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Citations de Daniel Cohen (119)


La critique romantique du monde moderne vise la prétention de la science à gouverner les peuples, alors qu’elle est incapable de comprendre la souffrance de l’âme humaine. La science est dénoncée comme une pensée sans sagesse. Elle crée un monde déshumanisant, désenchanté par la disparition de la religion, reléguée au rang de superstition. Tourgueniev caricature son héros, Bazarov, dans Pères et fils, comme un adepte fanatique du scientisme, un utilitariste convaincu. Flaubert fait de même avec le pharmacien Homais.

Un autre versant des critiques contre le monde moderne s’entend aussi chez Marx, lorsqu’il reproche à la bourgeoisie d’avoir « noyé l’héroïsme dans les eaux glacées des calculs égoïstes ». Ce que Sombart, Oswald, Spengler, Jünger et autres intellectuels allemands du début du XXe siècle vont mépriser au plus haut point, c’est la lâcheté bourgeoise qui consiste à s’accrocher à la vie, à ne pas vouloir mourir pour des idées. Sombart utilise le terme de konfortismus pour décrire la mentalité bourgeoise. Heidegger part en guerre contre l’Amérikanismus, qui vide selon lui l’âme européenne. L’image du bourgeois paisible devient celle d’un lâche, aux antipodes du héros prêt à sacrifier sa vie. L’Occident est médiocre car il donne à chacun la possibilité d’être médiocre, selon l’écrivain nationaliste allemand Arthur Moeller van der Bruch. L’Occident est une menace car il diminue la valeur de toute utopie.
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Figure emblématique du passé, Clemenceau, c’est de lui qu’il s’agit, fait du traité de Versailles, ratifiant la défaite allemande, non pas la fin des guerres du XIXe siècle, mais le début de celles du XXe.

Clemenceau veut casser, une fois pour toutes, le dynamisme allemand. Il veut s’assurer que ne réapparaîtra jamais l’écart que l’Allemagne a creusé avec la France. Entre la création du Reich en 1871 et le début de la Première Guerre mondiale, la production industrielle allemande a été multipliée par cinq. Son dynamisme économique est sur tous les fronts. Le pays talonne l’Angleterre pour le commerce mondial. Sa position est particulièrement forte dans les industries modernes en pleine expansion, la chimie, les machines, l’industrie électrique. L’agriculture allemande connaît également une conjoncture favorable. Elle est pionnière dans la modernisation agricole avec l’utilisation d’engrais, la mécanisation et la pratique d’assolements sophistiqués.

Les Allemands observent avec ironie l’effondrement démographique de la France. En 1870, les deux nations avaient une richesse à peu près comparable ; en 1914, l’Allemagne l’emportait de plus de 70 %. L’ambition allemande se nourrira de cette supériorité économique nouvelle. Henrich Winkler, le grand historien allemand, résumera la situation ainsi : « L’Allemagne s’apprêtait à distancer économiquement l’Angleterre, la patrie de la révolution industrielle et de l’impérialisme. Le Reich comptait parmi les puissances scientifiques qui faisaient autorité dans le monde entier, peut-être est-il même le premier d’entre elles. Mais tout cela ne suffisait pas à la droite allemande. Grande puissance de longue date, l’Allemagne devait à présent devenir la puissance mondiale dirigeante. »

Telles sont la nation et l’ambition que Clemenceau veut briser.
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L’Europe au Xe siècle semble avoir tout perdu de ce qui faisait la gloire de Rome et d’Athènes. Elle a perdu l’essentiel de ses connaissances scientifiques, elle a régressé vers une situation de quasi-autarcie. Lorsqu’elle veut acheter des biens étrangers, le commerce des esclaves est bien souvent son seul produit d’exportation !
(...)
Au Xe siècle, les campagnes vivent encore refermées sur elles-mêmes, dans la hantise des menaces que font planer les Vikings au nord, les pillards musulmans ou hongrois au sud et à l’est, et les brigands venus des campagnes elles-mêmes au centre. La circulation des marchandises et des personnes est réduite à presque rien. Le château fort constitue à lui seul toute la société. Comme le résume Henri Mendras, dans La Fin des paysans : « L’Europe carolingienne était tout entière rurale. Point de villes, rien que des campagnes ; rien que des campagnes peuplées de paysans groupés en village autour du domaine du seigneur. » Elle donne aux seigneurs le monopole de la violence, qui leur permet de s’approprier le surplus agricole. Le prélèvement se fait en nature. Les plus riches doivent voyager d’un château à l’autre pour consommer sur place le vin et le gibier qui leur sont dus.
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Un facteur va jouer un rôle décisif dans la transformation de Rome en capitale de la servitude. À partir de la première des guerres contre Carthage, les guerres puniques, une masse d’esclaves comme on n’en avait jamais eu dans l’Occident antique commença à être employée de manière régulière. Ils sont autour de 600 000 à vivre en Italie vers 225 avant J.-C., sur une population qui ne devait pas dépasser les quatre millions. « Ce fut alors, écrit Schiavone, que les Romains connurent pour la première fois les bienfaits de leur richesse, à partir du jour où ils se furent rendus maîtres de cette population. »

Cette dynamique se renforce avec les conquêtes de Pompée puis de César. Grâce à la sécurité retrouvée sur les mers, un nouvel afflux d’esclaves se produit. On peut considérer que, sous Auguste, à la fin du Ier siècle avant J.-C., 35 % au moins de la population de l’Italie était composée d’esclaves. En acheter, dans la Rome impériale, ne coûtait pas cher : entre 1 000 et 2 000 sesterces à une époque où un patrimoine atteint facilement la dizaine de millions de sesterces. Entre le Ier et le IIe siècle avant J.-C., des milliers et des milliers de prisonniers furent cédés aux marchands qui suivaient les troupes et alimentaient le marché.
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La civilisation gréco-romaine d’où l’Occident chrétien devait naître est brillante. Rome, en l’an 100 avant J.-C., était mieux équipée en routes pavées, en égouts, en alimentation ou en eau que la plupart des capitales européennes en 1800.
(...)
Pour tout ce qui touche à la vie économique stricto sensu, le millénaire occidental qui va de – 500 à + 500 a été particulièrement pauvre. Selon l’historien des techniques Joel Mokyr, la société antique gréco-romaine n’a en fait jamais été très inventive d’un strict point de vue technologique. Elle a construit des roues à eau mais n’a pas véritablement utilisé l’énergie hydraulique. Elle maîtrisait la fabrication du verre et comprenait comment utiliser les rayons du soleil, mais n’a pas inventé les lunettes. Par rapport au grand bond qui se produisit entre le néolithique et l’âge du fer, avec la conquête des procédés fondamentaux de l’agriculture, de la métallurgie, de la céramique et du tissage, il est hors de doute qu’il y eut un ralentissement sous l’Empire gréco-romain. Dans le domaine agricole, on reste pour l’essentiel en deçà des grands travaux d’irrigation qui furent entrepris en Égypte ou en Mésopotamie. Dans le domaine industriel, l’Antiquité et le Moyen Âge sont très en retard sur les progrès accomplis en Chine.
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Daniel Cohen
Les travailleurs ne travaillent plus la matière (agricole ou industrielle) mais des flux d'informations.
A suivre le sociologue Ronald Inglehart, la créativité remplace l'autorité comme valeur structurante.
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Elle fait penser à une légende rappelée par Kurzweil, concernant l'invention du jeu d'échecs, dans l'Inde du VIe siècle, sous le règne d'un empereur gupta. Pour le féliciter, celui-ci demande à l'inventeur quelle récompense il désire. Ce dernier lui répond qu'il souhaite qu'on recouvre l'échiquier de grains de riz en mettant un grain sur le premier carré, deux sur le deuxième, quatre sur le troisième (en termes mathématiques, le résultat est 2 puissance 64 -1 grains de riz, soit 1.84 x 10 puissance 19...).
Comme Kurzweil le signale, l'effort demandé reste raisonnable jusqu'à la moitié de l'échiquier : au trente-deuxième carré, l'empereur a donné quatre milliards de grains de riz, une valeur correspondant à la production d'un champ ordinaire.... C'est à la seconde moitié que l'empereur comprend sa défaite : il est ruiné, aucune puissance humaine ne peut honorer sa promesse. Selon certaines versions de l'histoire, l'inventeur a été décapité !
......nous entrons à notre tour sur la seconde moitié de l'échiquier, dans un monde aux potentialités infinies et dont nous ne mesurons pas davantage le portée que l'empereur parvenu à mi-course.
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Au coeur du dynamisme européen se loge aussi le poison qui causera sa perte. Un cycle immuable est en place. À chaque fois qu'une puissance tend à dominer les autres, elle déclenche une coalition pour l'abattre. [...] La Première Guerre mondiale n'est pas un "accident de parcours" du système européen : elle en est le terme logique.
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En toute hypothèse, une lecon s'impose de ces études; les explications culturelles de la pauvreté semblent bien éloignées de la réalité. LE PAUVRE EST UN RICHE LAISSÉ A LUI-MEME, SANS SOUTIEN DES INSTITUTIONS QUI L'AIDENT A PRENDRE DE ''BONNES'' DÉCISIONS.
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Le système économique cherche à se préserver lui-même, en renouvelant constamment les besoins matériels à satisfaire, en aiguisant scientifiquement la rivalité sociale entre les consommateurs potentiels. Un manque est constamment créé chez ceux qui resteraient en dehors.
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[...] mettant notre foi dans la science et les États pour prévenir le pire. Mais la science est aléatoire et les États sont dirigés par des gouvernements attachés à réduire le mécontentement des peuples, ici et maintenant, davantage qu’à anticiper les crises futures.
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...mais elle est également magnifiquement ambitieuse par sa volonté de toujours replacer au centre des dispositifs chaque homme et chaque femme à la fois dans son humanité défendue dans le cadre éthique des droits de l'homme et dans sa qualité d'acteur - et pas seulement comme réceptacle d'objets divers de confort - et d'être humain dont il faut respecter et renforcer la liberté de mener la vie qu'il ou qu'elle souhaite mener.
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À ne considérer le droit du travail que comme un coût, on se prive de toute possibilité de créer un environnement coopératif. On crée plutôt un monde "toxique", qui n'est pas la meilleure façon de valoriser le capital humain de la firme, à l'heure où son rôle devient essentiel.
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Daniel Cohen
[Conclusion] La société moderne pourra-t-elle se passer de croissance? Compte tenu de l'immense pression qu'elle exerce sur les individus, sur leur travail et leurs envies, le plus honnète est de répondre que non.
La croissance pourrait-elle repartir? Au vu des performances passées et des contraintes écologiques futures, il est également plus simple de répondre négativement.
In fine, la conclusion semble inévitable: la société occidentale est condamnée à la colère et à la violence. (p.215)

... le désir humain est profondément malléable ... Cette malléabilité est ... une chance. ... Pour rendre ces désirs humains compatibles avec la préservation de la planète, une nouvelle transition est devenue impérative ... (p. 216)

[Il faut] un changement de mentalité. ... Les mentalités ont changé plusieurs fois dans l'histoire, mais jamais par décret. (p.217)
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Daniel Cohen
[La croissance disparue] Les secteurs lees plus en pointe du monde moderne sont en dehors de la sphère marchande au sens habituel du terme qu'il s'agisse du monde numérique où le-a gratuité est la norme naturelle, ou de l'éducation et de la santé qui sont, en grande majorité, dans le domaine public. (p.111)
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Daniel Cohen
depuis 1958, ... les avions ne vont pas plus vite qu'il y a quarante ans. Ils consomment moins de carburant et font moins de bruit, ... cela signifie simplement qu'ils corrigent les nuisances qu'ils ont eux-mêmes provoquées. Ce n'est pas la même chose que de satisfaire un nouveau besoin. (p.105)
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Daniel Cohen
L'État, pour paraphraser Pierre Clastres, est contre la société, comme Lévi-Strauss montrait déjà que la société elle-même se construisait contre la famille. (p.55)
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Daniel Cohen
Georges Bataille avait analysé, dans La Part maudite, cette malédicton répétée des sociétés humaines de vouloir "aller de toutes parts au bout de [leurs] possibles". (p.17)
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Pour reprendre la formule de Pierre Legendre, juriste et psychanalyste, l'homme moderne vit "au-dessus de ses moyens psychiques". (p.15)
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Enquête après enquête, le résultat est le même : le bonheur régresse ou stagne dans les sociétés riches, en France comme ailleurs.
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