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Citations de Darragh McKeon (99)


Personne ne devait être exposé à plus de vingt-cinq microröntgens, la dose maximale que le corps puisse tolérer. On leur a donné 3 costumes de protection. Mai mon supérieur a finalement décidé de ne pas fournir de machines à laver ; il voulait préserver les faibles ressources en eau propre qui nous restait. Si bien que les hommes n'avaient rien pour laver leurs vêtements de protection. Au bout de trois jours, ils portaient en permanence des habits radioactifs.
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Artiom lui adresse un grand sourire et Grigori le reçoit comme un cadeau pour avoir transporté l'animal ici et l'avoir soigné, récompense qui donne tout son sens à son geste. Ils se serrent la main et cet échange revêt une étrange solennité. Le garçon possède une aura d'expérience, de dignité d'où toute naïveté enfantine a depuis longtemps disparu.
"Batyr. Je le baptise Batyr."...
Il répète ce nom avant de partir. "Batyr". C'est la première bonne chose qui lui arrive depuis des mois.
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"Lilya. Je suis ta sœur. Laisse-nous entrer.
- Vous êtes contaminés, vous l'ignorez, peut-être ?
Vous ne pouvez pas rester comme ça au milieu des autres."
Sa mère se met à pleurer. Il ne l'a pas vue pleurer depuis qu'il était petit...
Le type torse nu leur dit :
"Vous avez entendu. Vous êtes contaminés. Foutez le camp d'ici."
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Ils se sentent si seuls, chacun en lui-même, mais c'est aussi une solitude collective. Ici, dans cet espace, dans ce nulle part, pas de foule en proie à la panique pour confirmer leurs craintes intimes, pas de terreur partagée, massivement concentrée, rien qu'un sentiment d'appréhension qui bat incessamment. Il y a là des centaines d'hommes maintenant, beaucoup sont immobiles, ils se demandent quoi faire. Nul ne fuit...
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Elle ne sait jamais ce qui réveille ses souvenirs, ils la prennent toujours par surprise. Peut-être y a-t-il quelque chose de Grigori dans cet homme, cigarette à la bouche, qu'elle vient de dépasser, quelque chose de familier dans la façon dont l'inconnu a approché l'allumette de son visage. Chacune des milliers d'actions minuscules qui se déroulent autour d'elle trouve un écho dans ce qui fut leur histoire.
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Il aime être dans son bureau, surtout à cette heure de la journée, quand se forme une espèce de cocon dans la douce lumière ambrée de sa lampe de lecture, ses livres et revues disposées en ordre chronologique sur les étagères de bois sombre qui occupent tout un mur, les plus récents étant les plus près de sa chaise afin de les atteindre sans se lever...
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Quand ils atteignent le tabouret, elle se juche dessus à genoux et s'assied sur ses jambes. Elle dépose ses souliers sur la glace et déploie son châle. Un instant, l'étoffe reste tendue à l'horizontale dans l'air, gonflée en son milieu, comme quand les infirmières changent les draps, le tissu en suspens prêt à tout engloutir.

p.34
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p.72 "Les opérateurs tétanisés essaient de comprendre. Il y a bien quelque chose à faire. Mais quoi ? Il y a forcément un bouton à pousser, une série de codes à rentrer, une procédure : il y a toujours une procédure. Par miracle, ils retrouvent le manuel des opérations, humide mais utilisable. Arrivent à la bonne section. La section existe donc... Un titre : "Procédure d'opération en cas de fusion du réacteur". Un bloc noirci à l'encre, sur deux pages, cinq pages, huit pages. Tout le texte a été effacé, les paragraphes masqués sous d'épaisses lignes noires. Pareil évènement ne peut être toléré, ne peut être envisagé, on ne peut pas plus prévoir une telle chose qu'elle ne peut se produire. Le système ne dysfonctionnera pas, le système ne peut dysfonctionner, le système est la glorieuse patrie."
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Ils restent là, muets, jusqu'à ce que Grigori dise : "Je suis chirurgien. Jamais je n'ai imaginé vivre pareille journée. "
Le soldat retire un brin de tabac de sa langue et crache.
"Rappelle-toi, camarade, ce que Lénine nous a enseigné : "Chaque cuisinier doit apprendre comment on gouverne un Etat. "
Ils finissent de fumer en silence.
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Ils font monter les gens dans le camion, les emmènent dans la zone autorisée puis retournent en chercher d'autres. Ils passent devant un petit cimetière et trouvent une femme qui ramasse de la terre sur une tombe- celle de ses parents - pour la mettre dans un bocal. Elle les supplie de garder le bocal, mais ils le lui prennent et le vident. La femme n'a pas l'énergie nécessaire pour protester.
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Dans un autre appartement, une vieille femme est assise dans sa cuisine où elle écoute la radio. Lorsqu'ils entrent dans un fracas de bottes, elle baisse le son et pose sur eux un regard paisible. Elle contrôle parfaitement la situation et, avant qu'ils aient pu donner des ordres, elle déclare qu'elle refuse de partir. Ils peuvent bien la battre ou la tuer s'ils veulent, mais elle affirme qu'elle est chez elle et qu'elle mourra ici. Aucun des soldats n'a envie de se livrer à pareille violence, pas là, pas avec cette femme. Ils ressortent et Grigori hoche la tête avec un sourire admiratif, alors elle lève les mains, paumes ouvertes, et ce geste silencieux en dit long sur ce moment, sur cette pièce, sur cette ville.
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Les rapports indiquent que les animaux sont potentiellement très contaminés- leur fourrure absorbé les matières radioactives-, si bien que les militaires éliminent tous ceux qu'ils voient. Les compagnons à quatre pattes sont arrachés aux bras de leurs maîtres et maîtresses, et fusillés sous leurs yeux. Les chiens dociles regardent avec innocence le canon devant leur truffe....
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Chaque travailleur avait autour du cou un capteur qui mesurait les radiations. Personne ne devait être exposé à plus de vingt-cinq microröntgens, la dose maximale que le corps puisse tolérer. On leur a donné trois costumes de protection. Mais mon supérieur a finalement décidé de ne pas fournir de machines à laver ; il voulait préserver les faibles ressources en eau propre qui nous restaient. Si bien que les hommes n'avaient rien pour nettoyer leurs vêtements de protection. Au bout de trois jours, ils portaient en permanence des habits radioactifs. Après les deux premières semaines, les officiels ont décidé de ne pas remplacer les liquidateurs, pour ne pas en sacrifier d'autres. Au cours des réunions d'organisation du travail de la journée, chaque matin, ils calculaient combien de vies ils avaient besoin pour telle tâche spécifique. Deux vies pour ceci, quatre pour cela. C'était comme un cabinet de guerre, quand les hommes se prennent pour Dieu. Le pire, c'est que cela n'a servi à rien. Les premiers liquidateurs ont dû malgré tout être remplacés, car à la fin ils étaient trop malades pour continuer le travail.
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EXTRAIT :

Le père d'Artiom a mis quatorze jours à mourir.
(...)
Peu à peu, Artiom a recoupé les faits. Son père lui a raconté des choses. Youri aussi. Sofia, parfois, répondait à ses questions. Après la mort de son père, sa mère s'est ouverte davantage. Il n'y avait plus de raisons de le protéger.
A Pripiat, pendant l'évacuation, des officiers avaient rassemblé les hommes en leur disant qu'il était de leur devoir de sécuriser les lieux. on les invitait à procéder au nettoyage. Personne n'a protesté, ils étaient heureux de se rendre utiles.
Le père d'Artiom a été désigné pour nettoyer la forêt. Les autres se sont portés volontaires pour l'aider. Ils ont mis en avant leur expérience du travail en équipe au kolkhoze, et ils ont obtenus un accord officiel.
Ils vivaient dans des tentes comme des partisans pendant la guerre. Mais bientôt, la forêt est devenue rouge, les feuilles rutilaient. Youri se souvenait que le père d'Artiom en avait ramassé une en déclarant : "Mère Nature saigne." Il y avait dedans des trous minuscules, comme si les chenilles étaient devenues folles. On leur avait donné des dosimètres, mais ils les ont jetés.
"Soit on fait le boulot, soit on ne le fait pas, et on a décidé qu'on le ferait."
Voilà ce qu'ils disaient.
(...)
Deux jours après l'accident, les militaires avaient planté un drapeau au-dessus du réacteur, symbole d'orgueil, d'endurance. Cinq jours plus tard, il était en lambeaux, rongé par l'air. Le jour suivant, un nouveau drapeau flottait au vent. Une semaine plus tard, un autre. Chacun évitait de regarder le drapeau. C'était trop perturbant.
Ils continuaient à travailler.
L'une après l'autre, les tronçonneuses ont cessé de fonctionner. Personne ne savait pourquoi ; elles étaient dans des conditions parfaites, mais le moteur ne répondait plus. On les a toutes remplacées. Celles-là aussi se sont arrêtées. Finalement, ils se sont attaqués aux arbres à la hache, alors le soir il leur fallait boire encore plus pour calmer les douleurs dans leurs épaules en feu.
(...)
Ils tuaient les animaux qu'ils rencontraient dans la forêt pour les manger Ils avaient des vivres, mais au bout d'une semaine, ils en ont eu marre des conserves. Et puis, cuire le gibier à la broche, c'était convivial. Au bout de quelques semaines, cependant, l'un d'eux s'est aperçu qu'il ne sentait plus l'odeur de la viande grillée, et les autres se sont aperçus qu'eux non plus. Cette nuit-là, ils ont mal dormi.
Une nuit, il a plu, et au matin les flaques étaient jaune-vert, comme du mercure.
(...)
Artiom n'a pas vu son père quand les tumeurs ont métastasé, non pas à l'intérieur du corps, mais à la surface, jusqu'à ce qu'elles envahissent son visage, couvrant ses traits tel du lierre. Il ne l'a pas vu quand il allait à la selle trente fois par jour, évacuant surtout du sang et des glaires. Quand sa peau a commencé à se craqueler sur les jambes et les bras. que chaque soir les draps étaient couverts de sang et que sa mère devait donner des instructions aux soldats sur la manière de le déplacer, pour s'assurer que son mari ai chaque nuit des draps propres.
Artiom vivait avec Sofia dans le quartier des infirmières, ils arpentaient la ville à la recherche de nourriture (...) puis ils rapportaient leurs commissions , en préparant de la soupe que leur mère avalait lorsqu'elle venait là sommeiller quelques heures. Elle rentrait dormir et mentir à ses enfants ; racontait que leur père ne souffrait pas, qu'il se reposait.
A la fin, quand la langue de son mari s'est détachée, mentir lui est devenu impossible. Elle avait résisté tandis qu'elle tenait la bassine le long du lit pour récupérer le sang qui s'écoulait de son corps, sans qu'il y ait de plaie particulière. Lorsqu'il toussait et crachait ses poumons, son foie, étouffé par ses organes. Jamais elle ne leur dirait que quand elle le regardait, elle le voyait qui l'appelait comme s'il était à l'extrémité d'un long couloir. Ses yeux pleuraient leur douleur, tel un bébé qui ne peux exprimer ses besoins, ne parvient pas à se faire comprendre. Quand elle a cessé de pouvoir mentir, n'a plus eu la force d'affronter ses enfants, elle est restée aux côtés de son mari, dormant sur une chaise auprès de lui, sans pouvoir le toucher car il aurait trop souffert. Ses enfants apportaient pour elle de la soupe à l'accueil, et une employée la posait sur une table, à l'entrée du service. Jamais ils n'ont demandé à voir leur père. Désormais, il appartenait à leur mère.
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Les soldats ont des mégaphones, des fusils, ils rangent les gens en longues files qui serpentent entre les immeubles, au bout desquelles se trouve un médecin pourvu d'un dosimètre, et sur une table à tréteaux sur laquelle un lieutenant vérifie les cartes d'identité et distribue les nouveaux papiers médicaux estampillés. Ceux qui entrent dans les catégories critiques, sont mis de côté, derrière un mur de militaires et placés dans des ambulances. Ils protestent à cor et à cri, s'agitent, leurs vêtements tombent autour d'eux, se déchirent. Leurs familles accourent mais sont repoussées, les soldats sont experts quand il s'agit de frapper à la base du cou, et la personne visée, enfants compris, tombe lentement à genoux.
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(Tchernobyl)
Les opérateurs tétanisés essaient de comprendre. Il y a bien quelque chose à faire. Mais quoi ? Il y a forcément un bouton à pousser, une série de codes à rentrer, une procédure : il y a toujours une procédure. Par miracle, ils retrouvent le manuel des opérations, humide mais utilisable. Arrivent à la bonne section. La section existe donc. Oreilles vrillées par l'alarme. Yeux larmoyants. La section. Les pages feuilletées. Un titre : "Procédure d'opération en cas de fusion du réacteur". Un bloc noirci à l'encre, sur deux pages, cinq pages, huit pages. Tout le texte a été effacé, les paragraphes masqués sous d'épaisses lignes noires. Pareil évènement ne peut être toléré, on ne peut pas plus prévoir une telle chose qu'elle ne peut se produire. Le système ne dysfonctionnera pas, le système ne peut dysfonctionner, le système est la glorieuse patrie.
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C’est le Parti qui a fait de moi ce que je suis, qui a fait de ce pays ce qu’il est. Je me suis toujours fié à son jugement. Et ce n’est pas un incendie dans une centrale qui y changera quelque chose.
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(La salle des premiers secours) ... enfin la porte cède et il pénètre en trébuchant dans une pièce garnie d'étagères métalliques avec un brancard au milieu. Il n'y a rien d'autre. Ni iode ni médicaments. Pas de bandages. Pas de crème pour traiter les brûlures. Des étagères grises et un brancard de métal. Pourquoi stocker du matériel de premier secours dans un lieu où aucun accident ne peut se produire ?
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Elle n'a jamais connu autre chose, pourtant chaque année l'hiver la prend à l'improviste, l'hiver qui enveloppe la peau, mord les extrémités mal protégées. Malgré tout, elle se le rappelle soudain, ici, en cet endroit, en voyant passer des couples, patins sur l'épaule, elle aime la paix de ce moment. Les gens parlent comme ils s'habillent, du fond d'une solitude étouffée sous plusieurs couches. Partout, la condensation, les souffles chargés d'humidité. L'hiver revêt des allures surnaturelles. Une texture, un discours tout à fait singuliers, un langage écrit - la neige - qui se niche dans des motifs clairs, des vitres givrées qui supplient qu'on les déchiffre, des patineurs tourbillonnants sur la rivière gelée.
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