pongien parti pris des choses, c’est pourtant bien à « Tout autre chose » que nous invite ce recueil de Claro, publié chez Nous en août 2023. Cinquante-deux brèves proses, il pourrait ainsi y en avoir une prête à bondir chaque semaine de l’année : car c’est bien de bondir qu’il va s’agir, ici, les objets, leurs reflets et leurs éventuels concepts dérivés ne sont pas sages, oh non (les citations de Lucrèce et de Kafka placées en exergue de l’ouvrage nous auraient alerté si nécessaire). À l’opposé du supposé modèle objectif du poète qui, à défaut de pouvoir vivre près de Bar-sur-Aube, s’était efforcé de mourir à Bar-sur-Loup, et en un détournement qui est loin d’être uniquement facétieux (à l’image de ceux d’un certain Chino, même juvénile – Christian Prigent n’est pas si loin lorsque l’on parcourt les lignes de « Le silence en soi », page 61), « Tout autre chose » n’hésite pas une seconde à se faire dangereux et funèbre, poursuivant dans plus d’un interstice le travail du formidable memento mori que constituait « Sous d’autres formes nous reviendrons » en 2022 (« Vie et mort du coussin », à la page 25, en constitue d’ailleurs un rappel authentique) : les matières de Claro (car c’est bien de vie matérielle qu’il s’agit avant tout, comme en atteste la table presque éponyme, en fin d’ouvrage, soigneusement identifiée comme telle par Pierre Vinclair, dans sa chronique sur Sitaudis, à lire ici), une fois sorties de leur ordinaire, peuvent trancher, couper, étrangler, estourbir, mais en tout cas fréquemment menacent, et toujours inquiètent (et vous rappellent au passage la duplicité du chandelier ou de la clef anglaise qui hantaient le Cluedo de nos enfances, dans le petit salon comme dans la bibliothèque). pPour cette entreprise toujours polysémique qu’est la poésie, il faut prévoir un jeu de filtres spécifique à l’entreprise en cours : ici, accepter, cultiver même, que derrière le parti pris des objets et des choses rôdent la violence et la mort (présence qu’illustre dans toute sa plénitude le terrifiant « Fragilité du visage », page 48).



Dans sa belle chronique pour En attendant Nadeau, Laurent Albarracin (à lire ici) souligne à juste titre la part d’hostilité à l’humain qui sous-tend cette prise de pouvoir potentielle par les objets, déclenchant comme naturellement un jeu (à la fois proprement ludique et rudement physique) autour de l’auto-dénigrement (la parution quelques mois plus tard, en janvier 2024 de « L’échec – Comment échouer mieux » – dont on vous parlera prochainement sur ce même blog – ne nous surprendra donc pas totalement – au-delà même du patient travail beckettien de scansion effectué par Claro, tout particulièrement dans un recueil critique succulent tel que « Cannibale lecteur », en 2014). Le critique inspiré en déduit cette belle phrase, que ne renierait évidemment pas non plus Henri Michaux : « Claro, en se faisant le phénoménologue inquiet de ce qui l’entoure, nous montre une humanité qui vacille sur ses gouffres ». Cité un peu plus haut, Pierre Vinclair n’en est pas très éloigné non plus, lorsqu’il insiste sur l’apprentissage ici du trébucher plutôt que du marcher, et sur la chute – en l’espèce – salvatrice : cette fois, nous tangentons avec bonheur la grande vox clamans in deserto d’Albert Camus comme l’étonnant Bas Jan Ader mis en scène par Thomas Giraud.



Même lorsqu’il semble s’en défendre – ou feindre une certaine indifférence -, la poétique développée par Claro au fil des ouvrages est éminemment politique. Flagrante dans les monstrueux (au beau et fort sens du terme) « Livre XIX » et « CosmoZ », ne se souciant pas fondamentalement de se tapir dans la prose poétique (songez à « Tous les diamants du ciel » ou à « Crash-test ») ou dans la poésie en prose (« Comment rester immobile quand on est en feu ? » comme pierre de touche), cette politique témoigne en permanence d’une volonté au travail, de plus en plus manifeste sans doute au fur et à mesure que l’œuvre avance. Postulat illustré en profondeur, ici plus que jamais : le langage est une affaire sérieuse, mais c’est en le jouant à la légère, en virevoltant, qu’on nous le démontre le mieux (que ce soit jadis dans « Madman Bovary » ou dans « Dans la queue le venin », que ce soit ici dans « Idéologie bancale du verre », page 28). Il faut transformer le cliché de l’association immédiate provoquée par l’objet réputé jusqu’alors anodin en construction inédite, ayant néanmoins toujours la force de l’évidence jusque là dissimulée : c’est la question que posait « Hors du charnier natal », et c’est à cela qu’invitait en substance « animal errant, retour d’abattoir ::: » : le poète comme inventeur de grottes paléolithiques à la pertinence toute contemporaine (voyez « Le fin mot de fleur », page 43).



Sans qu’il s’agisse jamais, directement, de fustiger, c’est bien ici que la langue des objets, choses et matières intervient : avec un immense talent, Harry Parker (« Anatomie d’un soldat », 2016) déconstruisait et reconstruisait son lieutenant britannique mutilé en Afghanistan par le témoignage de choses sans parti pris, montrant justement un aveuglement ; Claro, par le truchement de tout autre chose – avec un autre parti pris, bien évidemment -, exhibe la matière qui berce (« Non mais tu t’es vu quand t’as consommé ? ») et le mot qui endort (celui de la publicité et propagande : dormez tranquilles braves gens, tout va bien, il n’y a pas d’urgence – à part celle de la dette et du dividende, éventuellement) : les matières et les paroles de « Tout autre chose » ne sont justement pas de celles qui cajolent dans l’inaction, révélant au contraire avec un sourire gentiment narquois tout ce qui nous guette pour nous faire la peau, pas toujours métaphorique, et c’est aussi ainsi que l’ouvrage se révèle indispensable.
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L'échec : Comment échouer mieux

C’est dans la très courte nouvelle de Samuel Beckett intitulée « Cap au pire » «Worstward Ho »  que l’on trouve la citation suivante :« Ever tried. Ever failed. No matter. Try again. Fail again. Fail better. » traduite ainsi: « Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. » Si vous ne connaissez pas cette nouvelle incroyable, je vous invite à en lire un extrait ici: https://excerpts.numilog.com/books/9782707313966.pdf

Beckett tente une expérience de l’effacement (de la mort?). Le lecteur perd tout repère, il n’y a plus de personnages, plus de lieux, plus de temps et presque plus de mots. L’oeuvre s’annule et disparaît, comme si le romancier voulait atteindre une espèce d’anéantissement complet, une sorte de rien, de vide, de non-être (sans y arriver car il reste toujours des mots sur la page) et finalement, cette recherche de l’échec absolu (totalement désespéré), on le voit, produit du pur Beckett, du nectar de Beckett, du Beckett pur jus… (vraiment, allez y jeter un œil, cela vaut le détour!)

S’inspirant donc de cette citation, Claro nous parle dans son dernier livre de l’échec en littérature. Claro propose un texte multiforme : essai, pensées, fiction, réflexions, autobiographie, listes, définitions, pastiches, poésie, le tout agrémenté de jeux de mots, de clins d’oeil, de sous-entendus, de détournements de citations… Le texte est intelligent, brillant, plein d’humour et bourré de références… Il vaut mieux le lire à tête reposée tellement le raisonnement prend parfois des voies un peu tortueuses, voire discutables, mais toujours très stimulantes. C’est du Claro : ça pétille, ça fourmille d’idées et franchement, même si l’on n’a pas toutes les références, on s’amuse bien !

J’ai adoré la première partie où il est question de la traduction : Claro est traducteur et romancier, il sait donc de quoi il parle! En effet, traduire, selon Claro, c’est forcément échouer. L’échec serait le fondement même de la traduction : comment substituer une langue à une autre, un monde à un autre monde, une époque à une autre époque ? « Quand je traduis « bread » par « pain », je fais comme si le rectangulaire pain anglais avait le pouvoir de s’arrondir, s’allonger, se fendiller, et dorer pour prendre l’allure d’une sémillante baguette parisienne. »

Sans compter qu’un mot a un sens ET une forme. Que dire de Baudelaire qui traduit le mot tout riquiqui « dull » par le beau « fuligineux » ? Quelle erreur !  « « Dull » sent l’échec… on dirait que la bouche l’émet à peine… « fuligineux », lui, serpente, ... un peu prétentieux…. Il répand ses cendres avec panache. »

« Il existe entre les langues une faille infranchissable » conclut l’auteur. 

Intéressantes aussi ses réflexions autour de la traduction du début de « Mile Zero » de Thomas Sanchez : « It is about water. » Comment traduire ce début ? Pas si simple !

Quant au titre « Under the volcano » de Malcolm Lowry, Claro en dit ceci : « Voulez-vous être « au-dessous » du volcan ou « sous » le volcan ? Invitation au débat...

Passionnante aussi sa façon de procéder lorsqu’il doit traduire une œuvre parue en 1960 mais dont l’histoire se déroule au XVIIe …

Et puis, ajoute l’auteur, il faudra un jour se résoudre à virer le lit de la chambre de Virginia Woolf... Mais oui, c’est vrai, pourquoi l’a-t-on reléguée dans une chambre alors qu’elle demandait une pièce entière, un lieu à elle? Je n’avais jamais pris conscience de cette traduction fautive ! « La room woolfienne n’avait rien d’un boudoir et l’on aurait pu s’en aviser un peu plus tôt. » s’exclame l’auteur !

Claro aborde ensuite le sujet de l’écriture. En effet, écrire, comme traduire, c’est échouer : on gomme beaucoup, on rature, on fait des brouillons et ça finit souvent à la poubelle ! Et c’est plutôt bon signe si l’on veut tenter d’échapper à « l’écriture pavillonnaire », l’expression est d’Éric Chevillard et elle désigne des livres qui se ressemblent et utilisent les mêmes clichés...

Écrire, c’est échapper à certains pièges : celui par exemple de vouloir DIRE. Le mieux serait même que l’écrivain n’ait rien à dire. Le « dire » oblige l’écrivain à « se plier au langage commun.» « Écrire serait donc ne pas dire mais contre-dire.» Bien dit !

Ainsi, échouer en écriture devient la condition même de l’écriture, fondée sur le principe du recommencement, de la correction, de l’effacement.

Il est question aussi de Kafka. (Peut-on dire qu’il a échoué pour la raison que son œuvre est inachevée, lacunaire, fragmentaire ? Je m’interroge...) Peut-être peut-on parler d’une œuvre en attente de fin, comme les personnages kafkaïens sont en attente d’un châtiment, d’une mort, d’un jugement. Ainsi le mot  « fin »  chez Kafka n’est-il pas vraiment opérant... Et l’échec (l’impossibilité d’en finir) prend tout son sens et donne à l’oeuvre toute son épaisseur...

Pessoa, l’homme aux nombreux pseudos, a échoué lui aussi : il a « échoué à n’être que Pessoa.» « Je suis un fragment de moi-même conservé dans un musée abandonné » dit-il en parlant de lui-même. Cette fragmentation est peut-être précisément à l’origine d’une œuvre polyphonique bien plus intéressante qu’un bloc organisé et cohérent, « une œuvre ouverte et infinie.» qui n’est possible que par l’échec... Finalement, la réussite réside dans une espèce d’aboutissement de l’échec. Un échec parfait.

Un texte stimulant !

Désolée, Claro, vous n’avez pas échoué et malgré tout votre livre est réussi… Comme quoi, l’échec n’est pas à la portée de tous… N’échoue pas qui veut !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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L'échec : Comment échouer mieux

J’ai de la tendresse pour les perdants magnifiques, les êtres de failles et de mystères. Leur maladresse m’émeut, je ne les soupçonne pas de m’avoir trompée. A contrario, un écrivain qui bâtit son succès sur le récit des malheurs du peuple, qui en parle si bien qu’il finit en couverture de Paris Match au bras d’une princesse millionnaire, ça ne me bouleverse pas.

Sans lui faire offense, les visages de l’échec choisis par Claro ont plus fière allure : Kafka (« Il a réussi à échouer superbement là où d’autres se seraient contentés de réussir médiocrement »), Pessoa (« Je goûte l’indécise volupté de l’échec, comme un malade épuisé attache le plus haut prix à la fièvre qui le laisse cloîtré ») et Cocteau, auxquels il consacre de magnifiques chapitres. Ces génies de la littérature ont en commun d’avoir laissé le doute les gagner.

Et puis, il y a tous ceux que la postérité boude, par on ne sait quelle négligence. Claro leur rend justice. Pourquoi D’Ormesson et non Cesbron, Gide et non Suarès, Éluard et non Salmon, Cécile Coulon et non Bernard Collin, Christian Bobin et non Mathieu Bénézet ?

L’auteur s’essaye aussi aux aphorismes, nous confie ses tourments de traducteur face au texte étranger. Il l’avoue sans détour : une traduction est un échec programmé.

Confessions, bons mots, apartés, anecdotes, réflexions… Tous ses « entretemps » ont leur intérêt mais c’est la lecture de sa nouvelle, « Le pont », qui m’a ravie. Un vrai bijou d’écriture (voir l’épisode 1).

Bilan : 🌹

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L'échec : Comment échouer mieux

Il n’est pas simple de suivre le raisonnement vagabond de Claro, dont l’esprit facétieux scrute avec malice les moindres pièges et chausse-trapes du langage, pour mieux balader le lecteur autour de la notion d’échec.



Avec un point d’ancrage autour de la littérature, la notion d’échec n’est pas abordée dans son sens premier, car qui oserait juger ratées les carrières de monstres sacrés comme Cocteau ou Kafka, dont la plainte en sourdine relève plus de la dépression que de l’échec à proprement parler.



Que dire de la traduction, (sujet que connait bien l’auteur), dont la trahison est une composante inévitable, approximation contrainte, absence d’équivalence mais qui peut aussi donner lieu à des fulgurances qui magnifient le texte original ?



Claro analyse également le processus même de l’écriture, mais aussi le devenir d’une oeuvre, dont la gloire posthume ou la disparition dans les limbes de l’oubli semblent dues à un ensemble de faits contextuels incontrôlables !



L’humour hante ces pages, comme celle de la liste des échecs de l’auteur, où les formules si répandues pour expliquer l’échec d’une lecture …





Un essai à lire dans le calme et lentement, pour mieux en apprécier toutes les références et les nuances.





Merci à Babelio et aux éditions Autrement





240 pages autrement 10 janvier 2024

Masse critique Babelio
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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L'échec : Comment échouer mieux

Il est difficile de ne pas échouer. Alors autant s’atteler à réussir ses échecs du mieux possible.



Le titre de cet essai emprunte à une célèbre phrase d’un roman de Samuel Beckett : « Try again. Fail again. Fail better. » Claro s’attaque ici à l’échec en littérature. Et plus précisément au fiasco inévitable de toute tentative de traduction, d’écriture, et même de lecture. Pour démontrer ce systématisme, il utilise sa propre expérience de traducteur, d’écrivain et de lecteur. Il convoque également d’autres auteurs, dont il introduit les citations ainsi - comme s’il y avait urgence : « Vite, Kafka ! »



« Embrouilleur doublé d’un brouillonneur », Claro repère les failles du langage et s’en amuse. « La page est un échiquier sur laquelle l’écrivain avance des pions qui sont des mots. Mais ici, les blancs, c’est la surface, et les noirs, ce sont les mots. Combat inégal. Pas de reine ni de roi. Rien que des fous qui montent dans les tours et progressent cavalièrement. »



À chaque chapitre, on trébuche. On tombe sur des listes, une analyse de l’incipit de Madame Bovary, une anecdote de traduction ratée, une histoire de pont, de la poésie, un psaume. Avec autant d’autodérision que d’érudition, Claro tord la forme de l’essai et contorsionne l’écriture.



La « contrainte lipogrammatique » d’un texte, le défi que représente la traduction de « it is about water », le piège de la trouvaille - « mot fort laid qui semble né de l’accouplement contre nature de “trou” et de “travail” »… Les obstacles à franchir sont infinis. Mais les charmes de la faille également. À la fois fêlure et faiblesse, elle laisse passer la lumière. Elle libère un espace nécessaire à l’inspiration, et à la création.
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Les souffrances du jeune ver de terre (ou) ..

Je ne sais pas vraiment qu'en penser...



D'un côté, le style est extrêmement personnel, original et intrigant. Claro a une plume bien à lui, qui me fait penser à du San-Antonio d'intello intelligent, et c'est appréciable. Chaque action du roman se déroule comme s'il s'agissait plus ou moins d'une description, et on comprend que la péripétie a eu lieu une fois qu'elle est terminée. C'est étrange, mais pas désagréable du tout.



De l'autre côté, l'histoire n'a ni queue ni tête. Ou alors il faut avoir un sacré QI pour la comprendre. Des morts par ci, des vivants qui ne devraient (plus) l'être par là, des trahisons qui n'en sont pas, des ennemis qui deviennent subitement et mystérieusement des copains de terrasse.... J'ai totalement perdu le fil au moment du dénouement de l'histoire. Dommage !



Bref, je ne saurais dire ce que vaut ce livre, parce qu'il me semble valoir nettement plus que sa note moyenne sur Babelio, mais il est tellement en décalage avec la compréhension du commun des mortels qu'il est difficile de lui donner plus...
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Madman Bovary

[Comme d'habitude, je m'engage à lire 10% du livre et s'il me plait je continue]

La narration semble une inception, à la fois onirique et littéraire, dans l'œuvre de Flaubert. Madame Bovary, donc, mais aussi d'autres comme Un cœur simple, que j'ai lu il y a peu et beaucoup aimé. Comment survivre à une rupture ? Pourquoi pas en s'immisçant dans une œuvre littéraire empoisonnée, à la fin fatale ? En la décortiquant jusqu'à l'atome pour mieux se diluer en elle, pour décider "quel souvenir anéantir avant de partir, et qui soit la fleur absente de tous ces bouquets pourris dont le vase de ma tête ne veut plus ?"

Peut-être faut-il avoir lu Madame Bovary pour saisir la quintessence de ce texte, peut-être au contraire vaut-il mieux en ignorer les détails pour mieux savourer cette œuvre nouvelle : car il ne s'agit pas de Bovary, mais de la littérature, et de lecture, et de la façon dont on les pénètre ou dont on est pénétré par elles.

Par exemple, je me souviens avoir été à bout de souffle lors de ma lecture de L'esclave vieil homme et le molosse, alors que j'étais tranquillement allongée dans mon lit ; ou toutes ces fois où j'ai poussé des cris, pleuré, sauté sur mes pieds, lors de lectures très intenses. Mon corps réagit parce que la lecture est entré dans mon corps. Ici, le narrateur fait un voyage inverse, c'est lui qui entre dans la lecture, et le texte en est bouleversé.

Passionnant, je le propose à l'emprunt à mon public et je le poursuivrai dès qu'il sera disponible.
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L'échec : Comment échouer mieux

Un essai malicieux sur ce que le traducteur et auteur ne connaît que trop bien.


Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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L'échec : Comment échouer mieux

Plus qu’une énième théorie philosophique de l’échec, [ce] livre vibre comme un essai poétique et existentiel sur la condition même d’écrivain, dont la vie se résume à un brouillon, à une succession infinie d’obstacles, à une “passion de la défaite”.
Lien : https://www.lesinrocks.com/l..
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L'échec : Comment échouer mieux

Ceci n’est pas une critique mais un pense bête, ne vous méprenez pas sinon j’aurai échoué. Notez dans vos tablettes : le 17 janvier 2024, dans La Grande librairie, sera évoqué cet essai personnel teinté d’humour (qui va bien plus loin que ça) en présence de claro. Et on copie colle : https://www.programme.tv/programme/c12925-la-grande-librairie/sans-titre-26356970/

Pour ceux qui échoueraient à le visionner, mieux, il y aura un replay.

Vous savez tout.
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Comment rester immobile quand on est en feu ?

La poésie est quelque chose qui m'est compliqué.

Je trouve parfois le décalage absolument fascinant, et parfois consternant. Entre l'impression, oui, d'une forme de génie et en même temps d'une ridicule imposture.

La réalité est que soit tout le monde peut le faire, soit c'est réservé à quelques esprits et êtres hors norme. Dans les deux cas, c'est faux et insatisfaisant.



Claro, que je respecte profondément pour ses traductions exceptionnelles de livres massifs et inclassables, propose ici des textes en prose, rarement des rimes, qui parlent un peu de littérature, un peu de vie. En fait, j'en sais rien. Je comprends à la fois rien et ce que j'en veux comprendre. Parfois les mots m'ont fait glisser sur un tissu d'aise, parfois j'avais une impression comme s'ils me tombaient sur le paletot. Et j'avais envie de les épousseter de ma personne. Souffler dessus pour trier ceux qui veulent bien restent en adhérence de ceux qui ne veulent pas bien.



Le titre m'a guedin accroché, dès lors obligé de majoritairement suivre et poursuivre ce courant amoureux. Qui a décliné. Et de la pluie d'étoiles, n'en ont imprégné mon paletot* qu'un peu plus que trois.



* : mot souriant à répéter.

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Tout autre chose

Ce très singulier OVNI a de quoi nous dérouter. Chacun des courts textes dédiés à divers objets du quotidien ou à des choses plus conceptuelles, nous donne l’impression de plonger au cœur de rêves plus étranges et inquiétants les uns que les autres. Je dis « rêve » mais il est évidemment question de « cauchemars ». Comme si les choses les plus simples, les plus ordinaires qui nous entourent, aussi bien un vulgaire briquet que notre ombre, se retournaient contre nous.



On évolue dans une paranoïa constante, oscillant sans cesse de pensées macabres en peurs irraisonnées.



Certains textes sont foudroyants. Celui qui m’a le plus impactée est L’eau sans honte. Chaque mot vous happe et vous frappe en pleine tête. Aucune chance de réchapper à cette suite de mots.

Certains écrits en revanche, doivent être plus personnels, plus introspectifs, et ne font pas écho en moi. L’empathie est alors impossible, comme neutralisée par l’absence de lien, et l’émotion disparaît.



Ingratitude du coffre-fort et L’art du comprimé sont savamment construits et nous fichent un sacré coup de poing à l’estomac. Plus les mots reflètent notre propre image, plus l’on est bouleversé par la sentence de chaque énoncé.



Mon seul regret envers cette lecture, c’est que j’ai davantage ressenti l’intelligence et le savoir lié au vécu, que les émotions en elles-mêmes.



Tout autre chose est une véritable expérience à vivre seul d’abord, puis à partager à voix haute. Effets garantis !
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Animal errant, retour d'abattoir

Travailler physiquement la langue en son corps et en son cœur pour retrouver et inventer les trésors enfouis au-delà des automatismes qui nous sont encore et toujours infligés : un programme poétique salutaire à l’exécution vibrante.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/06/25/note-de-lecture-animal-errant-retour-dabattoir-claro/



Au moins depuis son lancinant « Comment rester immobile quand on est en feu ? » de 2016, qui officialisait en quelque sorte un besoin poétique crucial, besoin qui hantait les nombreux écrits critiques de Claro, sur son blog ou imprimés, besoin qui travaillait sa prose (ce dont témoignaient déjà, en beauté et en flagrance, aussi bien « Tous les diamants du ciel » en 2012 que « Crash-test » en 2015), on sait qu’entre l’auteur du gigantesque « CosmoZ » et l’écriture, il sera désormais d’abord et avant tout, et jusqu’à nouvel ordre éventuel, question de poésie, au sens le plus déterminé du terme, justement.



Après le tournant intime apparent de « La maison indigène » en 2020, tout de franchise et de transparence investigative, mais pourtant si baigné de ruse narrative et de magie sibylline, il nous offrait l’an dernier « Sous d’autres formes nous reviendrons », formidable memento mori aux angles saillants comme surgis de nulle part et, pourtant, comme l’attestait un titre quasiment programmatique, une somptueuse, déjà, continuation de la quête langagière par d’autres moyens.



Publié en janvier 2023 dans la belle collection Poésie de Flammarion (où l’on trouve notamment les trésors de Patrick Beurard-Valdoye, ici, ici ou ici), placé sous le signe à élucider du triple « deux points », « Animal errant, retour d’abattoir ::: » poursuit et affirme ce cheminement fascinant.



Dans Libération, Camille Paix rappelait (ici) à propos de cet animal errant que « la poésie, c’est le territoire de la violence ». Il serait tentant en effet de suivre le tracé de la veine biographique sous la peau, depuis l’étrange maison algéroise si curieusement environnée jadis, et de détecter la part de règlement de comptes qui habite ce corral – après l’abattoir, tout est résolument là.



« animal errant, retour d’abattoir ::: » propose pourtant tout autre chose. La belle formule de Stéphane Bataillon dans La Croix (« Une parole noircissant les souvenirs pour tenter de nuancer les ténèbres d’un monde que l’on n’espérait pas ») sonne ici très juste : il faut aller fouaillant jusqu’au tréfonds pour entrevoir une chance de s’échapper des pièges du langage, de ses conventions et de ses habitudes, pour espérer créer ou récréer une émancipation. Il est tout sauf anodin que surgissent ici – au fil des vers libres (mais n’échappant pas, volontairement, aux contraintes subtiles du rythme, de la scansion et du détour) – Antonin Artaud (que seraient sinon un pèse-nerfs ou un ombilic des limbes ?), Franck Venaille (dont le pas vigoureux et déjà largement complice dans l’ouvrage précédent de Claro ne se contentait certes pas d’arpenter les berges de l’Escaut), Alejandra Pizarnik ou Cédric Demangeot : bien qu’opérant selon des protocoles poétiques ô combien différents, celles et ceux ainsi doucement convoqués par l’auteur, en humble fraternité, ont toujours inscrit cette libération du langage au cœur de leurs préoccupations.



Un travail en profondeur sur la langue (« un labeur et un labour », rappelle joliment Guillaume Richez dans sa belle recension, ici) : c’est bien ce que souligne comme mine de rien Claro dans son entretien avec Yves Bichet et Olivia Gesbert dans le Book Club de France Culture du 2 janvier dernier. « Du moment qu’on travaille avec le langage, on est obligé de travailler avec le corps. Il y a forcément une dimension très physique dans la poésie. »



Il n’y a peut-être pas si loin de cette quête, tour à tour implicite et explicite, à celles, par exemple et sur d’autres terrains de jeu, de Sandra Lucbert pour désincarcérer la langue confisquée par le management délétère (« Personne ne sort les fusils ») ou par les tenants du TINA lâchés en mode automatique total (« Le ministère des contes publics »), d’un Yann Diener montrant les codes sous-jacents de certains stéréotypes devenus bien trop familiers (« LQI – Notre langue quotidienne informatisée »), d’un D’ de Kabal dont le slam vigoureux recense les torsions abusives infligées aux mots par les dominants, ou bien sûr celle du précurseur Victor Klemperer traquant au quotidien la normalisation linguistique totalitaire (« LTI, la langue du Troisième Reich »). Selon les mots même de Claro, dans l’émission déjà citée, « lutter contre les stéréotypes du langage est un métier manuel : raboter, revoir les angles, changer une pièce, opérer des décloisonnements« (c’est nous qui soulignons ce dernier terme). Retrouver la langue volée par les habitudes imposées, conscientes et inconscientes, l’imaginer autre : y a-t-il plus beau programme pour la poésie ?



Paradoxe apparent : là où Christian Prigent (rappelé par Olivia Gesbert dans l’entretien radiophonique déjà cité deux fois ci-dessus) pouvait déclarer à bon droit « la poésie peut la prose, et pas l’inverse », Claro et quelques autres poètes contemporains nous montrent en beauté que la poésie dispose aussi, pour peu que l’on s’y échine proprement, d’un pouvoir d’expérience de pensée – à travers le langage et pour lui -, d’une dimension spéculative digne des essais les plus affûtés, d’un carquois souverain qui, bien que fort exigeant, est peut-être bien le plus à même de fournir de quoi percer les lourdes cuirasses du prêt-à-penser et du prêt-à-dire.



Et c’est ainsi, dans ce riche espace de doute et d’incertitude que scande tout au long du recueil le « ::: », juxtaposition de trois « deux points » ou superposition de « points de suspension », que se joue bien, subtilement et néanmoins gaillardement, quelque chose qui justifie pleinement cette jolie formule, à nouveau, de Guillaume Richez, discernant en l’auteur un véritable « poète de science-fiction du langage ».
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Madman Bovary

Estée a rompu. Notre narrateur se plonge dans la rancœur, l'alcool et la lecture de "Madame Bovary". Il devient le Madman Bovary, qui ressent, ressasse, vit et revit les scènes et les personnages. Rien ne résiste à son chagrin, surtout pas nous lecteur.ice médusé.e devant les envolées sombres de la prose poétique de Claro. Un titre qu'il faudra relire dans quelque mois après avoir relu le classique de Flaubert.
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Sous d'autres formes nous reviendrons

Alors que nous nous remettons à peine de “La maison indigène” ( 2020, Actes Sud), l’auteur de Livre XIX, Chair électrique, Bunker anatomie, CosmoZ ou encore Tous les diamants du ciel ( liste très loin d’être exhaustive) revient avec deux tritres en 2022. Il y a tout d’abord « Amour laine » ( Les petites Allées éditions) pour dire une photographie de Marc Donikian, et puis au Seuil débarque « Sous d’autres formes nous reviendrons ».



Dans son nouveau livre Claro part du 17 février 1497, d’un coté le moine Savonarole, qui à Florence met au bûcher tout ce qui s’apparente à un symbole de richesse, ici brûle « poudres jaunes et sèches, fards aux tons pastel, pommades et onguents portant encore traces de doigt, peignes d’ivoire entre les dents desquels luisent quelques pois vénitiens arrachés à de clairs pubis, miroirs piqués, voilés, dentelles, étoles guipures, squelettes de percale, tanagras craquelés, globes de cristal plus fragiles que la plus fragile corné, incunables au cuir fendu, almanachs obscènes, libelles orduriers,gravures aux chairs roses, robes de bal aux manches épileptiques, jupons ajourés par le feu troussés, tibias percés des flûtes où siffle un faux parcelet, boyaux des cordes claquant au creux des braises, tableautins offensants, coupes agrémentées de putti replets, ciboires naguère consacrés au sang vicié des vignes, éventails satinés, gants de soie,… » Pendant que le même jour Josquin des Prés compose un lamento à cinq voix, une « Déploration » à la mémoire de son mentor Johan Ockecghem sur un poème de Molinet, « Nymphes des bois ».



Partant de ses deux versants de la même date, Claro va brasser des moments clés, des histoires, des lieux, des personnages pour mettre en opposition la vacuité inhérente à chacun que nous tentons invariablement de remplir par ce que l’on crée et la fatalité mortifère qu’est la fin de vie.



Ainsi l’auteur, par son récit dit l’impossible, tend à quérir l’alchimie qui se refuse au vivant, en tentant de s’affranchir de la mort par l’écriture. Ici le corps se meurt, l’esprit s’évapore mais les mots, et par son truchement la pensée, reste, ad vitam, l’empreinte qui légifère sur ce dogme qu’est la mortalité intrinsèque au vivant.



« ::: mort-vivant écrivant me voici en équilibre, autre moi-même gris et noir tour à tour entier et sécable, tenaillé entre tronc-oui et écorce-non, face à mon dos et dos à ma face, en état de mi-néant, »



L’auteur dit, écrit, dépose dans ses mots, et ceux empruntés à ses pairs l’apparente vanité de créer, si ce n’est cette nécessité vitale, cette urgence, de remplacer la vacuité par autre chose, un bout de soi, de son histoire, des histoires et de cette étincelle qui électrise le champ de possibles.



Mais au-delà de ce que l’auteur dit, il y a ce que le lecteur prend et lit. S’aventurer dans ” Sous d’autres formes nous reviendrons c’ est accepter de plonger dans les cercles de la création avec Claro en Virgile, c’est accepter de se laisser balader et recevoir sans filtre les images et sensations que nous transmet l’auteur. Puis c’est cette sensation, ce moment qui suit une expérience forte, cet état, celui de n’être plus comme avant. Ici, le texte laisse sa griffe, marque en profondeur et interroge individuellement notre rapport aux vanités, à la vacuité et au besoin de créer avant la fin.



Passionnant, fin et érudit, ” Sous d’autres formes nous reviendrons” est un texte fascinant regorgeant de détails, de sens de la formule imparable et d’une poésie douce amer poignante portant en elle une envie de transcender le cadre du livre. Prenons le pari, lisez des passages à haute voix, écoutez les mots prendre leurs places dans l’espace, ce texte est bel et bien vivant et habité.



Tentez l’expérience de Claro, lisez ” Sous d’autres formes nous reviendrons” à coup sûr ce texte vous marquera autant par le fond que par la forme.



Beaucoup de choses plus pertinentes ont été dites sur son dernier roman, pour avoir une analyse complémentaire et plus complète je vous invite à lire l’excellent article d’Hugues Robert ici, et celui Mathieu Jung juste là.
Lien : https://www.undernierlivre.n..
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Graciano & Co

Graciano & Co est un ouvrage pluriel paru entre le Soufi et Johanne, en 2022. Il s'ouvre d'ailleurs par un extrait inédit qui retrace un évènement imaginaire de la vie de Jeanne d'Arc. Vient ensuite un entretien puis diverses critiques générales de l’œuvre de l'auteur.

C'est donc au choix soit un très bonne introduction aux textes si spéciaux de Marc Graciano, soit un complément pour ceux qui l'aiment déjà et connaissent son style inimitable et si inhabituel dans la littérature contemporaine.



L'extrait qui occupe la moitié de l'ouvrage est à l'image des autres textes de Graciano ; rythmé par une langue riche, vivante, martelée, précise, ancrée dans le réel par des mots techniques et anciens, mystique aussi, ouverte aux interprétations, ancrée dans la nature et un opaysage, les arbres, l'humus.



L'entretien éclaire un peu les influences de l'auteur, sa volonté, ses peurs, ses passions, sa volonté en tant qu'artiste, ce qu'il aime et aime moins... On retrouve un homme très cohérent avec son œuvre, je trouve !



Et enfin les quelques critiques qui clôturent le livre offre d'autres regards, d'autres expériences autour des livres de Graciano que je ne peux qu'encourager tout le monde à lire...
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Douze et amères : Nouvelles noires

Le meilleur dans ce recueil de nouvelles est sans doute le titres.

Il y a du bon, du moins bon et même du caricatural, surtout dans un des récits intitulé seul contre les huns.

Pourtant, nombre des auteurs ici présents n’en sont pas à leur coup d’essai ; peut être est-ce la formule qui ne correspond pas ?



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Sous d'autres formes nous reviendrons

Dérivé de la phrase d'ouverture du Livre de l'Ecclésiaste de l'Ancien Testament, Vanitas vanitatum et omnia vanitas (Vanité des vanités, et tout est vanité), souvent associé à la locution Memento mori (Souviens-toi que tu vas mourir), le terme vanité nous rappelle l’éphémère condition de l’existence. Parfois prétexte à de sévères positions moralisatrices dont on peut trouver un paroxysme dans le bûcher des vanités du moine Savonarole au XVe siècle, le thème a aussi de tout temps obsédé la création artistique, en particulier la littérature.





Nous entraînant, entre fascination et répulsion, des corps pétrifiés de Pompéi aux stupéfiants lithopédions - ces fœtus extra-utérins calcifiés dans le ventre maternel faute d’un terme possible à la grossesse - , des théâtres anatomiques aux peintures de vanités flamandes, enfin du film d’épouvante La Momie de Karl Freund à l’inconcevable mort de son père, Claro s’en empare à son tour, dans une exploration de notre rapport à la mort et de son influence sur l’écriture, en particulier la poésie.





De cette méditation résulte une mélopée en quatre longs couplets, se concluant chacun par leur « précipité », soit une suite obsédante de mots clés qui semblent le fruit d’une écriture automatique. Scandée sur un rythme poétique où les strophes déferlent en une vaste respiration, la prose s’écoule telle une rivière en une phrase unique, sans majuscule initiale ni point final, créant sa propre ponctuation comme pour mieux simuler cet infini passage de la vie dont chaque homme n’est qu’un maillon. Et comme il réinvente - à point on ne peut plus nommé - le jeu surréaliste du cadavre exquis en mêlant à sa logorrhée les vers d’innombrables de ses prédécesseurs, sa propre voix semble se fondre dans la clameur déploratoire de tous ces poètes depuis longtemps retournés à la poussière, avant que d’autres ne viennent à l’infini prendre le relais.





Indéniable et géniale prouesse littéraire, cet ouvrage bluffant que l’on se plaît à imaginer déclamé sur une scène de théâtre - en compatissant volontiers pour la mémoire du récitant -, nécessite aussi quelque effort côté lecture. Très peu conventionnel, parfois même assez hermétique, il pourra séduire autant que rebuter, mais n'en restera pas moins une expérience littéraire de qualité.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Abattre son jeu

Pourquoi ne verra-t-on jamais Claro manger avec Yann Moix à la table de Grasset?

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Car il compile ici les articles de feu son blog. Il nous rassure d'emblée, ils ont été retravaillés et il y a joint quelques nouveautés, pour un tout bien senti et grinçant et tout en se prenant allégrement à certain.es agaçant.es dont l'imbuvable susmentionné...

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On se délecte de ces textes courts, qui aborde création, édition, fabrication, réception, critique et même le marketing d'une oeuvre. Bien sûr les billets concernant les auteurs que l'on ne connait pas sont vite oubliés mais pour le reste les traits d'esprit du romancier-poète-traducteur font carrément mouche. Pour moi, le meilleur reste la comparaison du lecteur au caviste parce que après tout boire, manger et lire, il n'y a que ça de vrai!
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Animal errant, retour d'abattoir

Dans ce vaste recueil en deux temps (I. animal errant, II. retour d’abattoir), «autoportrait au couteau», on déambule dans un royaume d’enfance hantée, écoutant cet «écorché niché dans sa couche de chair» égrainer ce qui pourrit («fermente») autour, le passé, la joie, l’amour, les cadavres, leur sang. Tout ce qu’il mouline dans son «gai hachoir» en ressort plus intense et plus beau.
Lien : https://www.liberation.fr/cu..
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