Dominique Moïsi

Les femmes iraniennes et afghanes, héroïques dans leur résistance à un ordre médiéval, n'ont pu compter, jusqu'à présent, que sur elles-mêmes. Puisse leur courage ne pas être vain, Puisse leur leçon d'espoir être entendue. p224

Dans un monde toujours plus complexe, face à des choix toujours plus difficiles, les systèmes démocratiques ont une boussole, une arme pas si secrète, que ne possède pas les systèmes autoritaires et totalitaires. Cette boussole, ce sont leurs valeurs qu'ils doivent défendre sans arrogance et sans compromission. p223

Mais l'essentiel est ailleurs. Obsédées par leurs propres faiblesses, les démocraties tendent à surestimer leurs limites et à sous estimer les difficultés congénitales des régimes despotiques.
[...]
Les régimes despotiques sont plus faibles qu'ils ne le pensent. Les démocraties seraient-elles plus fortes qu'elles ne le croient ? Oui... pour peu qu'elles le veuillent. p222-223

Pour mon interlocuteur, d'une grande finesse [Isaiah Berlin], la politique était jeu aux États-Unis, stratégie en Chine, lutte en Russie. p156

En poursuivant son expansion, alors qu'elle règne déjà sur plus de territoires qu'elle ne peut en contrôler, la Russie esquive des questions auxquelles les réponses lui font défaut : Qui suis-je ? une puissance européenne ou asiatique ? où réside mon avenir ? en Occident ou en Orient ? p151

Je me souviens d'une conversation que j'ai eue avec le président Nicolas Sarkozy. Il voulait savoir pourquoi j'étais favorable à la candidature de la Turquie dans l'Union européenne. Je lui répondis que, de mon point de vue, l'important était le chemin plus que le résultat : tant que la Turquie serait candidate à notre club, elle serait une meilleure Turquie. Dès lors que nous dirions "non", la tentation orientale deviendrait irrésistible.

Il est essentiel de comprendre que nous vivons une période de transition entre deux mondes. L'ordre ancien ne fonctionne plus mais il n'est pas mort, et le nouvel ordre est encore dans les limbes. Tout est possible, tous les scénarios sont ouverts. L'émergence du sud global est une étape clé de cette entrée dans une nouvelle ère. p78

L'empire du mensonge compte sur la peur pour nous déstabiliser. Voici à peu près son raisonnement : si la motivation de l'armée russe est inférieure à celle des Ukrainiens, elle est néanmoins supérieure à celle des Occidentaux. Poutine croit fermement que, par simple lassitude ou par crainte d'une escalade qui déboucherait sur une troisième guerre mondiale, l'Occident infatué, égoïste, finira par plier et par accepter le compromis au dépens de l'Ukraine.

p. 80 : Dans le cas particulier d’Israël, c’est à la face obscure de la crise d’identité occidentale que nous sommes confrontés, à moins qu’il ne faille parler, considérant le fanatisme religieux qui s’empare d’une partie de plus en plus grande de la population, d’un commencement de « moyen-orientalisation » de l’Etat hébreu ?

Des séries comme Game of Thrones et House of Cards fondent leur récit sur l'école dite réaliste des relations internationales dont les précurseurs furent Nicolas Machiavel, auteur du Prince publié en 1532, et Thomas Hobbes, qui écrivit le Léviathan en 1651. Pour ces deux auteurs, les hommes sont fondamentalement motivés par leurs intérêts personnels, et avant tout par leurs appétits de pouvoir. Selon Machiavel et Hobbes, le souverain qui règne sur son État peut seul garantir la paix, car il est le seul à pouvoir l'imposer. Dans un monde qui se trouve naturellement dans un état d'anarchie, le Prince se doit d'accumuler le plus de pouvoir possible pour défendre rt poursuivre l'intérêt national. La richesse est le moyen indispensable pour garantir la puissance militaire.

Les images d'un film ou d'une série peuvent préparer, bien plus qu'un livre ou un article, les esprits à la compréhension du monde. Elles rendent concret, en donnant à vois. Bien sûr - je ne suis pas naïf - ces images peuvent aussi, à l'inverse, contribuer à la désinformation pure et simple, au déni de réalité, lorsqu'elles s'inscrivent dans une action délibérée de propagande, comme c'est le cas dans les régimes autoritaires.

Les séries contemporaines s'inscrivent dans un exercice grandissant et délibéré de désacralisation du pouvoir, d'autan plus redoutable qu'il se produit à l'heure où ces séries connaissent une véritable révolution qualitative.

“Il y a du James Bond dans Homeland, question de moyens. Il y a du Tchekhov dans Hatufim, question de culture.”

Les Russes n'ont jamais fondé le sentiment de leur fierté nationale ou de leur valeur sur leur capacité à entretenir une démocratie à l'occidentale. (p.200)

Aussi longtemps que les dettes demeureront l'apanage de l'Occident et la croissance celui de l'Asie, le scénario de la décomposition apparaîtra inexorable. (p.171)

En 2006, on ne veut plus changer le monde mais s'en protéger. (p.3160)

L'humiliation infligée par les Japonais au reste de l'Asie a (...) constitué pour toute la région une drogue énergisante. (p.98)

Tant qu'un sentiment de progrès transcendera le désespoir, la colère et la faim de la majorité pauvre, la culture de l'espoir continuera de dominer en Chininde. Et ailleurs. (p.65)

Mais quelle qu'en puisse être la conclusion, la guerre change la donne mondiale d'un point de vue géopolitique, économique, politique et culturel. La guerre révèle et creuse, par ailleurs, le divorce émotionnel du monde.

Les Ukrainiens nous donnent une leçon de courage, de résistance, d'optimisme même. p229