Qui déteste ce monde
se doit d'aimer
les fleurs de chardon
Couchant d'automne-
la solitude aussi
est une joie
( Buson)
Les Japonais sont respectueux de tous les cultes, quels qu'ils soient, et ont gardé un sens du rituel qui fait souvent défaut dans les pays développés. Plus que des religions, bouddhisme et shintoïsme sont des modes d'être inscrits de longue date dans les mentalités. Au moment de l'introduction du bouddhisme sur l'Archipel, au sixième siècle, via la Corée, les notions d'impermanence et d'interdépendance des phénomènes du vivant ont dû s'intégrer sans mal au fonds antérieur de croyances animistes et chamaniques qui considèrent l'être humain à égalité avec les autres formes de vie, inscrit comme elles dans le grand cycle de la nature. Pour se distinguer de cette nouvelle religion, les anciennes croyances présentes depuis de nombreux siècles sont regroupées un peu plus tard sous le nom de shinto ("voie des kami"). Loin, bien loin du monothéisme et de la notion d'un dieu créateur transcendant, l'âme japonaise est vouée à l'immanence d'un "moi" peu défini, qui se confond avec son environnement. La langue même en porte la marque : le sujet n'est pas obligatoire dans la phrase japonaise, d'où le "je" est souvent absent. Une scène peut être décrite comme existant par elle-même, sans aucun sujet : à partir du réel lui-même, non à partir d'un témoin central tout-puissant, comme dans les langues occidentales.
Eté dans la réserve-
serrés au fond des livres
les mots des auteurs morts
Terayama Shûji
Couvert de papillons
l'arbre mort
est en fleurs !
Kobayashi Issa
Au point du jour
en tourbillons de brume
la voix de la cloche
Matsuo Bashô
Respirer ?
c'est aspirer toutes les voix
des cigales du soir
Kaneko Tôta
Le couchant du printemps
marche
sur la queue du faisan
Yosa Buson
Papillon voltige
dans un monde
sans espoir
Kobayashi Issa
Sur la pointe d’une herbe
devant l’infini du ciel
une fourmi
Ozaki Hôsai
Fût-ce en mille éclats
elle est toujours là,
la lune dans l'eau !
Ueda Chôshû
La lune de ce soir_
Impensable
Qu'elle soit la seule
Ôshima Ryôta
Couvert de papillons
L'arbre mort
Est en fleurs!
Issa
Des îles
des pins sur les îles
et le bruit frais du vent
(Masaoka Shiki)
Jour de printemps —
une seule flaque
retient le couchant
(Kobayashi Issa)
Sur les champs des hauteurs
les épouvantails
se coiffent d'un nuage
Masaoka Shiki
Au milieu de la casserole
parmi les patates-
le clair de lune
Morikawa Kyoroku
Sous les fleurs du cerisier
grouille et fourmille
l'humanité
Kobayashi Issa
L'été arrive
avec ses breloques
en forme de coquillages
Mayuzumi Madoka
On vieillit —
même la longueur du jour
est source de larmes
- Kobayashi Issa