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Citations de Daniel Adam Mendelsohn (214)


Il essaie de voir les choses dans leur complexité, se méfie des généralisations, tout comme j'aime regarder les problèmes à travers la lunette de la tragédie grecque qui nous apprend, entre autres, que la véritable tragédie n'est jamais une confrontation directe entre le Bien et le Mal, mais plutôt, de façon plus exquise et plus douloureuse à la fois, un conflit entre deux conceptions du monde irréconciliables.
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Mon désir de posséder un tel récit n’était pas très différent du désir qu’avait mon grand-père de croire aux histoires du voisin juif ou de la bonne polonaise. Les deux étaient motivés par un besoin de croire à une histoire qui, aussi horrible fût-elle, donnait un sens à leurs morts – qui ferait qu’ils seraient morts de « quelque chose ». Jack Greene m’a dit autre chose, ce soir-là : ses propres parents, comme Shmiel, avaient espéré pouvoir mettre leur famille à l’abri, obtenir des visas ; mais, en 1939, la liste d’attente pour obtenir des papiers était de six ans (et six ans plus tard, tout le monde était mort, a-t-il ajouté). Comme je suis quelqu’un de sentimental, j’aimerais croire – nous ne le saurons jamais, bien sûr – que mon grand-père, ses frères et ses sœurs, ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour Shmiel et sa famille. Ce que nous savons, au moins, c’est que, en 1939, rien de ce qu’ils auraient pu faire n’aurait pu les sauver.
Pendant tout notre voyage, j’avais été déçu parce que aucune des histoires dont j’avais entendu parler n’était confirmée par ce que nous pouvions entendre et voir ; pendant tout le voyage, j’avais désiré un récit passionnant. C’était seulement en écoutant Jack Greene que j’ai compris que j’étais à la recherche de la mauvaise histoire – l’histoire de la façon dont ils étaient morts, plutôt que celle dont ils avaient vécu.
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Alors que nous passions devant la Zeremonienhalle, qui était, je ne me rendais pas compte alors, une reconstruction, une restauration d'un édifice qui avait été incendié le soir du 8 novembre 1938, et marchions en direction des tombes proprement dites, le panorama qui nous a accueilli était celui d'un grand vide. Car de ce vaste terrain qui avait été acheté par les Juifs de Vienne dans les années 1920 pour la nouvelle section du cimetière, une fois que l'ancienne section avait été surpeuplée par les morts de cette florissante communauté, seule une petite portion était occupée par les tombes. A côté de ces tombes (presque aucune d'entre elles, avons-nous remarqué en y circulant, ne porte de dates postérieures au début des années 1930), se déployait une vaste prairie vide. Nous l'avons regardée fixement pendant un moment, avant de comprendre que la Nouvelle Section juive était en grande partie vide parce que tous les Juifs qui auraient dû être enterrés là, selon le cours normal des choses, étaient morts dans des circonstances qu'ils n'avaient pas prévues et s'ils avaient été enterrés, l'avaient été dans d'autres tombes moins élégantes qu'ils n'avaient pas choisies. [...] J'avais passé pas mal de temps dans les cimetières, mais il ne m'était pourtant jamais venu à l'esprit, avant cet après-midi dans le Zentralfriedhof, que les cimetières, eux aussi, pouvaient être vidés de leur vie.
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Ce que je sais à présent, c'est ceci : il y a tant de choses que vous ne voyez pas vraiment, préoccupé comme vous l'êtes de vivre tout simplement ; tant de choses que vous ne remarquez pas, jusqu'au moment où, soudain, pour une raison quelconque - vous ressemblez à quelqu'un qui est mort depuis longtemps ; vous décidez tout à coup qu'il est important de faire savoir à vos enfants d'où ils viennent -, vous avez besoin de l'information que les gens que vous connaissiez autrefois devaient toujours vous donner, si seulement vous l'aviez demandée. Mais au moment où vous pensez à le faire, il est trop tard.
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Alors qu'Alex traduisait le récit de Pyotr de la marche vers la mort de ses voisins, je me suis souvenu du timbre exact de la voix de mon grand-père au téléphone quad il disait "Adieu" : ce "a" à peine soufflé des Juifs polonais, cette prononciation qui a aujourd'hui presque disparu de la terre. Mais ce n'est pas pour cette raison que ces adieux angoissés sont restés gravés dans mon esprit et ont constitué les détails les plus horribles de tous ceux que nous avons entendus ce jours-là. C'est seulement plus tard, après mon retour aux Etats-Unis que je me suis aperçu que cet unique détail reliait ce que nous avions entendu à Bolechow, ce jour-là, le jour dont tout allait dépendre, à quelque chose dont je m'étais souvenu dans les lettres de Shmiel : l'adieu à la fois conscient et impensable .

Je vous dis adieu et je vous embrasse de tout mon cœur.

Adieu, nous ne nous reverrons plus jamais.

C'est un fait bien établi que la plupart des actes de sauvagerie les plus violents perpétrés contres les Juifs de l'Europe de l'Est l'ont été, non par les Allemands eux-mêmes, mais par les populations locales de Polonais, d'Ukrainiens, de Lituaniens, de Latviens - par les voisins, les intimes, avec qui les Juifs avaient vécu côte à côte pendant des siècles jusqu'à ce qu'un délicat mécanisme se grippe et qu'ils se retournent contre eux.

Page 168
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Tom pose la question "pourquoi votre père suit ce cours"?


Notre chambre était donc devenue son bureau. PROF. JAY MENDELSOHN, annonçait la plaque en plastique blanc sur la porte.
Je l'imaginais mal dans son rôle d'enseignant. Je voyais très bien ma mère en institutrice, à l'époque où elle enseignait en maternelle et en primaire, dans les années 1950, d'abord, peu après leur mariage, puis après vingt années d'intermède, quand elle a eu fini de nous élever, dans les années 1980 et 1990. Maman était exubérante, vive, pleine d'entrain et intelligente ; tout le monde disait qu'elle était faite pour enseigner. Avec mes frères et sœur, nous avons d'ailleurs profité de son instinct pédagogique même si, à l'époque, nous ne l'appréciions pas à sa juste valeur : quand nous rentrions de l'école, l'après-midi, nous trouvions sur la table de la cuisine une rose dans un soliflore, ou une orange soigneusement coupée en deux, ou un poivron vert, et elle nous faisait asseoir autour de la table et disait : Regardez mes enfants comme la nature est merveilleuse ! Admirez cette géométrie parfaite des pétales, des tranches, des cosses !........

Mais j'étais totalement incapable de me figurer mon père devant une classe. Je repensais à l'œil qu'il posait sur les exercices et les interros de maths que je rapportais à la maison, sur les X rouges griffonnés en marge, comme une broderie furieuse festonnant le côté du papier, et j'en étais réduit à me demander quel genre d'enseignant PROF. JAY MENDELSOHN avait pu être.
Et maintenant, en ce premier jour du séminaire sur l'Odyssée, il était assis dans ma classe la main en l'air.

"Effectivement, je suis son père" di-il!

Je suis le cours de Dan (quelques étudiants s'amusèrent à l'entendre m'appeler par mon prénom) parce que j'ai eu envie de relire les Classiques que j'avais lu au lycée. C'était pendant la Seconde Guerre mondiale, dans les années 1940.
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L'intimité peut conduire à des émotions autres que l'amour. Ce sont ceux qui ont été trop intimes avec vous, vécu trop près de vous, vu trop de votre douleur ou de votre envie ou, peut-être plus encore, de votre honte, que vous pouvez, au moment crucial, facilement rompre, exiler, exclure, tuer.
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La véritable tragédie n'est jamais une confrontation directe entre le Bien et le Mal, mais plutôt, de façon plus exquise et plus douloureuse à la fois, un conflit entre deux conceptions du monde irréconciliables.
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Lorsque j’étais bien plus jeune et, même alors, je me demandais quel genre de présent on pouvait avoir sans connaître les histoires de son passé.
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Chez Anna - à Tel Aviv - page 382

Je lui ai dit que nous avions appris de Jack Greene que Ciszko Szymanski avait été exécuté pour avoir essayé d'aider Frydka. Elle a parfaitement compris ce que je disais, parce que avant même que j'aie fini de parler, elle m'a regardé en disant en yiddish, Oui, c'est ce que j'ai entendu dire.

C'est à ce moment-là qu'elle s'est penchée au-dessus de la table basse, comme une femme qui voudrait confier un cancan à une amie, et qu'elle a parlé très rapidement. La tension entre l'intimité de son geste et le fait d'avoir à attendre la traduction de Schlomo m'a frappé comme quelque chose de significatif : ça m'a paru être un symbole de tout ce que je ressentais ce jour-là - l'étrangeté d'avoir à intégrer, d'un coup, des distances impossibles de temps, de langues et de mémoires, à l'immédiateté et à la vivacité des fragments, très brefs mais émouvants, que j'entendais sur mes parents morts depuis longtemps. "Viens prendre des fraises ! Il était sourd ! Un papillon".

Schlomo écoutait ce qu'Anna disait, penchée vers moi dans ce mouvement de confidence, et il s'est ensuite adressé à moi.
Elle a dit que lorsqu'ils se sont fait prendre, Ciszko a déclaré ; "Si vous la tuez, alors vous devriez me tuer aussi.

Pendant un instant plus personne n'a rien dit. Je savais, bien entendu, que Frydka avait inspiré bien plus qu'une amourette. Ce garçon a payé de sa vie pour ça, avait dit Jack à Sydney. Mais c'était vraiment quelque chose que d'entendre à présent la ferveur, la bravade juvénile, des derniers mots de ce garçon. Si vous la tuez, alors vous devriez me tuer aussi! Et ils l'ont tué. Là-dessus, tout le monde était d'accord même s'il allait me falloir encore deux ans pour découvrir comment exactement.

Ndl : Ciszko et Frydka s'aimaient, lui n'était pas Juif!
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Il y a, par conséquent, une liaison complexe entre les actes de création, les actes de destruction et les actes de rétablissement dans la Genèse, suggérant que ces actes distincts, apparemment opposés, sont en fait pris dans une boucle intriquée et infinie.
Cette interconnexion suggère à son tour un autre point, plus important, dont le texte veut nous rendre conscients. Car si Noah était simplement un récit d'annihilation totale - destruction sans survivants, sans une nouvelle "création" - nous y perdrions rapidement tout intérêt : c'est l'existence de ces quelques survivants qui nous aide, ironiquement , à apprécier l'étendue de la destruction. Inversement, pour apprécier le caractère précieux des vies qui ont été sauvées, il est nécessaire d'avoir une compréhension approfondie de l'horreur à laquelle, ils ont si miraculeusement échappé.

page 203

Ndl : Je trouve très intéressant la manière dont l'auteur met en parallèle sa quête avec la les passages de la Bible hébraïque. Cette exégèse qui se base sur l'Hébreu et sur deux illustres commentateurs, Rachi et Friedman, interpelle et est riche de réflexion.
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Personne n'a jamais écrit de tragédie sur Ismène, la sœur d'Antigone – celle qui conseillait la prudence, celle qui a survécu. Comment serait-il possible ? La tragédie aime les extrêmes. Elle célèbre la beauté vertigineuse de la destruction totale. […] C'est de la beauté de la jeunesse sacrifiée que nous nous souvenons en sortant du théâtre, la beauté de ceux pour qui il n'y avait au bout du compte pas d'autre possibilité que la mort, que le renoncement à la vie pour son contraire. Le compromis ne peut être tragique ; il ne laisse rien derrière lui dont on puisse se souvenir. Les Athéniens, dans leurs éloges des morts au combat, parlaient d'une chose appelée « thanatos kalos », « la belle mort » – une mort qui est belle notamment parce qu'elle vous préserve dans la mémoire, dans l'oraison par laquelle on se souvient de vous, comme potentiel pur, de telle sorte que votre mort devient d'une certaine manière un moyen de garder la beauté intacte, elle devient un monument à elle-même. Dans « Antigone », si l’héroïne peut aller à son exécution en chantant qu'elle est une « épouse d'Hadès », une « épouse de la mort », c'est parce que, eût-elle choisi de vivre, de se marier, de devenir une épouse, il n'y aurait pas d'histoire à raconter, rien à célébrer, rien à chanter. Le quotidien est anathème pour la tragédie. C'est à partir de l'autodestruction, de l'échec, du manque et de la dévastation que la tragédie construit le beau monument qu'elle est elle-même.
Nous allons voir des tragédies parce que nous avons honte de nos compromis, parce que nous trouvons dans la tragédie la beauté pure de l'absolu, une beauté qu'on ne peut avoir si on choisit de vivre. On ne peut faire une tragédie de la survie. On ne peut écrire une tragédie sur Ismène (J'ai lu, 2018 : pp. 219, 222-223).
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C'est cet échec arbitraire à comprendre Sodome dans son contexte, en tant que métropole ancienne du Proche-Orient, en tant que lieu de plaisirs sophistiqués et même décadents, de beautés hyper-civilisées, qui aboutit à cette incapacité du commentateur à saisir la véritable signification des deux éléments cruciaux de cette histoire : le commandement de l'ange à la famille de Lot de ne pas se retourner vers la ville qu'ils fuient et la transformation de la femme de Lot en statue de sel. Car si vous voyez en Sodome quelque chose de beau – qui le paraîtra encore plus, sans aucun doute, du fait qu'il faut l'abandonner et la perdre à jamais, précisément de la même manière que des parents morts sont toujours plus beaux et meilleurs que ceux qui sont encore en vie –, alors il me paraît clair que Lot et sa famille reçoivent l'ordre de ne pas regarder en arrière non comme une punition mais pour une raison pratique : parce que le regret pour ce que nous avons perdu, pour les passés que nous devons abandonner, empoisonne parfois toute tentative pour commencer une vie nouvelle, ce qui est ce qui attend Lot et sa famille, tout comme l'avaient fait Noé et sa famille, et comme doivent le faire d'une manière ou d'une autre tous ceux qui ont survécu à d'horribles annihilations. Cette explication, à son tour, permet d'expliquer la forme prise par le châtiment de la femme de Lot – si c'est bien un châtiment, ce que je ne crois pas personnellement, dans la mesure où, selon moi, cela ressemble beaucoup plus à un processus naturel, à l'expression inévitable de sa personnalité. Pour ceux qui sont contraints par leur nature de regarder toujours en direction de ce qui est passé, plutôt que vers l'avenir, le grand danger, ce sont les larmes, les sanglots impossible à contenir dont les Grecs, sinon l'auteur de la Genèse, savaient qu'ils n'étaient pas seulement une douleur mais aussi un plaisir narcotique : une contemplation endeuillée et cristalline, si pure, qu'elle peut finalement vous immobiliser.

Quatrième partie : « Lech Lecha, ou En avant ! (juin 2003-février 2004) », 4. « Chez soi de nouveau (un faux dénouement) », pp. 808-809.
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Danemark - Copenhague

Comme nous étions dans cette ville pour un séjour très bref, comme nous avons passé presque tout notre temps avec Adam et Alena, nous ne pouvons vous dire que très peu de choses à propos de Copenhague, ce qui est, je trouve, un peu honteux dans la mesure où le Danemark est le seul pays parmi les nations de l'Europe continentale à avoir opposé une résistance paisible, mais remarquablement efficace, aux politiques antijuives des nazis , l'exemple le plus spectaculaire étant le passage clandestin et réussi, en une nuit, de presque tous les huit milles Juifs du pays dans des petits bateaux jusqu'à la Suède avec (selon le livre que j'ai consulté) seulement quatre cent soixante-quatre Juifs déportés à Theresienstadt, un endroit que j'ai eu le temps de visiter. Quatre cent soixante-quatre Juifs sur huit mille, cela signifie que six pour cent des Juifs du Danemark ont péri dans l'Holocauste, ce qui, même si cela peut paraître un chiffre cruellement élevé, pâlit, en termes purement statistiques, en comparaison des chiffres qu'il faut calculer pour un endroit comme, disons, Bolechow, où sur les six mille Juifs - à peine moins que la population juive du Danemark - ne survivaient que quarante-huit personnes en 1944, ce qui veut dire que quatre-vingt-dix-neuf virgule deux pour cent des Juifs ont été tués dans cet endroit.

page 506
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Mon père détestait les signes de faiblesse, à commencer par la maladie, pour laquelle il affichait une sorte de mépris, comme si le fait d’être souffrant était une défaillance éthique plutôt que physique. Quand il nous arrivait de devoir rester à la maison parce que nous étions malades, il passait la tête par la porte de notre chambre avant de partir travailler et soupirait d’un air las et excédé, comme si cette grippe ou cette varicelle signifiait le début de quelque irréversible décadence morale.
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Mais qu'elle est la vraie nature d'un homme, demande l'Odyssée, et combien de natures un homme peut-il posséder ? Comme je l'appris cette année-là, l'année où mon père a suivi mon cours sur l'Odyssée et où nous avons refait le voyage du héros, les réponses peuvent être surprenantes.
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En grec, nostos signifie «le retour». La forme plurielle du mot, nostoi, était en fait le titre d’une épopée perdue consacrée aux retours des rois et des chefs de guerre qui combattirent à Troie. L’Odyssée est elle-même un récit de nostos (...) Peu à peu, le mot nostos, teinté de mélancolie et si profondément ancré dans les thèmes de l’Odyssée, a fini par se combiner à un autre mot du vaste vocabulaire grec de la souffrance, algos, pour nous offrir un moyen d’exprimer avec une élégante simplicité le sentiment doux-amer que nous éprouvons parfois pour une forme particulière et troublante de vague à l’âme. Littéralement, le mot signifie «la douleur qui naît du désir de retrouver son foyer», mais comme nous le savons, ce «foyer», surtout lorsqu’on vieillit, peut aussi bien se situer dans le temps que dans l’espace, être un moment autant qu’un lieu. Ce mot est «nostalgie».
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En partie parce qu'il donnait l'impression d'être toujours penché sur un livre, en train de raisonner ou d'absorber les raisonnements des autres, quand j'étais petit, je ne voyais mon père que comme une tête. Cette impression que sa tête était la plus grande partie de son corps était accentuée par sa calvitie précoce, apparue sans doute alors que j'étais encore enfant, et j'imaginais que l'énorme cerveau qui se logeait à l'intérieur de sa boîte crânienne avait tellement grossi qu'à force d'appuyer sur les parois, il avait fini par faire tomber les cheveux de son crâne. Nombre de mes souvenirs de lui partent d'une image, non pas de son visage - l'ovale cireux souligné par l'arcade de ses sourcils et ses petits yeux marron foncé légèrement rapprochés, le long nez busqué, un peu tordu au bout, qui avait l'apparence du caoutchouc, la bouche aux lèvres fines qui avait tendance à se figer dans un pincement -, mais de sa tête, cette tête dégarnie qui semblait presque émouvante de vulnérabilité, comme exposée aux blessures (J'ai lu, 2018, pp. 45-46).
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Lorsque vous êtes gay, vous découvrez l’ironie de bonne heure, puisque c’est elle qui vous protège de votre propre échec, c’est elle qui vous permet d’avoir l’air puissant, comme un vainqueur, alors que en réalité, vous avez tout perdu.
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Quand on entend le heros de l'Iliade -poème qui célèbre le sombre éclat d'une mort précoce-expliquer au héros de l'Odyssée-poème qui célèbre avant tout l'instinct de survie- que la vie à tout prix, même comme domestique d'un paysan pauvre, est préférable à un règne glorieux sur un peuple de morts, c'est un revirement sidérant, qui en même temps a un petit côté humour noir. C'est comme si l'Iliade disait à l'Odyssée, C'est bon, tu as gagné.
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