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Citations de Daniel Adam Mendelsohn (214)


Quand j'étais enfant, à l'école du dimanche, j'étais secrètement déçu et vaguement gêné par le fait que les Juifs de l'Antiquité étaient toujours opprimés, perdaient toujours les batailles contre les autres nations, plus puissantes et plus grandes; et lorsque la situation internationale était relativement ordinaire, ils étaient transformés en victimes et châtiés par leur dieu sombre et impossible à apaiser.
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Il est impossible de prier pour les morts si vous ne connaissez pas leurs noms.
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Quand j’étais petit, je regardais le père de mon père et puis je regardais le père de ma mère, et le contraste entre les deux est à l’origine de la formation, dans mon esprit d’enfant, d’une sorte de liste. Dans une colonne, il y avait ceci : Jaeger, judaïté, Europe, langues, histoires. Dans l’autre, il y avait ceci : Mendelsohn, athées, Amérique, anglais, silence. Je comparais et j’opposais ces colonnes, lorsque j’étais bien plus jeune et, même alors, je me demandais quel genre de présent on pouvait avoir sans connaître les histoires de son passé.
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La grande ode aux voyages, donc, aux navigations et aux périples s’ouvre sur des personnages figés sur place. Cette étrange paralysie qui s’est abattue sur Ithaque pose aussi une série de questions qui sont, fondamentalement, d’ordre littéraire. Comment amorcer un poème ? Où débute l’histoire ? Comment tourner la page du passé pour ouvrir sur le présent ?
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Le proème est indispensable à l’épopée, car il nous donne l’assurance, au moment où nous nous embarquons sur ce qui ressemble à un vaste océan de mots, que cette étendue n’est pas un « vide informe » (tel celui sur lequel s’ouvre un autre grand récit fondateur, la Genèse), mais un parcours, un chemin qui nous mènera à un endroit qui vaut le voyage.
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C'était pendant que j'étais en train de penser à cette histoire d'imagination, d'extraction d'une histoire à partir de la chose de la plus petite, la plus concrète, que je me suis aperçu que Malcia et Shlomo, après notre énorme déjeuner, se souvenaient de certains aliments qu'ils avaient l'habitude de cuisiner autrefois et que de moins en moins de gens savaient cuisiner. Ah ! Bulbowenik ! s''est exclamé Schlomo. Shumek faisait rouler ses yeux en signe d'approbation et les deux autres se lançaient dans une explication pour que je comprenne ce que c'était : un plat de pommes de terre râpées et d'oeufs cuits au four et ...
[...]
Macha m'a emmené dans la cuisine pour que je puisse la regarder faire. Nous avons râpé des pommes de terre, nous avons battu des oeufs, nous avons tout mis dans un plat à gratin. Nous avons laissé cuire pendant quarante-cinq minutes. Nous l'avons laissé sorti du four pour le laisser refroidir. [...] Je me suis assis à la table et j'ai mangé. C'était délicieux. Malcia était aux anges. C'est un vrai plat de Bolechow ! a-t-elle dit.
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il y a une plaisanterie que les gens de cette partie de l'Europe de l'Est aiment raconter, qui explique un peu pourquoi les prononciations et l'orthographe ne cessent de changer : c'est l'histoire d'un type qui est né en Autriche, qui est allé à l'école en Pologne, qui a eu des enfants en Union Soviétique, et qui meurt en Ukraine. Pendant tout ce temps, dit la plaisanterie, il n'a jamais quitté son village.
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C’était pour sauver mes parents des généralités, des symboles, des abréviations, pour leur rendre leur particularité et leur caractère distinctif, que je m’étais lancé dans ce voyage étrange et ardu. Tués par les nazis - oui, mais par qui exactement ? Effroyable ironie d’Auschwitz - je m’en suis aperçu en traversant les salles remplies de cheveux humains, de prothèses, de lunettes, de bagages destinés à ne plus aller nulle part -, l’étendue de ce qui est montré est tellement gigantesque que le collectif et l’anonyme, l’envergure du crime, sont constamment et paradoxalement affirmés aux dépens de toute perception de la vie individuelle.
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Schmiel, of course, we know a little by this point. Indeed, after talking to Jack and the others I feel I can envision him quite clearly, for instance, on that day in the 1930's when one of the pictures I know so well was taken : walking through the centre of town (…), there, he is, walking through the Ringplatz (…). So, I can see him in my mind's eye, wearing a suite like that (…). There he is, tall, prosperous, a tiny bit self-important, perhaps. There he is, then, walking, being a big shot, a man who liked to be noticed, who enjoys being a somebody in the town, a person who very likely thought, until the very end, that returning to Bolechow from New-York was the best decision he'd ever made.
Later on things became difficult, and to this difficult period belongs the Shmiel of the letters, a vivid if perhaps slightly less appealing figure than the earlier, more grandious figure, a middle-aged and prematurely white-haired businessman and the brother, cousin, mishpuchah to his many correspondents in New-York, with whom he was reduced, as time went on, to pleading, hectoring, cajoling rather desperately and, it must be said, a little pathetically as he tried to find a way to preserve his family or, indeed, even a small part of it, the children, even one daughter, the dear Lorka. (Why her ? Because she was the oldest ? Because she was the favorite ? Impossible to know now.)
Still, at least, it's possible to hear Shmiel's voice, through the letters. Of Ester very little remains, now. (…)
Having now talked to every person still alive who had the opportunity to see and know Aunt Ester, I can report that almost nothing is left of this woman, apart form a handful of snapshots and the fact that she was very warm and friendly. (A woman, I can't help thinking as I contemplate the annihilation of her life – annihilation may seem at first excessive, but I merely use it here in its fullest etymological sense, to reduce to nothing – who would, in the normal course of things, (…) have died of say, (…) at the age of seventy-seven, although that is impossible to imagine, because she died so young and so long ago that she seems to belong wholly to the past, seems to have no claim on the present. And yet there's no reason, apart from the obvious one, that she should'nt have been someone I knew, someone like all those other mysterious old people who'd appear at family events when I was growing up ; just as the four girls, who will always be young, ought to have been the middle-aged “Polish cousins” whom we'd have visited in, say, the mid 1970's, my siblings and I, some summer. When I mentioned this strange notion to my brother Andrew, he paused for a moment and said, Yeah, it makes you realize that the Holocaust wasn't something that simply happened, but is an event that's still happening.
(page 230)
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C'était seulement en écoutant Jack Greene que j'ai compris que j'étais à la recherche de la mauvaise histoire - l'histoire de la façon dont ils étaient morts, plutôt que celle dont ils avaient vécu. Les circonstances particulières des vies qu'ils avaient vécues étaient, inévitablement, les choses impossibles à mémoriser qui font la vie de chacun. C'est seulement lorsque la vie quotidienne prend fin - quand le fait de savoir que vous allez mourir dans trois mois plutôt que le lendemain ressemble à une oasis de "sécurité" - que de tels détails perdus paraissent avoir été rares et beaux. L'histoire réelle, c'était le fait qu'ils avaient été des gens ordinaires, qu'ils avaient vécu et qu'ils étaient morts, comme tant d'autres. Et une fois de plus, nous avons appris qu'il existe encore, chose surprenante, beaucoup plus de preuves de ces vies et de ces morts ordinaires que vous ne l'aviez imaginé au départ.
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Le désir est un mouvement plutôt qu'un lieu. Mais, plus encore, le souvenir de cette longue poursuite, dont la fin était indiscernable du début, dit un certain type de rapport au monde : l'expérience rejetée au profit du souvenir, le centre rejeté au profit de la marge. Un sens du beau planant tout juste hors de votre portée, que vous puissiez considérer, auquel vous puissiez réfléchir. La réflexion devient, à sa façon, une autre forme de possession.
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Les tombes, les sites funéraires, les mémoriaux et les monuments sont inutiles aux morts mais signifient beaucoup pour les vivants
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Quoi qu’il en fût, je me sentais vidé, tant de mes émotions que de ma créativité. Chaque fois que j’essayais d’amorcer un nouveau projet, j’avais l’impression d’être devenu l’un de ces vieux témoins ou survivants sur lesquels j’avais écrit ; un vagabond désœuvré, enfin arrivé dans un nouvel endroit vierge, incapable de poursuivre son chemin.
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En dépit de la diversité des cultures nationales analysées chapitre après chapitre [de "Mimésis"] dans leurs plus infimes détails, en dépit de la spécificité des contextes permettant de comprendre et d'analyser les littératures de ces cultures, Auerbach part du principe que certaines réalités sont, en fin de compte, communes à tous les humains. Il y a un "destin commun", résultat d'un "arrière-plan divers", comme il l'écrivit dans un article quelques années avant de s'éteindre dans une maison de retraite des environs de New Haven (Connecticut), dernière de ses nombreuses destinations. C'était là un concept auquel il s'accrochait avec une ténacité qui ne peut que nous paraître poignante, au vu de l'histoire particulière de sa propre époque.
p. 63
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Pour le bénéfice de qui, exactement, suis-je en train de chercher désespérément cette totalité ? Les morts n’ont pas besoin d’histoires : c’est le fantasme des vivants qui, à la différence des morts, se sentent coupables.
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Pas étonnant que les Grecs aient pensé que peu de fils sont l'égal de leur père ; que la plupart en sont indignes, et trop rares ceux qui le surpassent. Ce n'est pas une question de valeur; c'est une question de savoir. Le père sait tout du fils tandis que le fils ne peut jamais connaître le père.
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"Qui sait vraiment quel père l'a engendré ? " demande amèrement Télémaque dès le début de l'Odyssée. Qui le sait, en effet? Nos parents sont, à bien des égards, mystérieux, plus mystérieux que nous ne le serons jamais pour eux.
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Dans l'Iliade, qui est un poème sur la guerre, des héros meurent tout le temps, mais ils y sont prêts pourvu que leur héroïsme sur le champ de bataille leur apporte une renommée glorieuse ... Alors que l'Odyssée, poursuivis-je, est un poème sur un monde de l'après-guerre. Il se déroule au lendemain d'un conflit, et ce qu'il explore, entre autres, c'est ce à quoi pourrait ressembler un héros une fois qu'il n'y a plus de combat à livrer. Ulysse, bien qu'étant un guerrier respecté, est surtout connu pour ses stratagèmes, son génie intellectuel. Achille meurt, mais Ulysse survit. Une des questions que pose l'Odyssée est de savoir à quoi pourrait ressembler l'héroïsme de la survie.

p. 176
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Parmi ces gens, il y en avait certains qui pleuraient lorsqu'ils me voyaient. J'entrais dans la pièce et ils me regardaient (des femmes, pour la plupart), et elles portaient leurs mains tordues, avec ces bagues et ces nœuds déformés, gonflés et durs comme ceux d'un arbre qu'étaient leurs phalanges, elles portaient ces mains sur leurs joues desséchées et disaient, d'une voix un peu essoufflée et dramatique, Oy, er zett oys zeyzr eynlikh tzu Shmiel !
Oh, comme il ressemble à Shmiel !
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La littérature, dont l'interprétation passe aux yeux de bien des gens pour un exercice subjectif, vague, ouvert à tous les points de vue, était pour les premiers philologues un objet d'étude pareil à tout autre objet d'étude scientifique : la pesanteur, les plantes, les étoiles. Pour comprendre le sens d'un texte littéraire, il fallait en maîtriser les différentes composantes, de la même façon qu'il fallait maîtriser l'addition, la trigonométrie ou le calcul infinitésimal pour prétendre aborder les mathématiques ; ces composantes étant, dans le cas de la littérature, non seulement la langue dans laquelle le texte était écrit, sa grammaire, sa syntaxe et son lexique, mais aussi l'Histoire, la religion, la sociologie et le système politique de la civilisation qui avait produit le texte.
p. 58
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