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EAN : 9782370553287
192 pages
Le Tripode (09/06/2022)
4.3/5   1325 notes
Résumé :
Un homme se retrouve en prison. Brutalisé dans sa mémoire et dans sa chair, il décide avant de mourir de nous livrer le récit de son destin.

Écrit dans un élan vertigineux, porté par une langue aussi fulgurante que bienveillante, Le Démon de la Colline aux Loups raconte un être, son enfance perdue, sa vie emplie de violence, de douleur et de rage, d'amour et de passion, de moments de lumière... Il dit sa solitude, immense, la condition humaine.
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Critiques, Analyses et Avis (302) Voir plus Ajouter une critique
4,3

sur 1325 notes
Ce n'est pas le premier roman à aborder les thèmes lourds de l'inceste et de l'enfance martyre, mais il le fait avec une audace et un brio incomparables qui rendent ce livre marquant dans une vie de lecteur. On y sent à quel point l'auteur n'a pas cherché à "faire quelque chose", on ne sent jamais l'intention, on sent juste l'urgence, incandescente, à raconter la vérité d'un homme maltraité par la vie au point de dire à la nuit «  tu ne me feras pas peur j'ai plus de noir que toi dans mon enfance ».

Dès les premières lignes, j'ai été attrapée à la gorge par la puissance qui se dégage de ce récit. Duke est en prison, au soir de sa vie, il entame un travail d'écriture, obsédé par la perspective de sauver quelque chose de lui, sauver son âme en se débarrassant de ce démon qui le harcèle, le déborde. Ce démon, c'est l'incarnation de cette absence d'explications à ces actes criminels. Ce démon, il est apparu sur la colline aux loups, dans la maison où il a grandi, violenté par ses parents, violé par son père. Tout le roman est centré sur cette bataille intérieure extrême.

« Je sentais bien que j'avais à l'intérieur une trace qui ne partait pas c'était la déchirure de l'enfance c'est pas parce qu'on a mis un pont au-dessus du ravin qu'on a bouché le vide ».

Le premier tiers du roman raconte des faits insoutenables, de ceux qu'on entend dans les tribunaux ( l'auteur est journaliste judiciaire ) et qui donne envie de se boucher très fort les oreilles de peur d'être souillé par les images qu'ils charrient. La lecture est émotionnellement éprouvante, et pourtant j'ai refermé le livre presque apaisée ou du moins libérée d'une tension exténuante. L'outrenoir est traversé de rais de lumière bouleversants lorsque Duke découvre la beauté du monde ( anagramme de démon ) : une délicieuse sucette, le prénom de sa soeur, l'herbe entre les orteils, la houle de la mer qui accomplit ses rêves de rébellion, de force et de liberté, une séance de cinéma avec un documentaire animalier qui lui donne envie d'être un oiseau et de ne plus être un homme.

Mais delà de ces instants d'éphémère lumière, c'est la formidable écriture de Dimitri Rouchon-Borie qui permet de surmonter le sordide décrit. Ce parler, qui devient écrit, est une plongée directe dans la tête de cet homme-enfant. Il faut l'apprivoiser. Elle n'a aucune virgule, aucune conjonction de coordination, sa syntaxe est brisée, syncopée, la logique des enchaînements complètement décalée. Et pourtant, sa respiration vient toute seule au bout de quelques pages. Les mots de Duke sont d'une authenticité absolue, l'auteur parvenant à capter toute la candeur et la vérité de cet homme brisé par son enfance. de cette langue si singulière naît la représentation du monde qu'il a construit autour de la genèse de la violence.

La langue comme rédemption possible. Les dernières pages sont sublimes et basculent tout naturellement vers une réflexion quasi philosophique, existentialiste, sur l'hérédité du Mal, sur le liberté de nos choix et la responsabilité de nos actes. Au final, l'épilogue sublime le flot de sensations et d'émotions qui ont saturé le roman.

Juste époustouflant. Mon ultime coup de coeur pour l'année 2021.
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Une claque ce livre! Qui soit révulse soit subjugue et s'il subjugue, on est à même de se demander quelle part noire sommeille en nous pour lire autant d'horreurs.

Ce livre pourra en rappeler d'autres. de mon côté, c'est à Né d'aucune femme auquel je pense.

Duke le narrateur va nous raconter son histoire qui l'a conduit jusqu'à la prison. Avec des mots qui sont à lui parce que l'homme n'a quasiment pas été à l'école et qu'il a grandi comme un animal. Ce n'est que très tard qu'il connaîtra son prénom. Dans la maison de l'horreur, les enfants dorment par terre, dans les crottes des nombreux chats. Duke est traité pire qu'un animal. Battu et humilié, il faudra en arriver au viol pour que la police intervienne. . Bienvenue en enfer. Même la lumière a ici des relents poussiéreux et amères.

Duke va grandir placé mais terriblement détruit et traumatisé par son enfance. Il sent le Démon grogner en lui. Il le muselle tant qu'il peut mais comment lutter contre ce mal qui le ronge ?

C'est un texte d'une noirceur sidérante qui nous saute aux yeux non sans mal. Un texte qui nous retrace la fatalité d'un adulte qui n'a pas eu les armes ou les fleurs pour se construire, à qui on aura légué que du laid, et deviendra cette continuité de la nuit de Dante.

Malgré tout, la lumière viendra se poser car Duke ressent aussi le beau et le bon. Il en aura peur parce que quand on a vécu si longtemps dans le noir, le beau ne peut faire que passer. Parce qu'il y a des ombres qui jamais ne quittent son maître. C'est son histoire. le démon de la colline aux loups. Âmes sensibles s'abstenir.
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J'ai éprouvé quelques réticences avant de me plonger dans ce roman à l'écriture d'emblée particulière. Après un premier échec, la deuxième tentative sera la bonne et l'ensemble sera dévoré avec avidité .
Il faut dire qu'il est difficile de ne pas éprouver une empathie immédiate pour ce pauvre gamin maltraité au point de ne pas connaître son propre prénom lorsqu'il rejoint les bancs de l'école.
Ce fait témoigne des violences psychologiques, des graves manquements éducatifs, mais ce n'est qu'une partie de ce qu'il a subi, parce que très vite le pire lui sera infligé.

Le narrateur s'adresse au lecteur de la prison où il est enfermé pour des faits que l'on découvrira peu à peu. Et par ses écrits on comprend le cheminement de ses pensées, qu'il a parfois du mal à exprimer tant son « parlement » est défectueux, faute d'avoir été nourri. Ce qui est certain, c'est qu'il est convaincu d'être possédé par le Démon, celui qui sur la Colline aux loups armait la folie de son père et qu'il est persuadé d'avoir reçu en héritage.

J'ai été terriblement remuée par ces confidences maladroites, par le récit du calvaire et le parcours sans espoir de rédemption. Les carences affectives et éducatives ont laissé des traces profondes qui sont superbement illustrées par cette écriture chaotique.

Ce qui était parti pour être un rejet est finalement devenu un coup de coeur .
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Mon Dieu, quelle claque ce premier roman !

Dimitri Rouchon-Borie y raconte l'histoire d'un homme emprisonné, qui revient progressivement sur son enfance saccagée, ainsi que sur les événements qui ont d'abord fait de lui une victime… puis un bourreau condamné à la perpétuité pour les crimes qu'il a commis.

Si le garçon c'est pris les horreurs de la vie en pleine tronche dès le plus jeune âge, il a par contre loupé l'école. du coup, il n'a pas tous les mots pour exprimer ce qu'il a vécu, s'invente un vocabulaire pour décrire l'innommable et livre des phrases dépourvues ponctuation. Il faut donc un peu de temps pour s'habituer à ce style qui au niveau de la forme fait parfois mal aux yeux, mais qui au niveau du fond vous transperce souvent le coeur.

« Je disais à la nuit tu ne me feras pas peur j'ai plus noir que toi dans mon enfance »

L'absence de ponctuation a en effet de quoi déstabiliser, mais cela vaut finalement la peine d'apprivoiser le style du narrateur car il a tellement d'émotions à partager, que le lecteur en ressort inévitablement bouleversé. L'horreur qui parsème le récit peut également rebuter, mais l'innocence avec laquelle celle-ci est racontée a tendance à diluer toute cette infamie et constitue toute la beauté de ce roman, certes coup de poing, mais également coup de coeur !

Le trauma de ce narrateur dont je ne révèle délibérément pas le nom est d'une profondeur extrême et la lutte intérieure qui se déroule sous nos yeux entre le démon dont il a hérité et cette humanité dont il déborde, s'avère absolument bouleversante. Emboîtant ses pas et ses pensées, nous recherchons avec lui cette rédemption tellement méritée, éclairant de son amour, de sa naïveté et de sa bonté ce chemin d'une noirceur profonde.

« Je sentais bien que j'avais à l'intérieur une trace qui ne partait pas c'était la déchirure de l'enfance c'est pas parce qu'on a mis un pont au-dessus du ravin qu'on a bouché le vide. »

« le démon de la Colline aux Loups » a méritoirement remporté le Prix Première, décerné depuis 2007 par la RTBF à un premier roman francophone.

Une pépite à classer quelque part entre « Les Monstres » de Maud Mayeras, « My absolute darling » de Gabriel Tallent et « Papillon de nuit » de R.J. Ellory…voire même peut-être au-dessus !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Du fond de sa prison et au bord de la mort, Duke, le narrateur, écrit fébrilement. Dans un dernier exutoire, il se hâte de jeter sur le papier la catastrophe qu'a été sa vie depuis le premier jour : une vie marquée par la violence, subie dès le plus jeune âge au sein de la cellule familiale, et qui ne s'est jamais éteinte, au-dehors, mais bientôt aussi, au-dedans de lui, comme par un inéluctable phénomène de vases communicants...


L'entrée dans ce livre ressemble à un uppercut. S'y succèdent des scènes choc, révélant une large fratrie traitée comme une portée d'animaux par des parents au paroxysme de la monstruosité. Séquestrés, dénutris et maltraités de toutes les manières possibles, les enfants sont des êtres sauvages, privés de langage et de développement mental, réduits à leurs instincts les plus primaires. le narrateur nous fait vivre cette période de l'intérieur, alors qu'il nous la relate dans un langage fruste et sans ponctuation, caractérisé par une spontanéité naïve et sans fard, dans un tourbillon de sentiments qu'il tente d'ordonner et d'extérioriser. le texte évolue ensuite vers l'impossibilité d'une vie sociale ordinaire pour l'enfant placé en famille d'accueil, puis pour l'adulte instable qu'il est devenu, sa quête d'une normalité impossible, sa fuite désespérée qui ne parvient pas à distancer un mal qui le poursuit et le pénètre, l'exposant à des crises de violence incontrôlable face à l'injustice.


La souffrance, la rage et la solitude de cet être, irrémédiablement relégué en marge de l'humanité par ses propres parents, frappent d'autant plus le lecteur qu'elles sont exprimées avec une sincérité et une impuissance confondantes. Duke évoque sa violence et ses fautes avec une absence de malignité et une ingénuité qui auréolent sa culpabilité d'innocence. Quelle est la part de la victime et du coupable chez cet homme torturé à qui la vie n'a laissé aucune chance ? Comment juger du bien et du mal quand viennent s'en mêler l'hérédité, l'éducation et l'incapacité collective à porter secours à un être martyrisé comme celui-là ? Quelles sont les limites de la responsabilité et des circonstances atténuantes ? A-t-on le droit de faire un mal pour un bien ? Enfin, la rédemption est-elle possible ?


En concluant par les interrogations mystiques de Duke en prison et par sa découverte, grâce à l'aumônier, des Confessions de Saint-Augustin, le texte achève de poser la question de la justice et du pardon. Constatant l'incapacité des hommes à combattre le mal inhérent à leur nature, n'est-ce pas Saint-Augustin qui les engagea à renoncer à leur justice, par trop manichéenne, et à régler leurs différents par le pardon, la grâce de Dieu seule pouvant les élever vers le bien ? Une réflexion qui en dit long sur les drames dont l'auteur a pu être témoin au cours de sa carrière de chroniqueur judiciaire, quand, de génération en génération, tant de victimes deviennent bourreaux à leur tour… Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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critiques presse (5)
LesInrocks
17 mars 2021
Le journaliste judiciaire Dimitri Rouchon-Borie convoque le démon de l’inceste et donne voix à ceux·celles qui n’ont pas les mots pour dire. Un coup d'essai éstabilisant.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
OuestFrance
15 mars 2021
C’est un coup de poing, écrit dans une langue âpre. Qui raconte des existences en marge, sans repères. Des vies comme on en découvre parfois, échouées, au tribunal.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
LeSoir
05 mars 2021
«Le démon de la Colline aux Loups» remporte le Prix Première. Dimitri Rouchon-Borie y a décrit un destin d'une violence rare dans une langue éruptive, détonante et traversée de lumières. Une voix singulière apparaît.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LaLibreBelgique
11 février 2021
Aussi violent que poétique, un premier roman qui confronte le mal à la responsabilité individuelle.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Bibliobs
26 janvier 2021
Dans son premier roman, Dimitri Rouchon-Borie, également chroniqueur judiciaire, fait entendre, avec beaucoup de justesse, la voix cassée d’une victime devenue bourreau.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (194) Voir plus Ajouter une citation
INCIPIT
Mon père disait ça se passe toujours comme ça à la Colline aux Loups et ça s'était passé comme ça pour lui et pour nous aussi. Maintenant je sais que ça s'est arrêté pour de bon. La Colline aux Loups c'est là que j'ai grandi et c'est ça que je vais vous raconter. Même si c'est pas une belle histoire c'est la mienne c'est comme ça.
La Colline aux Loups j'aime pas en parler d'habitude. Le Démon est né là et c’est là qu’il m'a pris. Mais si je devais taire tout ça à jamais j'aurais l'impression qu'il a volé mon âme pour de bon et bien plus encore mon histoire. J'espère que vous saurez vous montrer miséricordieux ou quelque chose comme ça parce que j'ai un parlement qui est à moi et pendant tout ce temps ces mots c'était ma façon d’être moi et pas un autre. Et comme j'ai pas fait l’école longtemps à cause du père, du Démon, de la mère et des autres, il manque des cases dans mon entendement des choses.
À qui j’écris ce journal alors je ne sais pas. Peut-être à moi-même et à celui que j'étais avant le Démon.
Les gens n'ont pas de premier souvenir. Comme Fridge qui dort à côté dans la cellule il n'a pas de premier souvenir, Il dit j'en sais rien moi qu'est-ce que ça peut fiche et il se frotte les bords de la bouche comme pour lisser une moustache il a pas un poil. Fridge il est avec moi depuis que je suis avec lui dans la cellule avec dix ou douze ans de prison à faire mais il dit qu'il les fera pas parce que l'avocat lui a dit qu'il les fera pas. Fridge se souvient de plein de choses mais pas de son premier souvenir. C’est comme si personne n'était foutu de savoir à quel moment on a tous eu la première pensée de quelque chose et pourquoi ça s’efface et peut-être que c'est mieux que ça reste pas nous plomber la cervelle avec trop de choses.

Quand Fridge dort, j'écris, sinon il me cause et il veut lire par-dessus mon épaule. Une fois je lui ai craché dans l'oreille. J'ai demandé au chef des livres à la bibliothèque et j'ai eu droit de les sortir et de les garder et j'ai un dictionnaire et un manuel de grammaire pour les nouveaux arrivants. Les psys, ils ont toujours dit d’écrire pour la thérapie mais moi je ne savais pas quoi faire d’un stylo maintenant j'ai même une machine et je peux prendre le temps parce que le directeur, dit que le temps je n'avais plus que ça.
Je ne suis pas inquiet parce que l'éternité j'avais déjà senti quelque chose comme ça avec le Démon. C'était une chute qui ne finissait pas dès le départ et je savais qu'une partie de moi était partie d'ici et n’était plus sur terre enfin pas comme on le dit pour les gens ordinaires. Je dis pas que je suis pas ordinaire je dis que j'ai hérité du Démon et que c’est comme quand les dieux descendent chez nous sauf que là c'est le diable. Je sais pas de quoi il est fait mais il avait déjà été appelé par mon père il ne savait pas ce qu'il faisait et je n'avais pas mon mot à dire. Je me souviens que dans mon enfance quand j'ai pu sortir une fois et respirer la nature j'avais vu un cocon qui allait faire un papillon et je sentais que j’étais un cocon aussi mais pour une histoire qui serait salement moche et je m'étais pas trompé de beaucoup.

Quand j'écris je ne mange pas parfois c’est Fridge qui prend mon plateau et moi j'écris et ça me suffit j'aime pas mettre du gras sur la machine et je devrai la rendre propre m'a dit le directeur.
Je ne sais pas si j'étais prêt à revivre la Colline aux Loups même si je l'ai quittée ou si elle m'a quitté je suis comme un arbre pourri avec ses racines pour toujours dans le marais de l'enfance. Le psy avait dit qu'il fallait remonter remonter remonter il l'avait dit trois fois de remonter le temps pour retrouver des choses qui font des blocages. Qu'est ce que j'avais ri, Des blocages. Je repense à ce que j'ai fait. Des blocages. Mais après je m'étais mis à y penser et à me dire qu'à ma mort je sais pas qui je trouverais de l'autre côté alors peut être que je devais commencer à songer pas vraiment à un pardon non ce serait trop fort mais le psy avait dit rédemption. Comment t’écris rédemption Fridge et lui il répond avec ma bite. Je pouvais pas parler avec Fridge.
C'est bête à dire mais la Colline aux Loups au départ je ne savais pas que C'était la Colline aux Loups vu que j'habitais dans la maison qui était dessus et que je n'en étais jamais sorti encore. On était là et on ne savait pas qu'on était dedans. Si je dis on c'est parce qu'il va falloir que je vous parle des frères et sœurs et ça ça ne va pas être facile pour moi de les raconter car je ne sais pas où ils sont aujourd'hui et ça me fait un mal au-dedans qui ressemble à rien d'autre. J'étais né entre les deux premiers et les trois derniers alors j'ai toujours dit qu'on était cinq parce que ça se calculait mieux si je n'existais pas dans l'addition et à l’école j'utilisais une calculatrice quand j'y allais mais pas pour faire les exercices juste pour appuyer sur les touches et c'est aujourd’hui que je saurais enfin m'en servir. Je n’ai plus rien à calculer de la famille c’est l’avantage d’être seul.
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Les gens n'ont pas de premier souvenir. Comme Fridge qui dort à côté dans la cellule il n'a pas de premier souvenir. Il dit j'en sais rien moi qu'est-ce que ça peut fiche et il se frotte les bords de la bouche comme pour lisser une moustache il a pas un poil. Fridge il est avec moi depuis que je suis avec lui dans la cellule avec dix ou douze ans de prison à faire mais il dit qu'il les fera pas parce que l'avocat lui a dit qu'il les fera pas.
Fridge se souvient de plein de choses mais pas de son premier souvenir. C'est comme si personne n'était foutu de savoir à quel moment on a tous eu la première pensée de quelque chose et pourquoi ça s'efface et peut-être que c'est mieux que ça reste pas nous plomber la cervelle avec trop de choses.
Quand Fridge dort, j'écris, sinon il me cause et il veut lire par-dessus mon épaule. Une fois je lui ai craché dans l'oreille.
J'ai demandé au chef des livres à la bibliothèque et j'ai eu droit de les sortir et de les garder et j'ai un dictionnaire et un manuel de grammaire pour les nouveaux arrivants. Les psys, ils ont toujours dit d'écrire pour la thérapie mais moi je ne savais pas quoi faire d'un stylo maintenant j'ai même une machine et je peux prendre le temps parce que le directeur a dit que le temps je n'avais plus que ça.
Je ne suis pas inquiet parce que l'éternité j'avais déjà senti quelque chose comme ça avec le Démon. C'était une chute qui ne finissait pas dès le départ et je savais qu'une partie de moi était partie d'ici et n'était plus sur terre enfin pas comme on le dit pour les gens ordinaires.
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Un psychologue est arrivé je me souviens il avait fait des tests je devais ranger des dessins pour faire des histoires et raconter ce que m’inspiraient des taches d’encre je ne comprenais pas son charabia. Il m’avait dit l’important n’est pas que vous compreniez mais que moi je puisse en retirer quelque chose et j’avais dit bon courage. J’aurais dû me méfier il disait des choses pénibles sur ma construction de personnalité et que je serai psychopathique et que mon niveau de langage était faible je l’ai interrompu mais on ne m’a pas laissé dire. Quand j’ai pu avoir mon tour j’ai dit que j’avais un parlement qui n’était pas celui des gens et que je sentais bien que mes idées allaient plus loin que mes mots j’avais l’impression d’un type qui a la tête infatigable alors que ses jambes supportent pas le voyage.
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J'ai demandé quoi il m'a dit des pièces il faut appâter si ta casquette est vide les gens donneront pas c'est comme ça c'est psychologique après tu en enlèves un peu si tu as l'air trop riche tu te feras voler ou les gens fileront rien j'ai eu une formation accélérée. Jeb m'apprenait plein de choses sur la manche il m’a fait comprendre l'équilibre il disait il ne faut pas avoir l'air trop malheureux ni trop souriant. Si tu es mourant les passants te laissent mourir si tu es joyeux ils estiment que tu as ce qu'il te faut. Si tu ne les fixes pas du regard d'une certaine manière ils se sentent libres de pas te donner c'est un jeu de pression et de compassion tu verras mon pote on y prend goût et c'est vrai. Il faut ce temps pour comprendre ce qui fonctionne et c'est une technique c'est la première fois que j'apprenais un savoir-faire et je me sentais puissant de connaitre ça. Jeb a dit tu as de la chance j'ai du payer moi pour avoir ma formation de manche sinon j'aurais crevé mais moi je ne veux pas étre un capitaliste de la misère. Après c'est toi qui apprendras bonjour madame est-ce que vous auriez un petit quelque chose pour manger. Jeb expliquait que même un tour minable de cirque pouvait faire un bon principe car les gens donnaient plus facilement quand c'était en contrepartie de quelque chose.
[…]
J'ai découvert que dans la rue il y avait de la solidarité mais pas de confiance parce que les gens n'étaient fidèles qu'à une seule chose et c'était la dope. Il fallait se méfier de cette loyauté-là car à choisir entre un ami et un voyage au chaud dans les veines c'était vite vu. Il m'a fallu du temps pour comprendre cette imbrication-là parce que ça se mélangeait à une bonté que je n'avais pas vue ailleurs même chez Pete et Maria les gens étaient prêts à tout se donner à tout partager et en même temps à se trahir tout le temps je ne comprenais pas ça.
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Je suis resté chez Pete et Maria des années et tout allait bien car leur façon de fabriquer des habitudes me protégeait du Démon. J'ai compris cette chose-là c'est qu'ils s'occupaient de moi et tant qu'ils le faisaient je pouvais compter sur eux c'était comme museler un fauve en fui faisant des caresses. Je sentais bien que j'avais à l’intérieur une trace qui ne partait pas c'était la déchirure de l'enfance c'est pas parce qu'on a mis un pont au-dessus du ravin qu'on a bouché le vide. J'avais le manque des frères et sœurs et je n'osais pas demander parfois on voyait des juges ou des éducateurs et pas un ne me parlait de Clara ou de la Boule est-ce qu'ils pensaient à moi? Petit à petit j'avais commencé à m'intéresser à la solitude qui était une sorte de permanence au-dedans et à la fin on revient toujours à ce qui est constant mais je ne savais pas encore si c'était une porte fermée ou une porte à ouvrir je le tournais comme ça dans ma tête. p. 129
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