Citations de Dimitri Rouchon-Borie (263)
On meurt par la fin, on meurt par la soif, on meurt par la douleur, on meurt par amour.
Je vais écrire des choses sales et je voudrais que vous me pardonniez même si lire c’est moins pire que subir on voudrait tous être épargnés.
Un psychologue est arrivé je me souviens il avait fait des tests je devais ranger des dessins pour faire des histoires et raconter ce que m’inspiraient des taches d’encre je ne comprenais pas son charabia. Il m’avait dit l’important n’est pas que vous compreniez mais que moi je puisse en retirer quelque chose et j’avais dit bon courage. J’aurais dû me méfier il disait des choses pénibles sur ma construction de personnalité et que je serai psychopathique et que mon niveau de langage était faible je l’ai interrompu mais on ne m’a pas laissé dire. Quand j’ai pu avoir mon tour j’ai dit que j’avais un parlement qui n’était pas celui des gens et que je sentais bien que mes idées allaient plus loin que mes mots j’avais l’impression d’un type qui a la tête infatigable alors que ses jambes supportent pas le voyage.
La Colline aux Loups c'était déjà une prison bien pire que tout imaginez-vous sous l'eau depuis le jour de votre naissance à retenir votre respiration en attendant une bouffée d'air qui ne vient pas ma vie c'est ça.
Est-ce que tout le monde ne fait pas ça, tout le temps ? Au magasin, dans la rue, quand on se croise le dimanche ? On embellit ou on salit. On exagère d'un côté ou de l'autre. Sinon, comment parler pour finir ? La vie est si morne...
Je suis comme un arbre pourri avec ses racines pour toujours dans le marais de l'enfance.
Il l'agrippe dans les yeux et laisse dire par les pupilles ce que la langue irait tremper de maladresse.
J'ai repensé à Mitch et ses paroles sur le fait qu'on mène une vie qui ne sert à rien et c'est très vrai mais y songer peut rendre fou d'une folie qui serait la fin de tout. J'ai parlé de ça au prêtre il m'a dit parce que vous croyez que la vie des autres a un sens au prétexte qu'ils sont dehors ils auront moins le loisir que vous de se confronter aux vraies questions.
(p.233)
Je me dis qu’il faudrait que je demande au prêtre si la Colline aux Loups était une punition de Dieu dans ce cas ce serait terrible d’avoir commencé sa vie par la punition pour des choses que je n’avais pas encore faites.
(...) on a joué à la bataille j'ai gagné. Peut-être il a triché pour me faire plaisir c'est ça un ami.
Après [le match de foot] on est rentrés et Pete ne parlait pas et il a dit est-ce que ça t'a plu j'ai dit c'était super car tout le monde était heureux l'équipe avait gagné je ne sais plus laquelle. Je crois que Pete percevait bien les choses car son regard avait changé il savait qu'on peut faire tout ce qu'on peut on ne sauve pas les gens comme ça.
Et là, assis, je ne savais pas si je devais remonter pour retourner à la maison ou partir et explorer encore. C'est la première fois que ma conscience avait affaire à un choix et je dois dire que j'ai fait le mauvais. Je suis rentré à la maison.
(p. 34)
On n'a pas fait le tour des choses en une vie, fils.
Il devine, dans les poches, des mouchoirs à carreaux et des petits couteaux pour blesser le pain et le fromage.
J’aurais bien voulu quelqu’un à qui parler parfois car la solitude même si je la connais bien je sais aussi combien ça tape sur le système mais là j’avais décidé que ce serait mon chemin alors j’ai fini par admettre que c’était une bonne chose que le costaud soit parti la faiblesse du muscle c’est quelque chose. En prison tout le monde fait de la muscu les types se disent que comme ça personne ne va douter de leur force et de leur virilité quelle carapace minable.
- Imagine que tu prends une belle plume, tu la trempes dans de l'encre noire, c'est un beau noir épais, profond...
- Je sais pas écrire.
- Y'en a pas besoin pour ça, écoute nom de nom. Tu prends la plume et d'un seul coup tu traces une ligne. Et tu regardes. Ton trait est à la fois parfait, et complètement raté. C'est ça, une personne. Un jour tu t'envoles, un jour tu chutes. On a les pattes au sol et la tête au ciel. C'est comme ça qu'on est fait.
Je vous jure,dans cette affaire, j'ai rien fait,je suis juste le bouquet mystère.
Les gens n'ont pas de premier souvenir. Comme Fridge qui dort à côté dans la cellule il n'a pas de premier souvenir. Il dit j'en sais rien moi qu'est-ce que ça peut fiche et il se frotte les bords de la bouche comme pour lisser une moustache il a pas un poil. Fridge il est avec moi depuis que je suis avec lui dans la cellule avec dix ou douze ans de prison à faire mais il dit qu'il les fera pas parce que l'avocat lui a dit qu'il les fera pas.
Fridge se souvient de plein de choses mais pas de son premier souvenir. C'est comme si personne n'était foutu de savoir à quel moment on a tous eu la première pensée de quelque chose et pourquoi ça s'efface et peut-être que c'est mieux que ça reste pas nous plomber la cervelle avec trop de choses.
Quand Fridge dort, j'écris, sinon il me cause et il veut lire par-dessus mon épaule. Une fois je lui ai craché dans l'oreille.
J'ai demandé au chef des livres à la bibliothèque et j'ai eu droit de les sortir et de les garder et j'ai un dictionnaire et un manuel de grammaire pour les nouveaux arrivants. Les psys, ils ont toujours dit d'écrire pour la thérapie mais moi je ne savais pas quoi faire d'un stylo maintenant j'ai même une machine et je peux prendre le temps parce que le directeur a dit que le temps je n'avais plus que ça.
Je ne suis pas inquiet parce que l'éternité j'avais déjà senti quelque chose comme ça avec le Démon. C'était une chute qui ne finissait pas dès le départ et je savais qu'une partie de moi était partie d'ici et n'était plus sur terre enfin pas comme on le dit pour les gens ordinaires.
Il y a un moment dans l'enfance où chacun de nous ouvre mieux les yeux.
J'ai dit oui j'ai mis le feu pour faire disparaître le Démon pour toujours et les gendarmes hochaient la tête.