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Critiques de Dominique Lebel (36)
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21 nuances de voisinage

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C’est un recueil sympathique sur les voisins. Certaines histoires ne sont pas assez développées à mon goût et d’autres sont sympathiques.

Trop de nouvelles dans ce recueil avec un thème traité assez similairement entre elles...



Je ne vais pas en garder un grand souvenir mais j’ai passé un bon moment et cela me permet de découvrir la plume des auteurs de la maison.
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21 nuances de voisinage

Mon avis :



Bien déjà pour commencer, je tiens à saluer l'initiative de la maison d'édition qui a mis tous ses auteurs à contribution pour livrer ce recueil varié qui met en scène des histoires de voisinage. Les nouvelles sont toutes différentes et je vais essayer de vous donner mon avis sur chacune sans pour autant vous en dévoiler toute l'intrigue.



* Clémentine de Kathy Dorl : J'ai beaucoup apprécié cette histoire, la narratrice y est plutôt dispersée mais au bout du compte, on s'y retrouve, même si on ne comprend ce qui se passe qu'aux dernières pages. Mention spéciale pour l'humour ! Par exemple la petite phrase " Elle me dit que si je pose un un caméléon sur une robe Desigual, il meurt d'épuisement" m'a beaucoup fait rire. Rafraichissant !



Ma note : 8/10



* La voisineuse de Valérie Hervy : Une histoire nettement plus sombre que la précédente qui aborde une thématique peu évidente à aborder. C'est bien fait et c'est bien écrit.



Ma note : 6/10



* Un voisin de Charles Demassieux : Une histoire très très sombre qui traite parfaitement son sujet, j'ai adoré la chute et l'auteur a su manier le suspense à merveille



Ma note : 7,5/10



* Le joli temps de son enfance de Jean Claude Thibault : Dans tout recueil il y a toujours une histoire qui laisse sceptique. Pour moi ce fut celle-ci... Je n'ai pas eu l'impression de comprendre la nouvelle et j'ai été un peu lassée par le vocabulaire argotique de l'auteur. Sans moi.



Ma note : 4/10



* Les jolis yeux de Madeline Desmurs : Celle ci je l'ai trouvée géniale. Glauque, bien écrite et le switch final m'a énormément plu !



Ma note : 8/10



* Un dessert qui se mange froid de Mélanie Wency : Un peu de surnaturel avec cette histoire de vampire. La chute m'a fait sourire.



Ma note : 7,5/10



* Au fond du trou de Ariane Fusain : Drôle, enlevé, le "mystère" est bien traité tout comme la relation de voisinage !



Ma note : 7/10



* Journal d'un misanthrope de Hervé Heurtebise : Au début j'ai eu un peu de mal avec le style de l'auteur, mais rapidement je suis entrée dans l'histoire que j'ai trouvée très jolie.



Ma note : 6,5/10



* Un beau jour, l'avenir s'appelle passé de Audrey & Natacha Ajasse : Bref mais efficace. J'ai dévoré cette histoire et apprécié la chute. En revanche celle ci m'a frustrée, je l'ai trouvée trop courte, j'aurais aimé en avoir un peu plus



Ma note 7,5/10



* Le bus de 15H20 de Marie-Pierre Bardou : Ah celle ci je l'ai beaucoup aimée. Déjà j'ai apprécié l'angle par lequel l'auteur appréhendait le voisinage. Ensuite, j'ai apprécié le côté inéluctable de l'histoire, on sait d'entrée de jeu comment ça va se terminer et on eut savoir pourquoi, comment ? La fin tragique est bien trouvée.



Ma note : 8/10



* La curiosité est un vilain défaut de Emmanuelle Soulard : La fin m'a laissée perplexe, je n'ai pas eu l'impression d'avoir vraiment tout compris. L'écriture de l'auteure est bonne mais cette histoire m'a laissée dubitative.



Ma note : 5/10



* Déclics et Claques de RoseLys Desdunes : Là j'ai eu du mal avec le style de la narratrice, très 19eme alors que l'histoire est contemporaine, je l'ai suivie sans passion et au final je l'ai rapidement oubliée.



Ma note : 4,5/10



* L'ultimo Contratto de Yannick Billaut : Bon l'histoire est un peu attendue, mais elle est drôle. Mention très spéciale pour la chute qui m'a fait sourire jusqu'aux oreilles



Ma note : 7/10



* Le cas de Lucas de Manou Fuentes : Le personnage principal m'a fait sourire (moi non plus je n'aime pas la fête des voisins) même si j'ai trouvé le début du journal un peu pénible à lire (parce que sans structure, le narrateur jette ses idées comme elles lui viennent). La chute est jolie



Ma note : 5,5/10



* Le banc de Mélissa Restous : Une histoire étrange mais très belle. J'ai aimé me laisser bercer par cette narration, la fin est tragique mais on s'y attend



Ma note : 6,5/10



* Le nom de la voisine de Nathalie Desormaux : Une réécriture très originale d'un épisode très connu dans le patrimoine culturel. J'ai trouvé cela très original et imaginatif et c'était bien écrit



Ma note : 8/10



* L'érable de la cour d'Olivier Lerouge: Un hymne à la tolérance et à l'ouverture d'esprit. J'ai beaucoup aimé cette histoire, légèrement teintée de fantastique.



Ma note : 7/10



* Nocturnes de Dominique Lebel : L'idée est bonne mais en définitive, je n'ai pas tant que ça trouvé dans le thème. C'est bien écrit mais je n'ai pas spécialement aimé



Ma note : 5/10



* Aucun contact physique de Marjorie Loup : J'ai eu envie de dire... ENFIN ! Enfin une histoire SF dans ce recueil. Celle ci est très bonne, mais j'aurais aimé qu'elle soit plus développée, plus longue, que le côté sentiment soit approfondi mais je suppose que dans le contexte du recueil ce n'était pas possible



Ma note : 7,5/10



* Ma voisine est nue de Marie-Noelle Garric : Drôle, j'ai aimé le côté harpie de la compagne du narrateur et le côté désabusé de celui ci. J'ai un peu plus de réserves sur les dialogues, notamment ceux de la harpie, j'ai trouvé qu'ils manquaient de naturel. Par contre la chute m'a fait rire



Ma note : 7/10



* PEPE de M.I.A : L'idée du voisinage est originale mais j'ai eu un peu de mal à comprendre toute l'histoire.... Le personnage principal m'a ennuyée



Ma note : 5/10



Ce que j'aime : les genres différents de chaque histoire. Certaines sont vraiment excellentes.



Ce que j'aime moins : j'aurais apprécié que certaines histoires soient plus développées.



En bref : Un recueil divertissant et varié sur les voisins. Mention plus pour le fait que la plupart des auteurs publiés par la maison d'édition aient participé. Cela permet de découvrir la palette des plumes et m'a donnée envie de lire des choses plus longues de nombres d'entre eux.



Ma note



6,5/10
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21 nuances de voisinage

Je ne suis pas très emballée par cette lecture. En fait, il y a TROP de nouvelles… J’ai vraiment eu du mal à voir le bout de ce bouquin. En plus, même si la thématique me paraissait intéressante et rarement vue auparavant, j’ai trouvé le sujet mal exploité et trop similaire dans l’ensemble du bouquin… On retrouve cette thématique traitée en long et en large, si bien qu’au final, on s’ennuie et on ne découvre plus rien de vraiment intéressant…



Par ailleurs, 3 courtes histoires ont tout de même relevées mon attention…D’abord La visionneuse de Valérie Hervy sur le thème de la violence conjugale. 9 pages sur un sujet difficile mais avec un traitement plutôt léger, que j’ai bien apprécié. Ensuite, Un beau jour, l’avenir s’appelle le passé par les sœurs jumelles Audrey et Natacha Ajasse qui m’a bien plu surtout grâce au changement de points de vue (rare dans des nouvelles quand même) et enfin Aucun contact physique de Marjorie Loup pour son côté complètement futuriste et vraiment bien imaginé. D’ailleurs, si je ne devais qu’en retenir qu’une, ce serait celle-là !



Bref, un ouvrage que je ne vous conseille pas particulièrement car aussitôt lu, aussitôt oublié.
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Elle s'appelait Sonia Verjik

Ce livre m’intriguait beaucoup de par son synopsis, la couverture est très jolie donc c’est pour cela que je me suis lancée dans cette lecture.

On voit dans ce roman des bribes d’histoires retraçant la vie de Sonia Verjik comptées par des personnes proches d’elle.

On comprends le désarroi de sa fille dans ses recherches afin de savoir qui était réellement sa mère. Chaque personnage a ses souvenirs de cette femme mais qui était-elle réellement ?

C’est une lecture très simple et facile à comprendre. Ce roman retrace tous les instants de Sonia Verjik, du moins ce qu’elle à laisser après ses innombrables trajets.

Elle laisse derrière elle de nombreuses personnes malheureuses. La trahison est présente en grande partie dans ce livre, et les sentiments des personnes qui l’ont approchée sont tous chamboulés et dévastateurs pour certains autres.

C’est un roman prenant, très émouvant et qui tiens les lecteurs en haleine. On veut impérativement savoir ce qu’est devenue Sonia Verjik à travers ses nombreuses personnes mais tout au long nous ne savons que quelques bribes et l’auteur nous fait travailler notre imagination.

Un roman rempli d’énigmes et d’émotions voici les deux mots qui retracent amplement ce joli roman.





Est-ce que j’ai aimé ce livre ?





Ce fût un joli roman qui change totalement de mes lectures habituelles. J’ai beaucoup voyagé à travers les récits de ces personnes et je menais mon enquête auprès d’eux.
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Elle s'appelait Sonia Verjik

Dila a 32 ans. Elle est désormais plus âgée que sa mère lorsque celle-ci est morte. La jeune femme a donc besoin d’en savoir plus sur la femme qui l’a mise au monde, mais qu’elle n’a jamais connu.



On commence alors à découvrir l’histoire de Sonia, jeune Yougoslave à la beauté sauvage. À 25 ans, elle rencontre François, un ingénieur qui la ramènera en France, en Bretagne. Elle le quittera rapidement pour Jean-Baptiste, un comédien de théâtre où elle aura obtenu une petite place comme femme de ménage.



Les destins se croisent, les personnages s’effleurent dans ce poétique ballet. Sonia et son indépendance ; François et Jean-Baptiste, les hommes qui l’ont aimé ; Madeleine qui dirigeait le théâtre et l’ancienne compagne de Jean-Baptiste ; les deux frères de Sonia, l’un à Paris, l’autre pris dans la guerre de Yougoslavie ; Florence, dans le temps présent, la compagne de Dila.



Ce roman est plein d’émotion et chacune des parties apporte un regard nouveau sur l’histoire et sur la femme qu’était Sonia. J’ai un peu regretté malgré tout que Sonia soit aussi présente dans la première partie. En effet, elle écrase un peu sa fille, Dila, et notamment sa relation avec Florence qui semble prendre même moins de place que la relation de Dila avec ses élèves, c’était d’après moi un peu dommage. De même tout ce qui concerne le théâtre de Dix heures, Madeleine et Jean-Baptiste, je trouve que ça aurait été plus judicieux de le placer dans la seconde partie, ne serait-ce que par des flash-back. Certes ça aurait ralenti la fin du roman, mais d’un autre côté ça aurait redynamiser la première partie et recentrer l’intrigue sur Sonia et Dila plutôt que d’ajouter Madeleine dans l’équation (alors qu’elle aurait eu totalement sa place dans la partie racontée par Jean-Baptiste).



La troisième partie, très surprenante se finit peut-être un peu abruptement compte tenu du fait qu’on comprend finalement très vite ce qu’il en découle, mais elle apporte une vraie valeur ajoutée et j’ai beaucoup aimé ce retournement de situation.



En somme, un joli petit roman, il m’a juste manqué un peu plus de situation dans le présent de Dila que j’aurais mieux aimé connaître (encore une fois par rapport à Florence, plus de petites scènes de la vie quotidienne de ces deux femmes ensembles comme on en voyait pour Dila et ses élèves), même si j’ai bien conscience que Sonia est le personnage principal du roman. De plus, j’ai bien aimé le fait de découvrir la Yougoslavie à cet époque, avec beaucoup de pudeur d’ailleurs, le côté historique est très intéressant et n’alourdit pas du tout le roman.
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Elle s'appelait Sonia Verjik

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Cette lecture est simple et on se laisse facilement embarquer dans les différentes histoires, on veut à tout prix savoir qui est Sonia Verjik et ce qu’il lui est arrivé.
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Elle s'appelait Sonia Verjik

Dans ce joli roman, une fille part à la recherche de sa mère , Sonia Verjik . A travers les souvenirs qu'on a pu lui rapporter, elle cherche une vérité . Et on se plait à suivre ce voyage qui nous conduit de la Bretagne pluvieuse au Kosovo meurtri par la guerre. L'écriture rebondit sans cesse .L'histoire de cette mère se mêle à la vie de sa fille, de son père. Tout un monde gravite autour de personnages : le théâtre, les amours, les joies et les drames, la guerre au Kosovo ...

Dominique Lebel nous emmène dans un beau roman où les personnages se dévoilent peu à peu dans toute leur complexité et où l'essentiel est peut-être de vivre en acceptant les fantômes du passé.

Comme à l'écoute d'une musique mélancolique, j'ai apprécié le rythme et l'écriture toute en finesse de l'auteur.

Un bien joli roman pour tous ceux qui souhaitent lire de beaux portraits de femmes et une histoire sensible
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Et je chante aujourd'hui les vivants

Un arbre, près des temples d'Angkor au Cambodge, est témoin de 80 ans d'Histoire, et de 80 ans d'histoires. Ça commence dans les années 20 par le pillage de statue par un écrivain blanc et sa femme (je ne comprendrai qu'à la fin, à la vue de la bibliographie, qu'il s'agit d'André et Clara Malraux, car j'ignorais cette anecdote), et ça se termine en 2002 par le voyage solitaire qu'Annie, jeune retraitée, entreprend presque malgré elle, parce que ses collègues le lui ont offert pour sa retraite. L'épilogue nous permettra de comprendre qu'il y a une belle part d'autofiction dans la fin de ce voyage temporel.

J'avoue avoir eu un peu de mal à rentrer dans ce court roman, mais je me suis finalement laissé embarquer, avec un acmé situé au moment des terribles évènements en rapport avec les khmers rouges, qui doivent détenir la palme de la "révolution" la plus imbécile de la Terre (se faire tuer parce qu'on porte des lunettes, sans déconner ?)

L'idée est bonne, la construction originale (même si pas toujours facile à suivre), on a le droit à de bonnes feuilles de jolie littérature. Dominique Lebel est une autrice singulière. Elle n'hésite pas à "briser le quatrième mur" – pour reprendre des termes de théâtre –, c'est-à-dire celui qui se trouve entre l'auteur et le lecteur, en laissant entendre à la fin tout ce qu'il y a de "réel" dans cette histoire. Un exercice d'équilibriste, s'il en est, qui peut intéresser, mais aussi courir le risque de briser la magie. De même d'ailleurs avec son habitude d'anéantir dans l'oeuf toute possibilité de suspense (ou de quelque chose s'en approchant) en révélant presque systématiquement ce qui va se passer, y compris parfois le destin fatal des personnages, plusieurs pages avant que ça n'ait vraiment lieu. De même enfin avec cette façon distanciée et sans pathos qu'elle a de narrer les évènements y compris les plus tragiques. Dans une novella que j'ai lue d'elle récemment, ce procédé était efficace car il induisait une bonne dose d'humour noir et un côté tragi-comique, mais ici, ça a surtout contribué à me priver d'émotions, et c'est au final cela qui m'aura le plus manqué. J'aurais voulu m'émouvoir du destin de Paul, de Lucie et des deux amoureux secrets, mais je n'y suis pas parvenu.
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Et je chante aujourd'hui les vivants

Le poids accablant du témoin malgré lui



Dominique lebel est une écrivaine singulière, avec une voix unique.

Elle a sa manière à elle, par petites touches, de nous dévoiler ce que personne ne voit. Les filigranes, les entre les lignes, les traces inconscientes, les doutes, les questionnements, le poids des choix.

Lorsque j’ai lu son roman, mon corps naviguait entre maux de têtes et température pour me sortir d’un vilain virus et les images qui obsédaient mes nuits à la suite de ma lecture n’étaient pas de tout repos.

Il y a dans ce roman qui s’accroche et ne vous lâche pas, des moments magiques, beaux et folâtres comme des nuages capricieux mais il y a aussi des moments insoutenables, quand madame Lebel touche de sa plume légère l’indicible, l’irrespirable. Et pourtant chaque mot nous parle de nous, les humains. Et la question ne tarde pas à venir nous hanter : qu’aurions-nous fait devant une telle absurdité, quand la survie devient brûlante ?

Mais j’oublie de vous parler de l’amour, des destins qui s’entrecroisent, de l’histoire du jeune écrivain ambitieux et de la boulangère normande.

Et j’oublie même l’arbre, le témoin privilégié de l’Histoire !
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Et je chante aujourd'hui les vivants

Si j'utilisais le terme "Coup de coeur", si cher à certains, je l'appliquerais à ce roman qui m'a remuée comme peu arrivent à le faire.

Mais commençons par le début. Dès les premières pages, j'ai eu l'impression de me trouver face à un puzzle. Des mots, des phrases, des personnages qui avaient forcément quelque chose en commun... restait à savoir quoi. Et puis les pièces du puzzle se sont imbriquées petit à petit au fil des pages de ce récit parfaitement maîtrisé de bout en bout.

Ne serait-ce que pour la qualité de la plume de Domnique Lebel, je vous dirais de vous jeter sur ce livre hors du commun. Mais... parce qu'il y a un mais... ce n'est pas tout. Le fond est loin d'être en reste, et l'histoire qui nous est relatée, basée sur des événements réels, est plus que passionnante... et poignante. Certains reconnaîtront sans doute l'arbre majestueux en photo de couverture, dont les racines enserrent ce temple et situeront rapidement où se déroule l'action. Je laisse aux autres le plaisir de le découvrir. Parce qu'après tout, moi je l'ignorais, ce qui prouve que cela ne nuit absolument pas au déroulement du récit.

L'auteure nous parle d'amour, de chagrin, de perte, d'amitié, de trahison, de pillages, de tueries aussi, mais sans la moindre surenchère. Les personnages sont tous minutieusement décrits, avec leurs forces et leurs faiblesses, et on arrive à se glisser dans leur peau avec une facilité déconcertante. L'émotion m'a submergée presque à mon insu, et c'est ce que personnellement j'appelle le Talent. Ce niveau de fluidité dans un récit qui pouvait sembler décousu au premier abord, peu arrivent à l'atteindre. Mais Dominique Lebel sait parfaitement où elle va et nous entraîne avec elle. J'avais lu dans une interview qu'elle disait avoir sa petite musique à elle dans sa tête, lorsqu'elle écrivait. Eh bien croyez-moi, je l'ai entendue aussi, cette petite musique, ou plutôt ressentie.

J'ai l'air d'en écrire une tonne, pourtant, les mots me manquent et ne décrivent qu'une toute petite partie du tsunami d'émotions qui m'a traversée.

J'ignore si j'ai besoin de préciser que j'ai adoré ce livre, ou s'il m'est nécessaire de dire que Dominique Lebel est un grand écrivain. Je crois que je vais vous laisser le deviner.

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Et je chante aujourd'hui les vivants

J’ai lu 3 fois le dernier Dominique Lebel, Et je chante aujourd’hui les vivants, et j’ai vécu ces lectures comme une forme de collaboration toujours plus étroite avec l’auteur. J’adore cette sensation d’être au cœur du processus de création, d’assister à l’élaboration du livre en direct, phrase après phrase, d’avoir l’illusion d’y jouer un rôle tout en suivant le déroulement d’une improvisation magistrale, parfaitement structurée, bouillonnante d’une foule de détails, d’une inventivité renversante de véracité.





Le 26 janvier à 21 h 24, Dominique s’est adressé à ses lecteurs. Elle voulait leur donner envie de lire son petit dernier. Alors elle a dit d’où lui venait l’idée et comment cette idée était devenue une grande question sur les monstres intérieurs, leur origine, leur développement – question restée sans réponse.

Et puis elle a ajouté quelques mots sur sa manière de construire ses histoires en général, n’importe comment, a-t-elle précisé.

Et à ce moment, elle a perdu une boucle d’oreille, parce qu’elle avait secoué un peu trop la tête pour chasser une mèche de cheveux, et sa voix s’est accéléré, a glissé vers le sourire pour se moquer d’elle-même, mais très vite, elle a enchaîné sur l’image du collier et des maillons, qui représentent le fil conducteur et les personnages reliés entre eux.

Et puis surtout, elle a montré la médaille en pendentif qui, dans son histoire, renvoie à la figure centrale du poète, ce poète cambodgien parti si loin de la poésie.

Et toutes ces paroles étaient chaleureuses et sincères, émouvantes aussi, car on sentait bien qu’elle n’aime pas trop cet artifice qui consiste à s’adresser à des personnes absentes, seule devant une caméra indifférente. Qu’elle aurait préféré les avoir devant elle et sentir leur présence pour témoigner de ce qu’il y a de si vivant, de si impératif et de si incertain en même temps quand on commence un livre sans savoir vraiment ce qu’il exigera de vous.

Elle a précisé aussi que le monstre aimait Vigny et elle a cité La mort du loup…

Comment est-ce possible chez cet homme, ce goût – si contradictoire qu’il en devient impensable – pour la puissance morale des mots et des images ?

Vous pensez bien qu’elle n’a pas cessé de s’interroger à ce sujet et de chercher des réponses tout en écrivant ce roman intemporel…

On a l’impression que cette histoire s’élève comme un nuage de brume au-dessus de la jungle cambodgienne, avec tous ses bruits de jungle, au milieu desquels on entend les ordres des Khmers rouges hurlés dans les mégaphones, parce que le personnage principal, le petit poète, se trouve parmi eux justement.



Si je parle de cette vidéo c’est pour parler de la voix de Dominique Lebel. Ce n’est pas la première vidéo d’elle que je regarde et écoute. Et depuis la toute première fois que je l’ai écoutée, quand je lis ce qu’elle écrit, j’entends sa voix. Sans m’attarder sur ses caractéristiques – une tessiture de baryton qui roule dans d’arrière gorge, avec des inflexions fraîches, légères –, je dirai que c’est une voix de conteuse, envoutante, ni hésitante ni rapide, qui vous embarque dans son cours régulier et chantant.



J’entendais donc cette voix en lisant Et je chante aujourd’hui les vivants et le texte devenait incroyablement animé et ample, c’est à dire que l’histoire formait un tout présent à mon esprit, un tout de plus en plus complexe où rien de ce qui était évoqué ne quittait complètement la scène imaginaire, ses différentes parties complémentaires s’articulaient pour former un grand corps, avec ses personnages qui demeuraient là et se répondaient, résonnaient les uns avec les autres malgré leur éloignement dans le temps et l’espace, prenant à tour de rôle les lumières de la rampe puis se retirant dans la pénombre sans disparaître, formant une chaîne humaine.



Une expérience de lecture qui se rapproche de ce qu’on éprouve quand on assiste à la performance d’un conteur, où votre statut est celui d’un auditeur attentif doublé d’un metteur en scène très actif, composant son propre théâtre mental à partir des éléments délivrés oralement, et qu’on tient ensemble dans une sorte de simultanéité, grâce à l’organisation du discours en collier, alors même qu’il semble improvisé.



Ce fameux n’importe comment dont parle Dominique Lebel et qui confère à ses livres leur style si particulier, ce naturel si élaboré, si poétique. Je ne peux pas dire que je sache exactement ce que c’est, ni comment ça fonctionne, mais à force d’en apprécier les résultats, les effets, les prodiges, après avoir lu près d’une dizaine de ses romans, je commence à avoir quelques intuitions.



Il me semble que Dominique Lebel recourt à 3 grandes instances de l’imaginaire, qui lui permettent de développer et de décliner l’histoire selon des canaux de narration complémentaires et entremêlés.

Ce sont 3 grandes voix, que l’on doit pouvoir identifier dans chacun de ses ouvrages (et je crois que je pourrais citer quelques exemples), mais je me limiterai à leur repérage dans celui-ci :



la voix de l’arbre, grand témoin de l’Histoire : dimension fantastique intemporelle. Les thèmes : savoir ancestral - vision surplombante critique sur le récit et les personnages.



la voix du narrateur, témoin des coulisses de l’histoire : dimension de mise en abyme avec 2 personnages emboîtés, Annie et l’autre, qui renvoient d’ailleurs son reflet à l’auteur. Les thèmes : éthique romanesque - questionnement sur le travail d’auteur - aveux de “monstruosité”.



la polyphonie des personnages, les acteurs incarnant la fiction : dimension du roman en marche, sorte de work in progress lissé. Les thèmes : présentation des faits - organisation chronologique du récit - les personnages et leurs interactions - l’intention romanesque à travers la peinture des choses discrètes et essentielles.



Cette dernière voix est celle qui fédère l’écriture et tout son déploiement. Elle forme un véritable écosystème narratif dans lequel on baigne. Il fonctionne comme un dispositif de retransmission. À travers lui Dominique capte une multitude de phénomènes qu’elle restitue. J’ai l’image d’un voile tendu dans l’air sur lequel se condensent et ruissellent les mots et les images produits par les situations, les personnages, leurs émotions, leur choix et leur destin, et que l’auteur recueille comme une manne. Ce sont des atmosphères, des détails de ce qui arrive au même endroit à des époques différentes ou au même instant exactement en des lieux différents, des coïncidences, tout ce qui caractérise l’environnement sonore, visuel et olfactif propre au récit, la faune, le cri des oiseaux et des grenouilles, la lumière, les paysages types, le cube de mousseline blanche de la moustiquaire dans une chambre, l’air effaré d’un tout jeune bonze, la silhouette de l’homme maigre qui circule à vélo… C’est cette absorption et restitution du réel imaginé, enrichi par la créativité de l’auteur qui fait la matière du livre. On la reçoit intensément par des notations simples, souvent des indications posturales, des gestes, des regards, passant par le prisme des personnages eux-mêmes, et teintées par leurs émotions, leur sensibilité, leur état psychologique, leurs amours, leurs drames, leurs cultures, leurs folies.



« — Essayez donc d’être moins Juive, de temps en temps, a dit l’écrivain à celle qu’il vient d’épouser.

Elle a haussé les épaules, s’est détournée. Elle sait faire cela, éviter les pièges, les paroles qui tuent. »



« Quand Lucie parlait de son père, Bah baissait la tête et frottait ses pieds sur le sol. Un petit taureau, pensait Lucie. Un petit taureau dans l’arène. »



Voilà, ce type de notation, qui pointe un détail qui serait passé inaperçu sans les dons singuliers, quasi chamaniques, de Dominique Lebel. Il manquerait alors cette chair, ce sang, cette danse, cette chorégraphie du récit, plein d’une eurythmie comparable à celle des danseuses du pays dont elle évoque si parfaitement l’hiératisme en quelques mots :

« Les danseuses sont restées là, avec leur eurythmie antique, ce mouvement si juste qu’elles font et qui se moque des actes des hommes. »



De ces mouvements si justes, Dominique Lebel en exécute une multitude tout au long de ce roman, un véritable ballet, elle qui pourtant est si troublée par les actes des hommes, par ce qu’ils font et ce qu’ils sont, par ce qu’ils deviennent quand un idéal fou les métamorphose en cafards.

Troublée au point d’interroger sa propre pratique à travers celle de sa protagoniste, dès la première phrase du prologue :

« Manuel m’a quittée et j’ai tué quelqu’un. Comme s’il n’y avait pas assez de morts. »

Et beaucoup plus loin, elle en dit plus encore sur la nature de ce crime et de cette “responsabilité” :



« À bien réfléchir, j’avais pu sans le vouloir montrer une direction au destin, lui dire où aller s’il cherchait un moyen facile de se distraire, et c’était effrayant. Cette responsabilité que j’avais peut-être était affolante. »



Un roman intranquille donc, qui scrute les zones d’ombres des hommes, de l’Histoire, de la littérature et des écrivains, mais aussi un merveilleux poème en prose sur l’art d’écrire et le bonheur inquiétant que cela procure.

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Icônes

Carmen L nous livre ici un recueil de nouvelles bien étoffé. Elle ne croit pas en Dieu et pourtant elle va nous entraîner dans un visuel d'icônes atypiques.



Au travers de personnages et de morceaux de vie choisis il y a de l'art, de la culture, de la poésie, de multiples couleurs selon les pays où elle nous emmène.



Entre croyances et réalités les vérités sont toujours bonnes à dire :



"Car ils sont venus d'Espagne, du Portugal avec leurs armes. Vos pairs transformés en bêtes sauvages. Ils ont tué, brûlé, ils ont tout détruit, San Miguel, Santos Angeles et d'autres réductions encore. Père Cristobal, ils ont défait ce que vous aviez construit dans votre bonté, nos maisons qui se touchaient pour que nous restions unis et la chapelle où les miens vous voyaient vous agenouiller. Vous disiez alors qu'il fallait vous laisser tranquille et l'on raconte qu'ils se cachaient derrière la porte, les planches étaient mal jointes et ils essayaient de vous voir."



L'auteure nous touche avec ses mots, beaucoup d'émotions ressortent de ces textes détaillés et explicites. Après "Lessiv story" Carmen L nous enchante avec ce nouveau recueil. Le plaisir des mots, le plaisir de lire…


Lien : https://passionlectureannick..
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Icônes

J'ai lu le recueil "Monstres" du même auteur il y a quelques jours, et il est fort rare que je laisse passer aussi peu de temps entre les lectures de deux oeuvres d'un même auteur, car si je suis fidèle à ma femme, j'aime bien flirter quand il s'agit de littérature. C'est bien de cela qu'il s'agit ici : de littérature.



En théorie, il y a un peu trop de bondieuseries dans ces pages pour un farouche athée comme moi, et j'aurais dû rejeter ces icônes avec un haut-le-coeur, mais c'est tellement bien écrit et jouissif que toutes mes réserves se sont heurtées au mur du talent. Le talent, l'auteure en a à revendre, mais le lecteur doit en avoir également pour apprécier ces nouvelles, car Carmen L ne fait rien pour en faciliter la compréhension. On se plonge dans chacune d'elles en se disant chaque fois qu'elle est un peu froide, et puis une fois qu'on est dedans, on aimerait ne plus en sortir.



C'est souvent triste, parfois cruel, toujours sublime. C'est si beau que ça vous donne envie de faire comme Van Gogh et de sucer des tubes de peinture. A propos de peinture, la nouvelle Les lèvres rouges d'Anne Gwynne est un ravissement pour tous les sens. Je pourrais coller ici à peu près n'importe quel passage, comme celui-ci, tiré de Le bouquet, une nouvelle qui est à mon avis un pur chef d'oeuvre qui écaille méchamment le vernis de l'âme humaine :





" Les fleurs furent installées dans la chambre, le vase était trop grand et les roses s’écartèrent les unes des autres, les branches des graminées s’inclinèrent, le bouquet sembla vaciller. Quand la nuit vint, les deux femmes allèrent dîner ensemble sur la terrasse de l’hôtel. La soirée était brûlante, le soleil couchant dessinait des lignes parfaites. Esma picorait dans son assiette et jouait avec quelques miettes de pain, qu’elle faisait rouler sous ses doigts.



—Vos doigts vous trompent, il n’y a qu’une boule de pain et vous jureriez qu’elles sont deux… La vie vous trompe aussi, quand elle veut. Les mots eux-mêmes vous égarent. Les concepts. La dignité, tout cela. Quand ils pèsent sur vos épaules, vous ne vous en sortez plus.



Typhaine se dit à plusieurs reprises, au cours de leurs conversations, que cette femme pouvait se perdre dans de grandes banalités, mais qu’elle les rendait merveilleuses. Elle l’écoutait, acquiesçait. Riait aussi, avec elle.



—Un jour, mon mari a disparu, plouf, plus personne. Plus de rasoir dans la salle de bains, plus de brosse à dents électrique, rien. Juste son odeur sur l’oreiller et une chemise dans un placard, c’était peu de chose. Des reliques. J’ai enfoui ma tête dans l’oreiller, j’ai reniflé la chemise, ça ne l’a pas fait revenir. Gardez bien votre chéri et surveillez-le, les hommes ont vite fait de s’envoler par la fenêtre. Fermez les portes, tirez les volets, faites attention.



—J’étais à ce moment-là dans la nécessité de tuer, essayez de comprendre, même si c’est difficile. Mon mari lui, l’a fait. Ou alors condamnez-moi si vous le voulez, vous n’êtes pas à ma place. Qui est à ma place ?



— Les innocents ? Des femmes, des enfants, des représentants de commerce, un employé de mairie, un épicier dans sa chemise en nylon du Dimanche, deux soldats en permission… tant pis pour eux s’ils se trouvaient là. La loterie de la guerre, voyez-vous, une table sur une terrasse, une glace au citron dans une coupe parce qu’il fait chaud, que c’est un régal et hop, votre vie s’en va, vous n’y pouvez rien. Mais reprenez de ces pâtes, elles sont délicieuses et elles vont refroidir. Chez moi on en mange rarement, c’est dommage."





Pfiou ! Je ne sais pas si l'auteure est un peu trop modeste ou manque d'ambition, mais que fait-elle dans le circuit des autoédités ?... (oui, je sais...) Assurément, une de mes plus belles découvertes de ces dernières années.
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L'armée d'argile

Voici une lecture qui restera parmi mes voyages émus dans mon album personnel. Une lecture lente, pas à pas, un cheminement partagé sur les traces d'un homme précieux et entêté tout au long de la route de la soie, mais plutôt de la route de soi. Une visite guidée, au long des routes tortueuses, des déserts, des villages perdus, les villes mythiques. Une quête impossible, tendre, émouvante, parfois cocasse, des rencontres improbables, des déconvenues, une petite fille élue. Un voyage à la source, un cadeau que l'on tend, une main que l'on prend, la petite fille qui rit, la vie qui sourit. Le texte de Dominique Lebel est magique, ces mots des grains de riz sur le chemin du cœur. C'est un livre du bien être, du bien exister, du bien cheminer. Bonne route à elle et à ses lecteurs.
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L'armée d'argile

Allez, venez nous avons une vie, des vies à écouter, à lire et à vivre ;)



Mon Cher Lecteur, Ma Chère Lectrice, j’ai eu l’immense plaisir de plonger dans ce nouveau livre de Dominique Lebel… Cette femme que j’aime beaucoup et dont je suis les tribulations de Carmen avec beaucoup d’attention ;p

Merci Ma Belle Dominique pour tout ce que tu es et ce que tu fais, ainsi que pour ta confiance :
Lien : https://linstantdeslecteurs...
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L'armée d'argile

Aller en Chine pour voir l’armée d’argile, tel est l'objectif du personnage central, un photographe voyageur parti pour une « course incompréhensible vers la naissance du jour ».



Le sujet de la photographie, en apparence multiple et très divers, c’est toujours la capture du réel, tout au moins dans le cadre d’un carnet de voyage comme celui du livre : paysage, maison, visage, foule, troupeau, champ de tournesols, voiture, ombre, route, soleil couchant, reflet, sourire. Le tout saisit à travers le regard du photographe dont les intentions demeurent le plus souvent muettes.

Chaque sujet devient ainsi une image porteuse d'un sens plus ou moins déchiffrable. Prélèvement de réel couché sur papier. Fragment. Instant définitif. Frappé du sceau de l’immobilité et du silence. C’est le spectateur qui lui insufflera de nouveau la vie, en y injectant son imaginaire par l’alchimie de l’interprétation, ce deuxième souffle, ce deuxième moment révélateur.

Visiter une exposition photo c’est se livrer à cet exercice passionnant de résurrection à partir d’une matière figée, que notre pouvoir poétique modèle de l’intérieur, en y introduisant du temps, l’ingrédient principal de toute histoire.



Dominique Lebel relève brillamment (mais discrètement et savamment) un défi fou en construisant l’univers romanesque de l’armée d’argile, car elle y remplit toutes les missions d’un pôle à l’autre de l’imaginaire : inventer le réel fictif du voyage, avec ses étapes et ses prises de vue concrètes, puis décrire ces images devenues énigmatiques une fois accrochées aux cimaises, inventer enfin le regard et l’interprétation des visiteurs de cette expo.

Une sorte de fiction élevée au cube.



Avec ce livre au titre si évocateur, Dominique Lebel atteint des sommets de délicatesse et de subtilité. Multipliant les ruses narratives, elle fait diversion, esquive constamment le point chaud de l'histoire, en insistant sur le portrait de l'homme aux yeux jaunes, sur ses amours infidèles, sur cette absence d'ancrage au présent qui le caractérise, et qui intrigue jusqu’à la toute fin.





Tu ouvres le livre et le temps suspendu devient un espace capable d’abriter un monde d’images et de murmures en expansion constante, direction la Chine.

Un monde saturé de fictions, de rêves, de souvenirs, construit autour d’un triple portrait : celui du photographe voyageur, celui de son amie qui visite l’exposition organisée autour des photos du voyage, et celui de la fillette qu’elle accompagne.



Ecriture et photographie se donnent ici la main pour t’embarquer dans un voyage halluciné, un parcours tout simple pourtant, le long des cimaises d’une galerie de photos. Il existe de nombreux recoupements entre les processus de création des deux disciplines. Le texte apporte souvent la lumière qu’aurait souhaitée le photographe lui-même, s’il avait pu être là ! Une lumière forte, un peu trop forte, mais qu'il aurait sûrement revendiquée « … c’est exactement ce qu’il faut, cet ampérage. »



Tu visites donc cette expo, guidé par un drôle de tandem : une femme en pleine maturité, qui a l’âge j'imagine d’être une jeune grand-mère, pleine d’expérience, avec de beaux souvenirs et de profondes blessures, mais qui semble soumise à la fillette qu’elle accompagne. Comme si celle-ci avait un ascendant sur elle… Telle une jeune impératrice exerçant son pouvoir incontestable sur sa duègne !

Et ce drôle de tandem, auréolé de cette troublante relation, zigzague d’une photo à l’autre, brouillant l’itinéraire du voyage. Si bien que d’un voyage avec une orientation – c’est le cas de le dire – ça devient une errance, une sorte de jeu de déconstruction auquel joue la fillette dominante avec la femme qui lui murmure – pas toujours discrètement – des commentaires à l’oreille.

Tu découvres donc à leur rythme les images d'un itinéraire désarticulé, sous un double éclairage, celui complexe et riche que fournit la “duègne”, et celui du regard à la fois naïf et critique de “l’impératrice”.



Par exemple : il y a cette photo où un gamin fait le bad boy, un geste de tueur avec les doigts révolver, enregistré par un effet de synchronisme dû au hasard, car l’attention du photographe était ailleurs à cet instant. En revanche ce garçon intéresse diablement la fillette visiteuse… D’une certaine façon elle se retrouve dans son histoire.

Le photographe, lui, n’a même pas aperçu le gamin. A son insu il le saisit au moment où il mime le gangster. Alors se cristallise dans l’instantané deux pulsions bien distinctes : celle du photographe (fasciné par le couloir sombre entre les coques des navires), et celle de l’adolescent (qui tire en plein dans le mille, un coup vengeur jouissif). Les deux pulsions se répondent, et se reflètent, sublimées dans l’esthétique de l’image. Une intention meurtrière fantasmée, et la pénétration du regard dans l’ombre. Quelque chose de commun les unit, une violence, une certaine tragédie.



Tu poursuis ton chemin dans l'expo, tu rencontres des regards de femmes, des hommes, des steppes, des montagnes, des stations service, des chiens en meute, une mariée… Tu suis le parcours intuitif de la fillette qui va d’une image à l'autre, selon des orbites parfois influencées par la gravité de la conteuse, par ses précisions, ses explications, ses interprétations, ses fictions, ses révélations, ses digressions, ses divagations, ses souvenirs.



Et peu à peu tu comprends que la conteuse prolonge les désirs du photographe, ce type aux yeux jaunes qu’elle aime encore et pour toujours, même s’il a fui leur histoire.

Tu comprends qu'elle fait à sa place ce qu’il ne peut plus faire. Qu'elle l’accomplit en quelque sorte, achevant ce que l'accident a interrompu, sans pour autant se sacrifier – car ça reste aussi le rattrapage de sa propre histoire, elle que le photographe a frustrée de toute construction commune, de tout enfantement.



Voilà. Tu y es. Tu es devant ce portrait déterminant de la petite Ouïghour qu’il a photographiée peu avant l'accident, et la petite impératrice s’y reconnaît là aussi. Cette enfant qu’il aurait voulu ramener en France pour être en paix avec lui-même.



Et ce qui est très beau et très touchant à partir de cet instant, c’est que tu commences à comprendre la force d’inertie de la fillette, sa dureté, son combat. Lestée de toute sa propre histoire tragique, elle refuse de se livrer sans résistance au désir du couple que forment la conteuse et le photographe. Elle se doute qu’entre leurs mains elle est une sorte de colle pour rassembler les morceaux de leurs deux vies, les faire converger et tenir ensemble.

Le problème c’est que sa bonne volonté, son consentement, semblent aller de soi pour eux, et que si elle se laissait faire, cela se ferait malgré elle cette réparation.

Autrement dit, une fois de plus la vie la maltraiterait, comme là-bas. Là-bas c'était la haine et l’intolérance, l’hégémonie folle d’une culture contre une autre, qui faisait d'elle un objet, tandis qu'ici ce serait l’amour, un désir qui la prendrait dans son piège aux dents longues – de bons sentiments d'accord, mais une maltraitance quand même.

Alors elle se cabre, elle renâcle. Elle met la distance, avec son langage moqueur et cool qui heurte tant la femme si sensible à l'expression correcte !

Seulement, depuis le temps qu’elle met la femme à l’épreuve, elle voit, elle sent, elle sait que c’est aussi une déclaration d’amour véritable tout ça, qui au fond du fond ne la lèse pas. Bien au contraire. Elle sait qu'elle est au cœur des préoccupations de la femme pleine d'expérience, qui de toute sa bienveillance, de toute sa tendresse, de toute sa retenue, lui retrace le tableau de l’histoire au grand complet, à travers le portrait de cet homme, à travers son errance sur la route de soi. Et la conteuse, de son côté, sait qu'elle lui doit cette histoire à son impératrice, pour que ce qu’elle incarne, cette place qu'elle lui donne, elle puisse l'accepter et s'en saisir en tant que sujet.

Même si ce n’est pas vraiment elle, la petite Ouïghour.



Cette résistance et ce travail de révélation que fait la conteuse à la faveur de l'exposition, pour dénouer, libérer les tensions du corps et de l’âme entre elle et la fillette, sont dépeints avec une subtilité, une précision, une poésie et une grâce inimaginables. Voilà un texte d'une délicatesse bouleversante.
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L'armée d'argile

Amateurs de belle littérature contemporaine c'est par ici, les romans de cette auteure sont toujours un plaisir de lecture. De par l'écriture, belle et soignée et d'autre part l'histoire qui vous emmène voyager loin. Ici, ce sera au travers de personnages rencontrés au fil d'un périple en 5 CV, au détour d'une exposition de photographies. La narratrice dépeint à sa fille chaque photo devant lesquelles elles s'avancent. Moultes détails et souvenirs, des couleurs, des senteurs, des émotions, des dialogues et un beau secret vont lui être révélés. De l'amour il y aura aussi, d'ailleurs je pense que sans ça le livre n'aurait pu être écrit.

Au début :

- "L'enfant est entrée la première, la femme a semblé hésiter un instant. Elles avaient fait le trajet en métro, on a mis m ille ans à arriver disait l'enfant en sortant de la rame.

Dix stations depuis Lourmel avec un changement, ensuite elles avaient marché un peu, traversé la rue. S'il voyait ses photos exposées là, disait la femme en désignant la galerie, s'il pouvait être là."

A chaque sortie d'un livre de l'auteure je sais par avance que j'aurais un réel plaisir à lire. C'est l'une des rares auteures de ce genre que j'apprécie. La route de la soie est devant vous alors allez-y les yeux fermés mais l'esprit accueillant. Vous ne trouverez pas ce roman sur Amazon je pose le lien ci-dessous (en numérique ou version papier) :

http://www.editions-du-caillou.fr/edc_manager2/public/front/Base/unLivre/17

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L'armée d'argile

« L'armée d'argile », le dernier roman de Dominique Lebel est le récit d'un très grand voyage : l'exil volontaire d'un photographe qui décide de parcourir le monde à bord d'une voiture cabossée et d'en capturer des instants. Une femme qui a aimé cet homme visite l'exposition de ses oeuvres en compagnie de sa fille adolescente et raconte leur histoire.

Nous traversons ainsi de lointaines contrées plus ou moins hospitalières qui nous livrent leur histoire d'une façon inhabituelle. Car Dominique possède cet œil qui sait nous montrer le détail de l'image, le pétale de la fleur, l'aile de l'oiseau, le personnage retenu prisonnier malgré lui et ce détail est toujours le point de départ d'une longue aventure.

L'armée d'argile traverse les frontières mais aussi les âmes et nous les livre à la faveur des rencontres, au détour d'une phrase, d'un chemin.

Car le voyageur, souvent seul avec lui-même, face à ses peurs, son désarroi et son désespoir amoureux, ouvre la voie aux autres, cette armée de soldats qui restent figés dans leur existence, capturés dans une photo ou un sentiment d'attachement, dont lui-même a bien du mal à se défaire.

« L'armée d'argile » c'est comme une quête du sens profond de l'existence et de son but ultime, peut-être et pourquoi pas, cette lointaine contrée de Chine, et pour y arriver cette route aux mille visages qui protègent le voyageur dont l'âme prisonnier de l'amour, a déjà un peu quitté cette terre mais qui continue à régner grâce à son appareil.

Et puis, loin de lui, se préserve l'amour maternel, inconditionnel, et l'adolescence explosive de sincérité maladroite, à la fois sensible et provocatrice, souple et dure comme le roseau.

L'aventure faite de destins et de buts entrecroisés, s'affranchit des contraintes d'espace et de temps, grâce à ce style unique et reconnaissable entre tous que Dominique Lebel a adopté dans ses romans, de « Bitume » à « L'armée d'argile », cette façon d'interpeller le lecteur au détour d'une phrase tout en gardant ses distances qui permet une continuité dans le récit même lorsqu'on change de lieu, de thème ou d'époque.

« L'armée d'argile » est un grand voyage empreint d'une sorte de nostalgie, de mal du pays qui ne nous quitte jamais même lorsqu'on est chez soi, un sentiment de déracinement tantôt triste tantôt joyeux, que l'on ne combat jamais et que l'on cultive et nourrit au contraire comme une pierre précieuse.

C'est un roman très riche qui emmènera le lecteur sur les traces des grands voyageurs et des questionnements de l'âme humaine.
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La plus malheureuse des femmes

Ouvrage inclassable. Livre ? Murmure à l'oreille des filles qui ? Doutent, aiment, vivent et s'échinent à le faire envers et contre tout, tous. Modestes et désespérées. Ah, quel destin que de perdre sa taille si fine et que le corset même ne parvient pas à restaurer ! Même Marguerite Duras s'en est émue : elle est là, dans ce livre et même si ne ne l'aime guère (son afféterie, ses manières...) , je dois dire qu'elle sent et voit juste ici - par la plume de D. Lebel. Ah, la Karénine qui parle enfin, "il m'a voulue fanée, toujours occupée à se plaindre. Ennuyeuse, c'est ce qu'il a dit" Et puis son physique (car une femme ne vaut que par lui: "elle s'était élargie de partout", sic. Mais "élargir" a aussi le sens de libérer d'une prison...
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La plus malheureuse des femmes





D’entrée de jeu, on est prévenu, c’est Duras qui le dit, jeter un livre avant qu’il ne soit tout à fait écrit …est aussi insupportable qu’un crime.

Un écrivaine venue à Trouville s’enfermer dans un hôtel avec vue sur la plage pour écrire une histoire avec Emma Bovary, se retrouve à faire parler les morts pour les besoins de son roman. Des morts bien particuliers puisqu’il s’agit d’héroïnes de romans célèbres mortes tragiquement par amour.

les femmes qui ont une ombre finissent mal affirme Tolstoï, comme Emma B. morte dans d’horribles souffrances après avoir avalé de l’arsenic à pleines poignées et Anna K. qui s’est jetée sous un train de marchandises, deux femmes infidèles qui ont aimé à la folie ou cru aimer, et se disputent le titre de femme la plus malheureuse du monde. Ou encore Thérèse R. devenue criminelle par passion, qui se suicidera à la mort aux rats.

Flaubert les appelle les âmes ombrées.

Gabrielle R. qui a choisi de se suicider au gaz après avoir été emprisonnée puis mise au ban de la société pour avoir aimé un de ses élèves, vient parasiter le travail d’écriture en cours, en tentant de quitter la catégorie des faits divers pour entrer en littérature. Elle sera refoulée dans la corbeille à papier.

Aux Champs Élysées de Dominique Lebel, les âmes ombrées se matérialisent en empruntant différents aspects des grandes scènes de leur roman, changeant de robe, se montrant parfois nue, parfois avec leur masque d’agonie. Et dévident leur histoire dans une déambulation sans fin. Se plaignant souvent de ne pas avoir été aimées de leur créateur, Emma B. convaincue que Flaubert la détestait, qu’il l’a tuée pour boucler le roman - quand on y réfléchit, dit-elle, c’est tout de même lui qui m’a tuée. Anna K. doutant des bons sentiments de Tolstoï à son égard - c’est à cause de Tolstoï dit-elle - mais par-dessus tout, incapable de lui pardonner de l’embonpoint dont il l’a affublée à la fin de l’histoire, il écrit qu’elle s’était élargie de partout, et il enfonce le clou celle-ci sortit da la gare d’un pas rapide, étonnamment léger pour sa corpulence. Sa corpulence, ça la tue qu’il ait écrit ça !

Tous les récits se terminent par la mort, mais derrière les récits il y l’Amour.

L’amour, fabrique de tragédies, l’amour qui sait de quoi il est capable, les mauvais tours qu’il peut vous jouer, les précipices dans lesquels il vous fait glisser. L’amour ne se définit-il pas comme une inclinaison, une pente ?

Dominique Lebel navigue avec virtuosité entre le roman qui est en train de s’écrire, les interrogations de l’auteure, l’irruption des héroïnes tragiques qui donnent leur point de vue sur leur histoire, la voix de leurs auteurs qui se fait entendre par moment, comme celle de Virginia Woolf qui a la particularité d’être à la fois une auteure et une héroïne tragique pour s’être donné la mort par noyade, des cailloux plein les poches. C’est Virginia Woolf qui a le dernier mot : Que peut-il donc y avoir de plus sérieux et de plus impressionnant que l’amour ? Que peut-il y avoir de plus enivrant, de plus sublime et de plus dangereux ?

Ce roman érudit, réussit le prodige de vous convier à une cousinade avec les grandes amoureuses malheureuses de la littérature et leurs auteurs qui viennent passer la tête de temps en temps.

Cousinez avec Emma B et Anna K. !



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