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EAN : 9782322254163
150 pages
Books on Demand (04/11/2020)
4.25/5   2 notes
Résumé :
Carmen L ne croit pas en Dieu -sans doute ne lui a-t-on pas assez parlé de lui. Elle a cependant un sens aigu du sacré qui, comme tout le monde le sait, peut aller se nicher n'importe où -sur une photographie qui a fait le tour du monde, sur la porte d'un frigidaire, à l'intérieur d'une église russe, dans le parfum d'un bouquet de fleurs ou le bruit d'un tambour.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
J'ai lu le recueil "Monstres" du même auteur il y a quelques jours, et il est fort rare que je laisse passer aussi peu de temps entre les lectures de deux oeuvres d'un même auteur, car si je suis fidèle à ma femme, j'aime bien flirter quand il s'agit de littérature. C'est bien de cela qu'il s'agit ici : de littérature.

En théorie, il y a un peu trop de bondieuseries dans ces pages pour un farouche athée comme moi, et j'aurais dû rejeter ces icônes avec un haut-le-coeur, mais c'est tellement bien écrit et jouissif que toutes mes réserves se sont heurtées au mur du talent. le talent, l'auteure en a à revendre, mais le lecteur doit en avoir également pour apprécier ces nouvelles, car Carmen l'ne fait rien pour en faciliter la compréhension. On se plonge dans chacune d'elles en se disant chaque fois qu'elle est un peu froide, et puis une fois qu'on est dedans, on aimerait ne plus en sortir.

C'est souvent triste, parfois cruel, toujours sublime. C'est si beau que ça vous donne envie de faire comme Van Gogh et de sucer des tubes de peinture. A propos de peinture, la nouvelle Les lèvres rouges d'Anne Gwynne est un ravissement pour tous les sens. Je pourrais coller ici à peu près n'importe quel passage, comme celui-ci, tiré de le bouquet, une nouvelle qui est à mon avis un pur chef d'oeuvre qui écaille méchamment le vernis de l'âme humaine :


" Les fleurs furent installées dans la chambre, le vase était trop grand et les roses s'écartèrent les unes des autres, les branches des graminées s'inclinèrent, le bouquet sembla vaciller. Quand la nuit vint, les deux femmes allèrent dîner ensemble sur la terrasse de l'hôtel. La soirée était brûlante, le soleil couchant dessinait des lignes parfaites. Esma picorait dans son assiette et jouait avec quelques miettes de pain, qu'elle faisait rouler sous ses doigts.

—Vos doigts vous trompent, il n'y a qu'une boule de pain et vous jureriez qu'elles sont deux… La vie vous trompe aussi, quand elle veut. Les mots eux-mêmes vous égarent. Les concepts. La dignité, tout cela. Quand ils pèsent sur vos épaules, vous ne vous en sortez plus.

Typhaine se dit à plusieurs reprises, au cours de leurs conversations, que cette femme pouvait se perdre dans de grandes banalités, mais qu'elle les rendait merveilleuses. Elle l'écoutait, acquiesçait. Riait aussi, avec elle.

—Un jour, mon mari a disparu, plouf, plus personne. Plus de rasoir dans la salle de bains, plus de brosse à dents électrique, rien. Juste son odeur sur l'oreiller et une chemise dans un placard, c'était peu de chose. Des reliques. J'ai enfoui ma tête dans l'oreiller, j'ai reniflé la chemise, ça ne l'a pas fait revenir. Gardez bien votre chéri et surveillez-le, les hommes ont vite fait de s'envoler par la fenêtre. Fermez les portes, tirez les volets, faites attention.

—J'étais à ce moment-là dans la nécessité de tuer, essayez de comprendre, même si c'est difficile. Mon mari lui, l'a fait. Ou alors condamnez-moi si vous le voulez, vous n'êtes pas à ma place. Qui est à ma place ?

— Les innocents ? Des femmes, des enfants, des représentants de commerce, un employé de mairie, un épicier dans sa chemise en nylon du Dimanche, deux soldats en permission… tant pis pour eux s'ils se trouvaient là. La loterie de la guerre, voyez-vous, une table sur une terrasse, une glace au citron dans une coupe parce qu'il fait chaud, que c'est un régal et hop, votre vie s'en va, vous n'y pouvez rien. Mais reprenez de ces pâtes, elles sont délicieuses et elles vont refroidir. Chez moi on en mange rarement, c'est dommage."


Pfiou ! Je ne sais pas si l'auteure est un peu trop modeste ou manque d'ambition, mais que fait-elle dans le circuit des autoédités ?... (oui, je sais...) Assurément, une de mes plus belles découvertes de ces dernières années.
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Carmen l'nous livre ici un recueil de nouvelles bien étoffé. Elle ne croit pas en Dieu et pourtant elle va nous entraîner dans un visuel d'icônes atypiques.

Au travers de personnages et de morceaux de vie choisis il y a de l'art, de la culture, de la poésie, de multiples couleurs selon les pays où elle nous emmène.

Entre croyances et réalités les vérités sont toujours bonnes à dire :

"Car ils sont venus d'Espagne, du Portugal avec leurs armes. Vos pairs transformés en bêtes sauvages. Ils ont tué, brûlé, ils ont tout détruit, San Miguel, Santos Angeles et d'autres réductions encore. Père Cristobal, ils ont défait ce que vous aviez construit dans votre bonté, nos maisons qui se touchaient pour que nous restions unis et la chapelle où les miens vous voyaient vous agenouiller. Vous disiez alors qu'il fallait vous laisser tranquille et l'on raconte qu'ils se cachaient derrière la porte, les planches étaient mal jointes et ils essayaient de vous voir."

L'auteure nous touche avec ses mots, beaucoup d'émotions ressortent de ces textes détaillés et explicites. Après "Lessiv story" Carmen l'nous enchante avec ce nouveau recueil. le plaisir des mots, le plaisir de lire…

Lien : https://passionlectureannick..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Les fleurs furent installées dans la chambre, le vase était trop grand et les roses s’écartèrent les unes des autres, les branches des graminées s’inclinèrent, le bouquet sembla vaciller. Quand la nuit vint, les deux femmes allèrent dîner ensemble sur la terrasse de l’hôtel. La soirée était brûlante, le soleil couchant dessinait des lignes parfaites. Esma picorait dans son assiette et jouait avec quelques miettes de pain, qu’elle faisait rouler sous ses doigts.

—Vos doigts vous trompent, il n’y a qu’une boule de pain et vous jureriez qu’elles sont deux… La vie vous trompe aussi, quand elle veut. Les mots eux-mêmes vous égarent. Les concepts. La dignité, tout cela. Quand ils pèsent sur vos épaules, vous ne vous en sortez plus.

Typhaine se dit à plusieurs reprises, au cours de leurs conversations, que cette femme pouvait se perdre dans de grandes banalités, mais qu’elle les rendait merveilleuses. Elle l’écoutait, acquiesçait. Riait aussi, avec elle.

—Un jour, mon mari a disparu, plouf, plus personne. Plus de rasoir dans la salle de bains, plus de brosse à dents électrique, rien. Juste son odeur sur l’oreiller et une chemise dans un placard, c’était peu de chose. Des reliques. J’ai enfoui ma tête dans l’oreiller, j’ai reniflé la chemise, ça ne l’a pas fait revenir. Gardez bien votre chéri et surveillez-le, les hommes ont vite fait de s’envoler par la fenêtre. Fermez les portes, tirez les volets, faites attention.

—J’étais à ce moment-là dans la nécessité de tuer, essayez de comprendre, même si c’est difficile. Mon mari lui, l’a fait. Ou alors condamnez-moi si vous le voulez, vous n’êtes pas à ma place. Qui est à ma place ?

— Les innocents ? Des femmes, des enfants, des représentants de commerce, un employé de mairie, un épicier dans sa chemise en nylon du Dimanche, deux soldats en permission… tant pis pour eux s’ils se trouvaient là. La loterie de la guerre, voyez-vous, une table sur une terrasse, une glace au citron dans une coupe parce qu’il fait chaud, que c’est un régal et hop, votre vie s’en va, vous n’y pouvez rien. Mais reprenez de ces pâtes, elles sont délicieuses et elles vont refroidir. Chez moi on en mange rarement, c’est dommage.
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Elle expliquait que sa révolte était juste, que toutes les ré-voltes étaient justes et violentes et nécessaires, qu’il ne fallait pas avoir inventé la poudre pour comprendre cela, la nécessité de tuer pour s’en sortir. La vieille histoire des causes justes, c’est ce qu’elle expliquerait plus tard à ceux qu’elle allait côtoyer dans les dîners parisiens où on l’invitait avec son mari. Et lui, se contenterait de sourire et de vider son verre.
On l’avait arrêtée avec les autres, et torturée et menacée. Au jeune juge, dans une salle glacée et sombre qui sentait le salpêtre, elle parla d’une mascarade -le mot résonna dans le prétoire improvisé et alla se heurter aux murs, sur lesquels il laissa quelques vilaines taches. Elle faillit être condamnée.
—Dans un roman que j’ai lu, lui dit un jour celui qui était devenu son mari, un homme tient sa bombe dans sa main comme on promène une bouteille de lait. Et toi ?
—Moi, elle me brûlait les doigts. Et ne me pose plus jamais ce genre de question, s’il te plaît. Ne me parle plus jamais de ce que j’ai fait. Rends-moi heureuse et fais-moi des enfants. De beaux bébés à qui nous donnerons des prénoms ensoleillés.
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Sur l’une des photos, quelqu’un l’avait pris couché sur un canapé en toile foncée. Il portait un pantalon blanc, une chemise bleue, il avait enlevé ses chaussures. Entre cette image et ce que je vois aujourd’hui, il n’y a plus que les cheveux, noirs et frisés, pour faire le lien. C’est la seule chose que je
peux reconnaître et c’est tant mieux, car personnellement c’est l’homme d’aujourd’hui que j’aime. L’autre n’aurait pas voulu de moi, il ne m’aurait même pas regardée et si je m’étais trouvée sur son chemin, il m’aurait repoussée comme on chasse un chat sur un trottoir. L’autre sur son canapé devait manger des légumes grillés et boire du thé à la menthe, peut-être buvait-il aussi du vin en cachette, quand la nuit venait effacer les formes, les objets. Moi je préfère celui qui se met de la graisse de viande sur la bouche, parce qu’il avale trop vite. Et qui fait du bruit quand il respire, un bruit de soufflerie qui est devenu mon son à moi. La petite musique de ma vie auprès de lui.
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Il déplaça le chevalet, l’approcha autant qu’il le put de la porte du frigidaire. Il savait qu’il ne pourrait plus ouvrir celle-ci jusqu’à ce qu’il ait fini son travail, cela lui parut sans importance.
Il prépara sa toile du mieux qu’il put -blanc de Meudon et liant acrylique, colle de peau de lapin, huile de lin cuite, couteau et papier de verre à grain fin. Il s’appliqua. Puis il attendit.
Il attendit deux jours, durant lesquels il se garda d’entrer dans sa cuisine, de peur de déranger le
parfait ordonnancement des choses -chevalet à cinquante centimètres du frigidaire, légèrement déplacé vers la gauche, fenêtre fermée, magnet nettoyé à l’eau et au vinaigre afin qu’il pût en saisir chaque détail. Il se fit livrer ses repas par un traiteur italien itinérant, se gava de raviolis et de fettucini, ses plats préférés.
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Il n’avait pas compris. Elle avait claqué les portes, s’était enfermée dans la salle de bains, avait dis-paru des journées entières et il était resté là, à l’attendre. Ensuite, après son départ définitif, il n’avait plus peint durant une année entière et ses tubes de gouache mal refermés étaient devenus durs comme la pierre et ses toiles étaient restées à
la cave, où elles s’abimaient lentement. Certains jours il n’ouvrait pas ses volets et restait assis sur l’un de ses fauteuils, toujours le même. Les mains posées à plat sur les cuisses, le dos droit, il semblait attendre en silence le retour impossible de Marta.
A la fin, il s’était résolu à partir, lui aussi. Il avait choisi le village au hasard, peut-être parce qu’il lui avait paru silencieux et vide, la première fois. Puis un jour, il avait reçu l’appel du prêtre.
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